La société CARIPLO BANQUE a obtenu un titre exécutoire à l'encontre de la société AL'X Création en vertu d'une ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nanterre en date du 11 mai 1994 qui a condamné la société AL X Création à lui payer la somme de 140.000 francs outre les intérêts légaux à compter de l'échéance de la lettre de change. Cette somme correspondait à une lettre de change à échéance du 15 décembre 1993 escomptée par la banque et restée impayée malgré une mise en demeure. La société CARIPLO BANQUE avait fait pratiquer par exploit de la SCP BENZAKEN etamp; FLUET du 18 février 1994 une saisie conservatoire auprès du Crédit Industriel et Commercial, dénoncée le 28 février 1994 à la débitrice. Le 24 mars 1994 le tiers saisi informait la banque de ce qu'il bloquait la somme de 152 308,52 francs. La société CARIPLO BANQUE chargeait la SCP BENZAKEN etamp; FLUET de faire signifier l'ordonnance de référé et de procéder à la conversion de la saisie conservatoire afin d'appréhender les fonds. Elle adressait à cette fin trois courriers les 3 juin, 12 juillet et 8 août 1994. Le 17 août 1997 la SCP BENZAKEN etamp; FLUET l'avisait qu'elle avait dénoncé à la banque l'acte de conversion et que la dénonciation au débiteur avait été transmise. Il est apparu que l'acte avait été effectué le 3 août 1994 alors que la société AL X Création avait été placée en redressement judiciaire le 12 juillet 1994. Estimant que l'huissier avait manqué à ses obligations, la société CARIPLO BANQUE l'a fait assigner en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Nanterre lequel a par le jugement déféré prononcé contradictoirement le 20 janvier 1999 débouté la société CARIPLO de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société BENZAKEN GOURY LAFFONT FOURREAU la somme de 10 000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que le délai de deux mois pris pour régulariser la conversion de
saisie conservatoire en saisie définitive n'était pas suffisant à caractériser le manque de diligence fautif, que la banque CARIPLO na pouvait faire supporter à l'huissier les conséquences pour elle dommageables du dépôt de bilan de sa débitrice, et qu'elle ne l'avait pas alerté sur l'état financier de la société AL X Création au sujet duquel elle ne paraissait pas avoir effectué des investigations d'usage. Appelante la société CARIPLO BANQUE conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 18 février 2001 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé à l'infirmation du jugement et prie la cour, statuant à nouveau, de condamner la SCP BENZAKEN etamp; FLUET à lui payer la somme de 152 308,52 francs à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice outre une indemnité de 20 000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle fait essentiellement valoir que l'huissier a manqué de prudence et de diligence en tardant à agir alors qu'il était chargé de mettre en oeuvre une procédure qui pour être efficace doit être menée avec célérité et que le fait que la créance résulte du non paiement à son échéance d'une lettre de change aurait dû l'alerter sur la nécessité d'agir rapidement, qu'au surplus elle avait relancé l'huissier le 12 juillet et que ce dernier a tardé sans motif légitime à procéder à la conversion . Elle estime particulièrement mal fondés et inopérants les arguments avancés en défense par l'intimée , précise ne pas avoir été la banquier habituel de la société AL X Création et ne pas avoir de renseignements sur sa situation, et dit justifier d'un préjudice certain, né et actuel. La SCP BENZAKEN GOURY LAFFONT etamp; FOURREAU anciennement dénommée BENZAKEN etamp; FLUET, intimée conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 7 décembre 2000 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement, subsidiairement demande à la cour de constater l'absence de preuve
d'un préjudice et de condamner en tout état de cause l'appelante à lui payer la somme de 10 000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle fait valoir que le grief de retard n'est pas fondé, qu'elle a agi dans des délais usuels avec la diligence requise , ayant dû saisir l'huissier territorialement compétent pour signifier l'ordonnance, attendre la délivrance d'un certificat de non appel, qu'en réalité il lui est reproché la survenance d'un fait extérieur à savoir l'ouverture d'une procédure collective qu'elle ne pouvait prévoir, qu'au surplus les conséquences de la survenance d'une telle procédure sur le sort d'une procédure de saisie et sa conversion n'a été tranché que postérieurement au fait litigieux et qu'à l'époque, rien ne permettait de dire que la conversion postérieurement effectuée avait les conséquences reconnues par la jurisprudence actuelle. Enfin elle dénonce l'absence de toute justification d'un préjudice né, actuel et certain. SUR CE Considérant que l'huissier, tenu d'une obligation de moyens, doit mettre en oeuvre tous les soins et diligences propres à assurer l'exécution de son mandat ; Considérant qu'en l'espèce la société CARIPLO BANQUE a chargé par lettre en date du 2 juin 1994 la SCP BENZAKEN de signifier l'ordonnance de référé rendue le 11 mai 1994 dont la grosse était jointe à l'envoi, et de poursuivre l'exécution aux fins d'obtenir l'attribution des sommes saisies arrêtées en vertu d'une saisie faite par la même SCP apparemment fructueuse entre les mains du CIC ; Considérant que la SCP BENZAKEN connaissait la cause de la créance pour avoir procédé à la saisie conservatoire le 18 février 1994 ; Considérant que la SCP BENZAKEN qui a dû, n'étant pas territorialement compétente, transmettre à la SCP HELD la grosse de l'ordonnance aux fins de sa signification en a eu le retour le 3 juillet ; Considérant que la société CARIPLO BANQUE lui écrivait à nouveau le 12 juillet pour l'interroger sur ses diligences ;
Considérant que ce n'est que le 3 août 1994 que la SCP BENZAKEN a procédé à la conversion de la saisie conservatoire ; Considérant que l'appréciation de la diligence apportée par l'huissier à l'accomplissement de son mandat doit s'apprécier ici in concreto et non par référence à un délai usuel ; Considérant que la SCP BENZAKEN a reçu de son mandant le 12 juillet 1994 un courrier l'interrogeant sur l'état de ses diligences, qu'elle n'a procédé à la conversion que le 3 août 1994 soit plus de trois semaines après ; Considérant qu'elle avait de son propre aveu dès le 12 juillet 1994 tous les éléments nécessaires pour procéder à la conversion, qu'à cet égard l'argument tiré de la nécessité d'attendre la délivrance d'un certificat de non appel est dénué de toute pertinence dès lors que son mandant disposait d'un titre exécutoire ; Considérant qu'en pareille matière, l'obligation de diligence qui pèse sur l'huissier doit être exécutée avec d'autant plus de rapidité qu'il intervient dans un domaine où sa réactivité est déterminante pour assurer l'efficacité de l'acte qu'il est chargé de délivrer ; Considérant que l'huissier professionnel du droit et rompu à ces procédures ne pouvait ignorer les risques que tout retard dans la conversion pouvait générer, le risque de procédure collective d'une société poursuivie pour non paiement à échéance d'une lettre de chance n'étant pas ou peu imprévisible ; Considérant que la faute de l'huissier qui a manqué à son obligation de diligence et de prudence est ici patente à raison du délai pris pour effectuer cette conversion à compter du moment où son mandant lui a fait rappel de ses instructions et qu'il était juridiquement en mesure d'y procéder sans retard ; Considérant que l'huissier pouvait agir avant que ne survienne l'ouverture du redressement judiciaire de la société AL X Création le 26 juillet 1994 et éviter à son mandant les conséquences résultant de la perte de l'opportunité pour la banque de recouvrer
avec certitude sa créance, la cour d'appel de Versailles ayant ordonné la main levée de la saisie conservatoire pratiquée tardivement et postérieurement au jugement déclaratif, qu'à cet égard l'incertitude alléguée sur l'état de la jurisprudence n'étant pas de nature à l'exonérer ; Considérant que la banque CARIPLO doit justifier d'un préjudice certain, né et actuel ; Considérant qu'il est justifié de la déclaration de créance régularisée entre les mains de Maître Z... représentant des créanciers de la société AL X Création ; Considérant que la société AL X Création a fait l'objet d'un jugement arrêtant le plan de continuation, que la société CARIPLO produit aux débats les propositions du représentant des créanciers portant exposé de la situation passive et active de la société débitrice ; Considérant qu'en l'état des pièces produites aux débats par l'appelante sur laquelle pèse la charge de la preuve du préjudice allégué, rien ne permet de dire qu'elle a perdu toutes chances de recouvrer sa créance dans le cadre de l'exécution du plan de continuation, que force est de constater qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice né, certain et actuel nécessaire seul réparable ; Considérant que la banque CARIPLO doit être déboutée de ses prétentions et le jugement confirmé mais par motifs substitués ; Considérant qu'aucun motif d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que l'appelante qui succombe en ses prétentions essentielles doit supporter la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, REOEOIT la société CARIPLO BANQUE en son appel mais la déclare mal fondée, CONFIRME par substitution de motifs le jugement déféré en toutes ses dispositions, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, CONDAMNE l'appelante aux dépens avec faculté de recouvrement direct
conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Sylvie Y...
Francine X...