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07/03/2002 | FRANCE | N°1999-3634

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 mars 2002, 1999-3634


Suivant acte sous seing privé en date du 1er juillet 1989, Monsieur Bernard X... a consenti à la SA CHARLES BIGANT un bail sur des locaux à usage commercial situés nä 11 bis rue du Commandant Pilot à NEUILLY SUR SEINE pour une durée de 9 ans moyennant un loyer porté en dernier lieu à 40.500 francs (6.174,19 ) par an. Par acte extrajudiciaire en date du 12 janvier 1996, la locataire a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 1996. Des mémoires ont été échangés et Monsieur X... a saisi le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en

fixation du loyer déplafonné du bail renouvelé à la somme de 11...

Suivant acte sous seing privé en date du 1er juillet 1989, Monsieur Bernard X... a consenti à la SA CHARLES BIGANT un bail sur des locaux à usage commercial situés nä 11 bis rue du Commandant Pilot à NEUILLY SUR SEINE pour une durée de 9 ans moyennant un loyer porté en dernier lieu à 40.500 francs (6.174,19 ) par an. Par acte extrajudiciaire en date du 12 janvier 1996, la locataire a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 1996. Des mémoires ont été échangés et Monsieur X... a saisi le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en fixation du loyer déplafonné du bail renouvelé à la somme de 113.600 francs (17.318,21 ) par an en raison des modifications notables de la consistance des lieux et des facteurs locaux de commercialité. Selon jugement avant dire droit du 21 mars 1997, ce magistrat a désigné Monsieur Y... en qualité d'expert. Ce dernier a déposé son rapport le 03 avril 1998 et conclu à la détermination du loyer selon les règles du plafonnement à la somme de 46.568 francs (7.099,25 ) par an et émis l'avis d'une valeur locative des lieux de 108.000 francs (16.464,49 ). Par un second jugement rendu le 05 mars 1999, le loyer en renouvellement au 1er juillet 1996 a été fixé à la somme de 46.568 francs (7.099,25 ), les demandes de paiement des intérêts sur l'arriéré du loyer et en complément de dépôt de garantie déclarées irrecevables, l'exécution provisoire ordonnée, les prétentions au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile rejetées et les dépens partagés par moitié entre les parties. Appelant de cette décision, Monsieur X... invoque en premier lieu comme motif de déplafonnement la modification des lieux au cours du bail précédent le bail expiré par la suppression par la locataire sans autorisation du bailleur d'un escalier situé le long de la vitrine en façade et son remplacement par un autre créé au fond à gauche de la boutique ayant amélioré les locaux en augmentant la surface de vente

et en valorisant le fonds. Il se prévaut en second lieu, d'une modification favorable pour le commerce exploité par la locataire, des facteurs locaux de commercialité en soulignant que celle-ci doit être appréciée en fonction de l'activité de vendeur et d'installateur de cuisines prévue au bail et non de celle de vendeur et d'installateur de cuisines de "grande classe" exercée par la société CHARLES BIGANT, selon un choix auquel le propriétaire est étranger et que l'évolution du chiffre d'affaires local le corrobore contrairement aux dires de l'expert. Il estime que l'augmentation de la population à proximité du commerce en cause et la création de logements nouveaux ainsi que d'un second parking public, outre l'implantation d'un restaurant en remplacement d'une salle de ventes sont de nature à en établir la réalité. Il prétend que selon la nouvelle rédaction de l'article L 145-34 du Code de Commerce l'évolution du prix des locaux dans le quartier constitue une modification notable justifiant aussi, d'après lui, la fixation du loyer à la valeur locative. Il conteste le prix de 1.500 francs (228,67 ) le m proposé par l'expert dans l'hypothèse d'un déplafonnement et considère que celui de 1.600 francs (243,92 ) doit être admis. Il sollicite, en conséquence, la fixation du loyer renouvelé au 1er juillet 1996 à 113.600 francs (17.318,21 ) par an avec intérêts de droit sur le solde différentiel depuis cette date, le réajustement du dépôt de garantie pour le porter à 6 mois de loyer soit 56.800 francs (8.659,10 ) et une indemnité de 30.000 francs (4.573,47 ) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société CHARLES BIGANT conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à y ajouter une indemnité de 40.000 francs (6.097,96 ) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle oppose que Monsieur X... ne peut plus se prévaloir, lors du deuxième renouvellement, de la modification de la consistance

des lieux qui résulterait de la suppression de l'escalier en façade entre 1978 et 1987 qu'il aurait dû soulever lors du renouvellement précédent et qu'en tout cas, si le moyen devait concerner des améliorations apportées aux lieux loués par la locataire à ses frais, il ne pourrait aboutir au déplafonnement du loyer car celles-ci ne sauraient constituer une modification notable au sens de l'article L 145-34 du Code de Commerce, en déniant l'existence prétendue d'un escalier situé en façade du local et en affirmant la présence de l'escalier au fond à gauche sur tous les plans. Elle ajoute que le premier juge, conformément à l'avis de l'expert, a estimé, à bon droit, que la modification des facteurs locaux de commercialité alléguée par le bailleur ne revêtait pas un caractère notable et n'avait pas d'effet bénéfique sur l'activité commerciale exercée dans les lieux loués en relevant qu'elle réalise plus de 2/3 de son chiffre d'affaires en dehors de son environnement immédiat et qu'elle ne propose pas un produit de consommation courante susceptible d'intéresser une clientèle de passage. MOTIFS DE L'ARRET :

Considérant qu'en cause d'appel, Monsieur X... invoque, non pas la modification des caractéristiques des lieux loués prévue à l'article 23-1 du décret nä 53-960 du 30 septembre 1953, mais leur amélioration au sens de l'article 23-3 du même texte intervenue au cours du bail précédant le bail expiré qui résulterait de la suppression d'un escalier situé derrière la vitrine en partie gauche de la boutique sans autorisation du bailleur et qui entraînerait, outre un gain de surface d'au moins de 2 m , une meilleure accessibilité du local à la clientèle, en procurant plus de profondeur à l'emplacement servant à l'exposition des cuisines ; considérant à cet égard que lors de la cession du bail par la société Z... et FILS à la société CHARLES BIGANT, selon acte du 24 avril 1973, il a été fait mention d'un sous-sol relié à la boutique par un escalier intérieur et que depuis

tant l'avenant du 11 janvier 1974 que les deux renouvellements du bail successifs à effet des 1er juillet 1978 et 1er juillet 1987 comportent la même désignation notamment sur ce point ; considérant qu'il suit de là, qu'aucun des contrats de location n'établit l'existence alléguée par Monsieur X... à un moment donné de deux escaliers d'accès, l'un le long de la devanture et l'autre au fond de la boutique étant, en outre, observé que les plans versés aux débats attestent que l'escalier visé dans les baux est situé au fond à gauche ; considérant que Monsieur X... a qui incombe la charge de la preuve du motif du déplafonnement en cause pour tenter d'établir le contraire, ne peut utilement se prévaloir du rapport de Monsieur A..., en date du 13 décembre 1981 et de ses attestations des 18 septembre 1997 et 15 avril 1998 ; qu'en effet, si cet expert mandaté en 1981 pour évaluer les biens immobiliers de la succession de Monsieur Charles B..., ancien propriétaire des locaux, fait état d'une boutique "y compris devanture avec escalier" et s'il a pu, 16 et 17 ans plus tard, bien qu'étant alors âgé de 91 puis de 92 ans, prétendre se souvenir suffisamment de cette mission pour affirmer que cette indication voulait dire que "l'escalier se voyait de la devanture" et "qu'un escalier se situait bien le long de la devanture", il a aussi confirmé par courrier du 08 mai 1998 que le plan communiqué était bien celui qui lui avait été remis, lequel comprend pourtant clairement un seul escalier au fond gauche de la boutique ; considérant que de même est inopérante l'attestation délivrée, le 02 octobre 1995, par Monsieur Jean-Marie B..., fils de l'ancien propriétaire, déclarant avoir constaté il y a environ quatre ans et donc en 1991 la présence d'un important escalier situé à la gauche de la porte d'entrée du magasin et donnant accès au sous-sol qui était en partie visible de la rue dans la mesure où elle contredit la thèse de Monsieur X... tenant à la suppression de

l'escalier de façade sans autorisation du bailleur entre 1981 et 1985 et donc bien avant 1991 et où Monsieur Claude Z..., fils du précédent locataire de la boutique en question, atteste clairement qu'il n'y a jamais eu d'escalier permettant de descendre au rez-de-chaussée à la cave visible de la rue et confirme l'existence d'un seul escalier toujours à la même place, aujourd'hui au fond à gauche du magasin ; que de surcroît, la société CHARLES BIGANT produit aux débats huit attestations émanant de voisins, clients et copropriétaires de l'immeuble où est exploité son fonds de commerce qui toutes, démontrent de manière précise que depuis son arrivée dans les lieux loués, l'escalier menant au sous-sol n'a jamais été visible de la rue outre un procès-verbal de constat d'huissier du 29 juillet 1998 assorti des tableaux d'amortissement du poste "agencement" certifiés par son commissaire aux comptes, établissant que le sol de la cuisine en exposition devant la devanture gauche de la boutique à l'endroit où l'existence d'un escalier est alléguée, n'a jamais été modifié depuis les travaux de réfection du local autorisés en 1974 n'ayant pas eu cet objet ; considérant dès lors qu'il n'y eu ni modification de la consistance, ni amélioration des locaux au cours du bail expiré au 30 juin 1996, comme à celui qui l'a précédé et qui s'est écoulé du 1er juillet 1978 au 30 juin 1987 ; considérant que Monsieur X... invoque comme second motif de déplafonnement une modification des facteurs locaux de commercialité prévus à l'article 23-4 du décret du 30 septembre 1953 ; considérant que la modification des éléments définis par ce texte doit être notable et en relation de causalité certaine et directe avec le commerce considéré et que lorsque le bail autorise une destination multiple, le commerce à prendre en compte est celui qui est réellement exercé par le locataire ; considérant que la destination contractuelle des lieux est celle de "toutes activités commerciales concernant le travail du

bois et le bâtiment, notamment les installations complètes de cuisines et de bureaux à l'exclusion de toute fabrication, l'exposition d'appareils et d'ensembles aménagés" ; considérant que la société CHARLES BIGANT a toujours exercé dans les lieux loués la vente et l'installation de cuisines haut de gamme ; considérant que l'expert Monsieur Y... a procédé à une analyse minutieuse des données concernées ; qu'il a relevé ainsi au nombre des éléments négatifs une diminution de la population globale de NEUILLY SUR SEINE de 4,37 % au recensement de 1990 opéré au cours de la période considérée ainsi qu'une réduction du trafic voyageur des stations de métro desservant cette commune ; qu'il a souligné que la crise de l'immobilier avait été particulièrement marquée en cette ville où le rythme des constructions s'était ralenti à partir de 1990, en précisant qu'au cours du bail expiré le nombre de logements construits avait représenté 1,6 % des logements existants alors que durant la période antérieure de 1978 à 1986 ce pourcentage avait été de 7,5 % et que le nombre de logements construits dans un rayon de 500 mètres autour de la rue du Commandant Pilot ne constituait que 0,3 % ; considérant que si l'expert a fait état, parmi les facteurs positifs, de la création d'un parking, d'une majoration relative à la population à revenus élevés et d'un accroissement de ce revenu ainsi que d'une amélioration du niveau de vie favorables à l'activité d'un commerce vendant des produits haut de gamme, il a estimé pertinemment que ces améliorations n'étaient pas notables eu égard à la position de la société BIGANT sur son marché dès lors que celui-ci n'a pas les caractéristiques d'un commerce de proximité dont la zone de chalandise serait limitée à l'environnement immédiat, en relevant que la société CHARLES BIGANT réalisait plus de 2/3 de son chiffre d'affaires en dehors de ce dernier ; considérant que l'avis de ce technicien sera entériné dès lors que la société CHARLES BIGANT,

spécialiste de la cuisine sur mesures et d'ensembles complets haut de gamme dont les meubles sont fabriqués à l'unité, pour un prix moyen de cuisine se situant entre 150.000 francs et 400.000 francs (22.867,35 ) et (60.979,61 ) à une clientèle qui lui est essentiellement adressée par des professionnels de la décoration et des architectes et qu'elle est liée à l'ensemble du marché parisien et non à la seule évolution dans la ville de NEUILLY SUR SEINE, tandis qu'elle a une activité tributaire de celle du bâtiment et de l'immobilier dans la région parisienne qui s'est avérée défavorable au cours du bail expiré en raison de la crise immobilière qui a sévi notamment en cet endroit ; considérant que le premier juge a donc écarté, à juste titre, ce second motif de déplafonnement ; considérant que Monsieur X... invoque devant la Cour un troisième motif tiré de la nouvelle rédaction de l'article L 145-34 du Code de Commerce, selon laquelle l'évolution des prix des locaux dans le quartier constituerait une modification notamment justifiant la fixation du loyer à la valeur locative ; considérant toutefois qu'une telle évolution ne peut être retenue comme moyen d'exclusion du plafonnement dès lors que l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953, devenu L 145-34 du Code de Commerce, ne citait pas, dans sa rédaction initiale, l'article 23-5 ayant trait à la référence aux éléments de comparaison qui ne contient, en définitive, que l'indication d'une méthode de calcul du prix et non de véritables critères indépendants ; que la codification du décret du 30 septembre 1953 étant effectuée "à droit constant", la référence générale formulée par l'article L 145-34 du Code de Commerce, pour justifier le déplafonnement "à une modification notable des éléments déterminant la valeur locative" ne permet donc pas davantage de prendre en compte une modification notable des loyers du voisinage ; considérant d'ailleurs que cette interprétation a été, en tous

points, confirmée par la loi nä 2001-1168 du 11 décembre 2001, qui dans son article 33 VI a repris strictement dans l'article L 145-34 du Code de Commerce les termes de l'ancien article 23-6 du décret du 30 septembre 1953 ; considérant dans ces conditions, que le jugement déféré sera confirmé pour avoir fixé le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 1996 à la somme de 46.568 francs (7.099,25 ) en fonction de la variation indiciaire, ainsi qu'en ses autres dispositions hormis celle afférente à l'irrecevabilité de la demande d'intérêts sur l'arriéré de loyer, laquelle s'avère néanmoins sans objet dans la mesure où le montant du loyer provisionnel de 48.402,44 francs (7.378,90 ) qui a été fixé à compter du 1er juillet 1996 par jugement avant dire droit du 21 mars 1997, s'avère supérieure à celui retenu ; considérant que l'équité commande d'accorder à l'intimée une indemnité de 1.800 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; considérant que Monsieur X... qui succombe en son appel, supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré hormis en sa disposition concernant l'irrecevabilité de la demande d'intérêts sur l'arriéré de loyers, Et statuant à nouveau de ce chef, DECLARE cette prétention sans objet, CONDAMNE Monsieur Bernard X... à verser à la SA CHARLES BIGANT une indemnité de 1.800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LE CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET FAISANT FONCTION DE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION QUI A ASSISTE AU PRONONCE

DE PRESIDENT CH. BOUCHILLOU

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-3634
Date de la décision : 07/03/2002

Analyses

BAIL COMMERCIAL

Au sens de l'article L. 145-34 du Code de commerce, l'évolution des prix des locaux commerciaux dans le quartier où est situé l'immeuble objet du bail à renouveler ne constitue pas une modification notable justifiant le déplafonnement et la fixation du loyer à la valeur locative. En effet, si l'article L. 145-34 du Code de commerce tel qu'issu de la transposition de l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953, opérée à l'occasion de la codification du statut des baux commerciaux, abandonnait, dans sa rédaction initiale, toute référence à l'article 23-5, lequel indique une méthode de calcul du prix plutôt qu'il ne fixe de véritables critères indépendants, au profit d'une référence générale "à une modification notable des éléments déterminant la valeur locative", cette codification effectuée "à droit constant" exclut de prendre en compte une modification notable des loyers du voisinage pour justifier le déplafonnement. Cette interprétation est confirmée par la loi 2001-1168 du 11 décembre 2001 qui dans son article 33 VI a modifié l'article L. 145-34 du Code de commerce pour le rétablir dans les mêmes termes que ceux de l'ancien article 23-6 du décret du 30 septembre 1953


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-03-07;1999.3634 ?
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