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10/01/2002 | FRANCE | N°1998-9079

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 janvier 2002, 1998-9079


Le 16 mars 1995, la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS a donné mandat à l'agence de publicité AG PUB, conformément à l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 (dite "loi Sapin"), de souscrire ses ordres d'insertion relatifs à des espaces publicitaires à paraître dans les annuaires de FRANCE TELECOM auprès du régisseur exclusif, la Société ODA. En exécution de ce mandat, l'agence AG PUB a souscrit pour le compte de la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS auprès de la SA ODA : - le 10 mai 1995, un premier ordre d'insertion publicitaire d'un montant de 58.562 francs HT, en règlement duquel ell

e a adressé à la Société ODA deux lettres de change à échéance...

Le 16 mars 1995, la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS a donné mandat à l'agence de publicité AG PUB, conformément à l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 (dite "loi Sapin"), de souscrire ses ordres d'insertion relatifs à des espaces publicitaires à paraître dans les annuaires de FRANCE TELECOM auprès du régisseur exclusif, la Société ODA. En exécution de ce mandat, l'agence AG PUB a souscrit pour le compte de la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS auprès de la SA ODA : - le 10 mai 1995, un premier ordre d'insertion publicitaire d'un montant de 58.562 francs HT, en règlement duquel elle a adressé à la Société ODA deux lettres de change à échéances des 30 novembre et 30 décembre 1995 ; - le 12 juillet 1995, un second ordre d'insertion publicitaire d'un montant de 19.973 francs HT, en règlement duquel elle a remis à la Société ODA une lettre de change à échéance du 30 décembre 1995. Les insertions publicitaires, réalisées conformément aux instructions données, ont été facturées au nom de la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS. La Société AG PUB, qui avait dans l'intervalle encaissé le montant des traites souscrites à son ordre par la Société TESSIOT, n'a pas honoré à leurs échéances respectives les effets qu'elle avait acceptés à l'ordre de la Société ODA. Par courrier du 12 décembre 1995, cette dernière en a informé l'annonceur et lui a réclamé le paiement de ses insertions; par jugement du 28 février 1996, l'agence AG PUB a été mise en liquidation judiciaire. C'est dans ces circonstances que, le 28 juin 1996, la Société A. TESSIOT DEMENAGEMENTS a assigné la SA ODA et Maître Y..., pris en sa qualité de liquidateur de la SARL AG PUB CONSEILS devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE, pour voir constater qu'elle s'était acquittée valablement envers ODA, vendeur d'espaces publicitaires, en réglant entre les mains de l'agence. Aux termes de ses écritures ultérieures, elle a demandé au Tribunal de juger que la Société ODA avait engagé sa responsabilité délictuelle en raison de son défaut de vigilance

financière et de sa négligence fautive dans la mise en oeuvre d'un dispositif de garanties. La Société ODA s'est opposée à cette prétention en faisant valoir que l'annonceur devait régler les factures, conformément à l'article 1998 du Code Civil et aux dispositions de la loi Sapin, quand bien même il en aurait déjà versé le prix entre les mains de la Société AG PUB CONSEILS. Reconventionnellement, elle a sollicité la condamnation de la Société TESSIOT à lui payer la somme de 97.714,41 francs correspondant au montant des deux ordres d'insertion non acquittés par AG PUB. Par jugement du 02 octobre 1998, le Tribunal, estimant que les manquements de la Société ODA à son obligation de vigilance et de contrôle de la solvabilité de l'agence de publicité ont concouru dans la proportion des 3/4 au préjudice subi par l'annonceur, a condamné la SARL TESSIOT DEMENAGEMENTS au paiement de la somme de 24.375 francs avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, débouté la Société ODA du surplus de sa demande reconventionnelle, et condamné cette dernière au versement d'une indemnité de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société ODA, désormais SA PAGES JAUNES, a interjeté appel de ce jugement. A titre préalable, elle demande à la Cour d'écarter l'exception de connexité soulevée par la société intimée entre la présente instance et une procédure actuellement pendante devant la 25ème Chambre A de la Cour d'Appel de PARIS, et elle sollicite de ce chef le versement d'une indemnité de 10.000 francs pour abus de droit. Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande adverse fondée sur les articles 1382 et suivants du Code Civil, dès lors que cette demande méconnaît la règle du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle. Elle soulève également l'irrecevabilité de l'action "ut singuli"de la Société TESSIOT tendant à la réparation du préjudice prétendument subi en raison de

l'immobilisation de sa créance en restitution des fonds confiés. En effet, elle estime que cette immobilisation constitue un préjudice commun à tous les annonceurs ayant mandaté AG PUB, qu'elle est donc inhérente à la procédure collective dont cette agence fait l'objet, et que l'action tendant à la réparation d'un tel préjudice ne pouvait être intentée que par le liquidateur conformément aux dispositions de l'article 148-3 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L 622-4 du Code de Commerce. Subsidiairement au fond, elle conteste avoir engagé sa responsabilité quasi-délictuelle envers la Société TESSIOT en octroyant prétendument un crédit injustifié à la Société AG PUB et en n'exigeant pas de cette dernière la mise en place des garanties nécessaires. A cet égard, elle explique que les modalités particulières de règlement des ordres d'insertions litigieux ne dérogeaient pas aux conditions de paiement appliquées généralement aux agences. Elle précise que la société intimée ne pouvait déduire du contenu du courrier adressé le 22 février 1995 à l'agence de publicité la certitude d'une fourniture de garantie par cette dernière. Elle considère qu'il ne peut lui être reproché d'avoir consenti à AG PUB un encours ayant atteint 22 millions de francs en 1995, alors que cet encours a été la conséquence des délais de paiement sollicités par la SARL TESSIOT, laquelle a exigé de son agence qu'elle adresse les règlements après la parution de l'annonce. Tout en rappelant qu'en vertu de la loi Sapin, l'agence de publicité est mandataire de l'annonceur qui en est responsable, elle fait valoir qu'étant tiers au contrat de mandat conclu entre ces derniers, elle ne saurait être tenue à une obligation de surveillance et de prudence à l'égard des fonds transitant par le biais du mandataire. Elle observe qu'il ne peut davantage lui être fait grief de n'avoir pas exigé de l'agence la transmission ou la consignation immédiate des fonds que celle-ci ne détenait pas encore. Elle réitère que, sur

le marché de la commercialisation des publicités où elle bénéficie d'une position dominante, elle se trouve en concurrence avec les agences, et elle déduit d'une décision du Conseil de la Concurrence en date du 22 mars 1994 l'ayant condamnée à une forte amende pour abus de position dominante qu'elle ne pouvait brutalement imposer à AG PUB la formule de garantie qui avait sa convenance. Elle soutient qu'en revanche la partie adverse, pourtant fidèlement informée de la résistance opposée par son mandataire-dépositaire dans la fourniture d'une garantie, n'a pas rempli ses obligations de mandant-déposant en n'exigeant pas de son agence qu'elle fournisse à la SA ODA les garanties nécessaires. Elle ajoute que la société intimée ne saurait lui reprocher la manière dont elle a conduit les pourparlers avec l'agence de publicité, ni critiquer les résultats obtenus en vue de la mise en place d'un système de garantie, alors qu'il incombait tout au contraire à l'annonceur d'imposer à cette agence une garantie sous la forme d'un compte spécial en vue de préserver ses propres intérêts. Par voie de conséquence, la Société PAGES JAUNES, anciennement dénommée ODA, demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à réparer à proportion des trois-quarts le préjudice que la partie adverse aurait subi, et, en l'absence de compensation, de condamner la SARL TESSIOT DEMENAGEMENTS à lui régler la somme principale de 94.714,41 francs, correspondant au montant des deux ordres d'insertion, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 07 février 1997 et d'une indemnité de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SARL TESSIOT DEMENAGEMENTS réplique qu'elle n'a nullement enfreint la règle du non cumul des responsabilités, dès lors que sa demande, loin d'être fondée sur le contrat liant l'annonceur au régisseur exclusif, résulte du comportement fautif de la Société ODA, laquelle a manqué à ses devoirs de contrôle et d'information. Elle

indique être parfaitement recevable à agir, dans la mesure où elle sollicite, non la réparation d'un préjudice subi par les créanciers d'AG PUB en raison de l'aggravation du passif de cette société, mais l'indemnisation de son propre dommage né de l'obligation pour elle de régler deux fois la prestation fournie en dehors de toute contrepartie. Sur le fond, la société intimée réplique que, seule détentrice des décisions d'octroi de crédit en faveur des agences, ODA était professionnellement soumise à une obligation de vigilance et de contrôle de leur solvabilité. Elle observe qu'enfreignant ce devoir de contrôle, la société appelante a abusivement accepté que les ordres d'insertion litigieux fassent l'objet de paiements par traites au 30 novembre 1995 et au 31 décembre 1995, induisant un risque sur la Société AG PUB pendant une période supérieure à six mois. Elle relève que la partie adverse ne démontre pas en quoi les documents intitulés "les règles de paiement" et "mise en place de garanties" échangés entre elle et l'agence de publicité ne pouvaient être diffusés aux annonceurs, alors que cette diffusion était de nature à attirer l'attention de ces derniers sur les graves conséquences, en termes de double paiement, d'une éventuelle défaillance de cette agence. Elle stigmatise la négligence manifeste de la Société ODA, laquelle n'a pas cru devoir exiger un système de garantie dès la souscription des ordres d'insertion, ni tirer les conséquences du non accomplissement par AG PUB CONSEILS des diligences qu'elle lui avait pourtant assignées par lettres des 22 février, 09 mars et 03 mai 1995. Elle prétend que la société appelante ne saurait tenter de justifier sa carence en excipant de la sanction prononcée à son encontre par le Conseil de la Concurrence, alors qu'en l'occurrence, elle aurait pu invoquer l'absence de constitutions de garanties et l'encours excessivement important de l'intermédiaire pour refuser d'enregistrer les demandes d'insertion.

Alléguant que, par ses hésitations et atermoiements, la partie adverse est directement à l'origine de son préjudice, caractérisé par le double paiement qu'elle se voit réclamer, la Société A. TESSIOT DEMENAGEMENTS sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a déclaré fondée en sa demande principale, et son infirmation en ce qu'il l'a dit responsable pour un quart et l'a condamnée au paiement de la somme de 24.375 francs. Se portant incidemment appelante de cette décision, elle demande à la Cour de retenir l'entière responsabilité de la Société ODA sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code Civil, et de débouter celle-ci de l'intégralité de ses prétentions. Elle réclame également la somme de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en complément de l'indemnité de 5.000 francs qui lui a été allouée de ce chef en première instance. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2001. MOTIFS DE LA DECISION :

SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS LIEE A L'EXCEPTION DE CONNEXITE :

Considérant qu'au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour abus de droit, la Société PAGES JAUNES fait grief à la Société TESSIOT DEMENAGEMENTS d'avoir attendu l'instance d'appel pour soulever l'exception de connexité entre la présente procédure et celle pendante devant la 25ème Chambre A de la Cour d'Appel de PARIS ; Mais considérant qu'il doit être observé que cette exception de connexité n'a pas été reprise par la société intimée dans ses écritures récapitulatives du 05 octobre 2001 ; Considérant que la société appelante doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement. SUR LES FINS DE NON-RECEVOIR SOULEVEES PAR LA SOCIETE APPELANTE : Considérant que la Société PAGES JAUNES fait valoir que l'annonceur, qui était lié contractuellement au régisseur ODA, ne pouvait valablement rechercher sa responsabilité quasi-délictuelle sans violer la règle du non cumul des

responsabilités ; Mais considérant qu'il est constant qu'au soutien de sa demande de dommages-intérêts, la Société TESSIOT DEMENAGEMENTS invoque la négligence et les atermoiements de la société ODA, laquelle aurait dérogé à ses propres règles et conditions générales de paiement et n'aurait pas fait preuve de fermeté dans les négociations engagées avec l'agence AG PUB ; Considérant que, dès lors, l'action dont la société intimée a pris l'initiative trouve sa source, non dans les modalités d'exécution des prestations commerciales confiées à la Société ODA, mais dans l'existence d'une faute quasi-délictuelle reprochée à cette dernière et à l'origine d'un préjudice, en l'occurrence caractérisé par le double paiement imposé à l'annonceur ; Considérant que la fin de non-recevoir soulevée de ce premier chef par la société appelante doit donc être écartée ; Considérant que la Société PAGES JAUNES soutient également que, n'ayant pas déclaré sa créance entre les mains du liquidateur de l'agence AG PUB, et n'étant donc pas créancier de celle-ci, l'annonceur ne peut avoir souffert d'un préjudice découlant du non paiement d'une somme qu'il ne lui est plus possible de recouvrer ; Mais considérant qu'il n'est pas contesté que la prestation de l'agence de publicité, consistant à faire publier une insertion publicitaire, a été normalement accomplie ; Considérant qu'il suit de là que la Société TESSIOT n'était titulaire d'aucune créance dans le cadre du mandat confié à AG PUB, et que la liquidation judiciaire de cette dernière ne pouvait priver la société intimée de son droit d'agir à l'encontre de la Société ODA sur un fondement juridique distinct de ce mandat ; Considérant que la Société PAGES JAUNES expose en outre qu'il lui est notamment reproché d'avoir toléré un encours de 22 millions de francs auprès de l'agence de publicité, sans exiger de garanties de paiement, et que ce montant correspond aux commandes passées par l'ensemble des annonceurs clients de

l'agence ; Qu'elle relève que, faute de justifier d'un préjudice distinct de celui des autres annonceurs, la Société TESSIOT n'avait aucun droit propre à agir à l'encontre de la Société ODA, une telle action ne pouvant être valablement exercée que par le liquidateur de la Société AG PUB en vertu du monopole de représentation qui lui est conféré par les articles L 621-39 et L 622-4 du Code de Commerce ; Mais considérant que, si le liquidateur tient de ces dispositions légales le pouvoir de représenter l'ensemble des créanciers en vue de la défense de leur intérêt collectif, il n'est en revanche pas recevable à agir dans l'intérêt personnel d'un créancier ou d'un groupe de créanciers ; Considérant que, dans la mesure où, en l'occurrence, les annonceurs constituent seulement un groupe de créanciers, l'action exercée à titre individuel par la Société TESSIOT DEMENAGEMENTS doit être déclarée recevable. SUR LES PRETENDUES NEGLIGENCES IMPUTEES A LA SOCIETE ODA : Considérant qu'il résulte de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, que : "tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat" ; Considérant qu'en application de cette disposition, la Société TESSIOT DEMENAGEMENTS a, le 16 mars 1995, donné mandat écrit à l'agence AG PUB CONSEILS en vue de souscrire des ordres d'insertion relatifs aux espaces publicitaires dans les annuaires officiels de FRANCE TELECOM auprès du régisseur exclusif ODA ; Considérant qu'il est constant que la Société AG PUB, dont la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du 28 février 1996, n'a pas honoré à leurs échéances respectives les effets qu'elle avait acceptés à l'ordre d'ODA, alors qu'elle avait encaissé dans l'intervalle les effets que TESSIOT avait souscrits à son ordre ; Considérant que, conformément à l'article

1998 du Code Civil, la société intimée se trouve donc tenue de régler à la Société ODA, désormais PAGES JAUNES, le montant de la créance qui ne lui avait pas été payée par le mandataire AG PUB ; Considérant qu'au soutien de sa demande de dommages-intérêts d'un montant égal au coût des deux ordres d'insertion, la Société TESSIOT invoque le manque de vigilance financière et la négligence fautive de la Société ODA dans la mise en oeuvre d'un dispositif de garanties à l'égard de l'agence AG PUB ; Considérant qu'elle explique que cette faute est génératrice pour elle d'un préjudice, correspondant au double paiement qui lui est imposé et qui aurait pu lui être évité si la partie adverse avait rempli ses obligations d'information et de contrôle de l'agence de publicité ; Mais considérant que, d'une part, il ne résulte nullement de l'examen des documents versés aux débats que, lorsqu'elle a en mars 1995 mandaté l'agence AG PUB CONSEILS à l'effet d'acheter des espaces publicitaires, la Société TESSIOT avait reçu l'assurance que des garanties suffisantes seraient mises en place en cas de défaillance de son mandataire ; Considérant qu'en effet, si par lettre du 22 février 1995, la Société ODA avait invité la Société AG PUB à envisager de constituer des garanties financières de nature à préserver les intérêts des annonceurs, il ne peut se déduire de ce courrier, dont elle n'était d'ailleurs pas personnellement destinataire, que la société intimée pouvait compter de manière certaine sur la fourniture d'une garantie par son agence ; Considérant qu'au demeurant, dans la mesure où la Société TESSIOT reconnaît avoir eu connaissance de cet écrit avant la signature du mandat confié à l'agence de publicité, il lui incombait de vérifier que la Société AG PUB, qui était son mandataire et son dépositaire de fonds, fournirait dans les plus brefs délais la garantie préconisée par la Société ODA ; Considérant que, d'autre part, il doit être observé que le mandat souscrit par elle en faveur d'AG PUB précisait

que : "Après vérification , l'agence réglera avec la célérité requise toutes les factures correspondant aux annonces publicitaires" ; Considérant qu'ayant demandé à l'agence de ne payer le coût de la prestation qu'après parution de l'ordre d'insertion, ce afin de lui permettre de s'assurer de la conformité de la publicité à la commande, et ayant elle-même procédé à des règlements échelonnés entre mars et décembre 1995 des factures de son mandataire, la Société TESSIOT a à l'évidence pris un risque financier susceptible de lui préjudicier en cas de défaillance ultérieure de ce dernier ; Considérant que force est de constater que si, par écrit du 29 mai 1995, la Société ODA avait attiré l'attention de la Société AG PUB sur l'importance des créances à échoir évaluées par elle à 22 millions de francs, elle n'était toutefois alors pas en mesure d'exiger le paiement anticipé de publicités qui devaient paraître seulement plusieurs mois après ; Considérant qu'il suit de là que la société appelante ne peut être tenue pour responsable des délais de paiement dont la Société AG PUB a bénéficié et qui sont le résultat tout à la fois des stipulations du contrat de mandat souscrit par l'annonceur et de l'absence de paiement comptant de la part de ce dernier ; Considérant que la Société ODA ne peut davantage se voir imputer à faute un défaut de surveillance de l'agence de publicité, alors qu'étant tiers au contrat de mandat, elle ne pouvait s'immiscer dans les relations contractuelles entre AG PUB et ses clients, et ne pouvait donc vérifier que le mandataire se conformait aux obligations découlant de ce contrat ; Considérant qu'en revanche, l'annonceur, qui reconnaît avoir eu connaissance des courriers aux termes desquels ODA sollicitait des garanties de la part de l'agence, se trouvait, compte tenu de sa qualité de mandant, en situation d'exiger de celle-ci qu'elle fournisse de telles garanties ; Considérant qu'au surplus, le contenu de ces correspondances, exprimant les inquiétudes

de la société appelante quant au recouvrement ultérieur de ses créances, ne pouvait créer dans l'esprit des annonceurs une apparence trompeuse de solvabilité de l'agence ; Considérant que la Société TESSIOT n'est pas non plus fondée à reprocher à la société appelante de n'avoir pas exigé, dès la souscription des ordres d'insertion en mai et en juillet 1995, la consignation du prix sur un compte séquestre ; Considérant qu'à cet égard, les nombreux écrits adressés par ODA à la Société AG PUB entre février et novembre 1995 sont révélateurs des difficultés rencontrées par elle pour persuader l'agence d'accepter la mise en place de garanties de paiement ; Considérant que la société appelante peut d'autant moins se voir reprocher sa carence à ce titre qu'il résulte d'une décision du Conseil de la Concurrence en date du 22 mars 1994, prononcée à la suite d'une plainte déposée par deux agences de publicité, que :

"l'ODA, régisseur exclusif, détient donc une position dominante sur le marché de la publicité dans les annuaires de France Télécom, marché sur lequel la commercialisation des espaces publicitaires auprès des annonceurs est assurée à la fois par le canal de la propre force de vente de l'ODA et par les agences de publicité" ; Considérant que, dans la mesure où les agences de publicité prospectent sur le même marché que la Société ODA à laquelle les annonceurs peuvent directement s'adresser, il est parfaitement concevable que des négociations nécessairement délicates entre cette société et AG PUB aient précédé et retardé la signature d'une convention d'ouverture de compte de séquestre, devenue effective seulement en novembre 1995 ; Considérant qu'en définitive, la Société TESSIOT, qui avait été destinataire de la copie des ordres d'insertion ainsi que des factures de la Société ODA portant mention des dates d'échéance des traites, et qui avait été informée des difficultés rencontrées par la partie adverse pour obtenir les

garanties souhaitées, aurait dû elle-même faire preuve de fermeté à l'égard de son mandataire et lui imposer le versement sur un compte spécial des fonds remis entre ses mains ; Considérant qu'en revanche, à défaut d'éléments permettant d'imputer à la société appelante une négligence fautive à l'origine du double paiement réclamé à l'annonceur, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré ODA responsable pour les trois quarts du préjudice subi par ce dernier, et de débouter la Société TESSIOT DEMENAGEMENTS de son entière demande de dommages-intérêts ; Considérant que, par ailleurs, dès lors qu'il incombe à la Société TESSIOT, en application de l'article 1998 du Code Civil, de supporter les conséquences financières du manquement de son mandataire à ses obligations contractuelles, il y a lieu d'accueillir la demande reconventionnelle de la Société PAGES JAUNES, anciennement ODA, à concurrence de la somme de 94.714,41 francs, soit 14.439,12 euros, montant des deux ordres d'insertion restés impayés, outre les intérêts au taux légal à compter du 07 février 1997, date de ses écritures de première instance. SUR LES DEMANDES ANNEXES : Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société PAGES JAUNES la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a octroyé de ce chef une indemnité à la société intimée ; Considérant que la Société TESSIOT DEMENAGEMENTS doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, INFIRME partiellement le jugement déféré, et statuant à nouveau :

DECLARE recevable la demande de la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS, la dit mal fondée ; DEBOUTE la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS de sa demande de dommages-intérêts ; CONDAMNE la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS à payer à la SA PAGES JAUNES, anciennement dénommée

ODA, la somme de 14.439,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 07 février 1997 ; CONDAMNE en outre la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS à payer à la SA PAGES JAUNES, anciennement dénommée ODA, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; DEBOUTE la SA PAGES JAUNES de sa demande de dommages-intérêts pour abus de droit ; CONDAMNE la SARL A. TESSIOT DEMENAGEMENTS aux entiers dépens de première instance et d'appel, et AUTORISE la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; Associés, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-9079
Date de la décision : 10/01/2002

Analyses

PUBLICITE COMMERCIALE - Contrat de publicité

Il résulte des dispositions combinées des articles 20 de la loi 93-122 du 29 janvier 1993, et 1998 du Code civil qu'en matière de publicité commerciale, le recours à un intermédiaire pour l'achat d'espace publicitaire ou la réalisation de prestations publicitaires implique l'établissement d'un contrat de mandat écrit entre cet intermédiaire et l'annonceur, lequel est tenu en sa qualité de mandant, d'exécuter les engagements contractés pour son compte par le mandataire.Il s'ensuit que nonobstant le paiement au mandataire des factures d'achat d'espace publicitaires établies par le vendeur, l'annonceur reste tenu à l'égard de celui-ci et doit supporter les conséquences financières occasionné par la défaillance de son mandataire, sauf à démontrer que le vendeur a commis une faute délictuelle ou quasi délictuelle à l'origine de son préjudice, ici le double paiement qui lui est imposé.L'annonceur qui allègue la négligence fautive du vendeur dans la mise en ouvre d'un dispositif de garanties à l'égard d'un intermédiaire, mais ne rapporte pas avoir pris ou exigé, au moment où elle a contracté, les assurances utiles, et n'établit, pas davantage, avoir exigé la consignation des fonds bien qu'informé de l'importance de l'encours de son mandataire auprès du vendeur, alors qu'au contraire il avait invité celui-ci à différer les paiements jusqu'à la parution effective des annonces, est donc mal fondé à poursuivre la responsabilité du vendeur


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-01-10;1998.9079 ?
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