La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2002 | FRANCE | N°2000-8450

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 mai 2002, 2000-8450


Suivant acte d'huissier en date du 19 novembre 1997, la S.A.R.L. POLYCLINIQUE de BOURG-LA-REINE, locataire d'un immeuble à usage de clinique, a fait assigner la S.C.I. DES QUATRE COMMUNES, bailleresse, devant le Tribunal d'Instance d'ANTONY aux fins de la voir condamner à supporter la charge des travaux de mise en sécurité ordonnés par l'autorité administrative, tant ceux déjà effectués par la clinique, que ceux restant à faire. Par conclusions en date du 3 février 2000, Maître SEGARD, est intervenu à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.R.L. POLYCLINIQUE d

e BOURG-LA-REINE, placée en redressement judiciaire par un ju...

Suivant acte d'huissier en date du 19 novembre 1997, la S.A.R.L. POLYCLINIQUE de BOURG-LA-REINE, locataire d'un immeuble à usage de clinique, a fait assigner la S.C.I. DES QUATRE COMMUNES, bailleresse, devant le Tribunal d'Instance d'ANTONY aux fins de la voir condamner à supporter la charge des travaux de mise en sécurité ordonnés par l'autorité administrative, tant ceux déjà effectués par la clinique, que ceux restant à faire. Par conclusions en date du 3 février 2000, Maître SEGARD, est intervenu à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.R.L. POLYCLINIQUE de BOURG-LA-REINE, placée en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE en date du 18 février 1999. Il a procédé à la réactualisation de la créance, au titre des travaux de mise en sécurité entrepris, et a soutenu qu'elle s'élevait à 116 414,30 . Par jugement en date du 28 juillet 2000, le Tribunal d'Instance D'ANTONY a rendu la décision suivante : - déclare recevable l'action de Me. SEGARD, agissant en qualité de Commissaire à l'exécution du plan de cession de l'Entreprise POLYCLINIQUE de BOURG-LA-REINE ; - déboute Me. SEGARD es qualités de l'ensemble de ses demandes ; - déboute la S.C.I. DES QUATRE COMMUNES de l'ensemble de ses demandes, à l'exception de celles relatives à la résiliation des baux à construction et à l'octroi de dommages et intérêts ; et par jugement susceptible de contredit, - se déclare incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE pour connaître des demandes relatives à la résiliation des baux à construction et à l'octroi de dommages et intérêts ; - dit qu'à l'expiration du délai de contredit, l'entier dossier de l'affaire sera transmis par les soins du Greffe à la juridiction compétente ; - condamne Me. SEGARD, es qualités, aux dépens. Par déclaration en date du 14 novembre 2000, la S.A.R.L. POLYCLINIQUE de BOURG-LA-REINE ainsi que Maître SEGARD, es qualités de Commissaire à l'exécution du plan de cession de la clinique, ont

interjeté appel de cette décision. La S.A.R.L. POLYCLINIQUE de BOURG-LA-REINE et Maître SEGARD exposent que sauf stipulation contraire expresse, les travaux prescrits par l'autorité administrative sont assimilés aux réparations rendues nécessaires par la force majeure et restent à la charge du bailleur. Ils affirment que le bail, s'il prévoit que les réparations locatives sont à la charge du preneur, ne saurait être interprété comme laissant à la clinique la charge des travaux de mise en sécurité. La S.A.R.L. POLYCLINIQUE de BOURG-LA-REINE et Maître SEGARD demandent donc à la Cour de : - les déclarer recevables et bien fondés en leur appel, - d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Me. SEGARD ès-qualités de sa demande tendant à la condamnation du bailleur ; et statuant à nouveau, - condamner la S.C.I. DES QUATRE COMMUNES à régler à Me. SEGARD ès qualités de Commissaire à l'exécution du plan de la Société POLYCLINIQUE DE BOURG LA REINE et la POLYCLINIQUE DE BOURG LA REINE la somme de 116.413,53 EUROS représentant le montant des travaux de sécurité ordonnés par l'autorité administrative effectués par la POLYCLINIQUE DE BOURG LA REINE antérieurement au jugement déclaratif, augmentée des intérêts légaux à compter de l'assignation ; - débouter purement et simplement la S.C.I. DES QUATRE COMMUNES de sa demande de résiliation des baux à construction, cette demande étant sans objet les baux ayant été résiliés conformément à l'ordonnance du Juge Commissaire du 18 avril 2000 ; - condamner la S.C.I. DES QUATRE COMMUNES au paiement d'une somme de 4573,87 EUROS en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - la condamner aux entiers dépens. La S.C.I. DES QUATRE COMMUNES répond que l'obligation faite à la clinique d'assumer la charge des travaux de mise en sécurité, se déduit des stipulations contractuelles et de l'analyse de la commune intention des parties. La S.C.I. DES QUATRE COMMUNES prie donc en dernier la Cour de : -

débouter Me. Didier SEGARD, es-qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Me. SEGARD, es-qualités de l'ensemble de ses demandes ; - réformer la décision en ce qu'elle a abouté la S.C.I. DES QUATRE COMMUNES de sa demande de désignation d'un Expert pour remise en état des locaux et, à cette fin, désigner tel Homme de l'Art qu'il plaira à la Cour de nommer avec mission de déterminer le montant des réparations en vue de la remise à neuf des locaux ; - révoquer la demande relative à la résiliation des baux à construction ; - prononcer la résiliation desdits baux à construction aux torts et griefs exclusifs de Me. SEGARD, es-qualités ; - le condamner es qualités à payer le montant des loyers restant dus du 1er janvier 2000 à ce jour ; - condamner Me. SEGARD, es-qualités, à payer une indemnité de 3048,98 EUROS au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - le condamner en tous les dépens. La clôture a été prononcée le 14 mars 2002 et l'affaire appelée à l'audience du 19 mars 2002. SUR CE, LA COUR : I ) - Sur la qualité à agir de Me. SEGARD : Considérant qu'il est constant que par jugement du 25 novembre 1999, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a ordonné la cession de la S.A.R.L. POLYCLINIQUE DE BOURG LA REINE et a nommé Me. SEGARD en qualité de Commissaire à l'exécution de ce plan de cession, pour une durée de deux ans, et ce en application de l'article L. 621-68 du Code de Commerce (ancien article 67 de la loi Nä 85-98 du 25 janvier 1985) ; que Me. SEGARD, avait donc qualité à agir devant le Tribunal d'Instance d'ANTONY, pour poursuivre l'action introduite avec ce jugement arrêtant le plan, par cette S.A.R.L., le 19 novembre 1997 et que son action en intervention volontaire, es-qualités, était donc régulière et recevable dans cette instance qui a abouti au jugement déféré du 28 juillet 2000 ; Considérant que le jugement du 25 novembre 1999 avait fixé la durée de ce plan à deux ans,

c'est-à-dire au 25 novembre 2001 mais qu'ici, il y a eu une action introduite par la S.A.R.L. POLYCLINIQUE DE BOURG LA REINE, avant ce jugement, et qu'en application des articles L. 621-68 alinéa 2 et L. 621-90 du Code de Commerce, Me. SEGARD est donc recevable, en tout état de cause, à poursuivre cette action en recouvrement formée dès le 19 novembre 1997, même si la durée du plan était expirée ; Considérant que Me. SEGARD, es-qualités, est donc recevable en son appel et en ses demandes ; I I ) - AU FOND : * - Sur le coût des travaux réclamés par la S.A.R.L. appelante (et par Me. SEGARD, es-qualités) : Considérant qu'il est d'abord souligné que l'obligation d'exécuter ces travaux litigieux, telle qu'invoquée à la charge de la S.C.I. bailleresse, représente, en droit, une obligation de faire qui pèserait sur celle-ci (articles 1142 à 1145 du Code Civil), et qu'il est constant que la S.A.R.L. locataire a pris l'initiative, seule, de faire exécuter des travaux, sans y avoir été autorisée en justice, notamment en référé, conformément aux dispositions de l'article 1144 dudit Code ; qu'en tout état de cause, l'inexécution par la S.C.I. de cette obligation de faire alléguée contre elle, ne pouvait, en cas d'inexécution que se résoudre en dommages et intérêts au profit de la S.A.R.L. preneuse, alors qu'ici, il est patent que les deux appelants forment une demande en remboursement de travaux et non pas en paiement de dommages-intérêts ; Considérant, ainsi que l'a exactement retenu le premier Juge, que le bail ne contient aucune clause expresse au sujet de l'exécution éventuelle de travaux par la S.A.R.L. preneuse, qui pouvaient être ordonnés par l'autorité administrative (voir la clause IV "clauses et conditions" du contrat de bail originaire des 21-23 septembre 1964, reprise dans le bail du 1er avril 1983 qui vise expressément un renouvellement du bail originaire, "consenti aux clauses et conditions du bail expiré") ; Considérant, de plus, que la S.A.R.L.

preneuse a accepté en toute connaissance de cause, de : "1ä, prendre les lieux dans l'état où ils se trouvent actuellement....", étant précisé que la locataire déclarait au préalable : "...parfaitement connaître (les lieux loués) pour les avoir vus et visités" ; qu'il est évident qu'il a été ainsi de l'intention commune évidente des parties que cette locataire qui savait qu'elle exploiterait une clinique dans ces locaux, acceptait d'emblée, et par une exécution loyale et de bonne foi de cette convention claire et non équivoque, l'obligation contractuelle d'assumer seule et entièrement la charge des travaux de sécurité pouvant être, par la suite, exigés par l'autorité publique ; qu'il appartenait à cette preneuse qui est une professionnelle et qui ne peut être considérée comme une profane, de prévoir ce cas d'éventuels travaux ordonnés par l'autorité publique en cours de bail, et donc de prendre la précaution d'inclure dans son contrat de cession de fonds de commerce, du 24 juin 1996, une clause spéciale relative à la prise en charge desdits travaux, ce qu'elle n'a pas fait ; que l'intervention de l'autorité publique pour édicter de nouvelles réglementations et pour ordonner, notamment, le respect de nouvelles règles de sécurité dans certains bâtiments destinés à recevoir du public, était parfaitement prévisible, dès l'origine, et que ces travaux litigieux ne peuvent être considérés comme étant constitutifs d'un quelconque cas de force majeure dont puisse se prévaloir la S.A.R.L. locataire ; qu'en 1996, cette locataire, professionnelle, devait faire, spontanément, toutes recherches et toutes diligences utiles pour prendre connaissance des prescriptions de sécurité déjà arrêtés par la commission communale de sécurité, dès septembre 1994, ce qu'elle n'a pas fait et qui doit donc être retenu contre elle comme étant une carence et une négligence fautives qui engagent sa propre responsabilité et dont elle doit supporter toutes les conséquences ; qu'à partir du 5 mai 1997, la S.A.R.L. locataire a

traité directement ce problème avec la Mairie de BOURG LA REINE, sans demander une quelconque intervention de sa bailleresse, et qu'elle a ensuite, toujours en 1997, décidé, seule, de faire exécuter des travaux de mise en sécurité, mais sans recourir à une autorisation préalable de justice, en vertu de l'article 1144 du Code Civil, et sans mise en demeure préalable ; Considérant qu'en l'absence de toute clause contractuelle ayant expressément stipulé que ces travaux de mise en sécurité seraient à la charge de la S.C.I. bailleresse, les appelants ne sont pas fondés à prétendre que ces travaux devaient être supportés par celle-ci, sur le fondement de l'obligation de l'article 1719-2ä du Code Civil faite à la bailleresse d'entretenir la chose en état de service à l'usage pour lequel elle avait été louée ; qu'il est patent, en effet, que les travaux de mise en sécurité exigés par l'autorité publique -en raison de leur nature, de leur importance et de leur coût élevé- transformaient ces lieux loués et modifiaient leur structure, et qu'ils ne représentent donc pas des travaux d'entretien relevant de cet article 1719 ; que les deux appelants sont donc déboutés de leurs demandes fondées sur l'application de cet article et que le jugement déféré est confirmé ; Considérant par ailleurs que leur argumentation développée au sujet d'une précédente cession intervenue le 28 janvier 1993 est inopérante dans le présent litige où ne doivent s'appliquer que les baux de 1964 et de 1983, ainsi que la cession de fonds de commerce du 24 juin 1996, ci-dessus analysés comme contrats liant les parties ; - Sur la résiliation des deux baux à construction (de 1980 et de 1981) :

Considérant que pour s'opposer à cette demande de la S.C.I. intimée, les deux appelants arguent de ce que, par ordonnance du 18 avril 2000, le Juge Commissaire avait autorisé Me. SEGARD, es-qualités, à résilier ces deux baux, mais que l'intéressé ne précise et ne démontre pas à quelle date et comment il avait manifesté et notifié

sa prétendue décision de résiliation ; Considérant qu'à défaut de cette preuve, la S.C.I. est donc certes en droit de réclamer le paiement des loyers relatifs à ces deux baux, mais qu'il demeure qu'elle n'a formulé devant la Cour aucune demande chiffrée à ce sujet et qu'elle se borne, sans aucune autre précision, à indiquer que Me. SEGARD, es-qualités, resterait devoir trois trimestres de l'année 2001, étant observé que cette demande n'a fait l'objet d'aucun commandement de payer préalable (article 1153 du Code Civil) ; que l'inexécution par les deux appelants n'est donc pas démontrée et que la S.C.I. n'est donc pas fondée à demander une résiliation de ces deux baux, en application de l'article 1184 du Code Civil ; qu'elle est par conséquent déboutée de ce chef de demande ; Considérant que compte tenu de l'équité, il n'y a pas lieu d'accorder des sommes en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et que les parties sont donc déboutées de leurs demandes respectives en paiement, fondées sur cet article. PAR CES MOTIFS : La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. I ) Vu les articles L. 621-68 alinéa 2 et L. 621-90 du Code de Commerce : Dit et juge que Me. SEGARD, es-qualités, est recevable à poursuivre l'action en recouvrement formée le 19 novembre 1997, et qu'il est recevable en son appel et en ses actuelles demandes. I I ) -

AU FOND : * Vu les articles 1134 et 1144 du Code Civil : - Déboute Me. SEGARD, es-qualités et la S.A.R.L. POLYCLINIQUE DE BOURG LA REINE de leurs demandes en paiement et en remboursement fondées sur l'article 1719 du Code Civil. - Confirme le jugement de ce chef. Vu l'article 1184 du Code Civil : * * Déboute la S.C.I. de sa demande en résiliation des deux baux à construction de 1980 et 1981 et constate qu'elle n'a formé aucune demande chiffrée en paiement de loyers. - Constate que Me. SEGARD, es-qualités, ne justifie pas avoir résilié ces deux baux à construction. I I I ) - Déboute les parties de leurs

demandes respectives en paiement, fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Condamne la S.C.I. DES "QUATRE COMMUNES" à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la S.C.P. d'Avoués DEBRAY et CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt :

Monsieur Alban CHAIX, Président, Madame X..., Greffier en chef, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-8450
Date de la décision : 10/05/2002

Analyses

BAIL (règles générales) - Bailleur - Obligations - Réparations - Travaux prescrits par l'Administration - //

En application des articles 1142 à 1145 du Code civil, l'obligation qu'un locataire impute à son bailleur d'exécuter des travaux consécutivement à une injonction administrative d'avoir à mettre un bâtiment en conformité au regard des prescriptions de sécurité, constitue une obligation de faire à la charge du bailleur. Le locataire ne peut donc prendre seul l'initiative de faire exécuter les travaux sans y avoir été autorisé en justice, conformément aux dispositions de l'article 1144 du Code civil, et l'inexécution de cette obligation de faire ne peut se résoudre qu'en dommages-intérêts, à l'exclusion d'une demande de remboursement des travaux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-05-10;2000.8450 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award