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04/04/2002 | FRANCE | N°2000-5688

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 avril 2002, 2000-5688


Le 19 mai 1997, monsieur Bruno X... et monsieur Dominique Y..., agissant pour le compte et se portant fort des autres actionnaires, signaient avec la société GROUPE VALFOND un acte emportant promesse de cession de la totalité des actions composant le capital social de la société THINET etamp; Cie, moyennant un prix de 74.000.000 francs (11.281.227,28 euros). La convention comportait diverses clauses et conditions dont, notamment, celle du versement par le bénéficiaire d'une somme de 26.000.000 francs (3.963.674,45 euros). Par courrier du 25 juillet 1997, la société GROUPE VALFOND noti

fiait aux promettants sa décision de renoncer à l'option...

Le 19 mai 1997, monsieur Bruno X... et monsieur Dominique Y..., agissant pour le compte et se portant fort des autres actionnaires, signaient avec la société GROUPE VALFOND un acte emportant promesse de cession de la totalité des actions composant le capital social de la société THINET etamp; Cie, moyennant un prix de 74.000.000 francs (11.281.227,28 euros). La convention comportait diverses clauses et conditions dont, notamment, celle du versement par le bénéficiaire d'une somme de 26.000.000 francs (3.963.674,45 euros). Par courrier du 25 juillet 1997, la société GROUPE VALFOND notifiait aux promettants sa décision de renoncer à l'option d'achat et leur réclamait la restitution de la somme versée, majorée des intérêts contractuels. Un jugement rendu le 18 novembre 1997 par le tribunal de commerce de Paris a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société THINET etamp; Cie, ultérieurement convertie en liquidation judiciaire. Maître PIERREL a été désigné mandataire liquidateur à cette procédure collective. La société GROUPE VALFOND a procédé à la déclaration de sa créance au passif. Elle a alors saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour demander la condamnation solidaire de messieurs X... et Y... à lui payer la somme de 26.000.000 francs (3.963.674,45 euros) augmentée des intérêts contractuels au taux de 5% à compter du 20 mai 1997. Elle a appelé à la cause la société DAIWA EUROPE LIMITED ainsi que la société THINET etamp; Cie et son mandataire liquidateur. Messieurs X... et Y... ont soutenu reconventionnellement la nullité de la clause de restitution, le caractère synallagmatique de la promesse et ont demandé la condamnation de la société GROUPE VALFOND à leur payer le solde du prix de 48.000.000 francs (7.317.552,83 euros). Par jugement rendu le 27 juin 2000, cette juridiction, retenant que la somme versée pour l'option représentait 35% du prix convenu, que l'obligation de restitution introduisait un déséquilibre dans

l'économie de la convention, que l'affectation des fonds avait pour effet que l'éventualité de la restitution n'était pas réellement envisagée et que l'audit de la situation de THINET ne constituait pas une condition suspensive, a donné à la convention la qualification de promesse synallagmatique valant cession de l'ensemble des actions. Elle a, en conséquence, condamné la société GROUPE VALFOND à payer la somme de 48.000.000 francs (7.317.552,83 euros) à monsieur Bruno X... à charge pour ce dernier de répartir la somme entre les actionnaires. Elle a donné acte à messieurs X... et Y... de leur engagement de verser, à titre de contribution volontaire, la moitié du solde du prix de la cession à la liquidation judiciaire. Elle a débouté les parties de leurs autres demandes sauf à allouer à chacun de messieurs X... et Y... 50.000 francs (7.622,45 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société GROUPE VALFOND a interjeté appel de cette décision. Elle rappelle les circonstances, l'économie générale et les modalités de mise en oeuvre de la promesse de vente signée le 19 mai 1997. Elle oppose aux demandes incidentes de messieurs X... et Y... en paiement de dommages et intérêts une irrecevabilité tirée de leur défaut de qualité à agir dans l'intérêt collectif des créanciers comme de celui des actionnaires faute de justifier de préjudices distincts de ceux résultant de leur position de porteurs de parts. Elle soutient que l'engagement de messieurs X... et Y... de reverser la moitié des sommes qu'ils pourraient recevoir ne saurait conférer à maître PIERREL une action directe en paiement. Elle en infère l'irrecevabilité de ce dernier qui ne justifie pas d'un intérêt personnel. Elle fait grief au jugement d'avoir qualifié la convention, nonobstant ses termes clairs et précis, de promesse synallagmatique. Elle souligne que plusieurs stipulations du contrat démontrent qu'elle n'était pas, jusqu'à une certaine date, obligée

d'acheter les actions. Réfutant point par point les arguments des intimés, elle soutient que sa liberté de ne pas lever l'option n'était pas entravée par le montant de 26 millions de francs (3.963.674,45 euros) du prix de l'option remboursable et affirme que l'affectation convenue d'une partie des fonds versés n'établit pas que le remboursement de cette somme n'aurait pas été sérieusement envisagé. Elle fait état à cet égard des garanties qu'elle avait obtenues de la part de la société THINET etamp; Cie assorties d'un nantissement sur les titres de la filiale SOGOM. Elle explique que la stipulation du versement des 26 millions de francs qui était, selon elle, en réalité un prêt ne peut disqualifier la promesse dont les clauses sont limpides, licites et causées. Subsidiairement, elle prétend que faute de démontrer la réalité d'une augmentation du capital de la filiale EUROPAVIE, et en application de l'article 8, alinéa 2, de la convention, messieurs X... et Y... sont réputés avoir exercé leur faculté de rachat dont il résulte qu'ils lui sont redevables de la somme de 26 millions de francs (3.963.674,45 euros) majorée de 2,6 millions de francs (396.367,44 euros) à titre de dédit. Plus subsidiairement encore, elle invoque la nullité de la promesse en raison du défaut de déclaration préalable aux autorités de tutelle de l'opération de cession indirecte de la filiale d'assurance EUROPAVIE. Elle demande en conséquence à la cour : - d'infirmer le jugement et de condamner monsieur Bruno X... à lui payer 8.159.027,50 euros et 17.945,33 euros reçus en exécution provisoire du jugement en lui allouant, sur ces sommes, des intérêts à compter du 04 décembre 2000, et, statuant à nouveau, - de débouter monsieur X..., monsieur Y... et maître PIERREL de toutes leurs demandes, de condamner solidairement messieurs X... et Y... à lui payer la somme de 3.963.674,45 euros augmentée d'un intérêt conventionnel de 5% à compter du 19 mai 1997 jusqu'au 25 juillet 2000

et de 7,15% à compter du 25 juillet 1997, avec capitalisation à la date anniversaire de leur échéance, - subsidiairement de condamner solidairement messieurs X... et Y... à lui payer 4.360.041,89 euros en application de l'article 7-3 de la promesse augmentée d'un intérêt au taux de 7,15% à compter de l'assignation du 07 novembre 1997, avec capitalisation à la date anniversaire de leur échéance, - plus subsidiairement de dire la promesse nulle et de condamner solidairement monsieur X... et monsieur Y... à lui restituer 3.963.674,45 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, - de condamner messieurs X... et Y... et maître PIERREL à lui payer, sous le bénéfice de la solidarité 39.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur Bruno X... fait observer que la société GROUPE VALFOND a saisi la juridiction consulaire qui ne peut être compétente que dans la mesure où l'acte qualifié de promesse de vente est en réalité une vente ferme de titres emportant prise de contrôle. Il critique les moyens de l'appelante en soulignant que le prix convenu était ferme, définitif et non susceptible d'être modifié par le résultat du rapport d'audit. Il souligne l'importance de la somme de 26 millions de francs versée à la signature qui permet, selon lui, de requalifier la convention du 19 mai 1997 en promesse synallagmatique. Il soutient que l'affectation forcée, à concurrence de la totalité des 26 millions de francs dont s'est reconnue débitrice la société THINET etamp; Cie, assortie de la sanction particulièrement lourde de l'obligation de restitution, démontre l'impossibilité dans laquelle il se trouvait, en cas de renonciation par la société GROUPE VALFOND à la promesse, de rembourser la somme investie en fonds propres ou en quasi fonds propres. Il en conclut que l'impossibilité de restitution de l'option et son importance rendaient illusoire la liberté du bénéficiaire de ne pas acquérir, caractérisant pleinement l'existence

d'une promesse synallagmatique. Il conteste la qualification de prêt donnée à la somme de 26 millions de francs par la société GROUPE VALFOND qui n'en précise pas le bénéficiaire, et dont le remboursement est assorti de pénalités. Il rappelle l'insolvabilité des promettants et les difficultés financières de la société THINET etamp; Cie. Il explique avoir respecté ses obligations en ayant déposé la somme de 26 millions de francs en compte-courant chez THINET qui a viré immédiatement 16 millions de francs à EUROPAVIE et soutient que la non-réalisation de l'augmentation de capital de cette dernière est inopérante puisqu'elle ne constitue pas une condition de l'acte. Il rappelle la diversité des participations du groupe THINET, souligne que la société GROUPE VALFOND est incapable de préciser la partie des 74 millions affectée aux titres EUROPAVIE et prétend que la nullité encourue ne pourrait porter que sur la prise de participation dans cette dernière. Il ajoute que la déclaration aux autorités de contrôle incombait au cessionnaire qui ne peut se prévaloir de sa propre défaillance. Il expose que le caractère synallagmatique de la promesse prive de portée la clause de restitution des fonds versés laquelle devrait, subsidiairement, être annulée du fait de son caractère léonin. Il analyse à cet égard l'accord comme une convention de prête-nom faisant de lui-même et de monsieur Y... des agents de VALFOND qui ont respecté les instructions de leur mandant et qui se sont trouvés à la fois contraints d'affecter les fonds et liés par une obligation de les restituer. Subsidiairement, rappelant la jurisprudence en cette matière, il s'oppose à l'octroi de tout intérêt sur l'éventuelle restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire. Il précise que les dommages et intérêts qu'il demande visent à réparer un préjudice personnel subi par les actionnaires que sont monsieur Y... et lui-même. Il en infère la parfaite recevabilité de cette prétention. Il invoque les

agissements de la société GROUPE VALFOND, tant à son égard qu'à celui de monsieur Y... et de la société THINET etamp; Cie, qu'il qualifie de dolosifs, et le préjudice qui en est résulté. Il demande qu'acte lui soit donné de ce qu'il s'engage à reverser à la liquidation judiciaire de la société THINET etamp; Cie 50% du solde du prix des actions. Il conclut à la confirmation du jugement et, subsidiairement, à la nullité de la clause de restitution. Formant appel incident de ce seul chef, il demande la condamnation de la société GROUPE VALFOND à lui payer 15.244.901 euros à titre de dommages et intérêts. Il réclame au surplus une somme de 38.112,25 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur Y... développe en des termes identiques à ceux de monsieur X... les mêmes conclusions. Il conclut à l'irrecevabilité de l'appel, à la confirmation du jugement et, subsidiairement, à l'annulation de la clause de restitution des fonds. Il articule à l'encontre de la société GROUPE VALFOND les mêmes griefs d'agissements dolosifs, invoque au surplus un acharnement procédural et les conséquences de ce comportement sur la faillite du groupe THINET. Il expose la perte qui en est résultée de ses droits sociaux. Formant appel incident contre le jugement qui l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, il réclame de ce chef la condamnation de la société GROUPE VALFOND à lui payer 15.244.902 euros outre 15.244,90 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Maître PIERREL expose qu'il est le mandataire liquidateur de la société THINET etamp; Cie mais également celui de la société SOCOFRA et qu'il avait demandé aux premiers juges, au cas où la convention passée devait être qualifiée de promesse synallagmatique valant vente, de faire bénéficier la liquidation judiciaire des condamnations prononcées à hauteur de la participation de 27,5% détenue par SOCOFRA dans le capital de THINET.

Il demande à cet égard de réparer l'omission de statuer du jugement sur les conséquences de son intervention volontaire es qualités de liquidateur de la société SOCOFRA. Il fait observer que le choix de la juridiction consulaire a une incidence sur la qualification à donner à l'acte et il rappelle que la mise en cause de la société DAIWA EUROPE LIMITED ne tendait qu'à obtenir communication d'un protocole en date du 29 avril 1997 dont la société GROUPE VALFOND voulait tirer argument pour remettre en cause la convention litigieuse. Soulignant, à son tour, le caractère exorbitant du montant de l'option de 26 millions de francs, et l'obligation imposée aux promettants d'affecter partie de cette somme à une opération en capital, il soutient qu'il ne s'agit pas d'une simple indemnité d'immobilisation caractéristique d'une promesse de vente. Il ajoute que la qualification de l'acte devra prendre en considération les termes et la motivation de la lettre notifiant la renonciation du groupe VALFOND. Il demande, dans l'hypothèse où la cour confirmerait la décision de première instance, de dire et juger que les condamnations profiteront à la société SOCOFRA à hauteur de 27,5%. Es-qualités de mandataire liquidateur de la société THINET etamp; Cie, il sollicite qu'il soit statué ce que de droit sur le mérite des demandes présentées et sur l'entérinement des engagements pris par messieurs X... et Y... En ses deux qualités, il réclame à tout succombant 4.574 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société DAIWA EUROPE LIMITED a été assignée par acte signifié à Parquet et n'a pas constitué avoué. Il a été justifié de diligences suffisantes pour établir que le destinataire a eu connaissance de l'acte. La présente décision sera réputée contradictoire en application de l'article 474 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 31 janvier

2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 12 février 2002. MOTIFS DE LA DECISION SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL Considérant que monsieur Y... conclut à l'irrecevabilité de l'appel sans soulever aucun moyen à l'appui de cette prétention ; que la cour n'en voit aucun dans la cause qui doive l'être d'office ; Que l'appel interjeté par la société GROUPE VALFOND sera déclaré recevable ; SUR LA RECEVABILITE DES DEMANDES DE MESSIEURS X... ET Y... EN PAIEMENT DE DOMMAGES ET INTERETS Considérant que dans leurs conclusions récapitulatives, ni monsieur X..., ni monsieur Y... ne se prévalent d'un préjudice qu'auraient subi les créanciers ; que leurs demandes en paiement de dommages et intérêts ne sont fondées que sur l'indemnisation des pertes patrimoniales qu'ils invoquent en leur qualité d'actionnaires de la société THINET etamp; Cie ; Considérant que ce préjudice leur est, à chacun, personnel ; qu'ils sont dès lors recevables, l'un et l'autre, à en poursuivre l'indemnisation ; Que la fin de non recevoir de ce chef sera écartée et messieurs X... et Y... déclarés l'un et l'autre recevables en leurs demandes ; SUR LA RECEVABILITE DE MAITRE PIERREL Considérant que maître PIERREL a été appelé à la cause en sa qualité de mandataire liquidateur de la société THINET etamp; Cie, mais qu'il est également intervenu volontairement, en première instance, en celle de mandataire liquidateur de la société SOCOFRA ; Considérant que, dès lors que cette dernière détient une participation de 27,5% dans le capital de la société THINET etamp; Cie, maître PIERREL est parfaitement recevable à réclamer que, dans l'hypothèse d'une qualification de la promesse de vente en convention synallagmatique, le prix convenu pour la cession de la totalité du capital de la société THINET etamp; Cie soit attribué à son administrée SOCOFRA, à concurrence de sa participation ; Que la fin de non recevoir que lui oppose la société GROUPE VALFOND sera par conséquent écartée ; SUR LA QUALIFICATION DE

LA CONVENTION Considérant qu'aux termes de la convention signée le 19 mai 1997, monsieur X... et monsieur Y..., ont promis de céder l'intégralité des actions formant le capital social de la société THINET etamp; Cie à la société GROUPE VALFOND qui a accepté cette promesse en tant que telle sans pour autant prendre l'engagement de lever ou non l'option ; que la société GROUPE VALFOND pouvait renoncer à l'exercice de l'option avant la date du 14 juillet 1997 (repoussée au 14 septembre, selon proposition faite par lettre du 04 juillet acceptée le 08) ; qu'elle avait la faculté de lever la promesse à tout moment pendant une période initialement convenue du 15 juillet au 15 septembre 1997, et repoussée, dans les mêmes conditions, du 15 septembre au 15 novembre 1997 ; Que cette convention qui, librement formée, fait la loi des parties, énonce ainsi dans des termes clairs et non équivoque et comme tels non sujets à interprétation, que l'acte constitue une promesse unilatérale de vente qui ne pouvait porter les effets d'une vente qu'à la condition qu'une levée de l'option fut expressément manifestée par le bénéficiaire au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception, avant la date limite convenue ; Considérant que la mention, sous l'article 12 de la promesse, d'une clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Nanterre, n'a pas pour effet de démontrer que l'acte emporterait un transfert immédiat du contrôle de la société, lequel n'existait, au sens de la convention, que potentiellement, à la condition d'une levée de l'option ; que la validité de cette clause attributive pouvait être discutée, comme l'ont fait messieurs X... et Y... dans un premier temps en première instance ; qu'une telle attribution de juridiction, valable ou non, ne saurait avoir pour effet, en l'espèce, de permettre la qualification de la convention contraire à son contenu clairement défini ; Considérant que, comme le soutiennent messieurs

X... et Y..., les opérations d'audit ne pouvaient avoir pour résultat de modifier le prix ferme et définitif de 74 millions de francs convenu ; Mais considérant qu'une telle constatation renforce la réalité du caractère unilatéral de la promesse puisque les opérations d'examen de la situation financière de la société THINET etamp; Cie pouvaient conduire la société GROUPE VALFOND à choisir de ne pas lever l'option dont elle bénéficiait ; Que c'est, au demeurant, ce qui est survenu puisque la lettre du 25 juillet 1997 signifiant la renonciation à l'achat est motivée par une modification de la stratégie du groupe VALFOND, mais également par "l'absence de visibilité sur les comptes consolidés de THINET etamp; COMPAGNIE au 31 décembre 1996, qui n'ont toujours pas été certifiés par vos commissaires aux comptes" ; Considérant qu'aux termes de la convention, la société GROUPE VALFOND bénéficiaire a remis aux promettants une somme de 26 millions de francs (3.963.674,45 euros) ; que messieurs X... et Y... soutiennent que le montant élevé de ce versement qui représente 35% du prix prévu permettrait de qualifier la convention de promesse synallagmatique ; Mais considérant qu'une telle qualification ne pourrait éventuellement résulter, à cet égard, que d'un engagement du bénéficiaire, usuellement convenu en de telles matières, d'abandonner au promettant l'indemnité d'immobilisation, dont les conséquences financières sont alors coûteuses au point de priver éventuellement le bénéficiaire de la faculté de renoncer ; Que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque, aux termes des dispositions explicites de l'article 7-3 de l'acte, la société GROUPE VALFOND pouvait renoncer, avant le 14 juillet 1997, date conventionnellement repoussée au 14 septembre suivant, à l'exercice de l'option et que les promettants ont souscrit, dans cette hypothèse, un engagement de restitution ; Que la société GROUPE VALFOND a fait connaître sa renonciation par lettre du 25 juillet 1997 ; Considérant que la

convention comporte un article 8 ainsi libellé : "Le promettant s'engage de manière irrévocable à consentir dans un délai de HUIT jours à compter de la présente une avance en compte-courant d'un montant de SEIZE MILLIONS DE FRANCS (16.000.000 F), et se porte fort du versement de cette somme par la société THINET etamp; Cie à la société EUROPAVIE, au titre de la libération de sa souscription à l'augmentation de capital en cours." Qu'il convient de remarquer que la clause d'affectation ne porte que sur la somme de 16 millions et non, comme le soutiennent à tort messieurs X... et Y..., sur celle de 26 millions ; que c'est en dehors de tout engagement à l'égard de la société GROUPE VALFOND que les promettants ont décidé de joindre les 10 millions aux 16 qu'ils s'étaient engagés à placer en compte-courant d'associés chez la société THINET etamp; Cie ; Considérant que le 8 juillet 1997 a été passée une convention aux termes de laquelle monsieur X... déléguait la société THINET etamp; Cie à la société GROUPE VALFOND pour le remboursement de la créance de compte-courant ; que la société THINET etamp; Cie a donné son accord à cette délégation dans la limite des sommes dont elle était débitrice à l'égard de monsieur X... et a garanti le respect de ces obligations par un nantissement sur des actions de sa filiale SOGOM ; Que, même si cette convention de délégation mentionne que monsieur X... a confirmé être créancier de la société THINET etamp; Cie au moins à concurrence de 26 millions, elle n'a aucunement pour effet de permettre à ce dernier de soutenir, comme il le fait, que "dès la signature de la promesse", il "ne disposait plus des fonds qui lui avaient été versés" ; qu'une créance en compte-courant est, par nature et sauf convention contraire, liquide et exigible ; qu'en sa qualité de dirigeant monsieur X... était parfaitement à même de connaître la situation financière exacte de la société THINET etamp; Cie et ses possibilités de rembourser l'avance qu'il lui consentait ;

que son engagement d'affectation était donc bien limité à la seule somme de 16 millions de francs (2.439.184,28 euros) ; Considérant que messieurs X... et Y... prétendent que l'affectation de cette dernière somme à la souscription à l'augmentation de capital d'EUROPAVIE correspondait à un investissement en fonds propres ou quasi fonds propres les rendant dès lors non restituables ; qu'ils tirent de l'articulation des deux conventions, une qualité "d'agents" de VALFOND dans le cadre d'une convention masquée de prête-nom dont l'objet aurait été d'anticiper la formalisation de l'acquisition des titres de la société THINET etamp; Cie ; Mais considérant qu'un actionnaire est une personne distincte de la société laquelle est elle-même une personne morale différente de ses filiales ; qu'il ne ressort aucunement des deux conventions signées que la société GROUPE VALFOND ait, à aucun moment, souscrit un quelconque engagement de participer aux fonds propres de la société THINET etamp; Cie ou de sa filiale EUROPAVIE ; que les engagements ont été pris unilatéralement par messieurs X... et Y... d'affecter les sommes puis de déléguer leur créance en compte-courant ; que la réalité d'une prise de participation ne saurait résulter que d'une volonté explicitement exprimée ; que la condition mise par la société GROUPE VALFOND à l'emploi des 16 millions et les garanties de bon remboursement postérieurement obtenues de la société THINET etamp; Cie ne sauraient apporter la démonstration d'une telle participation en capital ; que la société GROUPE VALFOND qui bénéficiait d'une promesse unilatérale irrévocable et donc de la faculté d'acquérir les titres au prix convenu à tout moment entre le 15 juillet et le 15 septembre (date repoussée au 15 novembre 1997) n'avait aucune raison d'ériger messieurs X... et Y... en ses "agents" pour "masquer" une anticipation de l'acquisition des titres ; Considérant que la qualification de la convention en promesse synallagmatique ne saurait

résulter, comme le laisse entendre maître PIERREL, des motifs allégués par la société GROUPE VALFOND pour expliquer sa décision de renoncer à l'acquisition ; que la lettre du 25 juillet 1997 ne visait qu'à signifier, conformément au contenu de l'acte, l'exercice d'une faculté ; qu'il ne saurait s'en inférer qu'elle aurait traduit une volonté de la société GROUPE VALFOND de s'abstraire d'un prétendu engagement d'acquérir ; Considérant que les développements de messieurs X... et Y... sur la situation financière de la société THINET etamp; Cie ne sauraient les exonérer de leur engagement de remboursement ; qu'il leur appartenait, avant de souscrire l'engagement unilatéral d'affectation des 16 millions de francs, d'apprécier la faculté de remboursement de la société qu'ils dirigeaient dans l'hypothèse, qu'ils ne pouvaient ignorer puisque contractuelle, où la société GROUPE VALFOND ne donnerait pas suite à son option ; qu'ils se bornent à invoquer les difficultés de trésorerie de THINET mais ne fournissent aucune précision sur le chiffre d'affaires de ce groupe, l'importance des flux financiers et la situation financière exacte au jour de la convention du 19 mai 1997 ; que rien dans ces circonstances ne démontre l'impossibilité de cette société à rembourser une avance de 16 millions reçue de ses actionnaires dirigeants ; Qu'ils ne sauraient, sans confondre les causes et les effets, affirmer que la liberté de VALFOND d'acquérir n'aurait été qu'illusoire au motif du montant de la perte qu'aurait représenté la non-restitution ; que cette affirmation repose sur le postulat non vérifié que le GROUPE VALFOND aurait eu connaissance, dès le 19 mai 1997, que la situation de trésorerie de THINET était obérée au point de rendre impossible le remboursement d'un compte-courant de 16 millions, situation au demeurant de nature à traduire un état éventuel de cessation des paiements ; Qu'ainsi messieurs X... et Y... n'apportent pas la preuve que les

obligations pesant sur eux, qu'ils qualifient de particulièrement lourdes, mais qu'ils ont pourtant librement souscrites, ne peuvent trouver leur cause dans un prétendu engagement irrévocable de la société VALFOND qui, bien au contraire, était seulement soucieuse de vérifier l'exacte situation financière du groupe convoité et de s'assurer de récupérer son avance au cas où elle déciderait, comme elle l'a fait, de renoncer à son acquisition ; Que la convention passée, clairement exprimée, constitue une promesse unilatérale de vente, non susceptible d'être qualifiée de promesse synallagmatique ; qu'elle doit recevoir application ; que la société GROUPE VALFOND était donc en droit de renoncer, par lettre du 25 juillet 1997 au bénéfice de la promesse souscrite par monsieur X... et monsieur Y..., comme la faculté lui en avait été réservée ; SUR LA NULLITE DE LA CLAUSE DE RESTITUTION Considérant que ces derniers concluent subsidiairement à la nullité de la clause de restitution des fonds qu'ils qualifient de léonine ; Mais considérant que les dispositions de l'article 1844-1 du code civil prohibent la clause qui, stipulée dans un pacte social, attribue à un associé la totalité du profit ou l'exonère de la totalité des pertes ; qu'en l'espèce, l'objet de la convention est une promesse de cession de la totalité des actions ; qu'il n'existait pas entre les promettants et le bénéficiaire, au jour de la conclusion de la convention, de pacte social ni actuel ni potentiel puisque la réalisation éventuelle de la vente aurait eu pour résultat la perte par les promettants de leur qualité d'actionnaires de telle sorte qu'ils n'auraient jamais été associés avec la société VALFOND ; que messieurs X... et Y... ne sauraient conclure à l'existence d'un pacte d'actionnaires en se prévalant d'une convention de prête-nom sur la réalité de laquelle il a été ci-dessus statué ; qu'au surplus, un prête-nom n'est pas l'associé de celui pour le compte de qui il agit ; qu'en l'espèce, l'objet de la

convention couvrant la totalité des actions de THINET, messieurs X... et Y... ne pouvaient avoir cumulativement et concommitamment d'une part la qualité d'actionnaires et d'autre part celle de prête-nom de VALFOND pour la réalisation prétendument anticipée de l'acquisition ; Considérant que l'engagement de restitution était causé par la perception par messieurs X... et Y... de la somme de 26 millions de francs (3.963.674,45 euros) ; que celui qui reçoit une avance, même à charge d'en faire une utilisation déterminée, doit en effectuer le remboursement dans les conditions auxquelles il s'est contractuellement engagé ; SUR LES CONSEQUENCES Qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ; Que messieurs Bruno X... et Dominique Y... doivent être solidairement condamnés à payer à la société GROUPE VALFOND la somme de 3.963.674,45 euros majorée des intérêts aux taux contractuels de 5% l'an du 19 mai au 19 mai 1997 et de 7,15% l'an à partir du 25 juillet 1997 jusqu'à parfait paiement ; Considérant que rien ne s'oppose à la capitalisation des intérêts, échus depuis au moins une année entière, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à compter du 06 décembre 2001, jour de la demande ; SUR LA DEMANDE DE RESTITUTION Considérant que monsieur X... confirme avoir reçu de la société GROUPE VALFOND, au titre de l'exécution provisoire du jugement les sommes de 53.519.712 francs (8.159.027,50 euros) en solde du prix et de 117.713,62 francs (17.945,33 euros) pour les frais engagés d'exécution ; Considérant que l'infirmation de la décision entreprise implique de faire droit à la demande de la société GROUPE VALFOND de condamnation de monsieur X... à restituer la contre-valeur en euros de ce qu'il a perçu ; que monsieur X... sera donc condamné à payer à la société GROUPE VALFOND les sommes de 8.159.027,50 euros et 17.945,33 euros ; Considérant que la société GROUPE VALFOND réclame des intérêts sur cette somme à compter du 04

décembre 2000 date du paiement ; Mais considérant que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Considérant par ailleurs qu'il ne saurait être fait grief à monsieur X... d'un comportement fautif dès lors qu'ils s'est borné à poursuivre et obtenir l'exécution d'une décision de justice ; Qu'il suit de là que la société GROUPE VALFOND sera déboutée de ce chef de demande ; SUR LES APPELS INCIDENTS Considérant que messieurs X... et Y... qui échouent en leurs prétentions, ne sauraient imputer à la société GROUPE VALFOND la responsabilité des préjudices qui résultent pour eux deurs X... et Y... qui échouent en leurs prétentions, ne sauraient imputer à la société GROUPE VALFOND la responsabilité des préjudices qui résultent pour eux de la liquidation judiciaire du groupe THINET ; qu'ils ne peuvent sérieusement lui faire en outre le grief d'avoir poursuivi l'exécution d'ordonnances de référés ; Qu'ils seront l'un et l'autre déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts ; Considérant que la demande de maître PIERREL, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SOCOFRA, de réparer l'omission de statuer des premiers juges qui n'ont pas pris en compte cette intervention, est sans objet en raison de la décision d'infirmation du jugement de première instance et de l'absence de la reconnaissance, en cause d'appel, de tout caractère synallagmatique à la promesse de vente ; SUR LES AUTRES DEMANDES Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société GROUPE VALFOND la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que monsieur X... et monsieur Y... seront condamnés in solidum à lui payer une indemnité de 7.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que l'équité ne

commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice de maître PIERREL ; Considérant que messieurs Bruno X... et Dominique Y... qui succombent doivent supporter la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, DECLARE la société GROUPE VALFOND recevable en son appel, DECLARE monsieur Bruno X... et monsieur Dominique Y... recevables en leur appel incident en paiement de dommages et intérêts, DECLARE maître PIERREL recevable en ses demandes es qualités de mandataire liquidateur de la société SOCOFRA, INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis celles déboutant messieurs Bruno X... et Dominique Y... de leur demande en paiement de dommages et intérêts, Et statuant à nouveau, CONDAMNE solidairement messieurs Bruno X... et Dominique Y... à payer à la société GROUPE VALFOND la somme de 3.963.674,45 euros majorée des intérêts aux taux contractuels de 5% l'an du 19 mai au 19 mai 1997 et de 7,15% l'an à partir du 25 juillet 1997 jusqu'à parfait paiement, ORDONNE la capitalisation des intérêts, échus depuis au moins une année entière, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à compter du 06 décembre 2001, CONDAMNE monsieur Bruno X... à restituer les sommes de 8.159.027,50 euros et 17.945,33 euros perçues au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, DIT sans objet la demande de maître PIERREL, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SOCOFRA, de réparer l'omission de statuer des premiers juges, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice de maître PIERREL, CONDAMNE in solidum messieurs Bruno X... et Dominique Y... à payer à la société GROUPE VALFOND la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LES CONDAMNE, sous la même

solidarité, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par les SCP BOMMART-MINAULT et DEBRAY-CHEMIN, sociétés titulaires d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-5688
Date de la décision : 04/04/2002

Analyses

VENTE - Promesse de vente - Promesse unilatérale - Définition

Lorsqu'il résulte des énonciations claires et non équivoque d'une convention que les mandataires sociaux d'une société ont promis de céder l'intégralité des actions constitutives du capital social de celle-ci à une société tierce, laquelle a accepté l'offre et dispose de la faculté de lever l'option à tout moment pendant un délai préfix, une telle convention, exclusive de tout engagement de l'acceptant d'avoir à lever ou non l'option, constitue une promesse unilatérale de vente. Cette promesse ne peut emporter les effets d'une vente qu'à la condition d'une levée de l'option expressément manifestée par le bénéficiaire avant la date limite convenue et selon les formes prévues, sans que la mention d'une clause attributive de compétence au tribunal de commerce du lieu du siège, valable ou non, puisse être de nature à établir que l'acte aurait emporté un transfert immédiat du contrôle de la société, celui-ci demeurant subordonné à la condition d'une levée de l'option. Il s'ensuit qu'aucune qualification contraire au contenu clairement défini de cette convention ne peut être retenue. Pas davantage, la remise au promettant, par le bénéficiaire de la promesse, d'une somme d'un montant équivalent au tiers du prix de vente offert, ne permet de qualifier la convention de promesse synallagmatique, laquelle impliquerait, selon l'usage suivi en pareille matière, l'engagement corrélatif du bénéficiaire d'abandonner au promettant l'indemnité d'immobilisation, alors qu'au contraire les dispositions explicites de l'acte permettaient, ici, au bénéficiaire de renoncer à l'exercice de l'option avant l'expiration du terme convenu et l'engagement du promettant de restituer les sommes versées


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-04-04;2000.5688 ?
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