Suivant acte du 14 mars 1995 la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE a donné à bail à Madame Renée X... un pavillon sis sur L'ISLE ADAM (92), 10, résidence de la Renardière, Avenue Jeanne Mérienne. Madame Renée X... a refusé de payer le supplément de charges locatives réclamé, dans un courrier daté du 27 Mars1998 par la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE et informant les locataires que les charges de 1997 avaient été régularisées. Par acte d'Huissier en date du 12 Novembre 1999 Madame Renée X... a fait opposition au commandement de payer délivré contre elle le 21 septembre 1999 par la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE et a assigné cette dernière devant le tribunal d'instance de PONTOISE aux fins de voir déclarer nul ce commandement, de dire inapplicable la clause résolutoire, de condamner la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE à produire sous astreinte de 2.000 francs par jour de retard :
- une copie du contrat de travail entre la SCI et M. Y... ( chargé par la SCI de l'entretient de la résidence ) ou tout contrat de prestation de service les liant. - le mode de répartition des charges locatives, l'état descriptif de division de la copropriété ainsi que le décompte précis des charges. Elle sollicite en outre la condamnation de la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE au paiement de 10. 000 francs au titre des dommages et intérêt et 6.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE a répondu que toutes les pièces justificatives avaient été tenues à la disposition de Madame Renée X... et que par conséquent le commandement de payer visant la clause résolutoire était valable. Reconventionnellement, la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE a sollicité le rejet des prétentions de Madame Renée X..., la constatation, par le Tribunal d'Instance de PONTOISE, de l'acquisition de la clause résolutoire, la condamnation de la locataire au paiement de 7.130 francs avec intérêt au taux légal à compter du 21 septembre 1999, date du commandement de payer et de 6.000 francs au titre de
l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile, le tout sous bénéfice de l'exécution provisoire. Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 19 Septembre 2000, le Tribunal d'Instance de PONTOISE a rendu la décision suivante: Déclarer valable le commandement de payer effectué le 24 Septembre 1999. Déboute Madame Renée X... de toutes ses demandes. Condamne Madame Renée X... à payer à la S.C.I. Résidence de L'ISLE la somme de 7.130 francs (1.086,97 Euros) à titre d'arriéré de charges, Dit que cette somme produira intérêt au taux légal à compter du 24 Septembre 1999, date du commandement de payer, Constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail du 14 Mars 1995 et la résiliation du bail liant les parties. En conséquence, ordonne l'expulsion de Monsieur X... et de tous occupants de son chef dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision en la forme habituelle et si besoin est avec l'assistance de la force publique et autorise le défendeur a séquestrer sur place ou à faire transporter les meubles et objets laissés dans les lieux par le demandeur au garde meuble le plus proche. Dit que Madame Renée X... devra quitter les lieux dans un délai d'un mois. Rejette la demande de la S.C.I. Résidence de L'ISLE au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne Madame Renée X... aux dépens. Par déclaration en date du 25 octobre 2000, Madame RENÉE X... a relevé appel de cette décision. Elle soutient en premier lieu que le commandement de payer du 24 septembre 1999 est nul, faute, pour la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE, d'avoir indiqué sur celui-ci la cause de la dette prétendue, cette omission ne permettant pas à l'appelante d'effectuer le règlement sollicité ou de pouvoir utilement le contester. Elle entend en outre voir écarter le jeu de la clause résolutoire, au motif que la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE l'aurait invoquée de mauvaise foi. Madame Renée X... souligne qu'elle a 84
ans, qu'elle s'est toujours acquittée de ses loyers et charges et que dès lors l'invocation de la clause résolutoire est disproportionnée au regard des sommes réclamées et qu'elle révèle par conséquent la mauvaise foi du bailleur. Elle estime enfin et à titre subsidiaire que le bailleur est mal fondé a réclamer ces sommes. Elle rappelle que lorsque les charges locatives donnent lieu au versement de provisions elles font l'objet d'une régularisation au moins annuelle, le bailleur devant, un mois avant cette régularisation, communiquer au locataire le décompte par nature des charges ainsi que le mode de répartition entre locataires. Selon l'appelante, ces dispositions n'ont pas été respectées et la justification tirée de l'emploi de M. Y... est erronée, puisque ce dernier travaille depuis 1993 dans la résidence. Par conséquent l'appelante demande en dernier à la Cour de: Recevoir Madame X... en son appel et l'y déclarer bien fondée; Y faire droit; En conséquence, infirmer la décision entreprise; Et statuant à nouveau; Dire et juger nul et de nul effet le commandement de payer qui lui a été délivré le 24 Septembre 1999; Dire et juger en tout état de cause que ne saurait être acquis à la S.C.I. RESIDENCE DE L'ISLE le jeu de la clause résolutoire du fait de sa mauvaise foi; Subsidiairement, pour le cas où le commandement serait considéré comme régulier, recevoir Madame X... en son opposition et l'y déclarer bien fondée; En conséquence, dire et juger non fondé le commandement de payer qui lui a été délivré le 24 Septembre 1999; Faire injonction, sous astreinte de 2.000 francs par jour de retard, à la S.C.I. RESIDENCE DE L'ISLE, de : - Fournir à Madame Renée X... une copie du contrat de travail en bonne et due forme entre la S.C.I. et M. Y... ou la Société Y..., - Ou tout contrat de prestation de services établi entre la S.C.I. RESIDENCE DE L'ISLE et M. Y... ou la Société Y..., et fixant la liste des tâches à accomplir, ainsi que leur fréquence; - De fournir le mode de répartition des charges
locatives et l'état descriptif de division de la copropriété, avec les millièmes de répartition des charges communes; - De fournir un décompte précis des charges, contenant particulièrement les différentes catégories de dépenses auxquelles les charges correspondent; - Condamner par ailleurs la S.C.I. RESIDENCE DE L'ISLE à payer à Madame X... la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice qui lui a fait subir, à 85 ans, l'action intempestive de la S.C.I. pour tenter d'obtenir son expulsion, en application de l'article 1382 du Code Civil; - Condamner enfin la S.C.I. RESIDENCE DE L'ISLE à payer à Madame X... la somme de 8.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. - La condamner aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par la S.C.P. DELCAIRE et BOITEAU, Avoués Association, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile . La SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE répond d'abord que le commandement de payer comportait toutes les mentions obligatoires dont celle de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et de l'article 6 de la loi du 31 mai 1990 et que la clause résolutoire était visée conformément à la loi du 6 janvier 1989. Elle estime encore que la mauvaise foi ne saurait être caractérisée par le seul caractère disproportionné de la somme réclamée et que dès lors l'acquisition de la clause doit être confirmée. L'intimé soutient donc la validité de son commandement de payer et réclame la condamnation de l'appelante au paiement des charges impayées avec intérêts de retard. Elle précise à ce sujet que les sommes réclamées étaient justifiées par l'annexion au courrier du 27 mars 1998 du relevé général des dépenses pour 1997 ce que Madame Renée X... ne pouvait prétendre ignorer, puisqu'elle a confirmé avoir reçu le "détail" (SCI) des charges dans un courrier adressé à la SCI RÉSIDENCE DE L'ISLE le 18 août 1998. L'intimé prie donc en dernier la
Cour de: Débouter Madame X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, En conséquence, Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 Septembre 2000 par le Tribunal d'Instance de PONTOISE en ce qu'il a :
- Déclarer le commandement valable et de valable effet, - Constate l'acquisition de la clause résolutoire, - Ordonne l'expulsion de Madame X... et de tous occupants de son chef et ce, avec l'assistance du Commissaire de Police et de la Force Armée s'il y a lieu; - Autorise la SCI RESIDENCE DE L'ISLE à séquestrer sur place ou à faire transporter les meubles et objet laissés dans les lieux par l'appelante au garde meuble le plus proche. B) VU L'ARTICLE 1728 DU CODE CIVIL Dire et juger que la locataire a contrevenu aux dispositions précitées, En conséquence, Confirmer également le jugement du Tribunal d'Instance de PONTOISE en ce qu'il a : Condamné Madame X... à payer à la SCI RESIDENCE DE L'ISLE la somme actualisée de 7.130 francs à titre d'arriérés de charges, Dit que cette somme produira intérêt au taux légal à compter du commandement en date du 24 Septembre 1999. C) VU L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE : Condamner Madame X... à verser à la SCI RESIDENCE DE L'ISLE la somme de 6.000 francs. D) VU L'ARTICLE 696 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE : Condamner Madame X... en tous les dépens, y compris les frais du commandement. Ordonner la distraction des dépens d'appel au profit de la S.C.P. GAS conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile . La clôture a été prononcée le 18 octobre 2001 et l'affaire appelée à l'audience du 6 novembre 2001 et plaidée par les deux parties.
SUR CE, LA COUR, I-) Considérant en ce qui concerne le commandement de payer du 24 Septembre 1999, que cet acte doit certes répondre aux
exigences de l'article 24 de la loi du 6 Juillet 1989 (en sa rédaction issue de la loi du 29 Juillet 1998), mais que, de plus, s'agissant d'un acte de nature contractuelle et procédurale, il devait être délivré de bonne foi, c'est-à-dire donc ici, en précisant à quel titre (loyers ou charges locatives) cette somme de 6.683,52 francs était réclamée et à quelles échéances (mois et années) elle comprendrait; Considérant que de telles précisions indispensables, n'ont pas été fournies dans cet acte qui n'indique pas s'il s'agit de loyers ou de charges locatives et qui ne mentionne aucune dates des échéances qui n'auraient pas été respectées; qu'il est donc patent que la S.C.I. bailleresse a manqué à son obligation d'information, loyale et complète de sa locataire (alors âgée de 83 ans), laquelle n'a pas été mise en mesure de connaître exactement les causes de ce commandement de payer et qui n'a pu, ainsi, être à même de prendre parti en temps utile et en toute connaissance de cause; que de plus, contrairement à ce que soutient l'intimée, ce commandement de payer (sa pièce nä4) ne s'accompagnait d'aucun justificatif des charges prétendument réclamées; Considérant que l'inobservation délibérée de ces formalités substantielles, contraire à toute bonne foi, a causé à Madame X... un grief certain et direct qui doit être sanctionné par la nullité de ce commandement de payer; que la Cour infirmant, prononce donc cette nullité; que la clause résolutoire n'est donc pas acquise au profit de la S.C.I. "RESIDENCE DE L'ISLE"; II-) Considérant que par voie de conséquence à cette nullité prononcée, toute l'argumentation développée par la S.C.I. au sujet du bien fondé de ses demandes devient surabondante et n'aura donc pas à être analysée; qu'il est certes exact que dans sa lettre du 18 Août 1998, Madame X... avait reconnu que le "détail" (sic) des charges lui avait été adressé le 27 Mars 1998, mais que cette lettre ne suffit pas à permettre de valider le commandement de payer du 24 Septembre
1999 dont il a été ci-dessus motivé qu'il ne comportait pas les mentions et précisions indispensables; qu'en tout état de cause, cette simple évocation d'un "détail de charges" communiqué en dehors de toutes autres précisions et preuves ne permet pas à la SCI d'établir que les exigences de l'article 23, dernier alinéa, de la loi du 6 Juillet 1986, avaient été respectées par elle; que notamment, la SCI ne démonte toujours pas qu'elle avait tenu à la disposition de Madame X... les pièces justificatives visées par cet article 23 de la loi; que cette intimée est donc déboutée de toutes ses demandes en paiement; III-) Considérant que, compte tenu de l'équité, il n'y a pas matière à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et que les parties sont donc déboutées de leurs demandes respectives en paiement, sur ce fondement; Considérant que certes, la SCI bailleresse succombe en ses moyens et en ses demandes, mais qu'il n'est pas pour autant démontré que son action serait "intempestive" comme le prétend l'appelant qui ne démonte ni faute de sa cocontractante, ni préjudice personnel, certain et direct, et qui est donc déboutée de sa demande en paiement de ce chef de 10.000 francs de dommages et intérêts; PAR CES MOTIFS, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : Vu l'article 1134 du Code Civil : Infirme en son entier le jugement déféré et statuant à nouveau: déboute la SCI RESIDENCE DE L'ISLE des fins de toutes ses demandes en paiement; Déboute Madame Renée X... de sa demande de dommages et intérêts; Condamne la SCI intimée à tous les dépens de 1ère Instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la S.C.P. d'Avoués DELCAIREetamp;BOITEAU conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et
ont signé le présent arret : Monsieur Alban CHAIX, Président, Madame Caroline DE Z..., qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,