La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2001 | FRANCE | N°2000-1750

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 décembre 2001, 2000-1750


Par acte du 28 novembre 1996, la S.A. AGF-ASSURANCES a notifié un congé pour vendre à Madame Blanca X... divorcée Y... preneur d'un appartement sis à NEUILLY SUR SEINE (92), 37, rue parmentier, et ce, en vertu de l'article 15-11 de la loi du 6 juillet 1989. Suivant acte d'huissier, en date du 15 avril 1998, la S.A. AGF-ASSURANCES a fait assigner Madame BLANCA X... divorcée Y... devant le tribunal d'instance de NEUILLY SUR SEINE aux fins de la voir condamner : - à être expulsée en exécution de ce congé pour vendre, - à payer en deniers ou quittances une indemnité d'occupation d'un

montant mensuel de 7.780,00 francs, charges en sus, - à paye...

Par acte du 28 novembre 1996, la S.A. AGF-ASSURANCES a notifié un congé pour vendre à Madame Blanca X... divorcée Y... preneur d'un appartement sis à NEUILLY SUR SEINE (92), 37, rue parmentier, et ce, en vertu de l'article 15-11 de la loi du 6 juillet 1989. Suivant acte d'huissier, en date du 15 avril 1998, la S.A. AGF-ASSURANCES a fait assigner Madame BLANCA X... divorcée Y... devant le tribunal d'instance de NEUILLY SUR SEINE aux fins de la voir condamner : - à être expulsée en exécution de ce congé pour vendre, - à payer en deniers ou quittances une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 7.780,00 francs, charges en sus, - à payer la somme de 7.500,00 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Le tout sous bénéfice de l'exécution provisoire. La S.A. AGF-ASSURANCES a invoqué le fait que Madame BLANCA X... divorcée Y... qui n'avait pas accepté l'offre d'achat formulée au congé était déchue de tout titre d'occupation. Madame BLANCA X... divorcée Y... a contesté la validité de ce congé aux motifs qu'il avait été délivré tardivement et que le prix de vente y énoncé était exorbitant, de telle sorte qu'elle serait évincée en fraude de ses droits. Elle a subsidiairement sollicité des délais pour restituer les lieux, en raison de difficultés de relogement et a prétendu au bénéfice de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à hauteur de 5.000,00 francs. Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 19 mai 1999, le tribunal d'instance de NEUILLY SUR SEINE a rendu la décision suivante : - Rejette les moyens de contestation opposés en défense ; - Déclare la S.A. AGF-Assurances fondée en son action en validation de congé, par application de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989; En conséquence : - Ordonne l'expulsion de Madame Blanca X..., divorcée Y..., et celle de tous occupants de son chef de l'appartement qu'elle occupe à Neuilly sur Seine, 37, rue Parmentier (7ème étage) et de ses

dépendances, avec le concours de la force publique et d'un serrurier en tant que de besoin dans les formes et conditions des articles 62 et suivants de la loi du 9 juillet 1991 ; - Condamne Madame Blanca X..., divorcée Y..., à payer en deniers ou quittances, à la demanderesse une indemnité d'occupation d'un montant mensuel égal au dernier prix du loyer contractuel, charges et taxes en sus, à compter rétroactivement du 1er octobre 1997 ; - Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ; - Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; - Condamne la défenderesse aux dépens. Par déclaration en date du 3 mars 2000, Madame Blanca X... divorcée Y... a relevé appel de cette décision. Elle estime, en premier lieu, que l'intention frauduleuse du bailleur est caracterisée par le prix exorbitant qu'il propose et par le fait qu'il n'avait entamé aucune démarche pour vendre l'appartement. A titre subsidiaire l'appelante demande des délais pour libérer les lieux en invoquant ses difficultés de relogement ainsi que l'ancienneté de sa location. Concernant le montant de l'indemnité d'occupation qui fait l'objet d'un appel incident aux fins d'en augmenter le montant, Madame Blanca X... divorcée Y... demande le maintient de la somme fixée par le premier juge et ce en raison de ses faibles capacités contributives. L'appelante demande donc à la Cour de : - Infirmer la décision dont appel, Et statuant à nouveau : - Débouter les AGF-ASSURANCES de ses demandes, fins et conclusions, les déclarant mal fondées. En conséquence : - Dire que le bail s'est trouvé tacitement reconduit le 1er octobre 1997, pour six ans. A titre subsidiaire : - Accorder à Madame Y... les plus larges délais pour libérer les lieux, eu égard à son état de santé, - Fixer le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle au montant du dernier loyer mensuel appelé, En tout état de cause : - Condamner les AGF ASSURANCES à payer à Madame Y... la somme de 8.000,00 francs sur le

fondement de l'article 700 du NCPC, - Les condamner aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, en application de l'article 699 du NCPC. La S.A. AGF-ASSURANCES aujourd'hui dénommée S.A. "AGF HOLDING", répond que le prix proposé, quand bien même il serait surévalué, ce qu'elle conteste, n'a pas pour conséquence de rendre le congé frauduleux. L'intimé soutient, en outre, que la recherche d'un autre acquéreur est bloquée par la présence dans les lieux de l'appelante. Dès lors, l'absence de démarches en vue de vente ne lui est pas imputable. Elle conteste encore l'octroi de délais d'expulsion, étant donné que le preneur a eu trois ans pour rechercher une solution de relogement. Enfin l'AGF HOLDING, par voie d'appel incident, demande la réévaluation de l'indemnité d'occupation, motif pris de la sous évaluation du loyer et du refus par Madame Blanca X... divorcée Y... de respecter son engagement de quitter les lieux. En conséquence l'AGF HOLDING prie la Cour de : - Donner acte à la concluante de sa nouvelle dénomination "AGF HOLDING" aux lieu et place D'AGF assurances ; - Débouter purement et simplement Madame X... divorcée Y... de son appel ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - Confirmer le jugement du 19 mai 1999, en ce qu'il a déclaré valable le congé notifié le 28 novembre 1996, pour le 30 septembre 1997, et en conséquence, ordonné l'expulsion de Madame X... divorcée Y... et celle de tous occupants de son chef des locaux qu'il concerne ; - Le réformer pour le surplus et, faisant droit à l'appel incident D'AGF HOLDING, condamner Madame X... divorcéd Y... à payer à AGF HOLDING, depuis le 1er octobre 1997 et jusqu'à libération de la totalité des locaux, une indemnité d'occupation de 7.780,00 francs (1.186,05 euros) par mois augmentée du remboursement des charges usuellement récupérables ; - Condamner Madame X... divorcée Y... à verser à

AGF HOLDING une indemnité de 10.000,00 francs (soit 1.524,49 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - Condamner Madame X... divorcée Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel que la SCP GAS, avoués, pourra récupérer directement par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. La clotûre a été prononcée le 7 juin 2001, et l'affaire appelée à l'audience du 8 novembre 2001 où elle a été plaidée pour les deux parties SUR CE, LA COUR, Considérant qu'il est certes exact qu'en droit, un congé pour vendre donné en application de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 pour un prix dissuasif, dans l'intention évidente d'empêcher le locataire d'exercer son droit légal de préemption peut constituer une fraude affectant cet acte juridique et pouvant donner lieu à l'annulation de ce dernier ; Mais considérant qu'il demeure que la fraude ne se présume pas et doit être prouvée par le locataire qui l'invoque ; qu'ici, la locataire, Madame X... divorcée Y..., argue principalement de ce que le prix de 27.727,00 francs le m2 qui lui avait été proposé dans le congé rectifié le 28 novembre 1996, était, selon elle, manifestement excessif et donc frauduleux ; qu'elle se borne à faire état d'indications très générales publiées en 1996 par le journal "Le Figaro", relatives à des prix moyens du marché immobilier, à Paris, qui, à l'époque, avaient été de 21.388,00 francs le m2 à Neuilly sur Seine, mais sans autres précisions sur les quartiers de cette commune, concernés par cette évaluation, alors qu'il est patent que cette commune -comme beaucoup d'autres ou beaucoup d'autres arrondissements de Paris ou d'autres grandes villes- comporte des rues, avenues et quartiers beaucoup plus recherchés et où les prix peuvent donc très normalement dépasser cette moyenne purement indicative ; que l'appelante n'a évoqué aucune référence à des ventes intervenues à l'époque (novembre 1996), dans

la rue PARMENTIER où se trouve l'immeuble litigieux, ou dans les rues voisines ou dans le même quartier, et pour des appartements ayant des caractéristiques similaires à celles de son appartement situé au septième étage, avec cave ; qu'il est évident que la valeur d'un appartement ne peut que s'apprécier concrètement, dans chaque cas, en tenant compte -outre la rue et le quartier- de la qualité et de l'époque de construction de l'immeuble, de l'état d'équipement de l'appartement, de sa surface, du nombre de ses pièces et de l'étage où il est situé ; Considérant qu'en la présente espèce, tous ces éléments d'appréciation ne sont pas fournis par l'appelante qui ne peut donc prétendre que le prix proposé de 27.727,00 francs le m2 était excessif et frauduleux ; Considérant par ailleurs, qu'il a été rapidement évident que cette locataire n'avait pas l'intention d'acquérir, qu'elle était donc susceptible d'être déchue de plein droit de tout titre d'occupation sur le local (article 15-II alinéa 2) et qu'il faudrait engager contre elle une action en justice pour faire ordonner son expulsion, ce qui a été fait à l'initiative de la bailleresse, dès le 15 avril 1998 ; qu'il était donc normal que, dans ce cadre contentieux et en raison du désaccord manifeste et persistant de Madame X... divorcée Y..., la S.A. AGF ASSURANCES qui se voyait ainsi obligée de subir les délais, souvent longs, inhérents à toute procédure civile devant un tribunal d'instance puis devant la Cour -et éventuellement devant la Cour de cassation- ait jugé prudent de ne pas donner prématurément un mandat de vente à un agent immobilier ; qu'une recherche affectée d'acquéreurs, dès 1997 ou 1998, était irréaliste, alors que cette locataire entendait se maintenir dans les lieux, même sans titre d'occupation sur ce local, et que tel est bien encore le cas, aujourd'hui encore, puisque l'intéressée réclame de surcroît des délais pour quitter les lieux; Considérant que la prétendue absence de diligences reprochée à la

propriétaire avait donc des motifs légitimes et ne démontre aucune fraude de sa part ni aucune absence de volonté effective de vendre alors que cette propriétaire a vendu déjà plusieurs appartements dans cet immeuble ; que l'appelante est donc déboutée des fins de tous ces moyens et de sa demande en nullité de ce congé pour vendre ; que celui-ci est donc validé et que le jugement est confirmé de ce chef et en ce qu'il a, à bon droit, ordonné l'expulsion de cette occupante sans droit ; Considérant que Madame X... divorcée Y... n'a fourni aucune précision ni justification sur sa profession (actuelle ou ancienne) ni sur ses revenus et ses impositions (sauf pour 2000 et 1999) ; qu'elle a de plus, déjà bénéficié, en fait, des plus larges délais, puisque le congé litigieux a été donné le 28 novembre 1996 et que cinq mois plus tard, elle est toujours dans les lieux, sans titre d'occupation et ce, après avoir bénéficié de délais accordés par la S.A. AGF-ASSURANCES ; que les deux certificats médicaux du 26 juin 1998 et du 10 octobre 1998 ne démontrent aucune raison impérieuse d'ordre médical pouvant justifier l'octroi de nouveaux délais ; que les conditions d'application de l'article L 613-1 du C..C.H. ne sont donc pas remplies et que rien n'établit que le relogement de l'appelante ne pouvait se faire dans des conditions normales, alors surtout que cette occupante sans titre ne fournit aucune preuve de ses recherches d'un nouveau logement ; qu'elle est par conséquent déboutée de sa demande en octroi de délais d'expulsion ; Considérant que compte tenu de l'équité, Madame X... divorcée Y... qui succombe en toutes ses demandes, est déboutée de sa demande en paiement de la somme de 8.000,00 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant, quant à l'appel incident, de la S.A. AGF HOLDING, qu'il y a lieu de modifier l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge et que les éléments d'appréciation soumis à la Cour lui permettent de fixer

celle-ci à 6.000,00 francs (SIX MILLE FRANCS) par mois, et ce à compter du 1er octobre 1997, date d'effet du congé validé et jusqu'à libération complète et définitive des lieux, les charges locatives n'étant plus dues en sus, puisque ces charges supposent nécessairement l'existence d'un bail, ce qui n'est plus le cas, ici, ou Madame X... divorcée Y... est désormais occupante sans titre; Considérant, de plus, que compte tenu de l'équité, l'appelante est condamnée à payer à la S.A. intimée la somme de 8.000,00 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, La Cour statuant publiquement et contradictoirement : Vu l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 : - Déboute Madame Blanca X... divorcée Y... des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ; - Confirme le jugement en ses dispositions relatives à la validation du congé pour vendre et à l'expulsion de Madame X... divorcée Y... ; Modifiant et y ajoutant : - Condamne l'appelante à payer à la S.A. AGF-HOLDING une indemnité d'occupation de 6.000,00 francs (914,69 euros) par mois, à compter du 1er octobre 1997, les charges locatives n'étant plus dues en sus ; - Condamne l'appelante à payer à l'intimée la somme de 8.000,00 francs ( 1 219,59 euros) en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - Condamne Madame X... divorcée Y... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'avoués GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Et ont signé le présent arrêt :

Monsieur Alban CHAIX, Président, Madame Z... de GUINAUMONT, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-1750
Date de la décision : 07/12/2001

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Congé - Congé pour vendre - Prix de l'offre - Estimation - Caractère exorbitant et intention frauduleuse du bailleur

La délivrance d'un congé pour vendre assorti d'un prix dissuasif destiné à mettre en échec l'exercice du droit légal de préemption du locataire, peut être constitutif d'une fraude de nature à entraîner la nullité du congé. Néanmoins, il incombe au locataire qui invoque la nullité du congé, de rapporter la preuve de cette fraude. Lorsqu'un locataire ayant reçu un congé pour vendre ne manifeste pas l'intention d'acquérir mais prétend se maintenir dans les lieux, le bailleur a la possibilité de rechercher un acquéreur avant même l'aboutissement de la procédure d'expulsion sans que cette recherche ne soit constitutive d'une fraude.


Références :

Loi du 6 juillet 1989 article 15 II

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-12-07;2000.1750 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award