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01/03/2002 | FRANCE | N°JURITEXT000006939134

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 mars 2002, JURITEXT000006939134


Le 21 juin 1996, Mademoiselle X... Y... , alors âgée de treize ans a heurté la vitrine de la boulangerie appartenant à Monsieur Z... A..., après avoir effectué son achat. Sous le choc , la vitrine a éclaté, blessant la jeune fille au visage et à une main. A la demande de la MACIF, la Société d'Assurance de Monsieur B... X..., père de Y... , un médecin a procédé aux constatations suivantes : ITT du 21 au 29 juin 1996, consolidation au 21 juin 1997, pas d'IPP, pretium doloris (217), préjudice esthétique (317). Selon acte d'huissier en date du 6 juin 2000 enregistré au greffe le

13 juin 2000, Monsieur B... X... , agissant ès-qualités de repré...

Le 21 juin 1996, Mademoiselle X... Y... , alors âgée de treize ans a heurté la vitrine de la boulangerie appartenant à Monsieur Z... A..., après avoir effectué son achat. Sous le choc , la vitrine a éclaté, blessant la jeune fille au visage et à une main. A la demande de la MACIF, la Société d'Assurance de Monsieur B... X..., père de Y... , un médecin a procédé aux constatations suivantes : ITT du 21 au 29 juin 1996, consolidation au 21 juin 1997, pas d'IPP, pretium doloris (217), préjudice esthétique (317). Selon acte d'huissier en date du 6 juin 2000 enregistré au greffe le 13 juin 2000, Monsieur B... X... , agissant ès-qualités de représentant légal de sa fille mineure, a fait assigner Monsieur A... ainsi que sa Société d'Assurances, le GROUPAMA DE L'EURE ET LOIR, devant le Tribunal d'Instance de CHARTRES, aux fins de les voir condamner in solidum, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement d'une somme de 41.000 francs (6.250,41 EUROS) en réparation du préjudice corporel, ainsi que 5.000 francs (762,25 EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. Monsieur X... a également fait assigner la C.P.A.M. d'EURE ET LOIR ainsi que la MUTUALITE D'EURE ET LOIR aux fins de leur voir déclarer le jugement à intervenir commun et opposable. Monsieur A... et la Société GROUPAMA ont conclu au débouté du demandeur. Ils ont fait valoir que Monsieur X... n'établissait pas le rôle causal de la baie vitrée dans l'accident et que Mademoiselle X... avait commis une faute imprévisible, irrésistible, cause exclusive de l'accident. A titre reconventionnel, ils ont sollicité la condamnation de ce dernier à payer à Monsieur A... la somme de 5.597,23 francs (853,29 EUROS) correspondant au coût de la baie vitrée ainsi que 5.000 francs (762,25 EUROS) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par un jugement réputé contradictoire en date du 3 avril 2001, le Tribunal d'Instance de CHARTRES a rendu la décision suivante

: - condamne Monsieur X... B..., ès-qualité de représentant légal de sa fille X... Y..., à payer à Monsieur A... Z... la somme de 853,29 EUROS, - le condamne à payer à Monsieur A... Z... la somme de 533,57 EUROS au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - déboute Monsieur X... B..., ès qualité de représentant légal de sa fille X... Y..., de ses demandes, - condamne Monsieur X... B... aux dépens, - déclare le présent jugement commun et opposable à la C.P.A.M. D'EURE ET LOIR et à la MUTUALITE D'EURE ET LOIR. Par déclaration en date du 22 mai 2001, Mademoiselle X... et Monsieur X... ont interjeté appel. Seule Mademoiselle Y... X..., devenue majeure, a conclu devant la Cour. Mademoiselle X... fait valoir que le rôle causal de la vitrine ne fait aucun doute, que Monsieur A... aurait dû se conformer à la réglementation en vigueur et installer des vitres de sécurité au lieu de glaces claires. Elle ajoute qu'elle a subi un préjudice personnel, certain et direct devant être réparé, que Monsieur A... ne rapporte aucunement la preuve d'une faute imputable à la victime, qu'elle n' a causé aucun dommage ; qu'en conséquence, ses parents ne sauraient être tenus d'indemniser l'intimé. L'appelante demande donc en dernier à la Cour de : - déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par elle, y faisant droit, - infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, vu les dispositions des articles 1384 alinéas 1 et 4 du Code Civil, vu les dispositions de l'article 9 du Nouveau Code de Procédure Civile, - décharger Monsieur X..., es qualité de représentant légal de sa fille mineure à l'époque, des condamnations prononcées contre lui en principal, intérêts, frais et accessoires, - débouter Monsieur A... et la Société GROUPAMA de toutes leurs demandes, fins et conclusions, - condamner solidairement Monsieur Z... A... et la Société GROUPAMA à porter et payer à la concluante les sommes suivantes : * 152,45 EUROS au titre de

l'I.T.T, 3.811,23 EUROS au titre de son préjudice esthétique, - condamner solidairement Monsieur Z... A... et la Société GROUPAMA à porter et payer à la concluante la somme de 1524,49 EUROS par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner solidairement Monsieur Z... A... et la Société GROUPAMA en tous les dépens, - dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la S.C.P. LISSARRAGUE DUPUIS et Associés, titulaire d'un Office d'Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur A... et la Société GROUPAMA rappellent que la victime doit apporter la preuve d'une position ou d'un comportement anormal de la chose, qu'une chose inerte ne peut être l'instrument d'un dommage que si preuve est rapportée qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état ; qu'en l'espèce, la vitrine était suffisamment signalisée, qu'il est en conséquence nécessaire de constater l'absence de rôle de la vitrine dans la production du dommage et par là même, l'absence de responsabilité de Monsieur A... et de son assureur. Ils ajoutent que la faute de la victime comportait les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de nature à exonérer le gardien de sa responsabilité. Monsieur A... et la Société GROUPAMA prient donc la Cour de : - déclarer Mademoiselle Y... X... irrecevable et mal fondée en son appel, - la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a reconnu la responsabilité de Monsieur A... en sa qualité de gardien de la baie vitrée, vu la majorité acquise par Mademoiselle Y... X... le 7 juillet 2000, - condamner Mademoiselle Y... X... à verser à Monsieur A... la somme de 853,29 EUROS, - condamner Monsieur X... et Mademoiselle Y... X... in solidum à payer à Monsieur A... et à GROUPAMA

chacun la somme de 762,25 EUROS au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens dont distraction. La C.P.A.M. d'EURE ET LOIR et la Société LA MUTUALITE D'EURE ET LOIR, bien que régulièrement assignées, n'ont pas constitué Avoué. L'arrêt sera donc réputé contradictoire. L'ordonnance de clôture a été signée le 6 décembre 2001 et l'affaire plaidée à l'audience du 24 janvier 2002. SUR CE, LA COUR : I ) - Considérant qu'en droit, en vertu de l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil, Monsieur Z... A... est le gardien de la vitrine de son magasin qui, à l'évidence a eu un rôle causal dans la survenance de cet accident du 21 juin 1996 et qu'elle a été l'instrument du dommage ; Considérant qu'il demeure cependant que le gardien peut s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui s'il fait la preuve qui lui incombe d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable, et notamment, ici de la faute exclusive de la victime Mademoiselle Y... X..., si celle-ci est reconnue avoir été imprévisible et irrésistible pour le gardien ; Considérant que les circonstances de la cause, telles qu'elles sont démontrées, établissent que Mademoiselle Y... X..., alors âgée de treize ans, dotée de tout son discernement et de toutes ses facultés, a, en sortant de ce magasin, en plein jour, violemment heurté la vitrine (qui s'est brisée) de la boulangerie de Monsieur A..., sans que ce choc n'ait été provoqué, même partiellement, par un tiers ou par un tout autre événement fortuit ou de force majeure ; que cet accident n'est survenu qu'en raison de la précipitation fautive, de l'inattention et de l'imprudence de cette victime qui connaissait les lieux et qui devait donc -si elle avait été prudente et attentive- éviter cette vitrine connue d'elle et visible pour tous ; que c'est donc à bon droit que cette faute de la victime a été retenue par le premier Juge ; Mais considérant que la Cour réformant et statuant à nouveau, juge que cette faute de Mademoiselle X... est

un cas fortuit ou de force majeure entièrement imprévisible et irrésistible pour le gardien de la vitrine Monsieur A... qui est donc exonéré de toute responsabilité ; que Mademoiselle X... est par conséquent déboutée de toutes ses demandes en indemnisation contre Monsieur A... et son assureur la Société GROUPAMA ; que le jugement est infirmé en ce qu'il a accordé des dommages et intérêts ; Considérant que, compte-tenu de l'équité, Mademoiselle X... est de plus déboutée de sa demande contre ces deux intimés en paiement de 1524,49 EUROS en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; I I ) Considérant que toute l'argumentation développée au sujet d'une responsabilité du père (Monsieur B... X...) en vertu de l'article 1384 alinéa 4 du Code Civil devient donc superfétatoire et n'aura pas à être étudiée ; que le jugement est infirmé sur ce point ; I I I ) - Considérant par contre que, compte-tenu de l'équité, l'appelante qui succombe entièrement en son appel, est condamnée à payer à Monsieur A... la somme de 762,25 EUROS en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que de plus, elle est condamnée à payer à Monsieur A... la somme de 853,29 EUROS de dommages et intérêts en réparation de sa vitrine brisée. PAR CES MOTIFS : La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort. I ) Vu l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil : - Déboute Mademoiselle Y... X... des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte. - Infirmant et statuant à nouveau : - Déboute l'appelante de ses demandes d'indemnisation contre Monsieur Z... A... et la S.A. GROUPAMA. - La déboute de sa demande en paiement fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. II ) - Infirme le jugement en ses dispositions relatives à la responsabilité (article 1384 alinéa 4 du Code Civil) de Monsieur Z... A... C... ) - Condamne Mademoiselle Y... X... à payer à Monsieur A... 762,25 EUROS en

vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et 853,29 EUROS de dommages et intérêts. - Condamne Mademoiselle X... à tous les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés directement contre elle par la S.C.P. d'Avoués DEBRAY et CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Alban CHAIX, Président, Mademoiselle Elodie D..., Greffier placé, délégué à la Cour d'Appel de VERSAILLES, par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de VERSAILLES, en date du 28 janvier 2002, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006939134
Date de la décision : 01/03/2002

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Choses dont on a la garde - Exonération - Exonération totale - Cas de force majeure

Un commerçant exerçant son commerce dans une boutique est gardien de la vitrine de son magasin en vertu de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, lequel fait peser sur lui une présomption de responsabilité en raison des dommages occasionnés par cette chose, sauf à ce que le gardien s'exonère en rapportant la preuve d'une cause étrangère imprévisible et irrésistible qui ne lui soit pas imputable, telle que la faute exclusive de la victime. Le fait que le client d'une boulangerie se soit blessé en heurtant violemment la vitrine de ce commerce, au point de la briser, du seul fait d'une précipitation fautive et d'une totale inattention à l'égard d'un élément physique visible pour tous, constitue une faute exclusive de cette victime, exonératoire de responsabilité pour le gardien, dès lors qu'entièrement imprévisible et irrésistible pour celui-ci


Références :

Code civil, article 1384 alinéa 1er

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-03-01;juritext000006939134 ?
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