Le 13 septembre 1997, la SA LE VÊTEMENT DES TEMPS NOUVEAUX - V.T.N. a commandé à la SARL GRAMMATICO FRÈRES la fabrication et la fourniture de 5.000 marinières et de 5.000 pulls marine nationale destinés à l'armée algérienne, au prix H.T. de 1.911.500 francs, les livraisons étant respectivement prévues pour les premiers en une fois à la fin mars 1998 et pour les seconds en deux fois les 15 mars 1998 et 15 avril 1998. Le 09 décembre 1997, la SA BANQUE FRANOEAISE DE CRÉDIT COOPÉRATIF - B.F.C.C. a ouvert à la société V.T.N. un crédit documentaire irrévocable de 1.911.500 francs au bénéfice de la société GRAMMATICO valable jusqu'au 20 avril 1998 qui a été notifié à la B.N.P. laquelle l'a confirmé. La première livraison a été effectuée le 10 avril 1998 et la facture correspondante de 803.304,54 francs T.T.C. a été réglée par la B.F.C.C. à la société GRAMMATICO. Les autres livraisons opérées les 11 mai 1998 et 25 mai 1998 ont donné lieu à l'établissement de factures que la B.F.C.C. a refusé d'honorer au motif de leur émission postérieure à l'expiration du crédit. La société V.T.N. ayant été placée le 24 juin 1998 en redressement judiciaire, la société GRAMMATICO a déclaré une créance de 2.247.863,40 francs T.T.C. C'est dans ces conditions, que la société GRAMMATICO a assigné la société B.F.C.C. devant le tribunal de commerce de NANTERRE en paiement de la somme de 1.911.500 francs (291.406,30 euros) et de dommages et intérêts. Par jugement rendu le 23 février 1999, cette juridiction a débouté la société GRAMMATICO de ses prétentions et l'a condamnée à verser à la B.F.C.C. une indemnité de 5.000 francs (762,25 euros) en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Appelante de cette décision, la société GRAMMATICO soutient qu'en l'espèce le crédit documentaire a été mis en place par écrit le 09 décembre 1997 lequel n'est pas exigé par les Règles et Usances Uniformes relatives aux crédits documentaires de la Chambre de Commerce Internationale. Elle
prétend que la preuve de la prorogation résulte des pièces versées aux débats et que si elle n'avait pas été accordée, la B.F.C.C. n'aurait évidemment pas demandé et obtenu le paiement de 1.170.000 francs (178.365,35 euros) pour garantir un crédit documentaire expiré depuis plus de deux mois. Elle allègue, en tout état de cause, la faute commise par la B.F.C.C. qui ne lui aurait pas fourni une information complète et loyale conformément à l'article 12 des Règles et Usances C.C.I. Elle réclame donc la somme de 1.108.195,46 francs (168.943,30 euros) avec intérêts légaux depuis l'assignation, 150.000 francs de dommages et intérêts (22.867,35 euros) et une indemnité de 30.000 francs (4.573,47 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La B.F.C.C. conclut à la confirmation intégrale du jugement déféré sauf à y ajouter une indemnité de 20.000 francs (3.048,98 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle oppose l'irrecevabilité d'une preuve par témoin contre l'acte fixant les conditions du crédit documentaire en soulignant que la date d'expiration du crédit constitue bien des éléments indispensables du document d'émission. Elle ajoute que la société GRAMMATICO n'apporte, en réalité, aucune preuve de la prétendue prolongation du crédit litigieux par la B.F.C.C. Elle fait état de l'inexistence d'un second crédit documentaire en relevant que celui-ci est un contrat international extrêmement formaliste dont les clauses ne peuvent en aucun cas être modifiées en cours d'exécution. Elle affirme n'avoir jamais dit à la société GRAMMATICO, ni à son banquier la B.N.P., qu'elle avait accordé un second crédit documentaire, mais indique le contraire. ä MOTIFS DE L'ARRET Considérant qu'en l'absence de texte régissant les crédits documentaires, les Règles et Usances Uniformes élaborées en 1993 par la C.C.I. et entrées en vigueur le 1er septembre 1994 ayant valeur d'un droit coutumier doivent être reconnues comme tel, et recevoir
application à défaut de stipulation expresse contraire des parties qui auraient entendu y déroger sur un ou plusieurs points particuliers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; considérant que l'article 42 des RUU 1993 impose la prévision d'une date extrême de validité du crédit documentaire laquelle en constitue un des éléments substantiels puisqu'elle définit le terme de la durée pendant laquelle les documents convenus doivent être présentés à la banque pour paiement, acceptation de traites, négociation ou acquittement de toute autre obligation en vertu du crédit et détermine la limite dans le temps de l'engagement souscrit par la banque qui s'en trouve libérée lors de sa survenance ; considérant que le vendeur peut demander à ce que la date de validité soit reportée en réclamant une modification du crédit ; que cette modification comme tout changement des termes et conditions du crédit doit recueillir l'accord de toutes les parties intéressées que sont l'acheteur, le banquier émetteur et la banque confirmatrice ; que cet accord qui doit traduire une manifestation de volonté commune de leur part doit être exprimé de manière certaine, exprès et non équivoque pendant que la convention est en vigueur ; considérant qu'en la cause, le délai de validité du crédit documentaire de 1.911.500 francs (291.406,30 euros) émis le 09 décembre 1997 à la demande de la société V.T.N. au profit de la société GRAMMATICO par la B.F.C.C. et confirmé par la B.N.P. expirait le 20 avril 1998 ; considérant qu'à la requête de la société GRAMMATICO qui n'a pu respecter les délais de livraison prévus, la société V.T.N. a sollicité cinq jours seulement avant son terme par télécopie du 15 avril 1998, la modification de la date d'expiration du crédit documentaire en y substituant celle du 15 juin 1998 ; considérant toutefois, que la société GRAMMATICO ne démontre pas qu'un accord soit intervenu sur ce point avant le terme du crédit documentaire, les éléments dont elle se prévaut étant tous
postérieurs en sorte que la prorogation alléguée n'est pas établie ; considérant, en outre, que la société appelante ne rapporte pas davantage la preuve de l'existence d'un second crédit documentaire qui aurait été octroyé par la B.F.C.C. pour les livraisons qui n'avaient pas été effectuées dans le délai du premier ; considérant en effet, qu'avant de prendre position sur ce second crédit documentaire, la B.F.C.C. a demandé, au préalable à sa cliente, par télécopie du 26 mai 1998, de lui céder la créance de 1.170.000 francs (178.365,35 euros) qu'elle détenait sur l'Etat algérien, ce à quoi cette dernière a procédé le 27 mai 1998 ; que le 17 juin 1998, la B.F.C.C. a notifié cette cession à la BANQUE INTERCONTINENTALE ARABE en lui demandant de lui indiquer si cette créance n'aurait pas fait l'objet de cession antérieure laquelle n'a pas fourni de réponse ; considérant qu'il n'est pas non plus justifié par un quelconque document que la B.F.C.C. aurait ensuite consenti un second crédit documentaire pour solder le marché passé avec la société GRAMMATICO avant que la société V.T.N. ait été placée une semaine plus tard, le 24 juin 1998, en redressement judiciaire tandis que la B.F.C.C. qui a reçu ultérieurement le règlement de la somme de 1.170.000 francs (178.365,35 euros) correspondant au montant de la facture qui lui avait été cédée, en a restitué le prix le 21 septembre 1998, à Maître MEYNET administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société V.T.N. ; considérant que la société GRAMMATICO qui n'a pu respecter les délais de livraison qui lui étaient impartis et qui étaient couverts par le crédit documentaire, mais qui a adressé les fournitures en cause les 11 et 25 mai 1998 et donc largement postérieurement à l'expiration le 20 avril 1998 de ce crédit, ce qu'elle ne pouvait ignorer, sans s'assurer, au préalable, qu'un autre crédit documentaire ait été accordé à son profit ne saurait prétendre rechercher la responsabilité de la banque B.F.C.C. pour pallier sa
propre carence ; considérant qu'en effet ses allégations, selon lesquelles la B.F.C.C. lui aurait laissé croire que l'octroi d'un deuxième crédit documentaire lui était acquis pour obtenir effectivement la livraison de la marchandise au gouvernement algérien et en recevoir paiement de la BANQUE INTERCONTINENTALE ARABE pour couvrir les dettes de la société V.T.N., ne reposent sur aucun fondement dès lors qu'il n'est nullement établi que la B.F.C.C. ait jamais indiqué à la société GRAMMATICO ou à son banquier la B.N.P. que ce second crédit documentaire aurait été accordé, mais que bien au contraire, interrogée par la B.N.P., la B.F.C.C. lui a répondu que celui-ci n'avait pas été mis en place pour des raisons administratives, comme l'atteste la lettre de la B.N.P. en date du 08 juillet 1998, qui résultaient, selon les dires de la B.F.C.C. non démentis par d'autres éléments probants, de l'attente de la réponse de la BANQUE INTERCONTINENTALE ARABE sur la validité de la cession de créance qui n'est jamais parvenue ; qu'en outre, les livraisons litigieuses ont été effectuées indépendamment de toute intervention de la B.F.C.C. tandis que cette dernière qui a reçu le règlement de la BANQUE INTERCONTINENTALE ARABE l'a immédiatement restitué au mandataire du redressement judiciaire de la société V.T.N. ; que la société GRAMMATICO qui ne démontre en conséquence, aucunement la réalité de renseignements erronés voire mensongers qu'elle impute vainement à la B.F.C.C. doit être déboutée de sa demande subsidiaire en dommages et intérêts ; que le jugement déféré sera dès lors confirmé par adjonction de motifs ; considérant que l'équité commande d'accorder à l'intimée une indemnité supplémentaire de 1.700 euros ; considérant que la société GRAMMATICO qui succombe en son appel supportera les dépens. ä PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré par adjonction de motifs ; DEBOUTE la SARL GRAMMATICO FRÈRES
de toutes ses prétentions ; LA CONDAMNE à verser à la SA B.F.C.C. une indemnité complémentaire de 1.700 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M. THERESE X...
F. LAPORTE