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10/01/2002 | FRANCE | N°1999-8949

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 janvier 2002, 1999-8949


La société à responsabilité limitée NOUVELLE GENERATION, devenue en 1998 IDEUS GENERATION, exerce une activité de conseil en communication d'entreprise et agence de publicité. Elle se présente comme titulaire d'un enregistrement de marque nä 1 334 134 portant sur la dénomination "GENERATION" : - issu d'un dépôt en renouvellement du 9 décembre 1985, effectué pour des services ainsi désignés: "publicité et affaires" (classe 35), précision faite: "la protection est revendiquée pour la totalité des services rentrant dans ladite classe", et - ayant fait l'objet à son initiative

, après cession par le titulaire initial, d'une déclaration de renou...

La société à responsabilité limitée NOUVELLE GENERATION, devenue en 1998 IDEUS GENERATION, exerce une activité de conseil en communication d'entreprise et agence de publicité. Elle se présente comme titulaire d'un enregistrement de marque nä 1 334 134 portant sur la dénomination "GENERATION" : - issu d'un dépôt en renouvellement du 9 décembre 1985, effectué pour des services ainsi désignés: "publicité et affaires" (classe 35), précision faite: "la protection est revendiquée pour la totalité des services rentrant dans ladite classe", et - ayant fait l'objet à son initiative, après cession par le titulaire initial, d'une déclaration de renouvellement en date du 16 novembre 1995, "pour l'intégralité des produits et services de l'enregistrement concerné". Elle s'est émue du dépôt, le 23 novembre 1995, par les sociétés dites CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE VIE (CMAV) et SOCIETE MUTUALISTE MALAKOFF Malakoff (SMM) de la marque CAP GENERATION pour désigner un service de: ... souscription de contrats, à savoir ensemble de contrats collectifs à adhésion facultative dans les domaines des frais de santé, des risques incapacité, invalidité décès et de l'épargne retraite destinés aux travailleurs non salariés non agricoles avec édition et diffusion de supports d'information associés - classes 35, 36 et 41. En effet, elle y a vu une atteinte aux droits attachés, tant à son enregistrement de marque, qu'à son nom commercial. Après avoir vainement mis en demeure les sociétés CMAV et SMM d'avoir à renoncer à leur dépôt et à l'utilisation de la dénomination CAP GENERATION, sous quelque forme que ce soit, elle les a fait assigner en contrefaçon et concurrence déloyale. En cours de procédure, le dépôt des sociétés CMAV et SMM a été enregistré par l'Institut National de la propriété industrielle (I.N.P.I.), après suppression d'office, sur notification d'irrégularité émise le 27 juillet 1998, des mots "et diffusion" et de la référence à la classe 35. Les sociétés CMAV et

SMM ont contesté l'atteinte alléguée. A cette occasion, elles ont notamment invoqué le caractère rétroactif de l'enregistrement ainsi modifié, excluant d'autant plus la contrefaçon qu'une marque antérieure ne serait protégée que pour les produits et services mentionnés dans l'enregistrement. * * * C'est dans ces conditions que, par jugement du 4 novembre 1999, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES: - a notamment retenu: 1 / sur les effets de l'enregistrement: ... la contrefaçon invoquée ... peut se trouver réalisée dès le dépôt de la marque CAP GENERATION pour les produits de la classe 35 et le fait que l'enregistrement ne mentionne plus la classe 35, n'a pas pour effet de faire disparaître l'infraction ayant pu exister entre la date du dépôt jusqu'à la date de l'enregistrement ... 2 / Sur l'existence de la contrefaçon: CAP GENERATION est une dénomination complexe qui englobe la marque simple protégée. La marque GENERATION est arbitraire puisque sans lien avec les produits ou services proposés par la société IDEUS GENERATION. En ce sens, elle présente un caractère distinctif. Cependant le terme GENERATION est un mot banal, d'usage répandu. Ainsi, dans l'expression CAP GENERATION, il est utilisé dans son sens courant et forme un ensemble avec le vocable CAP qui, situé en premier et ayant une consonance brève et percutante, attire davantage l'attention. Le mot GENERATION perd ainsi son individualité et son caractère distinctif pour se fondre dans le groupe nominal CAP GENERATION. Au surplus, les risques de confusion entre les marques GENERATION et CAP GENERATION apparaissent inexistants alors que les services de l'agence en communication d'entreprise et les produits d'épargne proposés par la compagnie et la mutuelle d'assurance, destinés les uns et les autres à des clientèles ciblées et informées, sont tout à fait distincts. Cette absence de risque de confusion explique que si la société IDEUS GENERATION énumère les préjudices qu'une contrefaçon est susceptible

d'engendrer, elle ne mentionne aucun préjudice propre. Ainsi, elle n'établit ni même n'invoque le fait que la mise sur le marché de produits CAP GENERATION ait eu un impact quelconque sur son activité ou ait eu une influence négative sur la renommée de la marque ... 3 / Sur l'imitation de la marque, l'atteinte au nom commercial et la concurrence déloyale: L'imitation de la marque et l'atteinte au nom commercial ne peuvent être retenues que s'il est démontré un risque de confusion entre les produits et services proposés par la demanderesse et les défenderesses. Or, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, ce risque n'est pas établi. Par ailleurs, les parties exercent leur activité dans deux domaines économiques distincts et aucune concurrence ne peut exister entre elles. - pour se prononcer comme suit: Déboute la société IDEUS GENERATION de ses demandes ... Condamne la société IDEUS GENERATION à payer ... la somme de 8 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC ... * * * Appelante de ce jugement, la société IDEUS GENERATION (conclusions récapitulatives du 11 juin 2001) approuve les premiers juges en ce qu'ils ont admis la validité de sa marque, rappelé qu'un simple dépôt peut être constitutif de contrefaçon et dit qu'en l'espèce, les rectifications apportées par l'INPI, avant enregistrement, n'avaient pas été de nature à la faire disparaître. Mais, elle leur fait grief de l'avoir écartée malgré les enseignements pouvant être tirés de nombreux précédents jurisprudentiels, à la citation desquels elle s'attache. Ce faisant, ils auraient fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce, du chef des droits qu'elle tient, tant de sa marque que de son nom commercial. En réalité, la contrefaçon serait caractérisée et son préjudice serait des plus conséquent, de sorte que la Cour devrait réformer le jugement entrepris et: - dire que la marque CAP GENERATION constitue la contrefaçon et l'imitation de la marque GENERATION, ainsi qu'une atteinte au nom commercial de la société

NOUVELLE GENERATION devenue IDEUS GENERATION, - en interdire l'utilisation aux sociétés CMAV et SMM sous astreinte de 1 000 francs par infraction constatée, - les condamner chacune au paiement d'une somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts, outre la publication à leurs frais de l'arrêt à intervenir et une indemnité de 20 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC. * * * Pour les sociétés CMAV et SMM (conclusions du 18 décembre 2000), force serait de constater que l'appelante n'est pas le déposant initial de la marque invoquée et ne justifie pas en être la cessionnaire. En effet, la pièce produite à cet effet se limiterait à la concession de droits d'exploitation. De toute manière, ses prétentions se heurteraient au caractère rétroactif de l'enregistrement critiqué, limité aux classes 36 et 41 - là où la marque antérieure n'a été déposée que pour la classe 35 - et au principe de la spécialité des marques comme des noms commerciaux. Il appartiendrait en conséquence à la Cour de confirmer le jugement entrepris et condamner les appelantes au paiement d'une somme de 50 000 francs, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et d'une indemnité de 20 000 au titre de l'article 700 du NCPC. Il est renvoyé au jugement entrepris et aux conclusions précitées, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties. SUR CE, LA COUR Sur la propriété de la marque invoquée Considérant que la Cour est au premier chef saisie d'une action en contrefaçon de marque, engagée par la société IDEUS GENERATION à l'encontre des société CMAV et SMM; que la marque invoquée porte sur la dénomination GENERATION, enregistrée pour des services de: "publicité et affaires" (classe 35), précision faite: "la protection est revendiquée pour la totalité des services rentrant dans ladite classe"; Qu'en l'état des pièces du dossier, il n'est déjà pas établi que la société IDEUS GENERATION avait qualité pour procéder, le 16 novembre 1995, à la

déclaration de renouvellement de cet enregistrement, issu d'un dépôt effectué le 9 décembre 1985 au nom de M. Régis X...; Qu'en effet, les sociétés CMAV et SMM font pertinemment valoir que: - le "certificat d'identité de marque et état des inscriptions portées au registre national" en date du 20 octobre 1997 (postérieure à la déclaration de renouvellement), produit par la société IDEUS GENERATION, ne reproduit qu'une seule inscription (nä 49965) portant sur un acte de transmission de droits; - cet acte, inscrit 10 décembre 1990, se limite à une simple "licence non exclusive" d'exploitation, concédée à la société IDEUS GENERATION; or, la déclaration de renouvellement ne peut émaner que du propriétaire de la marque (art. L 712-9 et R 712-24 du Code précité); Qu'elles n'en tirent cependant aucune conséquence; qu'en effet, elles s'abstiennent de soulever par voie d'exception la nullité de la déclaration de renouvellement - comme la faculté leur en restait ouverte, nonobstant les dispositions de l'article L 411-4 al. 2 du Code de la propriété intellectuelle - et préfèrent s'en tenir à la contestation, sur le fond, de toute atteinte aux droits invoqués; Sur les produits et services désignés Considérant que l'enregistrement d'une marque confère à son titulaire "un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés" (art. L 713-1 du Code précité) et non sur le signe concerné, pris en lui-même; Que si le principe de la spécialité de la marque, ainsi posé, n'exclut pas toute possibilité de regroupement par catégorie, dans la désignation des produits et services, encore faut-il que les termes employés soient suffisamment précis pour ne laisser place à aucune ambigu'té; Que ne constitue pas une désignation des produits et services, l'indication du ou des numéros des rubriques de la classification internationale des marques, dont ils relèvent; qu'en effet, la fonction de cette classification est purement administrative et le

classement qu'elle permet, sans conséquence juridique; Considérant dans ces conditions que la marque invoquée ne saurait se voir reconnaître la portée élargie que la société IDEUS GENERATION semble lui prêter; que sont en effet inopérantes: - la mention du terme "affaires" (sans précision, autre que l'indication de la classe 35 ), pour tenir lieu de désignation de services; ce terme est trop vague; peuvent se trouver concernés des services multiples et de nature très différente (financière, commerciale, immobilière, maritime, culturelle ... ); - l'affirmation, après l'indication de la classe 35, selon laquelle "la protection est revendiquée pour la totalité des services rentrant dans ladite classe"; il en va d'autant plus ainsi que la classification est évolutive, comme faisant l'objet de révisions périodiques, et qu'une même classe peut regrouper des produits et services de nature ici encore très différente. Qu'en réalité, la marque invoquée ne couvre que les services de "publicité", soit ceux que rendent des prestataires en communication, pour le compte de leurs clients, afin d'en promouvoir l'activité; Sur les atteintes alléguées Considérant que les sociétés CMAV et SMM font exactement valoir que les faits qui leur sont reprochés ne portent en rien atteinte à la marque invoquée, même s'il est de droit que sa protection s'étend aux services dits similaires (art. L 713-3 du Code précité), comme pouvant laisser croire à une origine commune; Qu'en effet, ceux-ci n'ont pas excédé le cadre du dépôt et de l'usage de la marque CAP GENERATION pour un service ainsi désigné dans le libellé dudit dépôt: ... souscription de contrats, à savoir ensemble de contrats collectifs à adhésion facultative dans les domaines des frais de santé, des risques incapacité, invalidité décès et de l'épargne retraite destinés aux travailleurs non salariés non agricoles avec édition et diffusion de supports d'information associés - classes 35, 36 et 41. Qu'il suffit de constater, sans

qu'il y ait lieu de s'engager dans une analyse comparée des signes, qu'il s'agit de prestations d'assurance ne pouvant être considérées comme identiques ou similaires aux services de publicité; qu'il importe peu qu'elles s'accompagnent de "l'édition et ... diffusion de supports d'information associés"; qu'en effet, ces dernières ne sont en rien constitutives d'un service, mais correspondent à l'activité normale de tout prestataire se faisant connaître de la clientèle; Que l'Institut National de la Propriété Industrielle ne s'y est d'ailleurs pas trompé, en apportant d'office des correctifs de forme (suppression de la référence faite à la classe 35, notamment), avant de procéder à l'enregistrement de la marque; Considérant que la solution ne serait pas modifiée, s'il y avait lieu de reconnaître un quelconque effet au terme "affaires" figurant dans le libellé du dépôt, celui-ci ne pouvant s'entendre comme désignant des prestations d'assurances Que la prétendue atteinte au nom commercial de la société IDEUS GENERATION n'est pas plus constituée; qu'en effet, celle-ci ne justifie d'aucune activité identique ou similaire aux services précités, ni plus généralement d'un quelconque risque de confusion entre les entreprises respectives des parties; Sur les demandes des parties Considérant que pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, la société IDEUS GENERATION sera déboutée de son appel et le jugement entrepris confirmé, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés CMAV et SMM; qu'en effet, l'abus de droit n'est pas établi; qu'en outre, les intéressées ne justifient d'aucun préjudice, autre que les frais de procédure, par ailleurs compensés. Que la partie qui succombe doit supporter les dépens; que ni l'équité, ni la situation économique des parties ne justifient qu'il soit fait exception à l'application de l'article 700 du NCPC, afférent à la charge des frais non compris dans les dépens;

PAR CES MOTIFS, LA COUR CONFIRME le jugement entrepris, CONDAMNE la société IDEUS GENERATION à payer aux sociétés CMAV et SMM une indemnité de 2 300 euros au titre de l'article 700 du NCPC, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET BOCCON-GIBOD, avoués, dans les conditions prévues à l'article 699 du NCPC. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT: Le Greffier,

Le Président, C. CLAUDE

F. CANIVET 12ème chambre A - Délibéré du 10/01/2002 RG Nä8949/99 Sarl IDEUS GENERATION (Scp Fievet-Rochette-Lafon) c/ Caisse Mutuelle d'Assurance sur la vie (Scp Lissarrague-Dupuis etamp; Boccon-Gibod) Société Mutualiste Malakoff (Scp Lissarrague-Dupuis etamp; Boccon-Gibod) PAR CES MOTIFS, LA COUR CONFIRME le jugement entrepris, CONDAMNE la société IDEUS GENERATION à payer aux sociétés CMAV et SMM une indemnité de 2 300 euros au titre de l'article 700 du NCPC, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET BOCCON-GIBOD, avoués, dans les conditions prévues à l'article 699 du NCPC. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT: Le Greffier,

Le Président, C. CLAUDE

F. CANIVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-8949
Date de la décision : 10/01/2002

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Etendue

Aux termes de l'article L 713-1 du Code de la propriété intellectuel- le, l'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque " pour les produits et services qu'il a désignés ", et non sur le sig- ne concerné pour tout usage ou emploi pouvant en être fait. Si le principe de la spécialité de la marque, ainsi posé, n'exclut pas toute possibilité de regroupem- ent par catégorie, dans la désignation des produits et services, encore faut-il que les termes employés soient suffisamment précis pour ne laisser place à au- cune ambigu'té. Ne constitue pas en revanche une désignation des produits et services, l'indication du ou des numéros des rubriques de la classification internationale des marques dont ils relèvent. En effet, la fonction de cette clas- sification est purement administrative et le classement qu'elle permet est sans conséquence juridique.Dans ces conditions, la marque ici invoquée ne saurait se voir reconnaître la portée élargie que son propriétaire semble lui prêter. Sont, en effet, inopérantes la mention du terme " affaires " (sans précision au- tre que l'indication de la classe 35), pour tenir lieu de désignation des services, ce terme étant trop vague et pouvant concerner de multiples services d'une nature très différente (financière, commerciale, immobilière, maritime, culturelle..) , de même que l'affirmation, après l'indication de la classe 35, selon laquelle " la protection est revendiquée pour la totalité des services rentrant dans ladite classe " ; il en va d'autant plus ainsi que la classification est évolutive, comme faisant l'objet de révisions périodiques, et qu'une même classe peut regrouper des produits et services de nature, ici encore, très différente


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-01-10;1999.8949 ?
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