Par suite de la publication dans l'hebdomadaire L'EVENEMENT DU JEUDI d'une série d'articles consacrés à des ventes d'armes en ANGOLA, Monsieur Arcadi X... a fait assigner l'auteur de ces articles, le journaliste Serge Y..., devant le Tribunal correctionnel de PARIS, lui faisant grief de s'être rendu coupable du délit de diffamation publique envers un particulier. A titre d'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, Monsieur Y... a notamment produit des extraits d'une conversation qui a eu lieu le 26 septembre 1996, dans le cabinet de l'avocat de Monsieur X..., en vue de la publication des articles litigieux, et qui s'est déroulée entre Monsieur X... et son conseil, Monsieur Y... et deux autres journalistes. Faisant valoir que les extraits de l'entretien proviennent d'un enregistrement réalisé à son insu par Monsieur Y... à l'aide d'un magnétophone dissimulé dans un sac, Monsieur X... a fait assigner celui-ci par acte du 10 décembre 1997 devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE sollicitant sa condamnation, sur le fondement des articles 9 et 1382 du code civil, au paiement de la somme de 500.000F à titre de dommages et intérêts et de la somme de 30.000F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement du 24 novembre 1998, le Tribunal, rejetant le moyen tiré de l'immunité judiciaire de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 opposé par Monsieur Y... et estimant que l'enregistrement de l'entretien à l'insu de Monsieur X... n'est pas constitutif d'une violation de l'article 9 du code civil dés lors que les extraits produits ne contiennent aucun élément relatif à la vie privée de l'intéressé, mais qu'en revanche un tel procédé, particulièrement déloyal, est constitutif d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil, a condamné Monsieur Y... à payer à Monsieur X... une somme de 30.000F à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 10.000F au titre de l'article 700 du
Nouveau Code de Procédure Civile. Appelant, Monsieur Y..., aux termes de ses dernières écritures signifiées le 20 avril 1999 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour, en statuant à nouveau, de débouter Monsieur X... de toutes des demandes et de le condamner au paiement de la somme de 20.000F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'en tout les dépens dont distraction au profit de l'avoué constitué. Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 28 février 2000 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, Monsieur X... conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur Y... à lui payer la somme de 30.000F sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et, formant appel incident sur les dispositions du jugement relatives à l'article 9 du code civil, demande à la Cour, en statuant à nouveau, de dire que Monsieur Y... a également violé les dispositions de l'article 9 du code civil en enregistrant sans autorisation ses propos au domicile de son avocat et en tentant de les utiliser à son encontre à l'occasion d'un litige et de la condamner en conséquence au paiement de la somme de 500.000F à titre de dommages et intérêts, sur le fondement tant des dispositions de l'article 1382 que de celles de l'article 9 du code civil, sollicitant en outre le paiement de la somme de 30.000F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la condamnation de Monsieur Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de l'avoué constitué. SUR CE SUR L'IMMUNITE LIEE AUX DISPOSITIONS DES ARTICLES 41 DE LA LOI SUR LA PRESSE ET 10 DE LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME Considérant que l'immunité instituée par l'article 41 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 ne vise que les actions en diffamation, injure
et outrage et ne prive donc pas Monsieur X... de la faculté d'engager une action civile fondée sur les articles 9 et 1382 du code civil, étant rappelé que la loi du 29 juillet 1881 est une loi pénale, donc d'interprétation stricte ; qu'il sera en outre observé que si l'article 10 de la Convention Europeenne des droits de l'Homme consacre dans son alinéa 1er la liberté d'expression qui comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou communiquer des informations, il rappelle dans son deuxième alinéa que l'exercice de ces libertés comportant des devoir et des obligations peut être soumis à certaines conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi ; que la décision entreprise sera donc confirmée de ce chef ; SUR L'EXISTENCE D'UNE FAUTE AU SENS DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL Considérant que Monsieur Y... soutient qu'il ne peut être admis qu'au seul prétexte que les faits sont insusceptibles d'être analysés comme une violation de l'article 9 du code civil, le défendeur puisse invoquer l'article 1382 du code civil et faire ainsi échec à la volonté du législateur qui a entendu n'interdire que certains comportements ; que toutefois, ce ne sont pas les mêmes faits qui sont poursuivis sur le fondement de l'article 9 du code civil et de l'article 1382 du même code; qu'en effet, les faits poursuivis sur le fondement de l'article 9 du code civil sont ceux qui sont susceptibles de constituer une atteinte à la vie privée, tel des révélations sur la vie personnelle ou sentimentale, la santé ou encore une atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'en revanche, ceux poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du code civil concernent essentiellement le comportement, les méthodes utilisées par le journaliste pour recueillir les éléments utiles à son article, peu important que ceux-ci soient ou non attentatoires à la vie privée ; que le grief n'et donc pas fondé ; Considérant que Monsieur Y... soutient encore que le procédé consistant pour un journaliste à
l'enregistrement d'une conversation n'est pas spécialement déloyal et qu'il est le meilleur moyen pour éviter toute erreur de retranscription des propos tenus et pour rester fidèle à la pensée des interlocuteurs rencontrés ; que toutefois, ce qui est reproché à Monsieur Y..., ce n'est pas l'enregistrement d'une conversation, mais le fait d'avoir procédé à cet enregistrement clandestinement, sans l'autorisation préalable de Monsieur X... à son insu, et en dissimulant le magnétophone dans sa serviette, de telle sorte que celui-ci ne puisse s'apercevoir que ses propos étaient enregistrés ; que si, à l'évidence, l'enregistrement d'une conversation n'est pas déloyal quand il est fait avec l'autorisation et au su de la personne concernée, en revanche, le fait d'enregistrer les propos de cette personne à son insu, même dans le cadre d'un interview, procède d'une particulière déloyauté et révèle un curieux sens de l'éthique de la profession de journaliste ; qu'un tel enregistrement clandestin est fautif au sens de l'article 1382 du code civil et ouvre droit, pour la victime, à réparation, étant observé qu'il ressort du dossier les éléments suffisants permettant de dire que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi de ce fait par Monsieur X... ; que la décision entreprise sera donc confirmée de ce chef ; SUR L'ATTEINTE A LA VIE PRIVEE Considérant que la transcription de l'enregistrement litigieux ne révèle aucun fait ayant trait à la vie privée de Monsieur X... ; qu'en effet, il y est fait état de ses activités d'hommes d'affaires, de ses méthodes de travail, de sa conception des affaires, de ses relations professionnelles ainsi que de considérations générales sur la mafia russe, étant observé que seules sont abordées ses relations d'homme d'affaires et que le passage relatif à l'hébergement d'un Russe pendant son séjour à PARIS, à la demande d'un ami russe, ne contient, contrairement à ce qu'il soutient, aucune révélation sur ses relations amicales privées
ni sur ses activités politiques ; Considérant en outre que l'entretien entre Monsieur X... et Monsieur Y... a eu lieu à l'initiative de Monsieur X..., en présence de son avocat et de deux autres journalistes, dans les locaux professionnels de l'avocat de Monsieur X... ; qu'il s'agit d'un entretien professionnel, qui n'a pas eu lieu au domicile personnel de Monsieur X... mais dans des locaux professionnels dans lesquels Monsieur Y... avait été invité à venir, lesdits locaux ne bénéficiant pas de la protection attachée au domicile privé ; qu'enfin, c'est vainement que Monsieur X... soutient qu'un entretien tenu dans un cabinet d'avocat est protégé par la confidentialité qui s'attache à ce lieu, étant observé que Monsieur Z... a choisi ce lieu en sachant que Monsieur Y... avait l'intention d'écrire un article à son sujet et donc que les propos échangés ne seraient pas confidentiels ; qu'il s'ensuit que la décision entreprise sera également confirmée de ce chef ; SUR LES AUTRES CHEFS DE DEMANDE Considérant que Monsieur Y... qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel ; que pour des raisons tenant à l'équité, il sera condamné à indemniser Monsieur X... des frais non répétibles exposés par celui-ci en appel à concurrence de la somme de 10.000F ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DÉCLARE l'appel principal et l'appel incident recevables mais non fondés, CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions Y AJOUTANT, CONDAMNE Monsieur A... à payer à Monsieur X... la somme de 10.000F (soit 1524,49 Euros) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, DÉBOUTE les parties de toutes demandes autres ou plus amples, CONDAMNE Monsieur Y... aux entiers dépens de l'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Sylvie RENOULT
Francine BARDY