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21/02/2002 | FRANCE | N°2001-1906P

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 février 2002, 2001-1906P


Une information a été ouverte contre AC, des chefs de corruption, faux et usage, abus de biens sociaux, au cabinet de Mme RECHTER, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Versailles ; dans le cadre de la commission rogatoire délivrée le 10 décembre 1997, M. X... a été placé en garde à vue, le 10 février 1998 à 8 heures, et le même jour, une prolongation, signée "RECHTER" a été accordée ; Maître X avocat, conseil de M. X..., a obtenu copie du dossier ; Estimant que la signature "RECHTER" figurant sur l'acte de prolongation de la garde à vue de son client n'était

pas celle du juge d'instruction, Maître X avocat, a confié, à titr...

Une information a été ouverte contre AC, des chefs de corruption, faux et usage, abus de biens sociaux, au cabinet de Mme RECHTER, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Versailles ; dans le cadre de la commission rogatoire délivrée le 10 décembre 1997, M. X... a été placé en garde à vue, le 10 février 1998 à 8 heures, et le même jour, une prolongation, signée "RECHTER" a été accordée ; Maître X avocat, conseil de M. X..., a obtenu copie du dossier ; Estimant que la signature "RECHTER" figurant sur l'acte de prolongation de la garde à vue de son client n'était pas celle du juge d'instruction, Maître X avocat, a confié, à titre privé, à deux experts graphologues, Mme DE Y... et Mme PETIT DE Z..., des copies de pièces du dossier d'information aux fins de comparaison de signatures ; A la suite des conclusions des deux experts, selon lesquelles la signature figurant sur la prolongation de garde à vue avait été imitée, M. X... s'est constitué partie civile contre X, le 10 mars 2000 du chef de faux en écriture publique et usage, et a produit les deux rapports d'expertise à l'appui de sa plainte ; M. le Procureur de la république a alors adressé au Directeur de la police judiciaire une demande d'enquête préliminaire, imputant à Maître X avocat, la violation du secret de l'instruction et à Mmes DE Y... et PETIT DE Z... un recel de ce délit ; Entendues, les deux experts ont admis avoir examiné des pièces provenant d'un dossier d'instruction, mais ont déclaré ne pas avoir eu le sentiment de participer à une violation du secret de l'instruction et ont reconnu ne pas s'être interrogées sur le point de savoir si l'avocat qui les avait saisies, avait le droit d'agir ainsi ; toutes deux ont affirmé qu'aucun document transmis n'avait été diffusé à l'extérieur ; Maître VICELLI, également entendue, n'a pas contesté les faits dans leur matérialité, et a déclaré qu'ils n'étaient pas constitutifs de violation du secret de l'instruction, dès lors que les experts à qui les pièces

litigieuses avaient été remises étaient eux-mêmes soumis au secret professionnel ; elle a ajouté qu'elle se devait, en sa qualité d'auxiliaire de justice, ayant découvert l'existence d'un crime, de le dénoncer à la justice ; elle a précisé, avoir tenté, en vain de joindre le juge d'instruction et le Parquet avant de déposer cette plainte ; Le 31 août 2000, Maître X avocata été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel de Versailles pour avoir, à Versailles et à Paris, courant 1999, étant avocat, révélé des informations à caractère secret, en remettant à des tiers des reproductions de pièces d'une procédure d'instruction, infraction prévue par les articles 114 et 114-1 du Code de procédure pénale ; Le même jour, Mmes DE Y... et PETIT DE Z... ont été citées devant le même tribunal pour avoir, courant 1999, recelé des reproductions de pièces d'une procédure d'instruction qu'elles savaient leur être remises par Maître X avocat, en violation du secret de l'instruction, infraction prévue par les articles 321-1 al. 1 et 2, 226-13, 226-14, 11 du Code de procédure pénale et réprimée par les articles 321-1, 321-3, 321-9, 321-10, 226-31 du code pénal ; Maître X avocat a soulevé, in limite litis, l'incompétence territoriale de la juridiction saisie, les éventuels faits de divulgation de pièces d'un dossier d'instruction ayant été commis à Paris et Vincennes, domiciles professionnels des deux graphologues ; Par jugement du 3 avril 2001, le tribunal correctionnel de Versailles s'est déclaré compétent pour connaître des délits visés à la prévention, a relaxé Mme DE Y... et Mme PETIT DE Z... des fins de la poursuite, a déclaré Maître X avocat coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamnée à une amende délictuelle de 10.000 F ; Le 4 avril 2001, Maître X avocat, a interjeté appel des dispositions pénales et civiles du jugement rendu à son encontre ; le même jour, le ministère public a également interjeté appel des décisions de ce jugement ;

Devant la cour, Maître X avocat, a repris in limite litis l'exception d'incompétence territoriale soulevée devant le tribunal, au motif que, selon l'article 382 du Code de procédure pénale , le tribunal compétent en matière de délit est celui du lieu de commission de l'infraction ; or, le délit de diffusion à un tiers, de reproduction de pièces ou d'actes de procédure d'instruction étant un délit instantané, constitué par la transmission de pièces à un tiers, cette dernière aurait été effectuée depuis le cabinet de Maître X avocat, situé à Paris, vers celui des deux experts graphologues, qui ne sont ni l'un, ni l'autre domiciliés dans le ressort de la cour d'appel de Versailles ; cette juridiction devrait dès lors se déclarer incompétente et renvoyer le Parquet à se pourvoir ; Au fond, Maître X avocat, estime que les faits reprochés ne sont constitutifs d'aucune infraction pénale ; le fait d'avoir transmis les pièces litigieuses à des experts judiciaires ne saurait tout d'abord constituer une violation du secret de l'instruction, infraction sur le fondement de laquelle elle n'est au demeurant pas poursuivie, puisque les pièces communiquées ne contenaient aucune information à caractère secret, ne concernaient qu'une question de pure procédure, en l'espèce une prolongation de garde à vue ; Elle relève que les destinataires de ces pièces étaient deux experts graphologues, experts judiciaires tenues au secret professionnel, qui, à ce titre, ne peuvent être considérés comme des tiers mais seulement comme des consultants extérieurs, mandatés par son cabinet ; en outre, Maître X avocat, a fait état de certaines procédures diligentées restées sans réponses, notamment une demande d'instruction complémentaire, avant de procéder elle-même à la transmission des pièces ; enfin, en sa qualité d'avocat, Maître X avocat, se devait de révéler l'existence de ce document portant une signature manifestement imitée et la prudence lui imposait de s'entourer de l'avis d'un expert ; elle n'a donc,

lors de la communication reprochée, jamais eu l'intention ni le sentiment de violer le secret de l'instruction ; Sur le fondement de l'article 114-1 du Code de procédure pénale, seul visé par la prévention, le conseil de la prévenue fait valoir que l'avocat n'a pas la qualité de partie au sens de ce texte, lequel n'est pas applicable à l'avocat ; Maître X avocat, conclut dès lors à sa relaxe ; Motifs de la cour Sur l'exception d'incompétence territoriale Il résulte de l'article 382 du Code de procédure pénale que lorsque le délit, objet de la poursuite est complexe et comprend un ensemble de faits qu'il convient d'apprécier, le juge du lieu où s'est accompli une partie de ces faits est compétent pour connaître du délit ; En l'espèce, si la diffusion des copies de procès-verbaux provenant du dossier d'instruction n'a pas eu lieu dans le ressort du TGI de Versailles, il n'en va pas de même de l'obtention de ces pièces puisque l'avocat s'en ait fait délivrer une copie auprès du juge d'instruction de Versailles, conformément à l'article 114 al. 4 du Code de procédure pénale ; cet acte préalable étant essentiel à la caractérisation du délit prévu par l'article 114-1 du Code de procédure pénale, objet des poursuites, il convient de considérer qu'une partie des faits a été commise dans le ressort du tribunal correctionnel de Versailles et de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la défense ; Au fond Il y a lieu tout d'abord de relever que même si les autres prévenues définitivement relaxées étaient poursuivies pour recel de violation du secret de l'instruction, la cour n'est saisie, à l'encontre de Maître X avocat, que des poursuites exercées sur le seul fondement de l'article 114-1 du Code de procédure pénale , et non pas pour violation du secret de l'instruction, la prévenue n'ayant pas accepté de comparaître volontairement sur ces faits distincts ; Or, l'article 114-1 du Code de procédure pénale énonce que "sous réserve des

dispositions du sixième alinéa de l'article 114-1 relatives aux rapports d'expertise, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d'une procédure d'instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d'un tiers est puni de 3.750 d'amende ; Il s'en déduit que ce texte de répression vise les personnes mises en examen ou les parties civiles, mais non tenues au secret de l'instruction, et n'est pas applicable à l'avocat qui n'est pas une "partie" au procès pénal, qui ne s'est pas fait remettre une "reproduction" des copies des pièces du dossier, mais s'est fait "délivrer, à ses frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier", en application de l'article 114 al. 5 du Code de procédure pénale ; Cette analyse est au demeurant confirmée par la circulaire du 3 mars 1997, relative à la remise par l'avocat à son client de la reproduction des pièces d'une procédure d'instruction ; Il en résulte que le fait pour Maître X avocat, d'avoir remis, en sa qualité d'avocat, à des experts en écriture des reproductions de copies de pièces du dossier, ne pouvait être poursuivi que pour violation du secret de l'instruction et du secret professionnel sur le fondement des articles 11 du Code de procédure pénale, 226-13 et 226-14 du code pénal ; Il convient dès lors de la relaxer des fins de la poursuite exercée sur le fondement de l'article 114-1 du Code de procédure pénale sans qu'il y ait lieu d'examiner les motifs de cette transmission ni la reconnaissance aux experts de la qualité de tiers ; PAR CES MOTIFS LA COUR, après en avoir délibéré , Statuant publiquement, et contradictoirement, EN LA FORME : Reçoit les appels AU FOND : CONFIRME le jugement entrepris en ce que le tribunal correctionnel de Versailles s'est déclaré compétent pour statuer sur la prévention ; INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Maître X avocat coupable du délit prévu par l'article 114-1 du Code de procédure pénale ; RELAXE Maître

X avocat, des faits visés dans la prévention, sans peine ni dépens ; Et ont signé le présent arrêt, le président et le greffier.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-1906P
Date de la décision : 21/02/2002

Analyses

AVOCAT - Secret professionnel - Violation - Eléments constitutifs

Le fait pour un avocat de communiquer à un expert en écriture, étranger à la procédure, une reproduction d'une copie d'un procès-verbal provenant d'un dossier d'instruction, ne peut être valablement poursuivi sur le fondement de l'article 114-1 du Code de procédure pénale qui n'est applicable qu'aux " parties " à la procédure non tenues au secret de l'instruction. Un tel comportement de la part d'un avocat ne pourrait relever que de la violation du secret de l'instruction et du secret professionnel, sur la base des articles 11 du Code de procédure pénale, et 226-13 et 226-14 du Code pénal


Références :

Code de procédure pénale, articles 11, 114-1, Code pénal, articles 226-13, 226-14

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-02-21;2001.1906p ?
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