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17/01/2002 | FRANCE | N°2000-265

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 janvier 2002, 2000-265


L'ETAT FRANCAIS est propriétaire, à VICHY (Allier) et ses environs immédiats, de plusieurs ensembles immobiliers équipés pour l'exploitation de thermes sous diverses formes, étendue à l'embouteillage et la distribution d'eaux minérales provenant de sources qui y jaillissent. L'exploitation en est assurée par voie de concession. La première remonte à 1853. Est actuellement en vigueur celle consentie à la société anonyme dite COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY, selon acte authentique passé en la forme administrative, par devant le Préfet de l'Allier, le 28 av

ril 1988. Aux termes de cet acte, il est notamment prévu que: Fo...

L'ETAT FRANCAIS est propriétaire, à VICHY (Allier) et ses environs immédiats, de plusieurs ensembles immobiliers équipés pour l'exploitation de thermes sous diverses formes, étendue à l'embouteillage et la distribution d'eaux minérales provenant de sources qui y jaillissent. L'exploitation en est assurée par voie de concession. La première remonte à 1853. Est actuellement en vigueur celle consentie à la société anonyme dite COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY, selon acte authentique passé en la forme administrative, par devant le Préfet de l'Allier, le 28 avril 1988. Aux termes de cet acte, il est notamment prévu que: Font également partie de la concession: 1ä. - les matériels et mobiliers de toute nature garnissant les immeubles concédés, 2ä. - les fonds de commerce existant sur le territoire concédé, 3ä. - tous les autres éléments incorporels attachés à l'exploitation du domaine concédé, y compris la marque "VICHY-ETAT" et les autres marques ayant fait l'objet d'un dépôt. La liste de ces marques, établie à la date de la signature de la présente convention, figure à l'annexe II ... ". Il existe par ailleurs en Catalogne (ESPAGNE) une source d'eaux minérales qui a été dénommée VICHY CATALAN, par arrêté royal du 15 juillet 1891, et dont l'exploitation est actuellement assurée par la société de droit espagnol dite VICHY CATALAN, constituée à BARCELONE le 16 juin 1900. L'arrêté précité avait été déclaré sans effet, à la suite d'une démarche du Gouvernement français, par un arrêté royal du 7 août 1902. Ce dernier a cependant été révoqué par décision de la Cour Suprême d'Espagne en date du 28 novembre 1908. Dans la période plus récente, une contentieux a opposé, en ESPAGNE, la société VICHY CATALAN, d'une part, l'ETAT FRANOEAIS, la COMPAGNIE FERMIÈRE précitée et la société PERRIER S.A.E. distributeur sur le marché espagnol d'eaux minérales de marque VICHY CELESTINS, d'autre part. Par arrêt du 30 avril 1991, la Cour d'Appel provinciale de BARCELONE a débouté

les deux parties de leurs prétentions et admis la coexistence sur ce marché des marques VICHY CATALAN, d'une part, VICHY CELESTINS et VICHY ETAT, d'autre part. Un pourvoi en cassation a été formé. Les parties s'en sont cependant désistées à la suite d'une transaction du 21 juin 1993, emportant accord de coexistence pour le territoire espagnol. * * * De nouvelles difficultés ont surgi, sur le territoire français cette fois, où l'ETAT FRANOEAIS est titulaire d'un enregistrement de marque semi-figurative, incluant la dénomination VICHY CELESTINS, issu d'un dépôt nä 93/451933 effectué le 22 janvier 1993, pour désigner notamment des "eaux minérales gazeuses ou non gazeuses, eaux de source, eaux de table ... ". Informée de la mise en vente de bouteilles d'eau minérale sous la dénomination VICHY CATALAN, dans des grandes surfaces, la COMPAGNIE FERMIÈRE a fait procéder, en novembre 1998, à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société IBERCO, importateur de ces produits, puis dans ceux de la société I.B.B. les ayant revendus aux magasins AUCHAN et MONOPRIX. Puis, l'ETAT FRANOEAIS et la COMPAGNIE FERMIÈRE ont fait assigner ces trois sociétés en contrefaçon, sur le fondement de I'article L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE qui, par jugement du 8 novembre 1999, a: - écarté divers moyens de procédure: défaut de qualité à agir de la COMPAGNIE FERMIÈRE, après constatation de l'inscription au Registre National des Marques d'un avenant en date du 6 septembre 1994, étendant l'acte de concession précité à l'enregistrement de marque VICHY CELESTINS; régularité de la représentation de l'ETAT, par le délégataire du Préfet des Hauts de Seine (art R 163 du Code des Domaines); compétence de la juridiction saisie, nonobstant la clause attributive de juridiction prévue dans la transaction du 21 juin 1993; - estimé n'y avoir lieu à question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés, sur la conformité de la transaction précitée

aux dispositions du Traité de ROME et le point de savoir s'il y a lieu de l'entendre comme limitant la coexistence au seul marché espagnol, aboutissant ainsi à un cloisonnement du marché de la Communauté; - constaté que la validité de la marque VICHY CELESTINS n'est pas contestée, que l'élément VICHY est protégeable en tant que tel comme ne constituant, appliqué à des eaux (produit naturel), ni une appellation d'origine, ni une indication de provenance, et que la contrefaçon est constituée, peu important qu'il y ait ou non risque de confusion, puisque la dénomination critiquée est la reproduction quasi servile de la marque VICHY CELESTINS. En conséquence, le Tribunal s'est prononcé en ces termes: Dit que la marque Vichy Catalan constitue la contrefaçon de la marque Vichy célestins, Dit que les sociétés Vichy Catalan, Iberco , IBB ont commis des actes de contrefaçon de la marque Vichy Célestins. Leur interdit d'utiliser en France la marque contrefaisante sous astreinte de 1 000 francs par infraction constatée, passé la signification de la présente décision. Condamne in solidum les sociétés Vichy Catalan, Iberco , IBB à payer à I'Etat Français, la Compagnie Fermière de Vichy la somme de 200.000 francs en réparation du préjudice matériel et la somme de 100.000 francs en réparation de l'atteinte portée à la marque. Autorise la publication du présent jugement aux frais des sociétés défenderesses dans trois supports aux choix des demandeurs, dans la limite globale de la somme de 60.000 francs H.T. ... Ordonne I'exécution provisoire de la présente décision. Condamne in solidum les sociétés Vichy Catalan, Iberco, IBB à payer aux demandeurs la somme de 10.000 francs au titre des dispositions de I'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. * * * Appelante de ce jugement, la société IBB (conclusions d'appelant nä 2 - 11 juin 2001) reprend ses moyens de procédure et de fond, vainement invoqués en première instance, soit dans l'ordre: - pour la procédure: le défaut de qualité à agir de la

COMPAGNIE FERMIÈRE; le défaut de représentation régulière de l'ETAT FRANOEAIS; la compétence des Tribunaux de la Ville de MADRID; - sur le fond: l'applicabilité de la transaction du 21 juin 1993 à la totalité du territoire de la C.E.E., sauf à aboutir à un cloisonnement du marché en violation du traité de ROME; l'absence de contrefaçon, le terme VICHY n'étant pas appropriable à titre de marque et aucun risque de confusion ne pouvant être en l'espèce relevé. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de: Déclarer irrecevable la société CFV COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY pour défaut de qualité à agir, En conséquence, prononcer la nullité des opérations de saisie et des actes (notamment la ou les sommations interpellatives diligentées qui ont pu en être l'exécution) et en ordonner la mainlevée, Déclarer l'Etat français irrecevable pour défaut de représentation régulière, Subsidiairement, se déclarer incompétent au profit des tribunaux de la ville de Madrid, Au fond, dire et juger que le contrat de transaction du 21 juin 1993 convenu entre les demanderesses et la société VICHY CATALAN trouve à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la Communauté, En conséquence, débouter les demanderesses de l'ensemble de leurs demandes et prétentions, Dire leur action abusive, Les condamner in solidum au paiement de la somme de 20 000 francs au titre de l'article 700 au bénéfice de la société IBB, Subsidiairement, condamner les sociétés IBERCO SA et VICHY CATALAN à garantir la société IBB contre toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre du chef de la distribution des produits en cause, Plus subsidiairement, faire application des dispositions de l'article 177 du Traité sur l'Union Européenne et poser une question préjudicielle dont le texte pourrait être le suivant: "Dans une procédure opposant l'Etat Français demandeur, et la société anonyme Compagnie Fermière

de l'Etablissement Thermal de Vichy demanderesse, à I'encontre de diverses sociétés dont la société Vichy Catalan, l'Etat Français et la CFV donnent une portée limitée à une transaction du 21 juin 1993 au seul territoire espagnol. La question posée est de savoir si cette transaction qui constitue un accord de coexistence doit recevoir application pour la totalité du territoire de la CEE, ou s'il peut être légalement cloisonné au seul territoire national espagnol". * * * Egalement appelante du jugement, la société VICHY CATALAN (conclusions du 11 juin 2001) fait siens les moyens de procédure, tirés par la société IBB, de l'irrégularité de la représentation de l'ETAT FRANOEAIS et du défaut de qualité de la COMPAGNIE FERMIÈRE. En retenant que la marque VICHY CATALAN constitue la contrefaçon par reproduction quasi servile de la marque VICHY CELESTINS - ajoute-t-elle sur le fond - le jugement dont appel a méconnu les règles fondamentales en matière de protection des noms géographiques à titre de marque et de définition des indications de provenance comme des appellations d'origine. En réalité, les marques litigieuses devraient s'apprécier dans leur ensemble. Aucun risque de confusion n'existerait, dès lors qu'elles n'ont en commun que le mot VICHY qui n'est pas appropriable à titre de marque et que les termes "CELESTINS" et "CATALAN" diffèrent complètement sur le plan, tant graphique que phonétique et intellectuel. La Cour devrait donc infirmer le jugement entrepris et: Déclarer irrecevable la demande du Ministère de l'économie et des finances, l'ETAT FRANOEAIS, et la COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY, Subsidiairement, dire et juger que les dispositions de l'article L 711-2 b) du Code de la propriété intellectuelle s'appliquent aussi bien aux noms géographiques couvrant les produits naturels que les produits manufacturés, Dire et juger en conséquence que la dénomination "VICHY" ne saurait constituer en elle-même une marque

valable, Dire et juger que la dénomination VICHY CATALAN ne constitue pas la contrefaçon de la dénomination VICHY CELESTINS, Débouter en conséquence les intimés de toutes leurs demandes, Les condamner in solidum à payer à VICHY CATALAN la somme de 50 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC ... * * * La société IBERCO (conclusions récapitulatives et responsives du 10 septembre 2001) a largement repris les moyens des appelantes, sauf en ce qui concerne l'appel en garantie subsidiairement formé à son encontre par la société IBB, et demandé à la Cour de: IN LIMINE LITIS Vu l'article L 714-7 CPI: Dire et juger que la Compagnie Fermière de Vichy ne justifie pas avoir accompli les formalités requises pour l'opposabilité aux tiers de son droit exclusif d'exploitation de la marque VICHY CELESTINS, Dire et juger que la Compagnie Fermière de Vichy ne justifie pas en conséquence d'un préjudice opposable résultant de la contrefaçon prétendue, Annuler en conséquence la saisie contrefaçon opérée le 3 novembre 1998 dans les locaux de la société IBERCO, Infirmer en conséquence dans toutes ses dispositions le jugement ... Vu les articles L 714-7 et L 716-7 CPI: ... Déclarer pour les mêmes motifs irrecevable son action en application des dispositions de l'article L 716-5 CPI. Infirmer en conséquence dans toutes ses dispositions le jugement ... A TITRE PRINCIPAL, SUR LE FOND Vu I'article L 713-2 CPI:

Dire et juger que la marque VICHY CATALAN ne constitue pas une contrefaçon de la marque VICHY CELESTINS. Infirmer en conséquence dans toutes ses dispositions le jugement ... A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE Vu les articles L 716-1 et L 716-5 CPI, 1382 et 1383 C. civ. Dire et juger que la condamnation en réparation du préjudice matériel est excessive eu égard à la réalité du préjudice. Dire et juger l'absence de tout préjudice " lié à la valeur de la marque ". Dire et juger l'absence de tout préjudice à l'image de la marque VICHY CELESTINS. Constater en conséquence que les préjudices

prétendument subis par les intimés n'est pas établi. Infirmer en conséquence dans toutes ses dispositions le jugement ... EN TOUS LES CAS Allouer au concluant l'entier bénéfice des écritures déposées par la société VICHY CATALAN, Allouer au concluant l'entier bénéfice des écritures déposées par la société IBB, hormis s'agissant de sa demande en garantie à son encontre et à l'encontre de la société VICHY CATALAN, Débouter l'Etat Français et la Compagnie Fermière de Vichy de l'ensemble de leurs demandes et prétentions, Condamner l'Etat Français et la Compagnie Fermière de Vichy au paiement de la somme ... de 20 000 F en application de I'article 700 NCPC ... * * * L'ETAT FRANOEAIS (Ministère de l'Économie et des Finances) et la COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY (conclusions du 6 septembre 2001) se sont attachés à réfuter point par point les arguments ainsi développés, en mettant tout d'abord en cause: - le droit pour la société IBERCO de contester un jugement à l'encontre duquel elle n'a pas interjeté appel; - la recevabilité des exceptions et fins de non recevoir soulevées par la société IBB, sans respecter l'ordre prévu à l'article 74 du NCPC. En réalité, a-t-elle observé, le jugement entrepris ne serait contestable qu'en ce qu'il a sous évalué l'astreinte dont il y a lieu d'assortir l'injonction faite aux intéressées d'avoir à cesser tout acte de contrefaçon, ainsi que le préjudice causé par les actes retenus à leur encontre. La Cour devrait donc: Vu les articles 74 et 122 du NCPC ; Vu les articles 713-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle In limine litis: Déclarer la société IBERCO irrecevable en ses exceptions, fins de non recevoir et demande d'infirmation du jugement ... en ce qu'elle n'est pas appelante de cette décision, Déclarer la société I.B.B. irrecevable en ses exceptions et fins de non recevoir en ce que soulevées en violation des dispositions de l'article 74 du NCPC, Déclarer la société VICHY CATALAN mal fondée en ses demandes

d'irrecevabilité ; En tout état de cause les rejeter ... Sur le fond: Dire et juger que la société I.B.B. ne dispose d'aucune qualité pour se prévaloir des dispositions de la transaction du 21 juin 1993, Dire et juger que la transaction du 21 juin 1993 n'a d'effet que sur le territoire espagnol et qu'elle ne contrevient pas aux articles 30 à 36 du Traité de Rome, Débouter la société I.B.B. de sa question préjudicielle prise en application des dispositions de l'article 177 du Traité de Rome, Débouter les appelantes de l'intégralité de leurs demandes, Débouter la société IBERCO de l'intégralité de ses demandes, En conséquence ... Dire et juger que la dénomination " VICHY CATALAN " est une contrefaçon de la marque " VICHY CELESTINS ", Dire et juger que l'utilisation de la marque " VICHY CATALAN" constitue des actes de contrefaçon de la marque " VICHY CELESTINS " sur le fondement de l'article L 713-3 du CPI, Dire et juger que la Société VICHY CATALAN, en sa qualité de fabricant, ainsi que les sociétés IBERCO SA ct IBB EURL, en leur qualité de vendeurs de produits portant la marque " VICHY CATALAN " ont donc commis des actes de contrefaçon, Ce faisant ... confirmer le jugement, sauf à revoir à la hausse le montant de l'astreinte et des dommages-intérêts ... Condamner les Sociétés VICHY CATALAN, IBERCO à verser solidairernent à l'Etat Français et à la C.F.V. la somme de 50.000 Frs, ou sa contre valeur en euros, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ... * * * Il est renvoyé au jugement entrepris et aux conclusions précitées, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties. SUR CE, LA COUR Sur la marque invoquée Considérant que l'ETAT FRANOEAIS est titulaire d'un enregistrement de marque semi figurative incluant la dénomination VICHY CELESTINS, issu d'un dépôt nä 93 451 933 effectué à l'Institut national de la propriété industrielle le 29 janvier 1993 pour désigner notamment des

"eaux minérales, gazeuses ou non gazeuses, eaux de source, eaux de table et autres boissons". Que la validité de cette marque n'est pas contestée; que la Cour est exclusivement saisie d'un action en contrefaçon engagée, sur le fondement des articles L 713 - 2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, par l'ETAT FRANOEAIS ainsi que la société dite COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY, présentée comme sa licenciée, à l'encontre de: - la société de droit espagnol VICHY CATALAN, commercialisant sous la dénomination VICHY CATALAN des eaux minérales en bouteilles provenant d'une source située en Catalogne, source ainsi dénommée par arrêté royal du 15 juillet 1891; - la société anonyme IBERCO, importateur de ces produits en FRANCE, et la société à responsabilité limitée I.B.B., ayant revendu des bouteilles de VICHY CATALAN, sur le territoire français, aux magasins AUCHAN et MONOPRIX; Que les sociétés VICHY CATALAN et I.B.B. ont interjeté appel du jugement qui a retenu la contrefaçon et est entré en voie de condamnation à leur encontre, comme à l'encontre de la société IBERCO; Sur les moyens inopérants de procédure Considérant que la recevabilité de l'appel des sociétés VICHY CATALAN et I.B.B. n'est pas contestée; Que sur cet appel principal, la société IBERCO, partie en première instance, est recevable à poursuivre l'infirmation du jugement entrepris par voie d'appel provoqué, contrairement à ce que soutiennent l'ETAT FRANOEAIS et la COMPAGNIE FERMIÈRE en méconnaissance des dispositions des articles 549 et 550 du Nouveau Code de Procédure Civile; Que plus sérieux est le moyen tiré, à l'égard de la société I.B.B., de l'article 74 du même Code aux termes duquel, "les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité ... être soulevées ... avant toute défense au fond ou fin de non recevoir"; qu'en effet, l'intéressée n'a pas respecté ces prescriptions, puisque ce n'est qu'après la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la COMPAGNIE FERMIÈRE,

qu'elle a successivement invoqué le défaut de représentation régulière de l'ETAT FRANOEAIS et l'incompétence du Tribunal saisi; Qu'il n'y a cependant pas lieu de s'attarder sur cette circonstance; que déjà, l'ETAT FRANOEAIS et la COMPAGNIE FERMIÈRE n'ont élevé à cet égard aucune contestation en première instance, bien que la société I.B.B. ait procédé de même; qu'en outre et surtout: - c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont écarté l'exception tirée de l'irrégularité de la représentation de l'ETAT FRANOEAIS par le délégataire du Préfet des Hauts de Seine, la date de la délégation étant celle qui précède immédiatement la signature du délégant, comme de la clause attributive de juridiction figurant dans la transaction du 21 juin 1993, à laquelle la société I.B.B. n'est pas partie et qui ne vaut que pour la coexistence des marques VICHY CELESTINS et VICHY CATALAN sur le territoire espagnol; - l'ordre non respecté est sans incidence sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité de la COMPAGNIE FERMIÈRE, l'article 123 du Code précité disposant que "les fins de non recevoir peuvent être proposées en toute état de cause"; or, seule celle-ci mérite d'être accueillie; Sur la qualité à agir de la licenciée Considérant qu'indépendamment du propriétaire de la marque, l'action en contrefaçon est ouverte au "bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation" (art. L 716-5 du Code); qu'encore ce dernier doit-il notamment en justifier de l'opposabilité aux tiers; Que les sociétés VICHY CATALAN, I.B.B. et IBERCO font à bon droit valoir que la COMPAGNIE FERMIÈRE ne satisfait pas à cette condition, pour la licence exclusive sur la marque invoquée, qui lui aurait été accordée selon acte du 6 septembre 1994; qu'en effet: - il est de droit que "toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques" (article L 714-7 du Code de la

Propriété Intellectuelle); sauf exceptions étrangères à la présente espèce (article R 714-5, 3ä du code), l'inscription s'entend du contenu des actes transmettant les droits ou d'un extrait de ceux-ci suffisant pour établir le transfert (article R 714-2 du Code, alinéa 2-2ä). - est seulement produit un bordereau d'inscription au registre National des Marques, sur lequel apparaissent des surcharges manuscrites portant précisément sur la marque invoquée; n'est annexée à ce bordereau que la première page de l'acte censé inscrit, dont il ne résulte pas qu'il emporte concession de licence exclusive de ladite marque; autorisé à compléter sa production en cours de délibéré, la société COMPAGNIE FERMIÈRE n'a pas usé de cette faculté; Que la COMPAGNIE FERMIÈRE sera donc déclarée irrecevable en son action en contrefaçon; Sur la contrefaçon alléguée Considérant que la marque de fabrique, de commerce ou de service est "un signe ... servant à distinguer les produits et services d'une personne physique ou morale" (art. L 711-1 du Code précité); que "l'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque, pour les produits et services qu'il a désignés" (art. L 713-1); Que sont interdits, sauf autorisation du titulaire de l'enregistrement, et constituent une contrefaçon: - "la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque ... ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement" (art. L 713-2), hypothèse devant être ici écartée en l'absence d'identité complète entre la marque invoquée (VICHY CELESTINS) et la dénomination critiquée (VICHY CATALAN); - "l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ... s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public ." (art L 713 - 3), seule hypothèse pouvant être envisagée ; Que la contrefaçon ne peut être cependant retenue,

dès lors que: - le terme VICHY, dénomination d'une ville du département de l'ALLIER, réputée pour les eaux minérales qui y ont leur source, n'est pas appropriable à titre de marque pour désigner de tels produits; la loi dispose que sont dépourvus de caractère distinctif, conditions posée à cet effet, "les signes pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ... et notamment ... la provenance géographique" (art. L 711-2 b); - ce même terme est le seul qui soit commun aux signes litigieux; en réalité, la marque invoquée tire sa distinctivité et sa validité du terme CELESTINS, qui complète l'indication VICHY et en constitue l'élément essentiel; ce terme ne peut se confondre avec le qualificatif CATALAN, d'un point de vue tant visuel que phonétique et intellectuel; Sur les demandes des parties Considérant sans doute que l'on peut s'interroger sur le point de savoir si l'emploi en FRANCE de la dénomination VICHY CATALAN, pour désigner des eaux minérales issues de sources autres que celles jaillissant dans la ville de VICHY, n'est pas susceptible d'induire le public en erreur; qu'il s'agit là cependant d'un problème excédant la saisine de la Cour, limitée à la contrefaçon alléguée de la marque VICHY CELESTINS; Que les sociétés IBB et VICHY CATALAN seront donc déclarées fondées en leur appel, la COMPAGNIE FERMIÈRE déclarée irrecevable en son action, l'ETAT FRANOEAIS déboutée de ses demandes et le jugement entrepris réformé en conséquence; Que la partie qui succombe doit supporter les dépens; que ni l'équité, ni la situation économique des parties ne justifient qu'il soit fait exception à l'application de l'article 700 du NCPC, afférent à la charge des frais non compris dans les dépens; PAR CES MOTIFS, LA COUR INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a écarté les exceptions tirées du défaut de représentation régulière de l'ETAT FRANOEAIS et de l'incompétence de la juridiction saisie, DÉCLARE la société dite COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY,

irrecevable en son action, DÉBOUTE l'ETAT FRANOEAIS (Ministère de l'Economie et des Finances) de l'intégralité de ses demandes, CONDAMNE l'ETAT FRANOEAIS et la société dite COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY à payer: - à la société VICHY CATALAN une indemnité de 4 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC, - à chacune des sociétés IBERCO et I.B.B. une indemnité de 2 250 euros au même titre, LES CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel qui, pour les seconds, pourront être recouvrés par les SCP GAS, JUPIN - ALGRIN et LEFEVRE TARDY, avoués, dans les conditions prévues à l'article 699 du NCPC. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT: Le Greffier,

Le Président, C. X...

F. CANIVET 12ème chambre A - Délibéré du 17/01/2002 RG Nä265/00 EURL IBB (Scp Jupin-Algrin) Sa Vichy Catalan (Scp Gas) c/ Cie Fermière de l'Etablissement Thermal de Vichy (Scp Bommart-Minault) Ministère de l'Economie et des Finances de l'Etat Français (Scp Bommart-Minault) SA IBERCO (Scp Lefèvre-Tardy) PAR CES MOTIFS, LA COUR INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a écarté les exceptions tirées du défaut de représentation régulière de l'ETAT FRANOEAIS et de l'incompétence de la juridiction saisie, DÉCLARE la société dite

COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY, irrecevable en son action, DÉBOUTE l'ETAT FRANOEAIS (Ministère de l'Economie et des Finances) de l'intégralité de ses demandes, CONDAMNE l'ETAT FRANOEAIS et la société dite COMPAGNIE FERMIÈRE DE L'ETABLISSEMENT THERMAL DE VICHY à payer: - à la société VICHY CATALAN une indemnité de 4 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC, - à chacune des sociétés IBERCO et I.B.B. une indemnité de 2 250 euros au même titre, LES CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel qui, pour les seconds, pourront être recouvrés par les SCP GAS, JUPIN - ALGRIN et LEFEVRE TARDY, avoués, dans les conditions prévues à l'article 699 du NCPC. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT: Le Greffier,

Le Président, C. X...

F. CANIVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-265
Date de la décision : 17/01/2002

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Transmission - Cession - Publicité - Défaut - Effet - Inopposabilité aux tiers - /.

Aux termes de l'article L 614-7 du code de la propriété intellectuelle et de l'article R 714-2 du même code dont il s'infère que l'inscription s'entend du contenu de l'acte modifiant ou transmettant les droits, ou d'un extrait suffisant pour établir la modification ou le transfert, ne peut se prévaloir de sa qualité de licencié exclusif, habile à agir en contrefaçon, celui qui se borne à produire un bordereau d'inscription au registre précité sur lequel apparaissent des surcharg- es manuscrites portant précisément sur la marque invoquée et auquel n'est annexée que la première page de l'acte censé inscrit, dont il ne résulte pas qu'il emporte licence exclusive de ladite marque

MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Contrefaçon - Contrefaçon par imitation - Risque de confusion - Défaut.

L'action en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque " VICHY CELESTINS " sur le fondement des articles L 713-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, à l'encontre de la dénomination " VICHY CATALAN ", ne peut prospérer, en l'absence d'identité complète des dénominations en cause, que dans l'hypothèse visée par l'article L 713-3 b du code précité, qui suppose " l'imitation d'une marque ou l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. ", s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public. Dès lors qu'aux termes de l'article L 711-2b du code de la propriété intellectuelle " sont dépourvus de caractère distinctifs (..) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment (..), la provenance géographique .. ", la dénomination " VICHY ", en ce qu'elle désigne une ville du département de l'Allier, n'est pas appropriable à titre de marque pour désigner les eaux minérales qui ont leur source dans cette localité. En réalité, la marque " VICHY CELESTINS " tire sa distinctivité et sa validité de son second terme qui en constitue l'élément essentiel, lequel ne peut être confondu à aucun titre (visuel, phonétique ou intellectuel) avec celui de " CATALAN ", il s'ensuit que l'expression " VICHY CATALAN " n'est pas contrefaisante.Par ailleurs, la saisine de la Cour étant limitée à la seule allégation de contrefaçon de la marque, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence d'un risque d'erreur dans l'esprit du public pouvant résulter de l'emploi en France de la dénomination " VICHY CATALAN " pour désigner des eaux minérales issues de sources autres que celles jaillissant dans la ville de Vichy


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-01-17;2000.265 ?
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