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04/04/2002 | FRANCE | N°JURITEXT000006939656

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 avril 2002, JURITEXT000006939656


Se prévalant de la protection de la marque "CRAMPON" déposée le 18 mars 1976, monsieur Roger X..., propriétaire, la société VINMER licencié exclusif fabricant de chevilles murales à cette marque et la société GLODIS qui les commercialise ont engagé à l'encontre des sociétés ARSIE FIXATIONS et LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS une action devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins d'interdiction sous astreinte de reproduire les éléments caractéristiques de la marque, d'indemnisation de leurs préjudices à concurrence, respectivement, de 200.000 francs (30.489,80 euros

), 300.000 francs et 300.000 francs (45.734,71 euros), de désignat...

Se prévalant de la protection de la marque "CRAMPON" déposée le 18 mars 1976, monsieur Roger X..., propriétaire, la société VINMER licencié exclusif fabricant de chevilles murales à cette marque et la société GLODIS qui les commercialise ont engagé à l'encontre des sociétés ARSIE FIXATIONS et LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS une action devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins d'interdiction sous astreinte de reproduire les éléments caractéristiques de la marque, d'indemnisation de leurs préjudices à concurrence, respectivement, de 200.000 francs (30.489,80 euros), 300.000 francs et 300.000 francs (45.734,71 euros), de désignation d'un expert pour en fixer le montant définitif, et de publication du jugement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Les sociétés VINMER et GLODIS réclamaient en outre 30.000 francs (4.573,47 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Cette juridiction a considéré que l'usage par la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS de la désignation "chevilles universelles à crampons T.X." ne constituait pas une contrefaçon dès lors que le mot désignait usuellement des dispositifs pour assurer l'adhérence. Elle a relevé que la ressemblance entre les produits n'était pas de nature à entraîner la confusion du consommateur. Elle a en conséquence débouté les demandeurs de leurs prétentions à l'encontre de cette société tant au titre de la contrefaçon que de la concurrence déloyale et du parasitisme. Elle a, en revanche, relevé des agissements de contrefaçons à l'encontre de la société ARSIE FIXATIONS qui a fait figurer sur son catalogue des "CHEVILLES CRAMPON". Elle a respectivement fixé à 20.000 francs (3.048,98 euros) et 30.000 francs (4.573,47 euros) l'indemnisation des préjudices de monsieur X... et de la société VINMER, allouant au surplus à chacun 10.000 francs (1.524,49 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour des raisons identiques à celles concernant la

société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS, elle n'a pas retenu les griefs de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre d'ARSIE FIXATIONS. Monsieur X..., la société VINMER et la société GLODIS ont interjeté appel de cette décision. Ils exposent ensemble que la marque semi-figurative CRAMPON est régulièrement déposée pour des chevilles de fixation en matière plastique depuis le 18 mars 1976, qu'elle est la propriété de monsieur X... qui en a concédé la licence d'exploitation à la société VINMER. Ils réfutent l'argumentation de la société ARSIE FIXATIONS sur la validité de la marque fondée sur des dispositions de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle qui, n'étant pas en vigueur à l'époque, ne sont pas, selon eux, applicables au litige. Ils affirment la validité de la marque qui est complexe et non composée exclusivement d'éléments nécessaires ou descriptifs. Ils font valoir que les faits de contrefaçon sont clairement établis par l'utilisation des dénominations CRAMPON ou CRAMPONS dans les catalogues descriptifs pour désigner des chevilles en matière plastique. Ils soutiennent que le terme "crampon" ne correspond ni à la désignation du produit ni à celle d'une de ses caractéristiques et qu'il n'est pas synonyme de "crans". Ils font observer qu'un bon de livraison de la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS porte la désignation "chevilles crampons tx" révélateur de la désignation couramment faite de ces produits au sein de cette entreprise. Ils contestent que la société ARSIE FIXATIONS commercialise d'authentiques chevilles CRAMPON et soulignent au contraire que les produits contrefaisants saisis sont des fabrications XENON. Ils ajoutent que les modifications ultérieures de chacun des deux catalogues constituent un aveu de la contrefaçon commise. Ils font aux sociétés ARSIE FIXATIONS et LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS le grief de commercialiser à vil prix des chevilles d'une couleur et dans une présentation en grappes de nature

à entretenir la confusion avec leurs produits aux yeux d'une clientèle normalement avertie. Ils affirment que la mention de la dénomination XENON sur les produits imitant n'est pas de nature à exonérer les sociétés ARSIE FIXATIONS et LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS de leurs responsabilités. Ils soutiennent que cette dernière a imité dans son catalogue l'argumentaire de la société GLODIS en utilisant les expressions "barrettes d'accrochage" et "chevilles universelles" et que la société ARSIE FIXATIONS a fait figurer dans son catalogue la reproduction d'une cheville CRAMPON authentique pour illustrer les chevilles XENON. Ils prétendent que ces comportements traduisent la volonté délibérée des sociétés ARSIE FIXATIONS et LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle en profitant de la notoriété de la cheville CRAMPON. Invoquant l'atteinte subie par monsieur X... à son droit privatif ils sollicitent l'indemnisation provisionnelle, dans l'attente d'une expertise, de leurs préjudices. Ils concluent ensemble à la réformation partielle du jugement, demandent à la cour d'interdire à la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS sous astreinte de 152,45 euros par infraction de reproduire la marque CRAMPON, de condamner in solidum la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS et la société ARSIE FIXATIONS à payer à monsieur X... 30.489,80 euros, à la société VINMER 45.734,71 euros et pareille somme à la société GLODIS, de désigner un expert pour réunir les éléments permettant de statuer définitivement sur le préjudice, d'ordonner la publication de l'arrêt dans cinq journaux aux frais des intimées dans la limite de 3.811,23 euros, de débouter celles-ci de toutes leurs demandes et de les condamner in solidum à payer 9.164,94 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS répond qu'elle commercialise des chevilles murales fabriquées par la firme GUEX sous l'appellation XENON. Elle

fait observer que, dans le langage courant, une cheville "à crampons" caractérise la pièce, utilisée pour une fixation dotée de crampons et que la cheville GUEX est munie d'une série d'entailles destinées à accrocher la pièce au support. Elle soutient qu'il n'existe pas de différence entre un cran et un crampon, que l'emploi dans son catalogue des termes "chevilles universelles à crampons TX" constitue l'utilisation grammaticalement correcte de la définition technique de l'objet vendu. Elle fait valoir que la volonté de monsieur X... d'interdire l'usage du mot crampons aurait pour effet de priver ses concurrents d'un terme indispensable pour désigner l'objet. Elle réfute les griefs de concurrence déloyale et de parasitisme en rappelant qu'elle n'est ni le concepteur ni le fabricant des produits litigieux, que la présentation "en grappe" n'est pas caractéristique d'une confusion car non ressemblante, comme la couleur et le conditionnement et le prix. Elle relève que les appelants ne donnent aucune appréciation chiffrée du préjudice qu'ils auraient subi dont la réalité et l'importance ne sont, selon elle, pas établies. Elle conclut à la confirmation de la décision quant aux réclamations la concernant, au débouté des appelants de toutes leurs demandes et réclame 25.000 francs (3.811,23 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société ARSIE FIXATIONS expose qu'elle est une très petite structure économique réalisant un chiffre d'affaires annuel compris entre 1,2 et 1,4 millions de francs. Elle explique qu'elle vend des chevilles CRAMPON de la société VINMER régulièrement achetées auprès d'un de ses distributeurs et fait valoir que la revente de produits marqués authentiques ne constitue pas un délit d'usage. Elle soutient que la marque CRAMPON est descriptive et ne peut fait l'objet d'aucun dépôt. Invoquant les dispositions de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, elle affirme que le mot "crampon" ne peut constituer

une marque protégeable. Elle en infère la nullité de la marque. Subsidiairement, elle souligne les différences dans les couleurs, l'aspect et les formes entre les produits et affirme qu'ils ne laissent entretenir aucune confusion. Elle fait observer que seule la marque CRAMPON est déposée, pas "chevilles crampons" ou "chevilles à crampons Xenon". Elle prétend que la modicité de ses achats ne révèle aucun préjudice pour les appelants qui ne démontrent ni faute, ni préjudice, ni lien de causalité. Elle s'oppose à la désignation d'un expert qui ne peut se substituer dans l'administration de la preuve. Elle ajoute enfin qu'elle a modifié son prospectus. Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement en toutes les dispositions la concernant, de déclarer nulle la marque CRAMPON et irrecevables monsieur X..., la société VINMER et la société GLODIS, subsidiairement de les déclarer mal fondés et de les débouter en les condamnant à lui payer 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 17 janvier 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 19 février 2002. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que monsieur X... justifie de la propriété régulière, pour l'avoir acquise le 03 septembre 1986 de la société ANCIENS ETABLISSEMENTS G.VINEL, de la marque semi-figurative CRAMPON, pour désigner des chevilles en matière plastique (classe 20), inscrite à l'institut national de la propriété industrielle sous le numéro 1368878 le 28 août 1986, régulièrement renouvelée le 22 février 1996 ; Considérant que la société VINMER justifie de la concession de licence de ladite marque, aux termes d'un contrat du 11 janvier 1994, régulièrement inscrit à l'INPI le 11 avril 1994 sous le numéro 171203 ; SUR LA VALIDITE DE LA MARQUE Considérant que la validité de la marque déposée en 1986 doit être analysée au regard de la législation en vigueur à l'époque de ce dépôt ; Considérant que

l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 seul applicable au présent litige édictait que ne pouvaient être considérées comme marques celles constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit ou celles composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service ; Considérant que le mot de la langue française "crampon" désigne, selon les dictionnaires, soit un morceau de métal recourbé pour rendre solidaires deux pièces, soit des crochets, petits cylindres ou ergots fixés aux semelles de chaussures ; Considérant qu'une cheville pour fixation murale est un dispositif, originellement en bois, visant à assurer, par un effet d'écartement forcé, une bonne tenue de la vis dans des matériaux friables ou, au contraire, trop durs ; Qu'il suit de là que le vocable "crampon" ne constitue pas la désignation, nécessaire ou générique, d'une cheville pas plus qu'il n'indique la qualité essentielle du produit ; que le caractère évocateur d'un accrochage efficace n'est pas de nature à remettre en cause la validité de la marque CRAMPON ; Considérant que la société ARSIE FIXATIONS invoque les dispositions de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle issu de la codification de la loi du 04 janvier 1991 pour conclure à la nullité de la marque ; Mais considérant que le vocable "crampon" ne correspond pas, dans le langage courant ou professionnel, à la désignation nécessaire, générique ou usuel des chevilles pour fixations murales ; qu'il ne participe pas davantage à la désignation d'une caractéristique de ce produit et notamment, en l'espèce, à sa qualité ; qu'il n'est pas constitué par la forme du produit et ne lui confère pas sa valeur substantielle ; Que le terme "CRAMPON", bien que correspondant à un nom commun à fort pouvoir évocateur, comporte un caractère distinctif, au regard du produit concerné, de nature à assurer la validité de la marque lors de son renouvellement le 22 février 1996 ;

Que la société ARSIE FIXATIONS sera, en conséquence, déboutée de sa demande d'en voir prononcer la nullité ; SUR LA CONTREFAOEON Considérant qu'il est établi par le procès-verbal de saisie, dressé par huissier de justice le 19 février 1999, que la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS a édité un catalogue tarifaire référencé 9706 comportant, sous la désignation "CHEVILLES UNIVERSELLES A CRAMPONS TX" des chevilles en matière plastique ; Qu'il est justifié par une des factures d'achat de ce produit qu'il a été fourni par la société GUEX sous la dénomination de "chevilles XENON" ; Que le descriptif de ce fabricant précise :"Xenon. Cheville polypropylène au profil compact qui apporte une grande rigidité et permet une expansion très rapide. Une double rangée de crans garantit une excellente résistance à l'arrachement" ; que le mot crampon n'est pas utilisé ; Que l'article incriminé est effectivement muni d'entailles destinées à empêcher le recul de la cheville dans le trou qui la reçoit ; qu'il ne comporte en revanche aucun crampon ; que dans les différents dictionnaires usuels de la langue française, les termes cran et crampon ne désignent pas des dispositifs identiques ; Que la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS n'avait aucune raison d'ajouter au descriptif du produit le vocable "A CRAMPONS" pour désigner la cheville TX "à crans" ; Que, professionnelle de la distribution de produits de fixation, elle ne pouvait ignorer l'existence de la marque notoire CRAMPON, exploitée depuis 1963 et ayant fait l'objet de nombreuses publicités dans la revue LA QUINCAILLERIE MODERNE, connue par la mise en place de présentoirs sur les points de vente, et figurant au catalogue de la société VINMER ; que la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS produit elle-même aux débats les catalogues des sociétés RAWL et CGE Distribution qui offrent à la vente des chevilles CRAMPON et soulignent bien, par l'adjonction du signe (r), l'existence d'une marque déposée ; Que l'emploi délibéré

du vocable litigieux, même au pluriel et précédé d'un "A", sans qu'aucune nécessité ne l'explique, ni pour la désignation du produit ou de ses particularités, ni pour sa mise en oeuvre, constitue un usage frauduleux de la marque déposée CRAMPON pour désigner une cheville en matière plastique, et qui se trouve de surcroît confirmé par les mentions figurant sur un bon de livraison de la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS portant, pour le produit litigieux, la désignation "Chevilles crampons TX" sans que l'article ne soit désigné par son numéro de référence ; Que ces agissements, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sont bien constitutifs de contrefaçon de marque au sens des dispositions des articles L.713-2 et L.716-1 du code de la propriété intellectuelle ; que le jugement sera en conséquence réformé sur ce point ; Considérant que le 16 février 1999, il a été pratiqué chez la société ARSIE FIXATIONS la saisie d'un catalogue tarifaire comportant un article désigné "CHEVILLE A CRAMPONS XENON" ; que les appelants font état, sans être contredits et produisent aux débats un deuxième catalogue de la société ARSIE FIXATIONS proposant un article désigné "CHEVILLE CRAMPONS" ; Considérant que la société ARSIE FIXATIONS prétend sans en justifier, notamment par la production de factures, avoir acheté des chevilles authentiques à cette marque à la société VINMER qui le dément ; qu'elle se borne à affirmer que seule la marque CRAMPON est déposée et que les vocables qu'elle a employés ne le sont pas, en leur entier ; Mais considérant qu'il n'existe pas d'autre terme que le mot "cheville" pour désigner un tel article ; que l'association de la marque CRAMPON au mot générique cheville est précisément constitutive d'un acte de contrefaçon ; que faire précéder ce vocable d'un "A" et lui ajouter une S n'a pas pour effet de faire disparaître le comportement contrefaisant dès lors que la société ARSIE FIXATIONS, professionnel de la distribution, ne pouvait

méconnaître l'existence de la marque déposée litigieuse, le catalogue de la société RAWL mentionnant la cheville CRAMPON (r) ayant été saisi à son siège social ; Considérant que ni la modicité alléguée du volume des ventes, ni le fait d'avoir repris la désignation des articles achetés à la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS ne sont de nature à retirer aux agissements de la société ARSIE FIXATIONS leur qualification d'actes de contrefaçon ; SUR LES PREJUDICES Considérant que l'utilisation illicite de la marque CRAMPON par la société ARSIE FIXATIONS et la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS n'est admise et démontrée que pour les seules années 1997 et 1998 ; que les parties s'accordent sur le fait que toute référence à cette marque déposée a été supprimée des catalogues édités pour les années 1999 et suivantes ; Considérant qu'une attestation du cabinet d'expertise comptable S.E.C.O., fait mention de l'évolution, de 1992 à 1999, du chiffre d'affaires réalisé par la société VINMER relativement à son produit "chevilles CRAMPON" ; que les années litigieuses de 1997, 1998 et 1999 révèlent des augmentations respectives d'environ 5%, 3,6% et 1,10 %, reflétant ainsi un ralentissement du rétablissement de l'activité observé à partir de 1996 ; que la société VINMER ne communique pas, toutefois, le chiffre d'affaires de l'année 2.000 qui aurait été de nature à apprécier les effets éventuels de la cessation des actes de contrefaçon ; Considérant que l'expert comptable de la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS certifie que cette société a vendu, sur la période litigieuse 153.900 pièces "chevilles universelles à crampons TX" pour un montant de 11.081 francs (1.689,29 euros) et que 20.000 pièces ont été vendues au client ARSIE ; que c'est par une lecture inexacte des éléments chiffrés, en prenant en compte un total général et pas seulement celui relatif aux chevilles universelles TX, que les appelants prétendent que les quantités vendues s'élèveraient à 298.000 pièces ; Considérant que la

faible importance des quantités avérées d'articles contrefaisants commercialisés ne justifie pas le recours à une expertise qui ne peut pas, au demeurant et aux termes des dispositions de l'article 146 du nouveau code de procédure civile, viser à palier l'insuffisance dans l'administration de la preuve ; Considérant que la société GLODIS qui n'allègue ni ne justifie d'aucun droit sur la marque déposée CRAMPON ne peut faire valoir un préjudice personnel pour des actes de contrefaçon ; Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice causé par la société ARSIE FIXATIONS et résultant de l'atteinte à la propriété de la marque en allouant à monsieur X... une somme de 20.000 francs (3.048,98 euros) et à la société VINMER la somme de 30.000 francs (4.573,47 euros) ; Considérant que monsieur X... et la société VINMER sont bien fondés à demander que soit fait interdiction à la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée de reproduire la marque CRAMPON pour désigner des chevilles de fixation et à réclamer l'indemnisation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis par cette société ; Qu'eu égard à la quantité de chevilles vendues pendant la période litigieuse, au caractère national de l'activité commerciale déployée par la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS, à ses chiffres d'affaires de 17.145.728 francs en 1997, 22.264.950 francs en 1998 et 21.688.126 francs en 1999, le préjudice doit être fixé à la somme de 7.500 euros pour monsieur X... et 15.000 euros pour la société VINMER ; SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant que la société VINMER et la société GLODIS font grief aux sociétés ARSIE FIXATIONS et LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS d'actes de concurrence déloyale et de comportement parasitaire en expliquant que ces sociétés concurrentes ont commercialisé des chevilles pour fixation murale dans une présentation de nature à entretenir dans l'esprit de la clientèle une confusion avec la

présentation qu'elle-même adopte pour ces produits ; Mais considérant que le conditionnement des articles dans un boîtier en matière plastique transparente, dit "blister", n'est pas de nature, compte tenu de la banalité du procédé inhérent à la distribution en grandes surfaces où le client est appelé à se servir lui-même, à établir la confusion, même si, en l'occurrence, le format des boites est sensiblement identique ; Considérant que le dispositif de présentation "en grappes" de 25 pièces accrochées à une barrette centrale n'est pas, en l'espèce, source de confusion, puisque l'un présente à plat et en opposition de part et d'autre de la barrette centrale les pièces qui y sont reliées par leur pointe, alors que sur l'autre elles sont retenues par leur autre extrémité, latéralement et disposées, chacune à angle droit de la barrette centrale, en deux rangées parallèles ; Considérant que les barrettes des articles incriminés sont pourvues à l'une des extrémités d'une broche d'accrochage constituée d'un large anneau ovale, marqué de la mention "cheville Xenon" muni sur son arrière d'une languette à écartement pour accrochage, alors que le dispositif des chevilles CRAMPON est constitué d'un dispositif analogue mais rectangulaire, longitudinal, étroit et beaucoup plus épais ; Considérant que le mot "barrette" est un nom commun dont l'usage, dans les catalogues, n'est pas à lui seul de nature à créer une confusion ; Considérant que les chevilles accrochées aux barrettes présentent un aspect sensiblement différent, les unes de couleur beige sont des chevilles "à crans", les autres sont de couleur marron et présentent des cannelures lisses sur toute leur longueur ; Considérant enfin que le boîtier des société VINMER et GLODIS inclut une bande de papier imprimé qui, sur le revers présente, en cachant totalement les articles, les utilisations possibles de la cheville et sur le devant, recouvre les articles sur une demi-longueur du boîtier par une désignation de la marque ; que

sur le boîtier litigieux est seulement collée une étiquette de faible dimension comportant la désignation, la taille, le nombre des pièces et un code barre ; que l'utilisation de la mention "chevilles multi-matériaux" ou "chevilles Universelles TX" ne présente, sauf l'utilisation du mot générique "chevilles" aucun rapport avec mentions figurant sur les produits à la marque CRAMPON ; Qu'un deuxième lot d'articles saisis chez la société ARSIE FIXATIONS présente un conditionnement des quatre barrettes de 25 pièces encore plus différent puisqu'elles sont placées en deux paires superposées, à plat, dans une pochette en matière plastique souple dépourvue de dispositif d'accrochage en présentoir ; Qu'il résulte de ces constations que la disposition des deux ensembles ne présente pas une configuration susceptible de générer une confusion dans l'esprit de la clientèle même n'ayant pas, en même temps, les deux articles sous les yeux ; Considérant que la constatation d'un écart significatif de prix est inopérante à démontrer le caractère déloyal d'une concurrence ; Considérant que le croquis, à gros traits simples sans ombrage ou effets de profondeur, d'une cheville tel qu'il figure au catalogue de la société ARSIE FIXATIONS ne permet aucunement de "reconnaître" la cheville CRAMPON, dont il n'est pas allégué au demeurant que le modèle ait été déposé ; Qu'il suit de là que doit être confirmé le jugement qui a débouté les sociétés VINMER et GLODIS de leur demande du chef de concurrence déloyale et de parasitisme ; SUR LES AUTRES DEMANDES Considérant que la nature et l'étendue des agissements incriminés ne justifient pas que soient ordonnées les mesures de publicité sollicitées ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à monsieur X... et la société VINMER la charge des frais qu'ils ont été contraints d'engager en cause d'appel ; que la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS sera condamnée à leur payer une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du

nouveau code de procédure civile ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice de la société GLODIS, de la société ARSIE FIXATIONS et de la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS ; Considérant que la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS qui succombe doit supporter la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement entrepris hormis du chef de contrefaçon à l'encontre de la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS, Et statuant à nouveau, DIT que la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de la marque "CRAMPON" dont monsieur X... est propriétaire et la société VINMER le licencié exclusif, FAIT à la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS interdiction de reproduire ladite marque pour désigner des chevilles de fixation en matière plastique, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, CONDAMNE la société LAURENT INDUSTRIE FIXATIONS à payer à monsieur Roger X... la somme de 7.500 euros et à la société VINMER celle de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, LA CONDAMNE à payer à monsieur Roger X... et à la société VINMER 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par les SCP BOMMART-MINAULT et MERLE-CARENA-DORON, sociétés titulaires d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006939656
Date de la décision : 04/04/2002

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Eléments constitutifs - Caractère distinctif - Appréciation.

En application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964, applicable lors du dépôt de la marque, ne peuvent être considérées comme marques celles constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit ou celles composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service. Tel n'est pas le cas du vocable "crampon " dès lors qu'il ne constitue pas, tel que défini dans les dictionnaires de langue française, la désignation nécessaire ou générique d'une cheville et que, pas davantage, il n'indique la qualité essentielle du produit, en l'occurrence un mode de fixation par coincement dans des matériaux friables ou, à l'inverse, trop durs. En outre, au regard des dispositions de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, applicable au jour du renouvellement de la marque, le caractère évocateur d'un accrochage efficace pouvant être associé au terme crampon, confère au produit auquel il est associé, le caractère distinctif requis à la validité de la marque

MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Contrefaçon - Contrefaçon par usage.

Les termes " cran et crampon " ne désignent pas usuellement des dispositifs identiques, il s'ensuit que le fait pour un professionnel de la distribution de produits de fixation de désigner une cheville à crans en employant sans nécessité descriptive ou fonctionnelle l'expression de "cheville à crampons " ou de "cheville crampons ", alors que celui-ci, eu égard à sa qualité, ne pouvait ignorer l'existence de la marque notoire " Crampon " objet de nombreuses publicités dans la revue professionnelle de la quincaillerie et figurant suivie du signe â dans les catalogues d'autres fabricants qu'il verse lui-même aux débats, s'analyse comme un usage frauduleux de la marque déposée constitutif de contrefaçon au sens des dispositions des articles L. 713-2 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle


Références :

Loi du 31 décembre 1964, article 3 Code de la propriété intellectuelle, article L. 711-2 Code de la propriété intellectuelle, articles L. 713-2 et L. 716-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-04-04;juritext000006939656 ?
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