Entre le 11 décembre 1998 et le 8 janvier 1999, la société IMMOBILIER COMMERCE FRANCHISE, ci-après dénommée ICF, a passé à la société ADRESSE MAILING PROMOTION, aussi dénommée AMP, cinq commandes de routages portant respectivement sur 110.267, 47.484, 52.397, 91.299 et 54.919 plis devant être déposés à LA POSTE du 24 décembre 1998 au 22 janvier suivant. Elle a remis, en paiement d'avance, cinq chèques de 185.000, 79.000, 88.000, 153.000 et 92.000 francs à la société AMP qui les a encaissés. Les expéditions des 24 et 31 décembre et 08 janvier ont été préparées par AMP et déposées à LA POSTE qui, non réglée des affranchissements correspondants, a refusé de les prendre en charge. La société ICF a récupéré auprès du routeur les éléments nécessaires aux envois des 15 et 22 janvier et s'est trouvée contrainte de faire exécuter l'opération de publipostage par un autre prestataire. Par assignation en date du 29 janvier 1999, elle a saisi le tribunal de commerce de Nanterre en réclamant à la société AMP et à LA POSTE l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi. La société AMP ayant fait l'objet, par jugement rendu le 10 février 1999, d'une liquidation judiciaire, maître Véronique X... a été appelée à la cause en sa qualité de mandataire liquidateur. Par jugement rendu le 14 décembre 1999, cette juridiction a déclaré LA POSTE et la société AMP co-responsables du préjudice subi par la société ICF et les a déclarées solidairement tenues à indemnisation. Elle a en conséquence condamné LA POSTE à payer 847.000 francs (129.124,31 euros) et a fixé la créance de la société ICF au passif de la société AMP au même montant. Elle a en outre alloué une indemnité de 10.000 francs (1.524,49 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que la société AMP avait commis une faute en s'appropriant indûment le montant des affranchissements pour une autre utilisation. Ils ont considéré que LA POSTE avait
l'obligation, en application des dispositions de l'article 41 du décret du 12 mars 1962, d'expédier et de distribuer le courrier affranchi par les machines détenues par la société AMP sous son autorisation et que, ne le faisant pas, elle avait adopté un comportement fautif au sens de l'article 1382 du code civil justifiant la réparation du préjudice causé. LA POSTE a interjeté appel de cette décision et expose qu'en raison d'incidents de paiement, AMP ne bénéficiait plus des délais, antérieurement consentis, de paiement des affranchissements et n'a pas été en mesure de régler, au dépôt des expéditions, ceux de son client ICF. Elle rappelle l'organisation de l'activité de routage et souligne qu'elle n'a jamais été débitrice, directement ou indirectement, d'aucune obligation de nature contractuelle à l'égard d'ICF. Elle dénie l'existence d'un quelconque mandat prétendument donné au routeur pour la perception du coût de l'affranchissement et soutient que le seul mandat qui existe est celui de l'expéditeur qui confie au routeur le prix des affranchissements à charge pour ce dernier de le remettre à la POSTE en même temps que les plis expédiés. Elle réfute l'interprétation que fait la société ICF, dans le sens de l'existence d'un mandant de recouvrement, des dispositions du contrat de partenariat, signé avec la profession des routeurs le 25 octobre 1994, et au demeurant arrivé à échéance et non renouvelé, comme des conventions conclues. Elle précise que ses relations contractuelles avec la société AMP étaient régies par un contrat technique POSTIMPACT, un contrat de machine à affranchir et deux protocoles d'accords des 16 juillet et 15 décembre 1998, ce dernier fixant les modalités de remboursement d'un arriéré de plus de neuf millions de francs et prévoyant l'exigence d'un paiement comptant des dépôts jusqu'à apurement. Elle fait état de la violation par la société AMP de ses obligations contractuelles, laquelle n'a pas fourni de caution
et a réglé avec retard les appels de fonds, et qui justifiait, selon elle, sans nécessité de respect d'un préavis, la cessation des règlements décalés, la restitution aux clients des plis déposés, l'apposition des scellées sur les machines à affranchir et la résiliation de la convention. Elle soutient que la stricte application des clauses des contrats qui la liaient à la société AMP interdit de considérer que sa responsabilité délictuelle serait engagée à l'égard d'ICF, et ne peut constituer, par nature, une faute à l'égard des tiers. Elle ajoute que l'opposabilité à ICF des contrats souscrits par AMP est d'autant moins contestable que leur existence est prévue par voie réglementaire. Elle souligne à cet égard que les dispositions de l'article 41 du décret du 12 mars 1962 qui posent le principe de la validité des empreintes de machines à affranchir voient leurs conditions application précisées par l'arrêté interministériel du 28 janvier 1980 qui prévoit que l'autorisation d'une machine à affranchir fait l'objet d'une convention fixant les droits et obligations des deux parties. Elle précise que le contrat conclu avec AMP prévoyait explicitement la procédure de règlement comptant en cas de détérioration de la solvabilité du client et le refus de prise en charge des plis portant l'empreinte d'affranchissement en cas d'incident de paiement non régularisé. Elle explique que l'impossibilité d'un paiement direct des affranchissements, dont le jugement lui a fait le grief, n'est pas la cause du choix d'ICF d'avoir recours à un routeur, mais en est la conséquence, le paiement dès la commande des affranchissements constituant une obligation figurant dans les contrats passés entre AMP et ICF, l'acceptation d'un paiement direct étant, selon elle, de nature à engager sa propre responsabilité à l'égard d'AMP en tant que complice de la violation d'une obligation contractuelle. Invoquant le principe général d'exécution de bonne foi des conventions et les
dispositions du contrat de machine à affranchir, elle prétend avoir agi, en raison de sa situation de monopole, avec la plus grande prudence en ne mettant un terme aux relations contractuelles avec la société AMP qu'après que se fut avéré le caractère irrémédiablement compromis de la situation financière de celle-ci. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'elle n'a reçu aucun paiement des affranchissements des mailings litigieux de la société ICF, que si elle avait acheminé les envois, les taxes de traitement complémentaire auraient été dues, portant le coût global à 2.200.647 francs qui aurait dû être acquitté par ICF, de telle sorte qu'elle se trouverait aujourd'hui créancière de cette dernière pour un montant supérieur au préjudice invoqué et, au surplus selon elle, dépourvu de justification quant aux pertes de marge alléguées. Plus subsidiairement encore, elle invoque les dispositions de l'article 26 de la loi du 02 juillet 1990 instaurant à son profit un régime légal d'exonération de toute responsabilité en cas de non-distribution ou de retard dans la distribution du courrier. Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement qui l'a estimée co-responsable du préjudice subi par la société ICF, de débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes à son encontre et de la condamner à lui payer une indemnité de 50.000 francs (7.622,45 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société ICF rappelle l'importance des opérations de publipostage pour la diffusion des revues ICF COMMERCE et REPRENEURS qu'elle édite. Elle fait observer que, quel que soit le statut juridique de la société AMP, la responsabilité contractuelle de cette dernière est évidente dans la mesure où elle n'a pas honoré son contrat et les cinq commandes passées malgré la perception des affranchissements. En relevant que sont réunis les caractères généraux définis par l'article 1984 du code civil que sont le pouvoir
de représentation et l'intuitu personae de la relation, elle soutient que la société AMP a agi en qualité de mandataire de LA POSTE pour le recouvrement de la taxe d'affranchissement et qu'en sa qualité de mandant, la responsabilité contractuelle de cette dernière est engagée. Elle fait valoir que le pouvoir de représentation du routeur résulte indubitablement, selon elle, de l'acte juridique signé entre LA POSTE et AMP qui fixe les modalités de perception, au nom et pour le compte de LA POSTE, de la taxe d'affranchissement, contrepartie du transport et de la distribution du courrier. Elle expose que la distinction entre l'acte matériel qui consiste à apposer le timbre et la perception de la taxe est matérialisée par la conclusion de deux contrats, celui de la machine à affranchir et la convention POSTIMPACT. Elle souligne que, si le routeur se substitue effectivement à l'expéditeur lorsqu'il effectue les prestations de mise sous pli, d'adressage et de dépôt, c'est en revanche à LA POSTE qu'il se substitue lorsqu'il perçoit la taxe d'affranchissement, ce qu'il ne peut faire qu'en vertu d'un pouvoir donné par celle-ci puisque nul ne peut percevoir, pour son propre compte, la taxe d'affranchissement. Elle fait observer que LA POSTE reconnaissait elle-même, dans les accords de partenariat signés avec les organisations professionnelles et dans les contrats techniques passés avec les routeurs, la qualité de mandataire de ces derniers et, aux termes de l'avenant du 07 juin 1995, de ducroire du paiement des affranchissements. Elle ajoute que la qualité de mandataire du routeur ressort également des termes mêmes des conventions liant ce dernier à l'expéditeur, même en l'absence de l'indication que le mandataire agit au nom et pour le compte de LA POSTE à qui est reversée l'intégralité de l'affranchissement et qui est directement responsable vis à vis de l'annonceur de l'exécution de ses obligations de transport et de distribution des plis en contrepartie
de l'affranchissement pourtant perçu par le routeur. Elle soutient que LA POSTE, en déclarant au passif de la société AMP une créance qui inclut la valeur des affranchissements correspondant à des dépôts de plis affranchis, a reconnu que les paiements faits par les clients au routeur lui sont opposables. Elle conteste que le routeur serait le mandataire de l'annonceur puisque LA POSTE refuse le paiement direct des affranchissements et impose pour leur collecte un intermédiaire autorisé par elle à utiliser une machine à affranchir ce qui prive le prétendu mandat de tout caractère intuitu personae, et puisque les contrats POSTIMPACT et de machines à affranchir sont négociés avant même que l'expéditeur ne fasse appel au routeur. Elle infère du mandat que le versement à AMP des affranchissements produit donc ses effets à l'égard de LA POSTE qui, en refusant d'acheminer les envois, n'a pas respecté ses obligations contractuelles vis à vis d'elle. Subsidiairement, elle qualifie d'abusif et de fautif le comportement de LA POSTE qui a violé les dispositions réglementaires du code des postes et télécommunications lesquelles déclarent valables pour l'affranchissement les empreintes de machines à affranchir, précisent que l'affranchissement n'est pas obligatoire et prévoient, en ce cas comme pour une insuffisance d'affranchissement, le paiement, par le destinataire ou à son défaut par l'expéditeur, de l'insuffisance et d'une taxe complémentaire. Elle considère que les stipulations contractuelles permettant à LA POSTE de ne pas distribuer le courrier sont contraires à la loi et, par conséquent nulles et lui sont, en tout état de cause, inopposables. Elle fait en outre le grief à LA POSTE de n'avoir pas respecté les conventions signées avec AMP en imputant des paiements d'affranchissements sur un arriéré de créance ou en acceptant un paiement différé, et d'avoir manqué de vigilance et de prudence dans le contrôle de l'utilisation de l'autorisation de machine à affranchir alors que les premières
difficultés de paiement du routeur ont débuté en mai 1997, et que la caution contractuellement prévue n'avait pas été fournie. Elle affirme que ce comportement est constitutif d'une exploitation abusive de sa position dominante au sens de l'article 8-1 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 dès lors qu'il a permis abusivement à la société AMP de se créer, au détriment de ses clients, de la trésorerie qui a servi au remboursement de l'arriéré dû à LA POSTE. Elle réfute les arguments de celle-ci relatifs à l'absence de préjudice en soulignant que, ne s'estimant pas liée contractuellement à la société ICF, LA POSTE ne saurait lui réclamer le paiement de la surtaxe pour défaut d'affranchissement dont, dans une telle hypothèse, seule la société AMP serait redevable. Elle dénie enfin à LA POSTE la faculté de se prévaloir de l'exonération légale de responsabilité qui ne concerne que la perte de courrier ou le retard dans sa distribution mais pas le refus de prise en charge. Elle fait valoir l'incidence de l'interruption de ses opérations hebdomadaires de publipostage sur sa perte de clients et, par conséquent, de marge brute, selon le même mode de calcul qu'avait accepté LA POSTE pour l'indemniser des grèves postales, et qu'elle chiffre à 1.791.000 francs (273.036,18 euros) auquel s'ajoute le remboursement des affranchissements inutilement payés à AMP. Elle conclut à la condamnation de LA POSTE au paiement de la somme de 2.354.000 francs (358.864,98 euros) de dommages et intérêts et à la fixation d'une créance de même montant sur la liquidation judiciaire de la société AMP, ainsi que la condamnation solidaire de LA POSTE et de maître X... à 50.000 francs (7.622,45 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Maître Véronique X... répond, pour sa part, que le préjudice non contestable subi par la société ICF résulte du seul comportement de LA POSTE qui a refusé d'expédier et de distribuer les plis qui lui ont été confiés
par la société AMP alors que les dispositions des articles 41 et 45 du décret du 12 mars 1962 édictent que tout pli, même non ou insuffisamment affranchi, doit être expédié et que l'empreinte de machine à affranchir est considérée comme un affranchissement valable. Elle fait observer qu'à ces obligations légales s'ajoutait celle conventionnelle de respecter un préavis de résiliation de huit jours pour le contrat des machines à affranchir et d'un mois pour la convention POSTIMPACT, alors que, brutalement et sans autorisation judiciaire LA POSTE a cru bon de pénétrer dans les locaux de la société AMP le 20 janvier 1999 pour y retirer toutes les machines à affranchir qui au surplus, n'étaient pas sa propriété. Elle explique qu'à compter du 15 décembre 1998, LA POSTE a exigé le paiement comptant des valeurs d'affranchissements des plis remis et précise que les règlements qui ont été effectués à compter de cette date ont été imputés sur l'apurement de dettes plus anciennes, matérialisées par le protocole du 15 décembre. Elle prétend que les plis affranchis par la société AMP au profit et pour le compte de la société ICF avaient bien été réglés par le routeur. Elle en infère que c'est à tort que le jugement frappé d'appel a cru bon de retenir une co-responsabilité de son administrée avec celle de LA POSTE et conclut à l'infirmation de la décision sur ce point comme sur la condamnation prononcée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Subsidiairement, elle fait valoir que si la cour devait retenir la responsabilité de la société AMP, le montant de la créance de dommages et intérêts à fixer au passif de la liquidation judiciaire ne saurait excéder 597.000 francs (91.012,06 euros) correspondant à la valeur des affranchissements. Elle demande la condamnation de LA POSTE au paiement de 20.000 francs (3.048,98 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la
mise en état en date du 22 novembre 2001 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 18 décembre 2001. MOTIFS DE LA DECISION SUR LA RESPONSABILITE DE LA SOCIETE AMP Considérant que la société ICF a passé commande à la société AMP de cinq opérations successives hebdomadaires de routage constituant une prestation de services comportant d'une part la mise sous pli, la suscription, le tri et le conditionnement des envois et d'autre part leur remise à LA POSTE après affranchissement postal au tarif applicable ; Considérant que les expéditions prévues pour les 24 et 31 décembre 1998 et 08 janvier 1999 ont été préparées par AMP et mises à disposition de LA POSTE ; qu'en revanche les commandes relatives aux envois des 15 et 22 janvier n'ont fait l'objet d'aucune prestation ; que la société ICF démontre, par la facture de mise à disposition de deux semi-remorques, les bordereaux de dépôts délivrés par LA POSTE à la société ADRESSONORD et les factures de cette dernière, qu'après avoir pu récupérer les éléments nécessaires, elle s'est trouvée contrainte de faire exécuter ces opérations de publipostage par un autre prestataire ; Considérant que les trois envois routés ont été mis à la disposition des représentants permanents que LA POSTE avait placés au sein même des entrepôts d'expédition de la société AMP à Vulaines sur Seine, mais sont restés en souffrance dans ces locaux, LA POSTE refusant de les expédier au motif que le prix des affranchissements n'en avait pas été réglé ; Considérant que maître X..., es qualités, ne conteste pas que la société AMP avait pourtant reçu et encaissé de son client la société ICF les cinq chèques, pour un montant total de 597.000 francs (91.012,06 euros), correspondant au coût des affranchissements des cinq routages commandés ; Considérant que, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, en s'appropriant ces sommes et en les destinant à une autre utilisation que celle du paiement à LA POSTE des affranchissements, la société
AMP a manifestement commis un manquement grave dans l'exécution de ses obligations contractuelles qui a été la cause initiale de la non-expédition et de la non-distribution des publipostages ; Que maître X..., ès-qualités, est mal fondée à se prévaloir de l'attitude que LA POSTE a adoptée à l'égard de la société AMP pour invoquer l'absence de responsabilité de son administrée dans le préjudice subi par la société ICF ; qu'elle affirme, sans le démontrer que les règlements comptants effectués à LA POSTE après le 15 décembre 1998, auraient été imputés à l'apurement des arriérés, alors qu'il est établi que les chèques remis par la société AMP les 12, 13, 14 et 15 janvier pur un montant total de plus de 11.800.000 francs (environ 1.800.000 euros) se sont révélés dépourvus de provision ; que les difficultés financières survenues entre la société AMP et LA POSTE relatives aux arriérés d'affranchissements ne sauraient être opposables à la société ICF ; que maître X..., es qualités, n'explique pas les raisons qui ont amené la société AMP à percevoir les affranchissements des envois programmés pour les 15 et 22 janvier 1999 et à les conserver alors même qu'aucune prestation de routage n'avait été effectuée ; Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la société AMP avait incontestablement commis une faute dans l'exécution des ses obligations contractuelles engageant sa responsabilité à l'égard de la société ICF ; SUR L'EXISTENCE D'UN MANDANT Considérant que LA POSTE est un établissement public industriel et commercial investi du monopole de l'expédition et de la distribution des lettres et paquets d'un poids inférieur à 1 kg ; qu'à ce titre, elle est seule habilitée à percevoir la "taxe d'affranchissement" ; Considérant que les besoins économiques d'envois de plis en très grand nombre ont fait naître la profession de routeur, professionnels indépendants dont le rôle est, notamment, de trier le courrier et de le conditionner en liasses et en sacs ou
conteneurs, selon sa destination, dans le respect de critères d'acheminement définis par LA POSTE ; qu'en contrepartie de la prise en charge de ce travail LA POSTE verse des rémunérations ou consent des remises tarifaires ; Considérant que ce procédé de traitement par une entreprise extérieure d'une partie des prestations traditionnellement effectuées par l'administration des postes et télécommunications est, en l'espèce, concrétisé dans un contrat, signé le 10 mars 1998, dénommé POSTIMPACT qui en définit, en se référant à des conditions générales, les modalités d'exécution ; Considérant que, parallèlement, LA POSTE a donné à la société AMP son autorisation pour utiliser des machines destinées à apposer sur les plis des empreintes d'affranchissement dont la contre-valeur est payable par le routeur, sur relevé, et dans des délais définis par un contrat spécifique et distinct du contrat POSTIMPACT ; Considérant que LA POSTE déléguait ainsi au dépositaire des machines à affranchir le droit que lui réserve la loi de percevoir la taxe d'affranchissement, à charge pour celui-ci de lui reverser le montant des sommes effectivement perçues ; qu'elle l'instituait par là, au sens des dispositions de l'article 1984 du code civil, son mandataire à l'encaissement des taxes ; Considérant en effet que la mise en place des machines à affranchir sous autorisation préalable de LA POSTE a pour effet que l'empreinte d'affranchissement n'est pas, comme un simple timbre poste, achetée et payée avant son apposition sur le pli, mais au contraire librement délivrée par le détenteur de la machine au bénéfice de n'importe lequel de ses clients à la seule charge pour lui de rendre compte à LA POSTE, qui a le libre accès aux compteurs plombés des machines, du nombre d'empreintes apposées et d'en reverser, au franc le franc, la contre-valeur ; Considérant que la réalité d'un mandat à l'encaissement, existant entre LA POSTE et le routeur, détenteur de machines à affranchir, est confortée par le
contenu de l'accord de partenariat du 25 octobre 1994 et de son avenant du 07 juin 1995 qu'avait conclu LA POSTE avec les représentants des professionnels du routage ; que ces documents indiquent explicitement que les affranchissements sont collectés pour le compte de LA POSTE par le routeur ; Considérant que si, comme le souligne LA POSTE, ces accords sont échus et n'ont pas été reconduits, ils indiquent toutefois clairement les rôles que, pendant la durée de leur validité, les intervenants professionnels ont entendu se donner réciproquement ; que LA POSTE ne fait état d'aucun élément, législatif, réglementaire, factuel ou contractuel, qui serait intervenu depuis susceptible de conduire à une qualification différente de la nature juridique des relations existantes ; Considérant au surplus que LA POSTE a procédé à une déclaration au passif de la liquidation judiciaire d'AMP d'une créance de 22.264.161,47 francs (3.394.150 euros) pour "la somme des affranchissements impayés par AMP au titre des dépôts effectués aux mois de novembre, décembre 1998 et janvier 1999" ; qu'elle a confirmé par là s'estimer créancière des contre-valeurs des empreintes d'affranchissements apposées par le routeur et que celle-ci ne lui a pas reversées ; Considérant qu'en sa qualité de mandant à l'encaissement des affranchissements, LA POSTE était tenue, par application des dispositions de l'article 1998 du code civil d'exécuter les engagements contractés par son mandataire la société AMP qui avait reçu règlement, de la part de la société ICF, de la valeur des taxes d'affranchissements exigibles pour les cinq publipostages commandés ; Qu'en refusant de transporter et de distribuer les plis conditionnés et affranchis par la société AMP pour les envois des 24 et 31 décembre 1998 et 08 janvier 1999, LA POSTE a donc engagé sa responsabilité et est tenue, solidairement avec son mandataire, à indemniser la société ICF du préjudice subi ;
Considérant que LA POSTE oppose subsidiairement à ICF l'absence de préjudice en expliquant que la distribution de pli non affranchis aurait induit la perception sur ICF des surtaxes que les destinataires auraient nécessairement refusés de supporter pour des envois publicitaires ; qu'elle confirme, par cette analyse, considérer que l'expéditeur des plis est bien la société ICF ; que cette dernière a payé à la société AMP les taxes d'affranchissement collectées pour le compte de LA POSTE laquelle ne pourrait dès lors prétendre percevoir les surtaxes applicables aux plis non affranchis ; Considérant enfin que LA POSTE ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 26 de la loi du 2 juillet 1990 et du code des télécommunication qui, en ses articles L.7 et L.13, l'exonère de responsabilité, dans la mesure où ces dispositions légales, exorbitantes du droit commun, ne visent que la perte d'objets ou de correspondances ou le retard dans la distribution et ne concernent aucunement le refus de prise en charge pour défaut allégué d'affranchissement ; SUR LE PREJUDICE Considérant que la société ICF a, en raison de la défaillance de la société AMP et de son mandant LA POSTE, a supporté un préjudice constitué d'une part de la somme de 597.000 francs (91.012,06 euros) qu'elle a inutilement payées au titre d'affranchissements de courriers qui n'ont jamais été expédiés, et d'autre part des perturbations commerciales qu'ont nécessairement induites les interruptions dans la régularité des envois des publipostages qui s'avèrent pour elle un moyen de trouver des annonceurs ; Considérant que la société ICF soutient que sa perte commerciale est égale à celle de la marge brute qu'elle chiffre à 1.757.000 francs (267.852,92 euros) sur le résultat de cinq "mailings" ; mais attendu qu'en réalité elle explique avoir elle-même déposé les envois initialement prévus pour les 15 et 22 janvier de telle sorte que trois et non pas cinq publipostages s'avèrent
manquants ; que perte de marge brute, pour autant que l'estimation en soit exacte, se trouverait ainsi ramenée à 1.757.000 x 3/5 =
1.050.200 francs (160.101,95 euros) ; Considérant que, comme l'a retenu le tribunal, la perte de marge brute ne correspond pas au préjudice dès lors que doivent être pris en compte les frais variables, à commencer par les affranchissements, et même si certains peuvent avoir un caractère dégressif ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice effectivement subi par la société ICF comme résultant des défaillances de la société AMP et de LA POSTE, en le fixant à 250.000 francs (38.112,25 euros) Qu'il suit de ce qui précède que le jugement entrepris doit recevoir, par substitution de motifs, confirmation ; SUR LES AUTRES DEMANDES Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société ICF la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que LA POSTE sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile aux bénéfice de maître X..., ès-qualités, et de LA POSTE ;
Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME par substitution de motifs le jugement entrepris, Y ajoutant, CONDAMNE LA POSTE à payer à la société ICF la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par les SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL et KEIME-GUTTIN, sociétés titulaires d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT