La Société AIRPORT EQUIPEMENT TECHNOLOGY ("A.E.T."), Division ERMA, a confié à la Société SERNADIS, commissionnaire de transport, le soin d'organiser l'acheminement, depuis son usine de SAINT-LIN (Deux-Sèvres) jusqu'à BREME (Allemagne), d'une plate-forme élévatrice de chargement, type CL 25, d'un poids de 85 tonnes. La Société SERNADIS s'est adressée à la Société des TRANSPORTS CAUVAS, pour la partie terrestre du transport de ce matériel, de l'usine de SAINT-LIN à TOURNAI (Belgique) ; une lettre de voiture internationale type CMR nä 2308142 en date du 25 août 1995 a été émise, sur laquelle la Société A.E.T. figure comme expéditeur et le Port de Tournai comme destinataire et lieu de livraison ; à l'issue de cette première phase, des réserves ont été prises à l'arrivée à TOURNAI le 08 septembre 1995. Le matériel a ensuite été acheminé, par voie fluviale, depuis le Port de TOURNAI jusqu'à BREME sous la responsabilité des TRANSPORTS BELIN, aucune réserve n'a été émise à l'arrivée le 16 septembre 1995; les premières réserves furent adressées par la Société A.E.T. à la Société SERNADIS par télécopie du 11 octobre 1995 faisant état d'un incident ayant eu pour conséquence l'infiltration dans les armoires électriques sur l'arrière du châssis d'une très grande quantité d'eau. C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 13 septembre 1996, la Société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE, subrogée dans les droits de la Société A.E.T., a assigné devant le Tribunal de Commerce de PONTOISE la Société SERNADIS en paiement de la somme de 436.113 francs, la Société SERNADIS a, par acte d'huissier du 26 septembre 1996, appelé en garantie la Société des TRANSPORTS CAUVAS. Par jugement du 31 mars 1998, le Tribunal a débouté la Société CIGNA INSURANCE de toutes ses demandes, et dit sans objet l'appel en garantie de la Société SERNADIS à l'encontre de la Société des TRANSPORTS CAUVAS. La Société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE a
interjeté appel de cette décision. Elle entend rechercher la responsabilité de la Société SERNADIS à raison de la faute de son substitué dans l'exécution du transport. A cet égard, elle admet que, dès lors qu'elle n'a pas formulé des réserves écrites dans le délai de l'article 30 de la Convention CMR, il lui incombe de démontrer la réalité des avaries et leur origine. Elle estime que la preuve de la faute commise par le transporteur fluvial est suffisamment rapportée par les termes de la télécopie adressée le 11 octobre 1995 à la Société SERNADIS et non suivie d'une réaction de la part de cette dernière, ainsi que par les rapports d'expertise produits aux débats et faisant état de la présence d'eau boueuse au niveau des armoires électriques. Elle soutient également que la société intimée doit, en sa qualité de commissionnaire de transport, répondre de ses propres fautes. A ce titre, elle fait valoir que la Société SERNADIS ne justifie pas de ses diligences en vue de s'assurer que les solutions proposées par ses substitués étaient adaptées au matériel à transporter. Elle relève que cette société n'a pas davantage cherché à recueillir auprès du transporteur fluvial les informations de nature à vérifier ou à contredire les conclusions auxquelles était parvenu l'expert mandaté par la compagnie appelante. Par voie de conséquence, la Société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner la Société SERNADIS à lui payer la somme de 436.113 francs, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de la quittance subrogative, et d'ordonner la capitalisation des intérêts. Elle sollicite en outre le versement de la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société DUCROS EURO EXPRESS demande acte de ce qu'elle vient aux droits de la Société SERNADIS à la suite d'une opération de fusion-absorption. Tout en relevant que le transport litigieux était régi par les
dispositions de la CMR, elle observe qu'aucune réserve ne lui a été adressée dans le délai prévu par l'article 30 de cette convention, et elle allègue que son absence de réaction à la télécopie du 11 octobre 1995 ne peut valoir reconnaissance des réserves tardives émises par le destinataire. Elle objecte que les seuls rapports d'expertise versés aux débats n'ont pas été établis contradictoirement, de telle sorte que la preuve n'est nullement rapportée du lien de causalité entre les désordres invoqués et les conditions d'acheminement de la marchandise. Elle soutient également que le supposé incident d'immersion de la plate-forme élévatrice ne saurait être la cause des défauts de fonctionnement constatés lors de l'expertise, dès lors que ceux-ci semblent provenir d'un défaut de conception ou de fabrication. Elle ajoute que la Société des TRANSPORTS CAUVAS est intervenue en qualité de transporteur principal, ayant directement soumis ses propositions à la Société A.E.T. et ayant personnellement choisi les différents transporteurs affrétés pour effectuer la livraison. Par voie de conséquence, elle conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris, et subsidiairement elle demande à la Cour de condamner la Société TRANSPORTS CAUVAS à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, ce au regard des articles 108 (désormais L 133-6) alinéa 4 du Code de Commerce et de l'article 34 de la CMR. Elle sollicite en outre la condamnation de tout succombant in solidum au paiement de la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société CAUVAS TRANSPORTS SPECIAUX réplique qu'en application de l'article 32 de la Convention CMR, la prescription de l'action à son encontre était acquise depuis le 17 septembre 1996 lorsqu'elle a été assignée le 26 septembre 1996 à l'initiative de la Société SERNADIS. Subsidiairement au fond, elle relève qu'aucune réserve n'a été émise par la Société A.E.T. dans le
délai de sept jours édicté par l'article 30 de la CMR. Aussi elle conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré sans objet l'appel en garantie diligenté contre elle. Encore plus subsidiairement, relevant qu'aucune des réserves émises à l'arrivée de la marchandise à TOURNAI ne se rapporte aux avaries alléguées par la société appelante dans le cadre de cette procédure, elle conclut au mal fondé de cet appel en garantie. Dans ces conditions, elle sollicite sa mise hors de cause ainsi que la condamnation de la Société SERNADIS à lui payer la somme de 35.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2001. MOTIFS DE LA DECISION :
SUR LA PRETENDUE RESPONSABILITE DU COMMISSIONNAIRE EN SA QUALITE DE GARANT DE SES SUBSTITUES : Considérant que les parties s'accordent pour reconnaître que le transport du matériel litigieux de SAINT-LIN (France) à BREME (Allemagne) était un transport international soumis aux dispositions de la Convention CMR;
Considérant qu'en application de l'article 30 de la CMR, les réserves doivent être faites par écrit et dans un délai de sept jours à dater de la livraison lorsqu'il s'agit de pertes ou avaries non apparentes; qu'à défaut, le destinataire est présumé jusqu'à preuve du contraire avoir reçu la marchandise dans l'état décrit sur la lettre de voiture ; Considérant qu'en l'occurrence, il est constant qu'aucune réserve n'a été émise, sur le connaissement ou par acte séparé, lors du déchargement au port de BREME au terme du transport fluvial ; Considérant qu'il apparaît que les réserves afférentes aux prétendues avaries à l'origine de la présente procédure ont été formulées seulement par télécopie du 11 octobre 1995, alors que la livraison a été effectuée à BREME le 16 septembre 1995 ; Considérant qu'aucune conséquence ne saurait être tirée de l'absence de réaction, Ã
réception de cette télécopie, de la part du commissionnaire et du transporteur fluvial, dont l'attitude ne peut valoir reconnaissance des réserves tardives émises par le destinataire ; Considérant qu'il suit de là qu'en vertu de la disposition précitée, le matériel est présumé avoir été reçu au complet et en bon état ; Considérant que, dès lors, il incombe à la société appelante de rapporter la preuve que les avaries invoquées par la Société A.E.T. sont en relation avec le transport litigieux ; Considérant que, se fondant sur deux rapports d'expertise de l'organisme ESIS INTERNATIONAL, la Compagnie CIGNA INSURANCE explique que la barge fluviale à bord de laquelle avait été chargée la plate-forme a nécessairement été abaissée pour passer sous certains ponts, et que la manoeuvre alors entreprise a été à l'origine de l'infiltration d'une eau boueuse à l'intérieur des boîtiers électroniques de cette plate-forme ; Considérant qu'elle en déduit que la Société SERNADIS doit, en sa qualité de commissionnaire de transport, répondre de la faute commise lors de cette manoeuvre par le transporteur fluvial ; Mais considérant qu'à titre préalable, il doit être observé que les opérations d'expertise diligentées par ESIS INTERNATIONAL à la requête de CIGNA INSURANCE ont été effectuées non contradictoirement, sans que le transporteur ait été invité à y participer ; Considérant qu'au demeurant, l'avis émis par cet organisme se trouve combattu par les conclusions auxquelles est parvenu le Docteur X..., expert en appareils et installations électriques, lequel, aux termes de son rapport du 29 décembre 1995, indique avoir constaté qu'à l'intérieur des coffrets de contrôle, objet de la présente réclamation, seuls les couvercles isolés avaient été trempés par de l'eau douce ; Considérant que cet expert, relevant que la seconde plate-forme élévatrice (qui n'a pourtant pas été immergée) avait été encore plus gravement endommagée, en tire la conséquence que les dysfonctionnements des coffrets de contrôle ne
peuvent être dus à l'incident lié à l'immersion ; Considérant que, dès lors, il apparaît selon ce technicien que l'immersion partielle de la plate-forme, à la supposer établie, n'a pu provoquer les avaries survenues aux boîtiers électroniques ; Considérant qu'en l'état de ces divergences d'appréciation, la preuve n'est donc nullement rapportée que les défauts électriques invoqués ont pour origine une fausse manoeuvre du transporteur fluvial ; Considérant que, par ailleurs, il doit être observé qu'en ce qui la concerne, la Société CAUVAS TRANSPORTS s'est chargée de l'acheminement terrestre de SAINT-LIN (Deux-Sèvres) à TOURNAI (Belgique), et que cette opération n'a donné lieu à l'arrivée de la plate-forme le 8 septembre 1995 qu'à des réserves mineures sans aucun lien avec la réclamation formulée par la Société CIGNA ASSURANCE dans le cadre de la présente procédure ; Considérant que, par voie de conséquence, la société appelante doit être déboutée de ses prétentions à l'encontre du commissionnaire de transport, pris en sa qualité de garant de ses substitués. SUR LA PRETENDUE RESPONSABILITE DU COMMISSIONNAIRE POUR FAUTES PERSONNELLES : Considérant que la Société CIGNA INSURANCE fait valoir qu'indépendamment des conditions d'exécution du contrat de transport, la Société SERNADIS doit répondre dans ses rapports avec son mandant de la faute personnelle qu'elle a commise, en ne choisissant pas le moyen de transport adapté au gabarit du matériel transporté, et en ne sauvegardant pas les recours de la Société A.E.T. ; Mais considérant que la société appelante se contente d'affirmer qu'une erreur d'appréciation aurait été commise sur le régime de transport retenu, en l'occurrence la voie fluviale plutôt qu'un acheminement par la route, sans toutefois rapporter la preuve de ses allégations ; Considérant que la société intimée peut d'autant moins se voir reprocher un manque de diligence dans le suivi de l'opération qu'elle n'a pas procédé à la réception des marchandises,
et qu'elle n'a apparemment eu connaissance des réserves émises par la Société A.E.T. que par la télécopie adressée par cette dernière 11 octobre 1995, soit après l'expiration du délai de sept jours prévu par l'article 30 de la CMR ; Considérant qu'au surplus, dans la mesure où il existe une incertitude sur l'origine de l'avarie litigieuse et sur son imputabilité aux conditions d'acheminement du matériel, le commissionnaire de transport ne saurait être tenu de répondre des conséquences dommageables d'un sinistre éventuellement étranger à l'opération de transport elle-même ; Considérant que la Société CIGNA INSURANCE doit donc être déboutée également de ce chef de sa prétention formulée à l'encontre de la Société DUCROS EURO EXPRESS, venant aux droits de la Société SERNADIS. SUR L'APPEL EN GARANTIE DE LA SOCIETE CAUVAS TRANSPORTS ET SUR LES DEMANDES ANNEXES : Considérant que, dès lors que la Société CIGNA INSURANCE est déboutée de sa demande principale, il convient, en confirmant le jugement déféré, de déclarer sans objet l'appel en garantie diligenté par la Société SERNADIS, désormais DUCROS EURO EXPRESS à l'encontre de la Société CAUVAS TRANSPORTS ; Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société DUCROS EURO EXPRESS une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant qu'il est également équitable de mettre à la charge de cette société une indemnité de 1.000 euros en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés pour sa défense par la Société CAUVAS TRANSPORTS ; Considérant que la Société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE, qui succombe dans l'exercice de son recours, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DONNE ACTE à la Société DUCROS EURO EXPRESS de son intervention volontaire en cause d'appel aux droits de la Société SERNADIS ; DECLARE recevable l'appel interjeté par la Société CIGNA
INSURANCE COMPANY OF EUROPE, le dit mal fondé ; CONFIRME par substitution partielle de motifs le jugement déféré ; Y ajoutant :
CONDAMNE la Société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE à payer à la Société DUCROS EURO EXPRESS une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE la Société DUCROS EURO EXPRESS à payer à la Société CAUVAS TRANSPORTS SPECIAUX la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE la Société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE aux dépens d'appel, et AUTORISE d'une part la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, Société d'Avoués, d'autre part Maître BINOCHE, Avoué, à recouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M. THERESE Y...
F. LAPORTE