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21/03/2002 | FRANCE | N°1999-3794

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 mars 2002, 1999-3794


Les 28 novembre et 12 décembre 1995, la société TERLET NV, de droit néerlandais, a passé à la société TECH SEP, du Groupe RHONE-POULENC, commande de 328 plaques E/S NEB PB 3065 I et de 8 plaques E/S NEB PB 3065 T. Celle-ci a établi deux factures en date du 15 décembre 1995 à échéance du 31 janvier 1996, d'un montant de 173.880 F. ( 26.507,84 ) chacune. Ces factures étant restées impayées malgré mises en demeure, la société TECH SEP a assigné la société TERLET devant le tribunal de commerce de NANTERRE en règlement de la somme de 347.760 F. ( 53.015,67 ), augmentée d'ind

emnités accessoires. La société TERLET a soulevé in limine litis l'exce...

Les 28 novembre et 12 décembre 1995, la société TERLET NV, de droit néerlandais, a passé à la société TECH SEP, du Groupe RHONE-POULENC, commande de 328 plaques E/S NEB PB 3065 I et de 8 plaques E/S NEB PB 3065 T. Celle-ci a établi deux factures en date du 15 décembre 1995 à échéance du 31 janvier 1996, d'un montant de 173.880 F. ( 26.507,84 ) chacune. Ces factures étant restées impayées malgré mises en demeure, la société TECH SEP a assigné la société TERLET devant le tribunal de commerce de NANTERRE en règlement de la somme de 347.760 F. ( 53.015,67 ), augmentée d'indemnités accessoires. La société TERLET a soulevé in limine litis l'exception d'incompétence de la juridiction saisie au profit du Arrondissementsrechtbank de ZUTPHEN (Pays-Bas). Subsidiairement au fond, elle a sollicité la compensation entre sa créance de dommages-intérêts à concurrence de 331.300 , soit 3.213.610 F. ( 489.911,69 ), et le montant des factures, égal à 347.760 F. ( 53.015,67 ), réclamé par la partie adverse. Par jugement du 18 décembre 1998, le tribunal s'est déclaré compétent, et, statuant au fond, a condamné la société TERLET NV à payer à la société ORELIS, anciennement dénommée SA TECH SEP, la somme de 347.760 F. ( 53.015,67 ), majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 1996, et augmentée d'une indemnité de 15.000 F. ( 2.286,74 ) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et a débouté les parties de leurs autres demandes. La société TERLET NV a interjeté appel de cette décision. Elle soutient que les conditions générales invoquées par la partie adverse, contenant la clause attributive de compétence au profit du tribunal du lieu du siège social de cette dernière, lui sont inopposables, dès lors qu'elle n'a jamais eu connaissance de la version anglaise de ces conditions générales, ni accepté celles-ci. Elle estime qu'en l'absence de preuve d'un accord de volonté des parties sur la clause attribuant compétence à une juridiction

déterminée, la stipulation litigieuse ne saurait trouver application. Elle relève que l'obligation servant de base à la demande de la société ORELIS est une obligation de paiement, et elle observe qu'en l'absence de désignation contractuelle du lieu d'exécution de cette obligation, le paiement est quérable au domicile du débiteur, donc au lieu de son siège social au PAYS-BAS. Aussi, elle demande à la Cour, en infirmant le jugement déféré, de dire que, par application des articles 2 et 5.1 de la convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968, le tribunal de commerce de NANTERRE était incompétent pour connaître du présent litige, et de renvoyer la société ORELIS à mieux se pourvoir devant le Arrondissementsrechtbank de ZUTPHEN (Pays-Bas). Subsidiairement au fond, la société appelante explique que, dans le cadre de la construction d'une ligne de production de yoghourt qu'elle s'était vu confier par la société KOEPON sise en ECOSSE, elle a chargé la société TECH SEP (désormais ORELIS) de la fourniture et du montage d'un élément de cette chaîne de production. Elle fait valoir que, par suite des malfaçons imputables à la partie adverse, laquelle avait livré et monté une installation non conforme aux spécifications contractuelles, le donneur d'ordre écossais s'est retourné contre elle en lui réclamant des dommages-intérêts et en lui appliquant des pénalités, ce pour un montant total de 331.300 , soit 3.213.610 F. (489.911,69 ). Aussi, elle demande à la Cour d'ordonner la compensation entre sa créance de dommages-intérêts d'un montant de 331.300 , ou sa contre-valeur en francs français égale à 3.213.610 F. ( 489.911,69 ), et le montant de 347.760 F. ( 53.015,67 ) réclamé par la société intimée. Par voie de conséquence, elle conclut à la condamnation de la société ORELIS à lui régler la différence, soit un montant de 2.865.850 F. ( 436.896,02 ). Elle réclame en outre la somme de 25.000 F. ( 3.811,23 ) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure

civile. La Société ORELIS réplique que, les parties étant en relations commerciales depuis 1990, elle a régulièrement adressé à la société TERLET NV ses conditions générales en langue anglaise contenant une attribution de juridiction au lieu du siège social de la société intimée. Elle en déduit que la partie adverse ne peut sérieusement prétendre n'avoir jamais eu connaissance de la version anglaise des conditions générales rédigées en langue anglaise, même si la mention de renvoi aux conditions générales portée sur les factures est en français. Elle considère que la clause attributive de compétence, figurant au verso des factures émises par elle, pour la version française, et sur un texte distinct annexé à la facture, pour la version anglaise, est opposable à la société appelante, et doit trouver application dans la mesure où cette prorogation conventionnelle s'impose aux juridictions de tous les Etats contractants.

Elle ajoute que, le lieu de l'obligation de paiement se trouvant en France, elle était parfaitement fondée, en application de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles et des règles françaises de conflit des lois, à attraire la partie adverse devant une juridiction française. Par ailleurs, la société ORELIS conclut à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société TERLET, dès lors que la créance alléguée par cette dernière ne remplit aucune des conditions de la compensation telles qu'édictées par l'article 1291 du code civil. Subsidiairement au fond, elle explique que, si des difficultés se sont produites dans la mise en route de l'installation commandée par la société KOEPON, ces problèmes étaient essentiellement consécutifs à des erreurs commises par TERLET dans la conception de cette unité au regard des besoins effectifs du donneur d'ordre. Tout en relevant qu'elle n'a pas été appelée dans la procédure qui opposerait la partie adverse à la société KOEPON, elle souligne que

l'installation litigieuse, équipée avec des produits ORELIS, fonctionne à la parfaite satisfaction de cette dernière. Elle conclut que la société appelante ne saurait valablement invoquer la compensation entre sa dette non contestée envers la société intimée et la créance purement hypothétique d'un tiers (KOEPON) qui n'est étayée par aucun élément probant. Par voie de conséquence, la société ORELIS sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la société TERLET NV de son exception d'incompétence territoriale et condamné la partie adverse au paiement des sommes de 347.760 F. ( 53.015,67 ) majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1996 et de 15.000 F. ( 2.286,74 ) au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. De plus, elle demande à la Cour de déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de la société appelante, subsidiairement, de la disjoindre de la demande principale, encore plus subsidiairement, de débouter la société TERLET de ses prétentions. Elle réclame en outre une indemnité de 50.000 F. (7.622,45 euros) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée, et une somme de 25.000 F (3.811,23 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 décembre 2001. ä MOTIFS DE LA DECISION : ä Sur l'exception d'incompétence territoriale : Considérant que le présent litige ayant trait à un contrat de vente de fournitures conclu entre les sociétés TECH SEP et TERLET, respectivement de droit français et néerlandais, revêt un caractère international, de telle sorte que les règles de compétence qui lui sont applicables sont celles résultant de la convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 ; considérant qu'aux termes de l'article 17 de la convention de BRUXELLES, si les parties sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant pour connaître des différends nés ou à naître à

l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal est seul compétent, notamment lorsque la convention attributive de juridiction est conclue sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou encore, dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance, et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; considérant que la société ORELIS, anciennement TECH SEP, excipe de l'article 12 de ses conditions générales de vente lui réservant, dans l'hypothèse d'un litige international, la faculté de saisir le tribunal du lieu de son siège social, en l'occurrence dans le ressort du tribunal de commerce de NANTERRE ; considérant qu'en l'espèce, il s'infère des pièces produites aux débats par la société intimée que la clause attributive de compétence est incluse dans les conditions générales de vente figurant sur un document annexé aux factures adressées à la société TERLET ; considérant que cette clause est rédigée en capitales d'imprimerie, qui la détachent des autres stipulations de ces conditions générales ; considérant qu'il importe peu que les factures comportent la mention en français : " conditions générales de vente, réserve de propriété et clause attributive de juridiction au verso ", dès lors qu'il est constant que les conditions générales de vente adressées avec les factures sont rédigées dans la langue anglaise connue de la société TERLET ; considérant qu'il résulte également des documents communiqués (factures proforma, propositions commerciales) que les factures litigieuses ont été émises alors que les parties se trouvaient en relations commerciales régulières depuis près de cinq années ; considérant qu'il apparaît que, dans le cadre de ces échanges commerciaux antérieurs, la société TERLET a été à maintes

reprises destinataire de propositions écrites faisant expressément référence aux conditions générales de vente de la société TECH SEP, et a en outre réglé des factures comportant en annexe l'indication de la clause attributive de juridiction ; considérant que, dès lors qu'il est démontré que les commandes litigieuses se situent dans le cadre de relations d'affaires suivies, établies régulièrement sur la base de conditions générales stipulées par le vendeur et nécessairement connues et acceptées par l'acheteur, la clause attributive de compétence contenue dans ces conditions générales doit être déclarée opposable à ce dernier ; considérant que c'est donc en parfaite conformité avec l'article 17 de la convention de BRUXELLES que les premiers juges ont déclaré applicable à la présente espèce la stipulation attribuant compétence au tribunal de commerce de NANTERRE et qu'ils ont rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société TERLET. ä Sur la demande principale de la société ORELIS :

Considérant que la réclamation de la société ORELIS, anciennement TECH SEP, ayant trait à deux factures du 15 décembre 1995, à échéance au 31 janvier 1996, n'est contestée ni dans son principe ni dans son montant ; considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la société TERLET au paiement de la somme principale de 347.760 F. ( 53.015,67 ), montant cumulé de ces deux factures, augmenté des intérêts légaux à compter du 10 décembre 1996, date de la mise en demeure restée infructueuse. ä Sur la demande reconventionnelle de la société TERLET : Considérant qu'au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 3.213.610 F. ( 489.911,69 ), la société TERLET expose qu'elle avait été chargée par une société écossaise KOEPON DAIRY PRODUCTS Ltd de la réalisation d'une ligne de production de yoghourt, et que, dans ce cadre, elle avait en 1992 confié à la société TECH SEP la mise en ouvre de modules Ultra-Filtration destinés à cette ligne de production ;

considérant que la société appelante précise que l'installation livrée et montée par cette dernière s'est révélée non conforme aux spécifications contractuelles, de telle sorte que le donneur d'ordre écossais s'est retourné contre elle pour lui réclamer réparation de son préjudice ; considérant qu'aux termes de l'article 70 du nouveau code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant; toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien ; considérant que, dès lors qu'en l'occurrence, le tribunal, puis la Cour, ont été saisis de la part de la société TERLET d'une demande de compensation, celle-ci doit être déclarée recevable alors même qu'il n'existe aucun rapport entre la créance certaine, liquide et exigible de la société ORELIS et celle invoquée par la société appelante ; considérant que c'est seulement après examen du bien fondé de la réclamation de cette dernière qu'il appartiendra à la juridiction saisie de déterminer si les conditions de la compensation judiciaire sont ou non remplies ; considérant que le moyen soulevé par la société intimée, tiré de l'irrecevabilité de cette demande reconventionnelle en raison de la forclusion édictée par l'article 1648 du code civil, ne saurait davantage être retenu, dans la mesure où en l'occurrence la réclamation présentée par la société TERLET revêt un caractère indemnitaire; considérant que, sur le fond, cette dernière se contente, à l'appui de sa prétention à l'encontre de la société ORELIS, de verser aux débats : ä un document de deux pages, " Integral Hygienic Food Processing ", daté du 1er février 1996 et non signé, insuffisant à mettre en évidence une éventuelle responsabilité de la société intimée dans les désordres constatés après examen de l'installation ; ä un mémoire en défense rédigé en 1995 par la société KOEPON dans une procédure judiciaire qui l'a apparemment

opposée à la société TERLET et à laquelle la société ORELIS est demeurée étrangère ; considérant qu'au demeurant, la société TERLET ne justifie pas qu'elle se serait trouvée dans l'obligation de payer à la société KOEPON les sommes qu'elle réclame à la société ORELIS dans le cadre de la présente procédure ; considérant qu'au surplus, la preuve n'est nullement rapportée que les défaillances de l'installation ayant fait l'objet du marché conclu entre KOEPON (qui n'est pas dans la cause) et TERLET sont imputables à des manquements de la société TECH SEP, désormais ORELIS, à ses obligations contractuelles ; considérant que, dès lors que la société appelante ne peut se prévaloir d'aucune créance dûment établie à l'encontre de la partie adverse, il convient, en confirmant le jugement déféré, de la débouter de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts et de dire n'y avoir lieu à compensation. ä Sur les demandes annexes :

Considérant que la société ORELIS n'établit pas que la résistance qui lui a été opposée par la Société TERLET serait constitutive d'un abus de droit ; considérant que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef ; considérant que l'équité commande en revanche d'allouer à la société intimée une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; considérant qu'il n'est pas inéquitable que la société appelante conserve la charge de l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de cette instance ; considérant que la société TERLET, qui succombe dans l'exercice de son recours, doit être condamnée aux entiers dépens. ä


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-3794
Date de la décision : 21/03/2002

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence internationale - Article 17 - Clause attributive de juridiction

En application de l'article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, si les parties sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal est seul compétent, notamment lorsque la convention attributive de juridiction est conclue sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou encore, dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance, et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. Il suit de là qu'un fournisseur qui démontre que les commandes litigieuses se situent dans le cadre de relations d'affaires suivies, établies régulièrement sur la base des conditions générales de vente stipulées par lui et nécessairement connues et acceptées par l'acheteur, soutient à bon droit que la clause attributive de compétence afférente lui réservant la faculté de saisir le tribunal du lieu de son siège social, dans l'hypothèse d'un litige international, doit être déclarée opposable à cet acheteur


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-03-21;1999.3794 ?
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