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27/06/2002 | FRANCE | N°1999-8922

France | France, Cour d'appel de Versailles, 27 juin 2002, 1999-8922


Pour promouvoir son activité, la société anonyme CEGETEL 7 a réalisé au mois de février 1999 une campagne publicitaire dans les médias écrits et radiophoniques selon deux messages différents. Estimant avoir été victime de cette publicité prétendument comparative illicite et dénigrante, la SA FRANCE TELECOM a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de NANTERRE en cessation du trouble manifestement illicite et octroi d'une provision. Par ordonnance rendue le 12 mars 1999, ce magistrat a enjoint à la société CEGETEL 7 de mettre définitivement fin à la publicité in

criminée dans la presse écrite et à la radio et de s'abstenir de la re...

Pour promouvoir son activité, la société anonyme CEGETEL 7 a réalisé au mois de février 1999 une campagne publicitaire dans les médias écrits et radiophoniques selon deux messages différents. Estimant avoir été victime de cette publicité prétendument comparative illicite et dénigrante, la SA FRANCE TELECOM a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de NANTERRE en cessation du trouble manifestement illicite et octroi d'une provision. Par ordonnance rendue le 12 mars 1999, ce magistrat a enjoint à la société CEGETEL 7 de mettre définitivement fin à la publicité incriminée dans la presse écrite et à la radio et de s'abstenir de la reprendre sous astreinte provisoire de 100.000 francs (15.244,90 euros) par infraction constatée et réservé la demande de provision. Puis la société FRANCE TELECOM a assigné la société CEGETEL 7 devant ce tribunal en réparation de son préjudice. Cette juridiction, par jugement du 19 octobre 1999, a déclaré la société FRANCE TELECOM recevable et bien fondée en son action, condamné la société CEGETEL 7 à lui verser la somme de 2 millions de francs (304.898,03 euros), à titre de dommages et intérêts, ordonné la publication de la décision dans tous les journaux où a été diffusée le publicité en cause dans la limite des six mentionnés au plan média aux frais avancés de la société CEGETEL 7 jusqu'à concurrence de 50.000 francs (7.622,45 euros) par insertion ainsi que l'exécution provisoire, alloué à la société FRANCE TELECOM une indemnité de 30.000 francs (4.573,47 euros) en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamné la défenderesse aux dépens. Appelante de cette décision, la société CEGETEL soutient que dans le nouveau paysage français des télécommunications, il est abusif de la part de la société FRANCE TELECOM de prétendre être toujours identifiable en matière de publicité et qu'en tout cas, la campagne ponctuelle litigieuse conçue sur un mode léger et spirituel et au surplus véridique ne peut relever des règles prescrites à

l'article L.121.8 du code de la consommation. Elle dénie la réalité du préjudice allégué par l'intimée en faisant valoir que la société FRANCE TELECOM ne démontre pas le caractère effectif du risque de perdre des clients, ni davantage l'existence d'un préjudice d'image. Elle ajoute que le montant des dommages et intérêts accordé par le tribunal à la société FRANCE TELECOM est, à tout le moins, manifestement exagéré. Elle sollicite donc l'entier débouté de la société FRANCE TELECOM, subsidiairement l'infirmation du jugement déféré du chef de l'indemnité allouée et très subsidiairement, la réduction de son quantum au franc (0.15 euro) symbolique. La société FRANCE TELECOM conclut à la confirmation intégrale de la décision attaquée sauf à y ajouter une indemnité de " 20.000 euros " en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle oppose que même si son nom n'apparaît pas dans la publicité litigieuse, elle est directement visée par celle-ci et souligne qu'il a été proposé au consommateur de comparer une augmentation de son abonnement à laquelle elle s'est trouvée contrainte de procéder pour répondre à des exigences réglementaires, à une suppression de l'abonnement pour les clients de la société CEGETEL 7. Elle estime que la publicité comparative de la société CEGETEL 7 est illicite en l'absence de communication préalable telle que prévue à l'article L.121.12 du code de la consommation et en raison de sa teneur dès lors qu'elle comporte des indications inexactes et qu'elle ne répond pas aux conditions stipulées à l'article L.121.8 du code de la consommation. MOTIFS DE LA DECISION : Considérant que les sociétés CEGETEL 7 et FRANCE TELECOM sont deux opérateurs concurrents de téléphonie ; considérant qu'il est constant que la société CEGETEL 7 a édité dans six journaux de la presse nationale quotidienne durant 4 jours les 19, 20, 22 etamp; 23 février 1999 le message publicitaire suivant : Copie page de publicité CEGETEL 7 Considérant que

parallèlement, la société CEGETEL a diffusé sur 13 stations de radio, pendant sept jours du 20 au 26 février 1999, de deux à neuf fois quotidiennement des spots publicitaires ainsi rédigés : VOIX DE FEMME :

Vous êtes au courant que le prix du téléphone va baisser et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, votre abonnement va augmenter. Eh oui, tout n'est pas comme le 7 ! Parce qu'aujourd'hui prendre le 7, c'est sans abonnement. Et en plus le 7 baisse ses tarifs sur les appels hors département. C'est tout ä Bien sûr que non ! Le 7 crée le super Dimanche, tous vos appels nationaux et internationaux à moins 25 %. Vous voyez bien qu'il y a des bonnes nouvelles ! Appelez donc au 0.800.356.356. Le 7 c'est tout simplement moins chez. VOIX D'HOMME :

Le 7 est une marque de Cégetel. Offre soumise à conditions. Tarif applicable au 1er mars 1999, appels à plus de 30 kilomètres hors département. considérant que la circonstance que la société FRANCE TELECOM ne soit pas désignée est en l'espèce inopérante dès lors que celle-ci est aisément identifiable parmi les autres opérateurs comme étant la cible exclusive de la campagne publicitaire en cause dès lors que la référence à une augmentation le 1er mars 1999 de " l'abonnement téléphonique " pouvait seule la viser ; qu'en effet, aucun autre opérateur que FRANCE TELECOM qui est le principal et habituel pour une majorité d'utilisateurs, n'a modifié son tarif au 1er mars 1999 ; qu'en outre, la société FRANCE TELECOM ayant dû, en application du décret nä 97.475 du 13 mai 1997 relatif au financement du service universel, fixer son abonnement mensuel à 78 francs T.T.C. (11,89 euros), celui-ci est passé de 68 francs (10,37 euros) à 78 francs (11,89 euros) et il en est résulté, à partir du 1er mars 1999 une majoration de 10 francs (1,52 euros) par mois elle-même annoncée dès le 09 février 1999 et dont la presse s'est largement fait l'écho

; que, par ailleurs, les messages publicitaires litigieux sont centrés tant dans les médias écrits que radiophoniques, sur la notion de l'augmentation de l'abonnement téléphonique à cette date précise qui ne peut être attribuée qu'à la société FRANCE TELECOM, en proposant ainsi au consommateur de la comparer avec la suppression de l'abonnement pour les clients de CEGETEL 7 dès le 19 février 1999, par anticipation d'une semaine sur l'entrée en vigueur de l'accroissement de prix institué par son concurrent le plus important sur le marché, susceptible de capter une partie de sa clientèle avant sa mise en ouvre et constituant une réaction immédiate à la modification tarifaire par lui instaurée ; considérant que l'article L.121-12 du code de la consommation, dans sa rédaction existante à l'époque des faits, qui impose une communication préalable de l'annonce comparative aux professionnels visés dans un délai au moins égal à celui exigé, selon le type de support retenu, pour l'annulation d'un ordre de publicité, a seul vocation à recevoir application en l'espèce, dans la mesure où la suppression de cette obligation par l'ordonnance nä 2001-741 du 23 août 2001 n'a pas d'effet rétroactif ; considérant que la société CEGETEL 7 ne justifie pas avoir satisfait aux exigences de ce texte destiné à permettre au concurrent critiqué, le cas échéant, de réagir commercialement ou de s'opposer judiciairement à une campagne publicitaire avant qu'elle ne soit réalisée ; qu'il suit de là que la publicité incriminée s'avère illicite à cet égard ; considérant qu'il ne peut être imputé à la société CEGETEL 7 une publicité trompeuse puisque, dès le 19 février 1999, l'abonnement du 7 était gratuit pour toute souscription à partir de cette date tel qu'il est prévu clairement dans les messages publicitaires tandis qu'il apparaît que les nouveaux tarifs en baisse sont annoncés seulement à compter du 1er mars 1999 ; considérant en revanche, que cette publicité comparative portant sur les prix ne

répond pas aux conditions prescrites par l'article L.121-8 du code de la consommation ; considérant, en effet, que cette publicité ne concerne pas des produits identiques vendus dans les mêmes conditions dès lors que la référence au prix de l'abonnement téléphonique de la société FRANCE TELECOM n'est pas comparable au service de la société CEGETEL 7 exclusivement consacré aux communications destinées à un autre département que celui d'origine de l'appel, cette dernière n'assurant pas " la boucle locale " dont les charges inhérentes à ses infrastructures incombent à la seule société FRANCE TELECOM qui en répercute le coût dans le prix de l'abonnement, tandis que les autres opérateurs dont l'appelante en sont bénéficiaires ; considérant que la société CEGETEL 7 n'a pas non plus indiqué la durée de la gratuité de son abonnement, ni de sa baisse tarifaire, ni de la réduction dont elle assortit le lancement de son produit " superdimanche " ; considérant enfin que la publicité en question ne se limite pas à une comparaison objective puisqu'elle insiste sur l'augmentation du prix d'abonnement de FRANCE TELECOM sans replacer cette hausse dans son contexte et fait faussement croire aux consommateurs qu'un engagement souscrit auprès de la société CEGETEL 7 serait de nature à y échapper ; considérant dans ces conditions que le tribunal a estimé, à juste titre, que la société CEGETEL 7 avait engagé sa responsabilité envers la société FRANCE TELECOM en raison de la publicité comparative illicite en cause ; considérant qu'il en est résulté un préjudice incontestable au détriment de la société FRANCE TELECOM résultant d'une atteinte à son image et d'une perte de chance d'acquérir ou de conserver des clients qui l'une et l'autre sont patentes ; que la société CEGETEL 7 pour tenter de les dénier ne saurait utilement se prévaloir des résultats financiers satisfaisants en 1999 de la société FRANCE TELECOM lesquels ne sont pas de nature à exclure la faculté qui aurait été la sienne d'en obtenir encore de meilleurs

ainsi que d'avoir une image plus favorable auprès du public si elle n'avait pas été victime de la publicité en question ; qu'elle ne peut davantage invoquer le caractère ponctuel de la campagne publicitaire en cause alors même qu'elle s'est révélée intensive eu égard aux 19 médias écrits et radiophoniques retenus dans lesquels celle-ci a été menée ainsi qu'au nombre de messages journaliers diffusés sur les ondes de 6 heures jusqu'à 22 heures 30 susceptibles de toucher toutes les catégories de consommateurs et qu'elle a été opérée durant une période idoine sur le plan de la stratégie commerciale puisqu'elle se situait après l'avis par la société FRANCE TELECOM de la majoration de son abonnement et avant sa mise en application ; considérant que l'atteinte à l'image de la société FRANCE TELECOM sera complètement réparée par la publication telle qu'elle a été ordonnée par le tribunal dans les six journaux figurant au plan média à concurrence du montant exactement fixé à 7.622,45 euros par insertion qui doit dès lors être confirmée ; considérant que la perte de chance précédemment évoquée qui ne peut être évaluée, en l'espèce, sur le fondement d'un investissement généré par une campagne d'information réclamé par la société FRANCE TELECOM et admis à tort par le tribunal puisqu'aucun élément chiffré n'est produit sur ce point, sera suffisamment indemnisée au vu de l'ensemble des éléments d'appréciation dont la Cour dispose dans cette affaire, par l'octroi d'une somme de 250.000 euros ; considérant que l'équité commande d'accorder à la société FRANCE TELECOM une indemnité supplémentaire de 1.830 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; considérant que la société CEGETEL 7 qui succombe à titre principal en ses prétentions, supportera les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré hormis en sa disposition concernant le montant des dommages et intérêts alloués à la SA FRANCE

TELECOM ; Et statuant à nouveau de ce chef, CONDAMNE la SA CEGETEL 7 à verser à la SA FRANCE TELECOM la somme de 250.000 euros sauf les effets de l'exécution provisoire ; LA CONDAMNE à lui régler une indemnité complémentaire de 1.830 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP BOMMART MINAULT, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER EN APPLICATION DE L'ARTICLE 452 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER, POUR LE PRESIDENT EMPECHE M. THERESE X...

J.F. FEDOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-8922
Date de la décision : 27/06/2002

Analyses

PUBLICITE COMMERCIALE - Publicité comparative.

En matière de publicité comparative, la circonstance que la cible exclusive d'une campagne publicitaire ne soit pas nommément désignée importe peu dès lors que, s'agissant d'opérateurs téléphoniques, une référence à une augmentation de l'abonnement téléphonique à une date donnée, comparée à la totale gratuité de l'annonceur ne pouvait que concerner l'opérateur historique astreint d'y procéder par les pouvoirs publics en vue d'assurer le financement du service universel

PUBLICITE COMMERCIALE - Publicité comparative.

La publicité comparative sur les prix suppose, pour être licite, qu'elle réponde aux conditions prescrites par l'article L 121-8 du Code de la consommation


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-06-27;1999.8922 ?
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