Par ordonnance en date du 18 février 2000, le Président du Tribunal d'Instance de CHATEAUDUN a enjoint Monsieur X... de payer à la COOPERATIVE SCAEL la somme de 3.572,96 EUROS, outre les intérêts et les frais correspondant à un solde du prix de ses approvisionnements auprès de cette COOPERATIVE. Par courrier du 15 mars 2000, Monsieur X... a indiqué qu'il entendait former opposition à cette ordonnance. Monsieur X... a exposé qu'il avait signé avec la SCAEL un "contrat garanti blé dur récolte 1998", que cette dernière avait refusé de payer la somme de 3.572,96 EUROS en arguant d'une mauvaise qualité de la marchandise ; qu'il avait lui même retenu une somme équivalente sur les factures dues à la SCAEL. Il a donc sollicité la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 762,25 EUROS à titre de dommages et intérêts et 762,25 EUROS en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SCAEL a répliqué que les livraisons de Monsieur X... n'étaient pas des marchandises saines et loyales ainsi que les analyses pratiquées l'avaient démontré, selon elle. Elle a donc requis la condamnation de l'opposant au paiement d'une somme de 3.904,11 EUROS avec intérêts conventionnels, outre 1.524,49 EUROS à titre de dommages et intérêts et une indemnité procédurale de 1.524,49 EUROS. Par un jugement contradictoire en date du 14 novembre 2000, le Tribunal d'Instance de CHATEAUDUN a rendu la décision suivante : - déclare l'opposition recevable, - met à néant l'ordonnance d'injonction de payer en date du 18 février 2000, - condamne Monsieur X... à payer à la SCAEL la somme de 3904,11 EUROS avec intérêts conventionnels à compter du 11 janvier 2000, - déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts, - condamne Monsieur X... à payer à la SCAEL la somme de 457,35 EUROS sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le déboute de sa propre demande basée sur ce texte, - le condamne aux dépens. Par
déclaration en date du 10 janvier 2001, Monsieur Y... X... a interjeté appel. Monsieur X... expose qu'il n' a pas été démontré par la SCAEL que le blé dur vendu par lui en juillet et août 1998, présentait un taux de mitadin de 67 %, que de plus, l'analyse effectuée à la demande de la SCAEL a été faite sur des marchandises de plusieurs provenances et que, par conséquent, aucun élément de preuve valable n'est apporté par la SCAEL afin de justifier du taux de réfaction appliqué. Il ajoute que la SCAEL était tenue de régler la somme prévue au contrat en application des dispositions de l'article 1134 du Code Civil ; que, eu égard aux circonstances de l'espèce, il est fondé à lui opposer l'exception d'inexécution. Il prie donc en dernier la Cour de : - le recevoir en son appel, - l'y déclarer bien fondé, - infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, - débouter la SCAEL de toutes ses demandes, fins et conclusions, - dire et juger qu'il y a lieu à compensation pure et simple entre la somme indûment retenue par la SCAEL et celle retenue par Monsieur X..., - en conséquence dire et juger qu'il n'est rien dû à la SCAEL, - condamner la SCAEL à lui régler la somme de 1219,59 EUROS à titre de dommages et intérêts, - condamner la SCAEL aux entiers dépens de première instance et d'appel. La Société SCAEL fait valoir que sa créance est dûment établie par des documents comptables. Elle expose que l'exception d'inexécution ne peut lui être opposée par Monsieur X... au motif que celle-ci ne peut jouer faute d'interdépendance entre les obligations lorsque celles ci ont pris naissance dans des contrats conclus entre les mêmes parties mais différents par leur objet. Elle rappelle que la compensation ne peut intervenir qu'entre des créances certaines, liquides et exigibles ; qu'en l'espèce, Monsieur X... ne peut justifier d'une telle créance alors que, selon elle, après prélèvements contradictoires, les livraisons de Monsieur X...
présentaient un taux de mitadin de 67 %, et que l'appelant n'avait pas respecté les clauses du contrat en ne livrant pas une marchandise saine, loyale et marchande qui devait, conformément aux impératifs d'ordre public, présenter un taux de mitadin inférieur à 20 %. La SCAEL prie donc en dernier la Cour de : - dire Monsieur X... recevable mais mal fondé en son appel, - débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer le jugement entrepris, y ajoutant : - condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 2000 EUROS sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur X... aux entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été signée le 2 mai 2002 et l'affaire plaidée à l'audience du 16 mai 2002. SUR CE, LA COUR : I ) - Sur l'exception d'inexécution opposée par Monsieur X... Y... : Considérant, en droit, que l'exception d'inexécution tirée de l'application de l'article 1184 du Code Civil ne peut être opposée par l'une des parties au contrat, à son cocontractant, que si l'inexécution qu'il invoque contre celui-ci a bien trait au même contrat liant les mêmes parties et pour un même objet ; Considérant, en l'espèce, qu'il est constant que la COOPERATIVE SCAEL fait état contre l'appelant d'une créance correspondant aux approvisionnements de celui-ci auprès d'elle : * 11.430,02 EUROS (approvisionnement du 4 février 1999) ; * 20,14 EUROS (approvisionnement du 12 avril 1999) ; * 311,02 EUROS d'intérêts au taux conventionnel et de T.V.A., alors que Monsieur X... se fonde sur une exception d'inexécution ayant trait à un contrat distinct, celui du 30 septembre 1997 portant sur la livraison à la SCAEL de 500 quintaux de blé dur pour la récolte 1998 ; Considérant que l'appelant ne conteste pas que cet approvisionnement lui a bien été fourni par la SCAEL et qu'il constitue bien l'objet du présent litige engagé par cette Coopérative par la voie d'une requête en injonction de payer relative à la
facture correspondant à cet approvisionnement ; Considérant que la somme réclamée par la SCAEL et non discutée ni critiquée, en ce qui concerne du moins la réalité et l'objet de cet approvisionnement, doit donc être retenue, dans son principe, compte tenu cependant de ce qui sera ci-après motivé au sujet de la compensation invoquée ensuite par l'appelant ; II) - Sur la compensation invoquée par Monsieur X... : Considérant qu'en application de l'article 1290 du Code Civil, la compensation s'opère de plein droit lorsqu'il s'agit de créances réciproques des parties, qui sont certaines, liquides et exigibles ; Considérant qu'ici Monsieur X... se prévaut de son contrat du 30 septembre 1997 portant sur sa livraison à la SCAEL de 500 quintaux de blé dur, au titre de la récolte de 1998, en exécution duquel la SCAEL s'engageait notamment à pratiquer les prix minimum de 17,53 EUROS le quintal de blé dur, étant expressément stipulé que :
"ces prix s'entendent pour des marchandises saines, loyales et marchandes" ; Considérant qu'il est constant que les quantités convenues ont été livrées à la SCAEL en juillet et août 1998, et qu'il appartient donc à la SCAEL qui a reçu cette livraison intégrale (508,70 quintaux), de faire la preuve qui lui incombe que cette marchandise n'aurait pas été "saine, loyale et marchande" et qu'elle aurait été ainsi fondée à pratiquer une réfaction du prix convenu ; Considérant que la SCAEL fait état des résultats d'analyses faites "par un laboratoire agréé" dont l'identification et l'adresse ne sont pas fournies, puisque cette intimée se borne à communiquer des bulletins d'analyses établies par elle-même qui mentionnent simplement : "réfactions MITA mitadin (67,00)" Considérnt, de plus, que ces simples mentions ne permettent pas de démontrer que les prélèvements et ces analyses avaient bien concerné les seules livraisons faites par Monsieur X... en juillet et août 1998, et qu'aucun document ne vient établir que des
prélèvements auraient été faits contradictoirement lors de ces livraisons ; qu'en raison de ces imprécisions et de ces incertitudes, la SCAEL ne fait donc pas la preuve qui lui incombe que les livraisons de Monsieur X... de juillet et d'août 1998 étaient affectées d'un mitadinage (de 67,00) ; Considérant qu'en outre et en tout état de cause, la SCAEL ne précise pas comment elle a calculé la réfaction qu'elle a décidé d'appliquer aux prix convenus pour ces livraisons critiquées par elle, alors surtout que le contrat du 30 septembre 1997 liant les deux parties n'a pas donné à cette Coopérative la faculté d'opérer de son propre chef une quelconque réfaction sur ce prix convenu de 17,53 EUROS le quintal ; que de plus, aucune des clauses de ce contrat ne fixe le taux de ces éventuelles réfactions, non expressément autorisées, et qu'il ne contient aucune référence aux barèmes préconisés de l'O.N.I.C. ; que cette Coopérative ne peut se référer à l'existence d'un prétendu "usage" en la matière (au sens de l'article 1135 du Code Civil) pour justifier ce droit de réfaction du prix clairement et définitivement convenu qu'elle s'est ainsi arrogé ; que les préconisations de l'O.N.I.C., invoquées par la SCAEL, au sujet notamment d'un taux de mitadin inférieur à 20 %, n'autorisent en rien cette acheteuse à pratiquer de son propre chef et selon ses propres indices une réfaction du prix convenu ; Considérant qu'en l'absence de toute clause expresse du contrat conférant un droit de réfaction sur le prix par la COOPERATIVE SCAEL, celle-ci n'est pas fondée à invoquer, subsidiairement, l'application en l'espèce des dispositions de l'article 1246 du Code Civil, étant souligné que la chose livrée, ici, n'est pas seulement déterminée par son espèce (blé dur), mais qu'elle l'est aussi et explicitement par sa quantité (500 quintaux) ; qu'au demeurant, toute cette argumentation développée par la SCAEL sur le fondement de cet article 1246, des articles 1335 et 1615 du
Code Civil ou de l'article L. 212-1 du Code de la Consommation, ne pourrait être utilement retenue que s'il était d'abord démontré par cette Coopérative que le blé dur livré par Monsieur X... n'avait pas été une "marchandise saine, loyale et marchande", preuve qu'elle n'a pas été rapportée, ainsi qu'il l'a été ci-dessus motivé ; Considérant, en définitive, que Monsieur X... est donc en droit d'opposer une compensation, compte tenu de cette somme de 3572,95 EUROS indûment retenue par la SCAEL au titre d'une prétendue réfaction du prix ; qu'eu égard à cette compensation ordonnée de ce chef, le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a cru devoir faire droit à la demande en paiement de la SCAEL qu'il a fixée à un montant de 3903,15 EUROS ; III) - Sur les autres demandes des parties : Considérant que, compte tenu de l'équité, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a accordé à la SCAEL une somme de 457,35 EUROS en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que de plus, et eu égard à l'équité, la SCAEL qui succombe en ses demandes en appel est donc déboutée de sa demande devant la Cour en paiement de 2000 EUROS, sur le fondement de ce même article ; Considérant que certes, la SCAEL est déboutée de ses moyens et de ses demandes, mais qu'il n'est pas pour autant démontré qu'elle aurait eu une "attitude déloyale" comme le prétend l'appelant qui est donc débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ; Considérant enfin que Monsieur X... a formulé une demande non chiffrée, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et que de plus, ce chef de demande ne figure même pas dans le dispositif de ses dernières conclusions du 10 mai 2001 ; qu'il est par conséquent débouté de cette demande. PAR CES MOTIFS : La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. I ) Déboute Monsieur Y... X... de son moyen tiré de l'application d'une exception d'inexécution (article 1184 du Code Civil). II) Par contre
: sur la compensation réclamée par l'appelant : - Fait droit à cette demande de compensation de Monsieur X... et juge donc que la somme de 3572,95 EUROS a été indûment retenue par la SCAEL. - Infirme le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de la SCAEL qu'il a fixée à 3903,15 EUROS. III) Infirme le jugement en ce qu'il a accordé 457,35 EUROS à la SCAEL en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et déboute cette intimée de sa demande en paiement de 2000 EUROS sur ce même fondement. - Déboute Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande (non chiffrée) fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. - Condamne la SCAEL à tous les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés directement contre elle par Me. SEBA, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt : Madame Natacha Z..., Greffier, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,