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17/01/2002 | FRANCE | N°2000-7792

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 janvier 2002, 2000-7792


La SA L... a intenté une action en responsabilité contre le Président du Conseil d'Administration et les Administrateurs de la SA X.., à qui elle reproche de lui avoir conseillé, dans leur intérêt personnel, de répondre à l'offre privée d'achat de la SA O..FRANCE, au prix unitaire de 1.455 francs (221,81 euros) l'action, alors qu'ils savaient, et qu'elle-même ne pouvait savoir, qu'elle aurait pu obtenir un prix nettement supérieur. Par jugement en date du 6 octobre 2000, le Tribunal de commerce de Nanterre a déclaré l'action intentée par la SA L... recevable mais mal fondée, l'

en a déboutée, et l'a condamnée à payer les dépens, et à Monsie...

La SA L... a intenté une action en responsabilité contre le Président du Conseil d'Administration et les Administrateurs de la SA X.., à qui elle reproche de lui avoir conseillé, dans leur intérêt personnel, de répondre à l'offre privée d'achat de la SA O..FRANCE, au prix unitaire de 1.455 francs (221,81 euros) l'action, alors qu'ils savaient, et qu'elle-même ne pouvait savoir, qu'elle aurait pu obtenir un prix nettement supérieur. Par jugement en date du 6 octobre 2000, le Tribunal de commerce de Nanterre a déclaré l'action intentée par la SA L... recevable mais mal fondée, l'en a déboutée, et l'a condamnée à payer les dépens, et à Monsieur X..., Monsieur Y..., Monsieur Z..., Monsieur A..., et Monsieur B..., la somme globale de 100.000 francs (15.244,90 euros) au titre de l'article 700 du NCPC. L'offre privée d'achat proposée le 20 novembre 1997 par la SA XXL... FRANCE (SA O..FRANCE) aux actionnaires de la SA X.., est l'une des opérations préalables à la prise de contrôle par le Groupe anglais U...du Groupe XXL.... La SA O..FRANCE était filiale à 100 % de la SA XXL... LUXEMBOURG, elle-même filiale à 100 % de la SA XXL... PARTICIPATIONS, elle-même détenue par Monsieur X.... La SA O..FRANCE possédait 49,9 % du capital de la SA X... Le 20 novembre 1997, la SA O..FRANCE a fait une offre privée d'achat au prix de 1.455 francs (221,81 euros) par action, valable jusqu'au 18 décembre 1997, et soumise à la condition suspensive de pouvoir se rendre acquéreur de 67 % du capital. Lors de sa réunion du 20 novembre 1997, le Conseil d'administration de la SA X.. a adopté une délibération précisant qu'il recommandait aux actionnaires d' X.. d'apporter leurs actions à l'offre qui leur sera faite par ASF. Par lettre en date du 20 novembre 1997 la SA O..FRANCE a adressé à tous les actionnaires de la SA X.., dont la SA L..., titulaire d'environ 3 % du capital, son offre d'achat au prix de 1.455 francs (221,81 euros) l'action, en précisant que ce prix "représente une prime d'environ 21 % par

rapport à la moyenne des cours des six semaines précédentes", et que par ailleurs "il représente un PER de 11,8 environ sur la base des résultats estimés de 1997". A cette lettre était jointe une lettre adressée par le Conseil d'Administration de la SA X.., sous la signature de son Président, recommandant aux actionnaires d'accepter cette offre, dans les termes suivants : "XXL... FRANCE vous propose ainsi un rachat de vos actions X.. sur la base d'un prix unitaire de 1.455 FRF." "Ce prix inclut une prime très substantielle par rapport au cours moyen constaté ces dernières semaines à la Bourse de Paris et traduit une valorisation de notre société conforme aux ratios généralement utilisés en Europe et notamment en Angleterre." "Votre Conseil d'Administration a donc approuvé les modalités de cette opération qui vous sont détaillées dans le courrier ci-joint et ne peut que vous conseiller d'accepter cette offre." La SA L..., comme la grande majorité des actionnaires (97,5 %), a vendu la quasi totalité de ses actions à la SA O..FRANCE, au prix proposé. L'opération de rapprochement a eu lieu au mois de décembre 1997, et la Société U...PLC est devenue la société holding de tête du Groupe U...et du Groupe XXL..., tandis que la SA XXL... PARTICIPATIONS est devenue propriétaire de 36,8 % du capital de la Société U...PLC. Par actes d'huissier délivrés au mois de mars 1999, la SA L... a fait citer devant le Tribunal de commerce de Nanterre le Président du Conseil d'Administration de la SA X.., Monsieur Y..., et les membres du Conseil d'administration : Monsieur X..., Mademoiselle C..., Monsieur Z..., Monsieur A..., et Monsieur B.... Le Tribunal de commerce de Nanterre a statué le 6 octobre 2000, ainsi qu'il a déjà été indiqué. La SA L... a interjeté appel de ce jugement et demande à la Cour de condamner solidairement les intimés à réparer son préjudice, et avant dire droit de désigner un expert avec mission de déterminer la valeur de l'action X.. au jour de l'offre de rachat

faite aux actionnaires minoritaires par la SA O..FRANCE, au regard de la valeur de la SA A.S. LUXEMBOURG, estimée à 2,7 milliards de francs (411 millions euros), en appliquant les "ratios généralement utilisés en Europe et en Angleterre". Elle demande en outre la somme de 100.000 francs (15.244,90 euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SA L... explique que les dirigeants de la SA X.. qu'elle poursuit étaient intéressés dans le succès de l'opération de rapprochement entre U...et XXL..., car ils sont dirigeants et actionnaires de plusieurs sociétés du Groupe XXL... et que ces dirigeants n'ont pas hésité à inciter les actionnaires minoritaires à répondre favorablement à l'offre privée d'achat, alors que cette dernière était lésionnaire pour eux. La SA L... expose qu'elle n'a pu s'apercevoir de la tromperie dont elle a été victime, que postérieurement à la vente de ses actions, lorsqu'il est apparu que les actions de la SA A.S. LUXEMBOURG ont été vendues par la SA XXL... PARTICIPATIONS à la Société UNICHEM, pour le prix de 2,7 milliards (411 millions euros), ce qui impliquait une valeur des actions de la SA X.. largement supérieure à 1.455 francs (221,81 euros). La SA L... souligne que les dirigeants qu'elle poursuit, avaient connaissance, le 20 novembre 1997, de l'ensemble de l'opération, et donc du prix de vente de la SA A.S. LUXEMBOURG, et qu'ils ne pouvaient donc ignorer que la valeur des actions de la SA X.. dépassait largement 1.455 francs (221,81 euros). Elle déduit cette connaissance du fait que quatre des administrateurs, Monsieur X..., Mademoiselle C..., Monsieur Y... et Monsieur Z... étaient également membres du Conseil d'administration de la SA A.S. LUXEMBOURG. Elle relève aussi que ces 4 personnes étaient également administrateurs de la Société A.S. ITALIA, de la SA O..FRANCE, de la SA A.S. LUXEMBOURG de la Société A.S. PARTICIPATIONS et de la société de droit anglais U..England. La SA L..., reproche également aux

intimés, même s'il n'est pas retenu contre eux d'avoir volontairement trompé les actionnaires minoritaires, tout au moins d'avoir commis une faute de négligence en recommandant à ces derniers de vendre leurs titres sans avoir, avant cette recommandation, vérifié que le prix de rachat proposé était justifié et recommandable ; qu'elle fait notamment valoir : - que les dirigeants se sont contentés de se référer aux derniers cours de l'action sur le marché hors cote, - qu'ils ont affirmé dans la lettre du 20 novembre 1997 que le prix de l'offre "traduit une valorisation de notre société conforme aux ratios généralement utilisés en Europe et notamment en Angleterre" sans procéder à aucune vérification de la réalité de ces ratios, - qu'ils n'ont pas vérifié si cette offre était conforme à l'intérêt des actionnaires, - et qu'ils auraient dû constater, au vu des informations en leur possession, que la valeur attribuée à l'action X.. par la SA O..FRANCE était gravement sous évaluée. Monsieur X..., Monsieur Y..., Monsieur Z..., Monsieur A..., et Monsieur B..., concluant à la confirmation partielle du jugement et formant appel incident, demandent à la Cour : - de déclarer l'action en responsabilité intentée par la SA L... irrecevable, en ce qu'elle aurait dû être dirigée contre la SA X.., et non contre ses dirigeants, - subsidiairement de déclarer cette action dépourvue de fondement, la faute alléguée par la SA L... n'étant pas séparable des fonctions des dirigeants dont la responsabilité est recherchée, - subsidiairement de déclarer cette action dépourvue de fondement, la faute alléguée par la SA L... n'étant pas démontrée, - formant appel incident, de faire droit à la demande rejetée par les premiers juges, tendant à ce que la SA L... soit condamnée à leur payer, à chacun, la somme de 100.000 francs (15.244,90 euros) à titre de dommages-intérêts, - de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA L... à verser à chacun d'eux, sur le fondement de l'article 700

du Nouveau Code de Procédure Civile, la somme de 20.000 francs (3.048,98 euros), soit au total la somme de 100.000 francs (15.244,90 euros). Madame C..., bien que régulièrement assignée, n'a pas constitué Avoué.

DISCUSSION Sur le moyen d'irrecevabilité tiré du fait que l'action aurait dû être dirigée contre la SA X.. et non contre ses dirigeants Considérant que les intimés estiment que, tant lors de la réunion du Conseil d'administration du 20 novembre 1997 que dans la lettre du 20 novembre 1997, destinée à informer tous les actionnaires de la position du Conseil d'Administration, ils ont agi pour le compte de la SA X.., et que seule la responsabilité de cette dernière peut être recherchée ; qu'ils relèvent à ce propos : - que l'article L.225-35 du Code de commerce (ancien article 98 de la loi du 24 juillet 1966) leur donne les pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, - que la recommandation de suivre l'offre d'achat individuel, même si elle ne constituait pas une obligation pour eux, entre manifestement dans leurs attributions, dès lors qu'ils en ont pris l'initiative - que la bonne fin de l'offre était conforme à l'intérêt social de la SA X.. par suite des avantages déterminants qui en résultaient pour elle ; Considérant que la SA L... ne soulève pas d'objections pour écarter ce moyen ; qu'au contraire elle fait observer qu'en application de l'article 1833 du Code Civil, la société doit agir dans l'intérêt commun des associés et qu'il lui appartient en conséquence, lorsqu'elle est visée par une offre d'achat, qu'elle soit publique ou privée, de donner son avis motivé sur cette offre, de manière à ce que tous les associés disposent de la même information ; Considérant qu'il s'en déduit que lorsque le dirigeant d'une société, agissant exclusivement en cette qualité, donne à tous les associés, sans en excepter, des informations sur la situation économique ou financière de la société,

il agit pour le compte de la société et engage la responsabilité de cette dernière si, par imprudence ou négligence, des informations erronées sont données ; Considérant que tel est le cas en l'espèce ; que c'est en leur qualité de dirigeants que les administrateurs de la SA X.. et leur Président ont pris l'initiative de recommander la vente des actions au prix de 1.455 francs (221,81 euros), et ont décidé de porter cette recommandation à la connaissance de tous les actionnaires, sans en excepter ; Considérant qu'il s'en déduit que la délibération du Conseil d'Administration du 20 novembre 1997, et la lettre du 20 novembre 1997 qui porte à la connaissance de tous les actionnaires cette délibération, ont été prises pour le compte de la société, et engagent sa responsabilité ; Mais considérant que le fait que la société puisse être poursuivie n'entraîne pas l'irrecevabilité de l'action en responsabilité contre les dirigeants ; qu'en effet des poursuites cumulatives peuvent être engagés contre la société et contre les dirigeants lorsque les fautes commises par ces derniers sont séparables de leurs fonctions ; que, plus généralement, toute personne qui se prétend victime d'une faute commise par une autre est recevable à intenter une action en responsabilité contre cette dernière, même si des poursuites contre d'autres personnes sont également recevables ; Considérant que le moyen soulevé n'est donc pas un moyen d'irrecevabilité, mais touche au fond, ainsi qu'il sera développé ultérieurement ; Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il déclare recevable l'action intentée par la SA L... ; Sur la qualification de "tiers" des associés Considérant que la SA L... estime que les associés ne doivent pas être qualifiés de "tiers" ; qu'elle entend ainsi échapper à la règle selon laquelle, "à l'égard des tiers", les dirigeants ne sont responsables que "des fautes séparables de leurs fonctions" ; Considérant que les intimés estiment que les associés sont des tiers au sens de l'article L.225-251 du

Code de commerce (ancien article 244 de la loi du 24 juillet 1966) ; Considérant que l'article L.225-251 dispose que les administrateurs sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ; Considérant que ce texte distingue "l'action sociale" de la société demandant réparation de son préjudice aux dirigeants, de "l'action des tiers", c'est à dire de toute les autres personnes physiques ou morales, demandant réparation de leur préjudice personnel aux dirigeants ; Considérant que les actionnaires sont des personnes physiques, distinctes de la SA X.., et demandent la réparation de leur propre préjudice, et non celui de la société ; qu'ils exercent donc "l'action des tiers" contre les administrateurs ; Considérant que la SA L... exerce donc en l'espèce une "action des tiers" contre les dirigeants et doit, pour établir le bien fondé de son action, démontrer que les administrateurs ont commis des fautes séparables de leurs fonctions ; Considérant qu'il paraît utile de préciser que c'est de manière inexacte que les intimés tirent argument de l'article L.225-252, cet article ne concernant que "l'action sociale", "ut singuli" et se trouvant étranger à la présente "action des tiers" ; Sur la nature des fautes Considérant que les intimés soutiennent que selon l'article L.225-251 les administrateurs ne sont responsables envers la société et envers les tiers que dans les cas limitativement énumérés : - des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, - des violations des statuts, - des fautes commises dans leur gestion ; Qu'ils en déduisent que la SA L... ne peut agir contre eux, car la faute qui leur est reprochée n'entre dans aucun de ces trois cas ; qu'en effet, d'après eux, elle n'a pas

été commise à l'occasion d'un acte de gestion de la société, ni en exécution d'une disposition législative, réglementaire ou statutaire qui leur aurait fait obligation de donner des conseils aux actionnaires sur le caractère avantageux ou non d'une offre privée d'achat ; Mais considérant que dès lors qu'ils ont pris l'initiative, même si aucune obligation ne leur incombait à ce sujet, d'informer les actionnaires de ce que l'offre d'achat individuel était avantageuse pour eux, les administrateurs engagent leur responsabilité pour les fautes qu'ils commettent à l'occasion de cette information ; qu'ils en sont responsables envers la société pour toute faute, et envers les tiers pour les fautes séparables de leurs fonctions ; Considérant qu'au demeurant la société a l'obligation de faire respecter l'intérêt commun des associés, visé par l'article 1833 du Code Civil, et donc de les informer du caractère avantageux ou non d'une offre d'achat, serait-elle privée ; que cette information entre donc dans les actes de gestion de la société ; Sur la nécessité de démontrer le caractère de faute séparable des fonctions Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, les administrateurs, en recommandant à tous les actionnaires, de donner suite à l'offre privée d'achat, ont agi pour le compte de la société, et ont engagé la responsabilité de cette dernière ; Considérant que dans un tel cas, la personne qui prétend avoir subi un préjudice doit en réclamer réparation à la société, et ne peut obtenir réparation de la part des dirigeants que si ces derniers ont commis une faute séparable de leurs fonctions ; Qu'en conséquence la SA L... doit démontrer que les fautes commises par les administrateurs de la SA X.. sont séparables de leurs fonctions ; Sur les fautes d'imprudence et de négligence Considérant que la SA L... reproche aux administrateurs d'avoir recommandé aux actionnaires minoritaires de vendre leurs titres sans avoir, avant cette recommandation, vérifié

que le prix de rachat proposé était justifié et recommandable ; qu'elle fait notamment valoir : - que les dirigeants se sont contentés de se référer aux derniers cours de l'action sur le marché hors cote, - qu'ils ont affirmé dans la lettre du 20 novembre 1997 que le prix de l'offre "traduit une valorisation de notre société conforme aux ratios généralement utilisés en Europe et notamment en Angleterre" sans procéder à aucune vérification de la réalité de ces ratios, - qu'ils n'ont pas vérifié si cette offre était conforme à l'intérêt des actionnaires, - et qu'ils auraient dû constater, au vu des informations en leur possession, que la valeur attribuée à l'action X.. par la SA O..FRANCE était gravement sous évaluée. Mais considérant que le Conseil d'administration se fonde pour recommander de suivre l'offre d'achat individuel, sur le fait que le prix offert est plus élevé de 21 % par rapport au cours moyen de l'action sur le marché hors cote des six semaines précédentes, et sur le fait que le PER est conforme aux ratios habituels ; Considérant qu'il s'agit de données exactes et pertinentes ; qu'à supposer que des études plus approfondies aient pu conduire à une appréciation différente, l'absence de ces recherches supplémentaires ne relèverait que d'une négligence traduisant une faute non séparable des fonctions ; Sur la faute intentionnelle reprochée aux administrateurs d'avoir trompé les actionnaires dans leur intérêt personnel Considérant que la SA L... reproche aux administrateurs d'avoir intentionnellement trompé les actionnaires sur la valeur réelle des actions, dans leur propre intérêt ; qu'elle soutient que les administrateurs disposaient d'informations qui établissaient que la valeur attribuée à l'action X.. par la SA O..FRANCE était gravement sous évaluée, et qu'ils ont intentionnellement caché ces informations aux actionnaires ; Considérant que ces griefs impliquent une volonté intentionnelle de tromper dans un intérêt personnel, et constitueraient des fautes

séparables des fonctions des administrateurs, si elles étaient démontrées ; Mais considérant qu'il ressort des éléments du dossier que les actionnaires ont disposé de toutes les informations nécessaires ; que dans l'offre du 20 novembre 1997, il était précisé que les actionnaires pouvaient s'adresser à Monsieur D... pour obtenir des renseignements supplémentaires ; que la SA L... ne prétend pas avoir utilisé cette faculté ; que les intimés font observer que parmi les actionnaires figuraient des investisseurs institutionnels, à hauteur de 21,24 %, qui auraient exigé tous les renseignements utiles s'ils ne leur avaient pas été donnés ; qu'ils font observer que ces investisseurs ont tous apporté leurs actions à l'offre privée d'achat ; Considérant que la SA L... ne prétend d'ailleurs pas avoir manqué de renseignements économiques et financiers, mais soutient qu'elle ne s'est aperçue du caractère sous-évalué du prix de l'offre d'achat que lorsqu'elle a su que la valeur de la SA A.S. LUXEMBOURG avait été appréciée à 2,7 milliards de francs (411 millions euros), ce qui compte tenu du fait que cette société était constituée de la SA O..FRANCE et de la Société A.S. ITALIA, valorisait la SA X.. à 1,039 milliards de francs (158 millions euros) pour un PER de 11,8 et la Société A.S. ITALIA à 1,660 milliards de francs (253 millions euros), pour un PER de 40,5 ; Mais considérant que les intimés versent aux débats des articles de plusieurs journaux du mois de novembre 1997 qui font état de la reprise par U...du Groupe XXL... pour le prix de 2,7 milliards de francs (411 millions euros) ; que la SA L... disposait donc de cette information bien avant de prendre parti sur l'offre d'achat qui était valable jusqu'au 18 décembre 1997 ; que la SA L... ne démontre donc pas que comme elle le prétend, les administrateurs lui aurait caché une information qu'elle ignorait ; que pour cette première raison, la SA L... ne démontre pas que les administrateurs ont commis une faute séparable de leurs fonctions ;

Considérant en outre que les intimés s'attachent à démontrer que les déductions de la SA L... sur la valeur de l'action de la SA X.., à partir de la valeur de la SA A.S. LUXEMBOURG sont erronées ; qu'ils font notamment valoir que la valeur de 2,7 milliards de francs (411 millions euros) représente la valeur des actions U...données en échange, mais qu'en réalité cette valeur doit être sensiblement diminuée car les actions ont été données en échange avec des restrictions importantes sur les droits de vote et sur les droits aux dividendes ; qu'ils relèvent également que la SA A.S. LUXEMBOURG n'avait pas que des participations dans les seules sociétés O..FRANCE et A.S. ITALIA, mais dans beaucoup d'autres, et que la participation de la SA O..FRANCE ne représente qu'au plus 57,4 % du total ; qu'ainsi ils notent que d'après le bilan consolidé au 31 décembre 1996, les capitaux propres de la SA A.S. LUXEMBOURG ne s'élève qu'à 1,557 milliards de francs (237 millions d'euros), dont 0,894 milliards de francs (136 millions d'euros) pour les intérêts minoritaires, ce qui, à supposer que ces intérêts ne soient représentés que par la SA A.S FRANCE, équivaut à 57,4 % de ces capitaux propres ; que par ailleurs cette part a été diminuée depuis le 31 décembre 1996 par la prise de participation dans certaines sociétés filiales (ERPI SA notamment) ; Considérant que ces contestations ne sont pas précisément réfutées par la SA L... ; qu'elles sont suffisamment convaincantes pour persuader la Cour de ce que les extrapolations faites à partir de la valeur boursières des actions U...échangées, pour apprécier la valeur des actions de la SA X.., sont sans pertinence, et en tout cas ne sauraient démontrer que les administrateurs auraient dû se livrer à de telles déductions plutôt que se fonder, comme ils l'ont fait, sur la valeur du marché hors cote et sur le PER ; Considérant que l'on peut également relever qu'il ressort du bilan consolidé de la SA X.. que les capitaux de

cette société s'élevaient à 1,239 milliards de francs (188 millions d'euros) au 31 décembre 1996, et à 1,547 milliards de francs (235 millions d'euros) au 31 décembre 1997 ; Considérant que la SA L... ne démontre donc pas que les administrateurs auraient donné une recommandation défavorable et qui lui aurait porté préjudice, et encore moins qu'ils auraient été conscients, ou aurait dû être conscient de ce que leur recommandation était contraire à ses intérêts ; Considérant que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la SA L... de ses demandes ; Sur les autres demandes Considérant que les intimés qui ne justifient pas de leur demande de dommages-intérêts en seront déboutés ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; Considérant qu'il convient en équité de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA L... à verser à chacun des intimés comparants, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la somme de 20.000 francs (3.048,98 euros), soit au total la somme de 100.000 francs (15.244,90 euros) ;

PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, Confirme le jugement rendu le 6 octobre 2000 par le Tribunal de commerce de Nanterre, Condamne la SA L... aux dépens d'appel et accorde à Maître BINOCHE, Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Et ont signé le présent arrêt


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-7792
Date de la décision : 17/01/2002

Analyses

SOCIETE ANONYME - Président du conseil d'administration - Responsabilité - Responsabilité personnelle - Faute - Faute séparable de ses fonctions - Imputabilité personnelle - Nécessité

La responsabilité personnelle d'un dirigeant de société à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement. Ne constitue pas une faute séparable de ses fonctions le seul reproche fait au président du conseil d'administration de s'être contenté de se référer au cours de l'action sur le marché hors cote, et au "PER" (rapport prix de l'action sur le bénéfice par action), sans effectuer des recherches supplémentaires, pour conseiller aux actionnaires de participer à une offre privée d'achat en leur indiquant que le prix proposé était intéressant. Constitue une faute séparable de ses fonctions, non démontrée en l'espèce, le reproche fait au président du conseil d'administration d'avoir, dans son intérêt personnel, intentionnellement trompé les actionnaires sur la valeur réelle des actions alors que la société faisait l'objet d'une offre privée d'achat


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-01-17;2000.7792 ?
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