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13/12/2001 | FRANCE | N°2000-644

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 décembre 2001, 2000-644


André CHEVANCE est appelant du jugement du Conseil des prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 4 mars 1999 qui s'est déclaré incompétent en application de l'article 92 du code de procédure civile au profit de la juridiction administrative. L'association A.A.P.M. Saint Nicolas soulève in limine litis l'irrecevabilité de l'appel au motif que, selon elle, les dispositions résultant de l'article 99 du nouveau code de procédure civile seraient inapplicables dans la mesure où, en première instance, l'incompétence de la juridiction prud'homale n'a pas été prononcée d'office par

le premier juge, mais sur sa demande. Elle en déduit que seule...

André CHEVANCE est appelant du jugement du Conseil des prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 4 mars 1999 qui s'est déclaré incompétent en application de l'article 92 du code de procédure civile au profit de la juridiction administrative. L'association A.A.P.M. Saint Nicolas soulève in limine litis l'irrecevabilité de l'appel au motif que, selon elle, les dispositions résultant de l'article 99 du nouveau code de procédure civile seraient inapplicables dans la mesure où, en première instance, l'incompétence de la juridiction prud'homale n'a pas été prononcée d'office par le premier juge, mais sur sa demande. Elle en déduit que seule la procédure du contredit pouvait être utilisée conformément aux dispositions de l'article 82 du nouveau code de procédure civile. Considérant cependant que la règle de compétence entre les juridictions de l'ordre judiciaire et la juridiction administrative est d'ordre public et a un caractère exclusif. Qu'il résulte de l'article 99 du nouveau code de procédure civile que si le tribunal s'est déclaré d'office incompétent ou si le défendeur a soulevé le moyen, comme c'est le cas en l'espèce, la décision ne peut être critiquée que par la voie de l'appel ordinaire. Qu'il y a lieu dès lors de débouter l'association A.A.P.M. Saint Nicolas de son exception d'irrecevabilité. RELATION DES FAITS ET DE LA PROCEDURE André CHEVANCE a exercé en qualité de maître contractuel statutaire de l'enseignement technique privé du 1er décembre 1975 au 1er octobre 1994. Il était affilié à l'I.G.I.R.S. par les soins de la direction diocésaine de l'enseignement primaire et technique. Il devait par la suite bénéficier des mêmes conditions d'ancienneté et d'avancement que celles qui sont prévues par l'éducation nationale en application de la convention collective en date du 1er mars 1983. Le 27 mai 1994, André CHEVANCE écrivait à son directeur d'établissement : " N'ayant pu obtenir de congé formation, je vous confirme par la présente

lettre, ma décision de prendre à partir du 1er octobre 1994 un congé sabbatique dans le but d'effectuer ma thèse de doctorat dans les meilleures conditions possibles". Le recteur d'académie prenait alors un arrêté aux termes duquel le contrat d'enseignement conclu le 20 janvier 1983 cessait de produire effet. Au terme légal du congé sabbatique qui est de onze mois André CHEVANCE n'a pas demandé à reprendre ses fonctions. C'est seulement en octobre 1996 qu'il devait solliciter sa réintégration. Il lui était répondu qu'il n'était pas sous contrat au 1er septembre 1996 et était par conséquent recruté sur délégation rectorale en qualité de maître auxiliaire de deuxième catégorie, affecté dans son établissement d'origine, dans l'attente de la nomination d'un maître contractuel au plus tard le 31 août 1997. C'est dans ces circonstances qu'il a saisi le Conseil des prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT par requête du 17 mars 1998 aux fins de se voir allouer un rappel de rémunération pour l'année scolaire 1996 - 1997 de 18.916,92 francs, un complément de salaire de 17.380 francs calculé en référence de la convention collective A.A.P.M. pour la même période et une indemnité pour licenciement abusif de 192.282,32 francs. Le premier juge par la décision dont appel s'est déclaré incompétent ainsi qu'il a été ci-avant rappelé. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES A titre préliminaire l'association A.A.P.M. Saint Nicolas reprend son exception d'incompétence en indiquant que la rémunération d'André CHEVANCE était versé par la trésorerie générale des Yvelines pour ses fonctions de maître auxiliaire de deuxième catégorie du 2 octobre 1996 au 31 août 1997. Elle fait donc conclure à la confirmation du jugement déféré. André CHEVANCE en réplique expose que la relation contractuelle entre lui et l'établissement privé où il exerçait était de nature privée, qu'en effet l'éducation nationale n'est pas l'employeur d'un enseignant de lycée privé sous contrat avec l'Etat. Le chef de l'établissement

exerce les prérogatives de l'employeur à l'égard des enseignants de son établissement qui reste sous sa subordination juridique. C'est lui qui propose au recteur le candidat qu'il a sélectionné et c'est l'association qui recrute son personnel. Selon lui la délégation rectorale reconduite ou non ne transforme pas la relation juridique dès lors que le maître auxiliaire exerce dans un établissement privé sous contrat d'association. La juridiction prud'homale est donc à son avis, compétente étant seule habilitée à régler tous les litiges entre salariés et employeurs privés. Dès lors il réitère ses demandes de première instance. Il estime que son contrat de travail du 20 janvier 1983 a produit à nouveau ses effets lors de sa reprise en 1996, qu'il était dès lors en droit de bénéficier de la reconduction de son emploi lors de la rentrée de 1997, qu'en refusant cette reconduction l'employeur a procédé à son licenciement sans respecter la procédure légale, notamment sans lettre de licenciement, que la Cour devra en tirer toutes les conséquences de droit et sollicite la condamnation de l'association à lui payer la somme de 195.000 francs à ce titre outre les sommes déjà demandées en première instance ainsi que celle de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. En réplique l'association A.A.P.M. Saint Nicolas fait conclure au débouté de ces demandes et à la condamnation d'André CHEVANCE au paiement de la somme de 26.000 francs à titre de remboursement des avances consenties outre celle de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR QUOI, LA COUR, Considérant qu'il est constant qu'André CHEVANCE a été engagé le 20 janvier 1983 suivant contrat d'enseignement à durée indéterminée pour exercer en qualité de maître contractuel à l'atelier d'apprentissage de la petite mécanique à ISSY LES MOULINEAUX, établissement technique privé sous contrat relevant de l'association A.A.P.M. Saint Nicolas ; qu'il était expressément

"assimilé" pour sa rémunération aux maîtres de l'enseignement public ; Qu'il a ainsi exercé dans le même établissement jusqu'au 1er octobre 1994 recevant sa rémunération pour partie de L'A.A.P.M. Saint Nicolas et pour partie de l'éducation nationale ; Considérant qu'un professeur exerçant dans un établissement privé sous contrat d'association, bien que recruté par l'Etat, se trouve placé sous la subordination de l'établissement scolaire à statut de droit privé par l'intermédiaire du directeur sous l'autorité duquel il se trouve ; que dès lors les différents qui peuvent s'élever entre le maître et l'établissement d'enseignement privé à l'occasion de la relation de travail relève de la juridiction prud'homale ; Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré incompétent, et d'évoquer le fond de l'affaire ; Considérant qu'au 1er octobre 1994 André CHEVANCE était sur sa demande placé en congé sabbatique, qu'un arrêté rectoral du 24 octobre 1994 constate que le contrat d'enseignement susvisé en date du 20 janvier 1983 cesse de produire effet à compter du 1er octobre 1994 ; Considérant qu'aux termes des articles L 122-32-17 et suivants du code du travail, les salariés justifiant d'au moins trente six mois d'ancienneté dans l'entreprise et de six années d'activité professionnelle ont droit à une absence non rémunérée de six à onze mois pour se consacrer à des activités de leur choix ; Qu'à l'issu de ce congé, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; Considérant au cas présent qu'André CHEVANCE a demandé à l'association A.A.P.M. Saint Nicolas de reprendre son activité dans le cadre des dispositions contractuelles ; Qu'il n'est pas contesté qu'il a fait sa requête en juin 1996 ; Considérant que s'il est exacte que André CHEVANCE n'a pas réintégré son poste à l'issue légale du congé sabbatique le 1er septembre 1995, sa seule absence ne permet pas néanmoins d'en déduire une démission

de sa part en l'absence de requête de son employeur lui enjoignant de reprendre son travail ; qu'en l'espèce André CHEVANCE n'a donc pas manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner de son poste ; qu'il en résulte que l'A.A.P.M. Saint Nicolas devait le réintégrer au terme de la période de suspension du contrat en septembre 1996 ; qu'en refusant de reconduire les dispositions contractuelles l'association A.A.P.M. Saint Nicolas a procédé au licenciement de fait de l'enseignant sans obéir aux dispositions légales de forme et de fond ; qu'il est dès lors en droit de prétendre au bénéfice des dispositions résultant de l'article L 122-14-4 du code du travail eu égard à son ancienneté et par conséquent à une indemnité minimum correspondant aux six derniers mois de salaire ; que les dernières rémunérations mensuelles brutes de André CHEVANCE étaient de 11.784 francs ; qu'il y a lieu de lui allouer à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 70.000 francs ; Considérant que si l'accord de 1983 a été dénoncé avant octobre 1996 c'est avec maintien des droits acquis pour les professeurs en place, que André CHEVANCE avait été engagé en 1983, son contrat ayant été simplement suspendu du 1er octobre 1994 au 1er octobre 1996 ; que André CHEVANCE lors de sa reprise aurait dû percevoir la rémunération correspondant à son contrat et non celle d'un maître auxiliaire de 2ème catégorie ; que les avantages et droits acquis découlant du contrat ont produit à nouveau leur effet dès la reprise du travail par André CHEVANCE ; Qu'il y a lieu dès lors de faire droit à ses demandes de complément conventionnel de salaire et de réajustement en fonction du classement indiciaire ; Considérant qu'il serait en outre inéquitable de laisser à la charge du salarié la totalité des frais qu'il a dû exposer tant en première instance qu'en cause d'appel, que toutefois sa demande excessive dans son montant sera réduite à concurrence de 10.000

francs ; PAR CES MOTIFS : La COUR, STATUANT publiquement et contradictoirement, DECLARE André CHEVANCE recevable en son appel ; INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le Conseil des prud'hommes incompétent au profit de la juridiction administrative ; EVOQUANT au fond : DIT que la rupture du contrat de travail de André CHEVANCE équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; CONDAMNE en conséquence l'association A.A.P.M. Saint Nicolas à lui payer la somme de 70.000 francs à titre d'indemnité de ce chef ; LA CONDAMNE en outre à lui payer les sommes de 17.380 francs à titre de complément conventionnel de rémunération et 18.916 francs au titre de son classement catégoriel ; CONDAMNE en outre la société A.A.P.M. Saint Nicolas à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; LA CONDAMNE aux entiers dépens. Et ont signé le présent arrêt, Monsieur LIMOUJOUX, Président, et Mme X..., Greffier. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-644
Date de la décision : 13/12/2001

Analyses

PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Litiges nés à l'occasion du contrat de travail.

Un professeur exerçant dans un établissement privé sous contrat, bien que étrecruté par l'Etat, se trouve placé sous la subordination de cet établissement par l'intermédiaire du directeur d'établissement sous l'autorité duquel il est placé. Il s'ensuit que les différents nés à l'occasion de la relation de travail entre un maître et un établissement d'enseignement à statut de droit privé, relèvent de la juridiction prud'homale

TRAVAIL REGLEMENTATION - Congé sabbatique.

Selon les articles L. 122-32-17 et suivants du Code du travail, le bénéficiaire d'un congé sabbatique retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente à l'issue de la durée légale de ce congé. En cas de non reprise du travail par un salarié au terme d'un congé et à défaut de toute injonction de reprise du travail par l'employeur, il ne peut être déduit une quelconque démission de ce salarié, faute pour lui d'avoir manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner de son poste. Dès lors, le refus de l'employeur de réintégrer le salarié, même si la réintégration est sollicitée plusieurs mois après l'expiration du congé sabbatique, constitue un licenciement de fait ouvrant droit au salarié au bénéfice des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail


Références :

Articles L 122-14-4 et L 122-32-17 du Code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-12-13;2000.644 ?
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