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19/09/2002 | FRANCE | N°2001-2930

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 septembre 2002, 2001-2930


Le magazine ENTREVUE édité par la Société de CONCEPTION DE PRESSE a publié dans son numéro mensuel de juillet 2000 un article consacré à Monsieur X... annoncé en page de couverture sous le titre "MONSIEUR X... Arriviste et rancunier", et en pages intérieures sous une photographie de l'intéressé par le titre "MONSIEUR X... arriviste, accro au fric et rancunier, LA SANGSUE DU SERVICE PUBLIC". Statuant sur l'assignation délivrée le 21 septembre 2000 par Monsieur X... et la société RÉSERVOIR PROD à l'encontre de monsieur Gérard Y..., directeur de la publication, Laurent BORDE pr

is en sa qualité de journaliste et la Société de CONCEPTION DE PRE...

Le magazine ENTREVUE édité par la Société de CONCEPTION DE PRESSE a publié dans son numéro mensuel de juillet 2000 un article consacré à Monsieur X... annoncé en page de couverture sous le titre "MONSIEUR X... Arriviste et rancunier", et en pages intérieures sous une photographie de l'intéressé par le titre "MONSIEUR X... arriviste, accro au fric et rancunier, LA SANGSUE DU SERVICE PUBLIC". Statuant sur l'assignation délivrée le 21 septembre 2000 par Monsieur X... et la société RÉSERVOIR PROD à l'encontre de monsieur Gérard Y..., directeur de la publication, Laurent BORDE pris en sa qualité de journaliste et la Société de CONCEPTION DE PRESSE, aux fins de : -vu les articles 29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er et 42 et suivants de la loi du 1er juillet 1881, condamnation in solidum des défendeurs à Monsieur X... d'une part et à la société RÉSERVOIR PROD d'autre part la somme de 76224,51 chacun de dommages et intérêts du fait des allégations et imputations diffamatoires publiées à leur encontre, -vu les articles 29 alinéa 2,33 alinéa 2 et 42 et suivants de la loi du 1er juillet 1881, condamner in solidum les défendeurs à payer à Monsieur X... la somme de 76224,51 en réparation des préjudices causés par les injures proférées à son encontre, -vu l'article 1382 du code civil, condamner la Société de CONCEPTION DE PRESSE à payer à Monsieur X... la somme de 76224,51 en réparation du préjudice causé par l'article qui lui est consacré, -vu l'article 9 du code civil, condamner la Société de CONCEPTION DE PRESSE à payer à Monsieur X... la somme de 15244,9 de dommages et intérêts pour atteinte à sa vie privée et celle de 7622,45 pour atteinte au droit à l'image, -de condamner la Société de CONCEPTION DE PRESSE à des mesures de publications judiciaires, -de condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 3811,23 à Monsieur X... et à la société RÉSERVOIR PROD au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens. Par le jugement déféré prononcé

contradictoirement le 4 avril 2001, le tribunal de grande instance de Nanterre a : -rejeté l'exception de nullité de l'assignation, -condamné la Société de CONCEPTION DE PRESSE et Gérard Y... pris en sa qualité de directeur de publication à payer à Monsieur X... la somme de 16 769,39 et à la société RÉSERVOIR PROD celle de 1524,49 tous chefs de préjudices confondus (diffamation, injure, atteintes à la vie privée et droit à l'image pour le premier et diffamation pour la seconde), -ordonné la publication d'un communiqué judiciaire, -condamné la Société de CONCEPTION DE PRESSE et Gérard Y... es qualité de directeur de publication à payer aux demandeurs ensemble la somme de 3048,98 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens. Appelants, la Société de CONCEPTION DE PRESSE, Gérard Y... en sa qualité de directeur de la publication et Laurent BORDE demandent à la Cour aux termes de leurs dernières écritures en date du 26 février 2002 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé : In Limine Litis, Z... l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, Z... les articles 29 alinéa 1er, 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, les articles 9 et 1382 du code civil, - dire que les demandeurs n'ont pas qualifié les faits poursuivis, - infirmer le jugement déféré, - prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance, - ordonner aux intimés la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré, augmentées des intérêts de droit, Subsidiairement, sur le fond Z... l'article 10 CESDH, Z... l'article 29 alinéa 1er et 2 de la loi du 29 juillet 1881, - dire que les concluants n'ont commis aucun fait diffamatoire ni injurieux, subsidiairement, - dire que les concluants établissent valablement leur bonne foi, Très subsidiairement, - dire que les intimés ne justifient d'aucun préjudice, - infirmer le jugement déféré, - ordonner aux intimés la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré, augmentées des intérêts de droit, Z...

l'article 9 du code civil, - dire que les concluants n'ont commis aucune atteinte au droit à l'image, - infirmer le jugement déféré, - ordonner à Monsieur MONSIEUR X... la restitution de la somme versée en exécution du jugement déféré, augmentée des intérêts de droit, En tout état de cause, Z... l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamner les intimés à verser aux appelants la somme de 6097,96 , Z... l'article 696 du nouveau code de procédure civile, - condamner les intimés aux entiers dépens. Intimés Monsieur X... et la société RÉSERVOIR PROD demandent à la cour, aux termes de leurs dernières écritures en date du 7 mai 2002 auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé : - dire Monsieur MONSIEUR X... et la Société RESERVOIR PROD recevables et bien fondés dans l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et prétentions, - rejeter l'ensemble des moyens, fins et prétentions présentés par la Société de CONCEPTION DE PRESSE et Monsieur Y..., Z... les articles 782 et suivants du nouveau code de procédure civile, - en tant que de besoin, révoquer l'ordonnance de clôture, Z... l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, - dire que les présentes conclusions, ainsi que les conclusions précédemment signifiées, ont interrompu la prescription définie par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, au bénéfice de Monsieur MONSIEUR X... et de la Société RESERVOIR PROD. Sur la validité de l'assignation - confirmer le jugement du tribunal de grande instance entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation. Sur le caractère fautif de l'article Z... l'article 1382 du code civil, - infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'article consacré à Monsieur MONSIEUR X..., publié dans le numéro 96 daté de juillet 2000 du mensuel ENTREVUE, ne constituait pas une faute de la Société de CONCEPTION DE PRESSE au préjudice de Monsieur MONSIEUR X..., - dire et juger que l'article consacré à Monsieur MONSIEUR X... publié dans le numéro 96 daté de juillet 2000 constitue

une faute de la Société de CONCEPTION DE PRESSE au préjudice de Monsieur MONSIEUR X..., En conséquence, - condamner la Société de CONCEPTION DE PRESSE à verser à Monsieur MONSIEUR X... la somme de 72.224,51 en réparation du préjudice ainsi cause. Sur la diffamation Z... les articles 29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er, 35 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, - confirmer le jugement en ce qu'il a : * juge que l'expression "MONSIEUR X..., la sangsue du service public", associée aux passages suivants de l'article : "(...) Il se retrouve sur France Télévision où il est suspecté d'encaisser un peu trop d'argent (...)", "JMD gagne la bataille et en profite pour se refaire une virginité cathodique durant une courte période (...)", "il réussit à se placer sur toutes les chaînes hertziennes, avec une préférence logique pour le service public, rentabilité oblige" et "De France 2 à la Cinquième, en passant par France 3 et M6, Monsieur X... est devenu expert pour caser des projets simples et dénués de toute originalité, tout en prenant plus de 60 MF", constitue une diffamation à l'encontre de Monsieur MONSIEUR X... ; * jugé que le passage suivant :

"Monsieur X... a des rapports étroits avec l'argent. Il le prouve par l'intermédiaire de ses différents contrats de production. Malgré le scandale des animateurs producteurs en 96, RESERVOIR PROD continue à surfacturer ses émissions" constitue une diffamation à l'encontre de Monsieur MONSIEUR X... et de la Société RESERVOIR PROD, - infirmer le jugement en ce qu'il a : * jugé que les passages suivants : "Laurent BORDE : En 1996, le rapport GRIOTTERAY a dénoncé les abus des animateurs-producteurs du service public. Quelle était votre position ä "Jacques A... : GRIOTTERAY s'est réveillé un peu tard. En ce qui nous concerne, on était déjà au courant. On dénonçait ces abus depuis au moins un an. Avec l'argent du service public, c'est-à-dire celui des téléspectateurs et contribuables à travers la redevance, on a permis à certains de s'enrichir. Ca

ressemble à de l'abus de bien social. France 2 leur a avancé les fonds pour monter leur boîte et faire des bénéfices énormes sur le dos du service public. (...) (L.BORDE) Quelle réflexion vous amène la prestation de MONSIEUR X... sur toutes les chaînes du PAF ä (J.RICAU) C'est là qu'il y a un mélange des genres. Que Monsieur X... produise - il peut sur toutes les chaînes du PAF - d'accord. Mais qu'il prenne l'image "service public" et qu'il fasse du commercial en même temps, là, il faut choisir. Le problème, c'est que tous ces braves gens ne choisissent pas l'un ou l'autre, ils n'ont malheureusement pas d'éthique, pas de morale (...) (...) (L.BORDE) Comment définiriez-vous Monsieur X... ä (J.RICAU) Monsieur X... est un bon professionnel...qui n'a pas de morale". ne constitue pas une diffamation à l'encontre de Monsieur MONSIEUR X... ; - dire et juger ces passages de l'article diffamatoires à l'encontre de Monsieur MONSIEUR X... ; En conséquence, - infirmer la décision du tribunal en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués, - condamner, in solidum, Monsieur Gérard Y... et la Société de CONCEPTION DE PRESSE, à verser à Monsieur MONSIEUR X... la somme de 72.224,51 à titre de dommages et intérêts du fait des allégations et imputations diffamatoires publiées à son encontre, - condamner, in solidum, Monsieur Gérard Y... et la Société de CONCEPTION DE PRESSE, à verser à la Société RESERVOIR PROD la somme de 30.489,80 à titre de dommages et intérêts du fait des allégations et imputations diffamatoires publiées à son encontre, Sur les injures Z... les articles 29 alinéa 2, 33 alinéa 2, 42 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, - confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le qualificatif "rancunier" constitue une injure proférée à l'encontre de Monsieur MONSIEUR X..., - infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les expressions et mot "prédateur sans pitié" et "arriviste" ne constituent pas des injures proférées à l'encontre de Monsieur

MONSIEUR X..., - dire et juger que les expressions et mot "prédateur sans pitié" et "arriviste" constituent des injures proférées à l'encontre de Monsieur MONSIEUR X..., En conséquence, - condamner, in solidum, Monsieur Gérard Y... et la Société de CONCEPTION DE PRESSE, à verser à Monsieur MONSIEUR X... la somme de 72.224,51 en réparation du préjudice causé par ces injures, Sur l'atteinte à la vie privée de Monsieur MONSIEUR X... Z... l'article 9 du code civil, - infirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute atteinte à la vie privée de Monsieur MONSIEUR X..., - dire et juger que l'article consacré à Monsieur MONSIEUR X..., publié dans le numéro 96 date de juillet 2000 du mensuel ENTREVUE, comporte une atteinte à la vie privée de Monsieur MONSIEUR X..., En conséquence, - condamner la Société de CONCEPTION DE PRESSE à verser à Monsieur MONSIEUR X... la somme de 15.244,90 en réparation de son préjudice. Sur la violation du droit à l'image de Monsieur MONSIEUR X... Z... l'article 9 du code civil, - confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'article consacré à Monsieur MONSIEUR X..., publié dans le numéro 96 daté de juillet 2000 du mensuel ENTREVUE, comporte une atteinte au droit à l'image de Monsieur MONSIEUR X..., - infirmer la décision du tribunal relativement au quantum du préjudice, En conséquence, - condamner la Société de CONCEPTION DE PRESSE à verser à Monsieur MONSIEUR X... la somme de 7.622,45 en réparation de son préjudice. Demandes complémentaires Z... l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamner, in solidum, Monsieur Gérard Y... et la Société de CONCEPTION DE PRESSE, à verser à Monsieur Monsieur X... et à la Société RESERVOIR PROD la somme de 4.000 chacun, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Z... les articles 695 et suivants du nouveau code de procédure civile, - condamner, in solidum, Monsieur Gérard Y... et la Société de CONCEPTION DE PRESSE aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP

JULLIEN-LECHARNY-ROL, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. A titre subsidiaire - écarter la demande de versement d'intérêts sur les sommes versées à Monsieur MONSIEUR X... et à la Société RESERVOIR PROD, au titre de l'exécution provisoire du jugement, en cas de condamnation à restitution. SUR CE SUR L'EXCEPTION DE NULLITÉ DE L'ASSIGNATION Considérant que les appelants reprennent en appel in limine litis le moyen tiré de la nullité de l'assignation laquelle viserait des faits poursuivis cumulativement sous plusieurs qualifications et fondements juridiques, avec la conséquence d'un véritable amalgame, dénoncent la confusion ainsi créée avec la conséquence de les placer dans une véritable incertitude et de les priver d'une défense efficace ; Considérant toutefois que l'assignation introductive d'instance vise plusieurs incriminations, lesquelles sont nettement identifiées et distinguées, tant dans les motifs que dans le dispositif, que si sous le fondement de l'article 1382 du code civil, les demandeurs poursuivent la réparation des préjudices que leur causerait "l'article en son entier" par son caractère fautif, ceux-ci s'attachent de façon claire et sans équivoque à démontrer en quoi l'article serait constitutif d'une faute civile distincte des incriminations de la loi de 1881 en dénonçant en quatre points les procédés utilisés selon eux (parti pris de donner une image négative du présentateur, de ne pas mener d'enquête loyale et équilibrée, recours à un procédé rédactionnel élaboré et prémédité et présentation typographique volontairement spectaculaire), que la défense des intimés n'a pu être surprise ou entravée ; Considérant que l'assignation n'encourant aucun des griefs formulés par les appelants, le jugement sera confirmé pour avoir rejeté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance ; SUR LE FOND Sur la diffamation Considérant que les intimés sollicitent la confirmation du jugement qui a retenu comme diffamatoire la

qualification de "sangsue" appliquée à Monsieur X..., ainsi que les faits contenus dans le texte "MONSIEUR X... le monnayeur : Monsieur X... a des rapports étroits avec l'argent. Il le prouve par l'intermédiaire de ses différents contrats de production. Malgré le scandale des animateurs-producteurs en 96 RÉSERVOIR PROD continue à surfacturer" ; Que Monsieur X... sollicite l'infirmation du jugement qui a écarté tout caractère diffamatoire au passage contenu dans le texte de l'interview de monsieur A... secrétaire général CFDT radio-télé, estimant comme diffamatoire le fait de le présenter comme n'ayant pas de morale car profitant d'un système qui ressemble à de l'abus de bien social, et comme utilisant l'image que lui donnerait le service public pour développer son activité au détriment de ce même service public ; Considérant qu'au soutien de leur recours, les appelants font valoir d'une part qu'aucun des propos incriminés ne renferme l'imputation d'un fait précis, l'expression sangsue, ne visant qu'à illustrer de manière critique les relations commerciales de l'intimé et sa société de production avec le service télévisuel, à porter une appréciation critique sur l'équilibre des prestations, et à stigmatiser l'énorme ponction financière opérée sur les finances du service public, qu'ils ajoutent que l'emploi du terme "surfacturer" qui se rapporte à un trait de caractère et non à un fait précis, dénonce seulement une tendance à vendre chèrement ses prestations, que l'article se limitant à de simples imputations de traits de caractères ou visant à illustrer de manière imagée les dits traits n'est pas diffamatoire ; Qu'ils font valoir, se prévalant de décisions rendues en telle matière, que la publication litigieuse relève du droit de libre critique du mensuel sur les rapports contractuels entretenues par les intimés avec les chaînes du service public, et la carrière professionnelle de monsieur MONSIEUR X... personnage incontournable du paysage audiovisuel français ;

Considérant que toute imputation d'un fait précis portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne est diffamatoire ; Considérant que l'emploi de l'expression "la sangsue du service public " en annonce d'un texte retraçant en quelques lignes la carrière de l'intéressé (en 1985 JLD n'est qu'un simple étudiant en communication. Un an plus tard il se retrouve sur TV6 ..... mais à l'époque il ne s'est pas encore comment bien se remplir les poches. Dix ans plus tard il se retrouve sur France 2 suspecté d''encaisser trop d'argent..... il réussit à se placer sur toutes les chaînes hertziennes avec une préférence logique pour le service public rentabilité oblige ... JLD est devenu expert pour caser ses projets simples et dénués de toute originalité tout en prenant 60 MF", est diffamatoire en ce qu'elle impute à Monsieur X... assimilé personnellement à une sangsue et plus encore à la sangsue du service public, et donc présenté comme un être avide d'argent et décidé à s'en procurer par tous moyens, le comportement précis d'être parvenu à s'enrichir au préjudice du servie public et donc du contribuable sans contrepartie valable, une telle allégation portant nécessairement atteinte à sa considération professionnelle ; Qu'est également diffamatoire l'allégation du comportement de la société RÉSERVOIR PROD de "surfacturer" ses émissions, ce terme placé dans le contexte de l'article relatant les "rapports étroits de JLD avec l'argent et laissant entendre que "malgré le scandale des animateurs producteurs la société continue de surfacturer", portant nécessairement atteinte à la considération professionnelle des intimés en accréditant dans l'esprit du lecteur l'idée de pratiques frauduleuses et le fait qu'ils auraient un comportement pénalement répréhensible ; Considérant en revanche, que le passage de l'article reprenant les déclarations de monsieur A... selon lequel Monsieur X... n'aurait pas de morale, n'est pas diffamatoire en ce que l'article

n'impute pas à ce dernier un fait précis mais porte un jugement de valeur sur l'intimé, peu important qu'il ne soit pas flatteur, qu'en outre, contrairement à ce que prétend Monsieur X..., ne peut constituer une diffamation à son égard le fait par personne interposée, de dénoncer à la suite du rapport public GRIOTTERAY " les abus des animateurs-producteurs "et les dérives d'un système permettant" avec l'argent du service public de s'enrichir , ce qui ressemblerait à de l'abus de bien social", dès lors que l'article ne fait que reproduire les déclarations de monsieur A... lequel dénonce l'existence d'une pratique commerciale dont bénéficieraient tous les animateurs-producteurs sans viser expressément Monsieur X... dont il précise seulement qu'il est un bon professionnel mais n'a pas de morale, l'article se bornant là aussi à reproduire le jugement de valeur porté sur la personnalité du présentateur ; Considérant que les appelants ne peuvent se retrancher derrière l'exercice du libre droit de critique et l'exception de bonne foi ; Considérant en effet que les faits reconnus diffamatoires excédent les limites du libre droit de critique en ce qu'ils constituent des attaques personnelles portant atteinte à des droits essentiels de la personne, que le bénéfice de la bonne foi ne peut pas plus être reconnu aux appelants qui ne justifient pas s'être livrés à un travail d'investigation et de vérification des assertions péremptoires contenues dans l'article dont la virulence des mots choisis sciemment pour emporter la conviction des lecteurs dépasse les limites admissibles du droit à l'information et de l'art de la critique la plus sévère quand bien même elle s'exercerait à l'encontre d'une personnalité du monde audiovisuel dont la notoriété ne suffit pas à justifier le procédé, étant en outre relevé que les appelants ont renoncé au bénéfice de leur offre de preuve de la vérité des faits allégués, et que le renvoi à la ligne éditoriale du mensuel est ici inopérant dès lors

que les attaques personnelles dépassent les limites admises dans le genre polémique ; Sur l'injure Considérant que Monsieur X... dénonçait les injures faites à son encontre par l'emploi dans l'article des expressions, "prédateur sans pitié", "arriviste" et "rancunier" ; Que le tribunal n'a retenu que le seul terme "rancunier" comme injurieux ; Que Monsieur X... sollicite la réformation du jugement sur ce point ; Considérant que constitue une injure toute expression outrageante, méprisante, ou invective qui ne contient l'imputation d'aucun fait ; Considérant que l'expression "rancunier" est péjorative et inspire le mépris et l'antipathie à l'égard de celui qui en est ainsi qualifié ; Considérant que les termes "prédateur sans pitié" et "arriviste" sont tout autant injurieux par leur connotation méprisante et outrageante et ne sont pas, contrairement à l'avis des premiers juges, absorbés par la diffamation laquelle visait des faits précis, que ces expressions dénoncent des traits de caractère qui s'affirment bien au delà des rapports avec l'argent prêtés à Monsieur X... et dénoncés dans l'article ; Considérant qu'il convient de réformer le jugement en ce sens en retenant le caractère injurieux au sens de l'article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 des trois expressions ; Considérant que les appelants ne peuvent invoquer pour échapper aux poursuites la bonne foi ou le droit à la libre critique pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut pour les faits qualifiés de diffamatoires ; SUR LA FAUTE DE DROIT COMMUN Considérant que les intimés soutiennent que tout manquement au devoir général de loyauté et d'objectivité à condition qu'il ne puisse être poursuivi sur le fondement d'une des infractions définies à la loi de 1881 sur la presse, peut être poursuivi et réparé sur le fondement de l'article 1382 du code civil, qu'ils estiment que les appelants ont manqué à ce devoir et dénoncent les procédés employés pour donner une image dévalorisante et susciter une opinion défavorable des lecteurs envers

Monsieur X... ; Considérant qu'outre le fait que par certains aspects les arguments relatifs au parti pris de l'auteur, à l'absence d'enquête, comme à l'emploi de certains termes ,développés par les intimés au soutien de leurs prétentions fondées sur l'article 1382 du code civil recoupent ceux développés au soutien des prétentions du chef de la diffamation et des injures, l'article pour ce qui ne relève pas des infractions à la loi sur la presse, ne dépasse pas l'expression certes la plus rude de la liberté d'opinion et information que la ligne éditoriale de la revue, faite de l'emploi d'un style impertinent et d'expressions imagées, qui est là pertinemment invoquée par les appelants, justifie, que la vigueur de la critique que doit supporter une personne aussi médiatiquement exposée que Monsieur X... à raison de son activité professionnelle d'animateur-producteur, n'est pas fautive au sens de l'article 1382 du code civil ; Considérant que déboutant de l'appel incident sur ce point, le jugement sera confirmé pour avoir débouté des demandes fondées sur la faute de droit commun ; SUR LA VIOLATION DE LA VIE PRIVÉE ET DU DROIT À L'IMAGE DE MONSIEUR X... Considérant que Monsieur X... sollicite l'infirmation du jugement et prie la cour de constater l'atteinte portée à sa vie privée par la révélation de faits la concernant ; Considérant cependant, que tant la mention de son célibat, qui relève du simple état de la personne, que de ses relations avec Jean Pierre B... ou autres personnes, toutes appartenant au monde audio-visuel et donc à son milieu professionnel, ne suffit pas à caractériser l'atteinte alléguée qui suppose une intrusion dans la vie privée de l'intéressé, non constituée, seules les relations d'ordre professionnel avec monsieur B... ou d'autres étant ici visées ; Considérant que le jugement doit être confirmé sur ce point y compris en ce qu'il a en revanche, retenu l'atteinte au droit à l'image de Monsieur X... à raison de la publication d'une

photographie prise dans sa vie privée et dont la publication n'est pas nécessaire à l'illustration de l'article consacré essentiellement à l'activité professionnelle de l'intéressé ; SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS ET AUTRES MESURES DE RÉPARATION Considérant que le jugement a alloué à Monsieur X... les sommes de 15244,9 du chef de diffamation. 762,25 du chef d'injure et 762,25 pour atteinte au droit à l'image, ainsi que celle de 1524,49 à la société RÉSERVOIR PROD ; Que les intimés sollicitent l'augmentation substantielle des dommages et intérêts en considération de la gravité du préjudice subi ; Considérant cependant que les premiers juges ont évalué de façon parfaitement équilibrée les préjudices subis par les intimés, sauf à faire droit à la demande de Monsieur X... relativement à celui causé par les injures proférées contre lui, en conséquence de la réformation partielle du jugement, qu'il convient de porter à la somme de 7622,45 le montant des dommages et intérêts alloués de ce chef ; Considérant qu'il sera fait droit en équité à la demande des intimés fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que les appelants qui succcombent pour l'essentiel supporteront la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, REOEOIT la société CONCEPTION DE PRESSE, Gérard Y... et Laurent LABORDE en leur appel mais le déclare mal fondé, REOEOIT Monsieur X... et la société RESERVOIR PROD en leur appel incident, CONFIRME le jugement déféré sauf à porter à la somme de 7622,45 le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi du chef des injures, CONDAMNE la société CONCEPTION DE PRESSE et Gérard Y... pris en sa qualité de directeur de la publication à payer aux intimés la somme de 2286,74 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE la société CONCEPTION DE PRESSE et Gérard Y... en sa qualité de

directeur de la publication aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le président, Sylvie RENOULT

Francine BARDY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-2930
Date de la décision : 19/09/2002

Analyses

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne - Personne ni nommée ni expressément désignée

Aucun grief de nullité, notamment du chef d'une atteinte à l'exercice d'une défense efficace n'est encouru par une assignation visant un même article de presse, tant sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 que sur celui de l'article 1382 du Code civil, lorsque les incriminations dont s'agit sont nettement identifiée et distinguées, la demande s'attachant ici à caractériser la faute civile dont la réparation est poursuivie et à démontrer de façon claire et non équivoque en quoi celle-ci se distingue des incriminations relevant de la loi de 1881. Le fait de présenter un personnage du monde médiatique comme dé- pourvu de sens moral en reproduisant les déclarations d'un tiers ayant porté cette appréciation, n'est pas diffamatoire, dès lors que les déclarations repro- duites, sans imputer aucun fait précis se bornent à porter un jugement de va- leur, fût-il peu flatteur, et qu'elles ne visent pas expressément une personne dénommée mais une catégorie professionnelle dont les pratiques abusives ont fait l'objet d'une dénonciation dans un rapport public.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-09-19;2001.2930 ?
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