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29/11/2001 | FRANCE | N°1998-8300

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 novembre 2001, 1998-8300


La SA THOMSON CONSUMER ELECTRONICS FRANCE a confié à la SA TRANSPORTS VIALLE et FILS l'acheminement d'un lot de 150 postes de télévision de CELLE en ALLEMAGNE à destination de SAVIGNY LE TEMPLE en FRANCE. La société VIALLE et FILS s'est adressée à la SARL TRANS INTER TRANSPORTS pour réaliser le transport effectué sous couvert d'une lettre de voiture internationale - CMR- en date du 09 décembre 1994. L'ensemble routier contenant les marchandises transportées a été volé pendant la fin de semaine du 10 au 11 décembre 1994 alors qu'il avait été stationné sur le parking de la so

ciété TRANS INTER à TATINGHEM (62). Le préjudice subi par la sociét...

La SA THOMSON CONSUMER ELECTRONICS FRANCE a confié à la SA TRANSPORTS VIALLE et FILS l'acheminement d'un lot de 150 postes de télévision de CELLE en ALLEMAGNE à destination de SAVIGNY LE TEMPLE en FRANCE. La société VIALLE et FILS s'est adressée à la SARL TRANS INTER TRANSPORTS pour réaliser le transport effectué sous couvert d'une lettre de voiture internationale - CMR- en date du 09 décembre 1994. L'ensemble routier contenant les marchandises transportées a été volé pendant la fin de semaine du 10 au 11 décembre 1994 alors qu'il avait été stationné sur le parking de la société TRANS INTER à TATINGHEM (62). Le préjudice subi par la société THOMSON a été évalué à 732.000 francs et indemnisé par ses assureurs à hauteur de 432.000 francs, une franchise de 300.000 francs étant restée à sa charge. Les compagnies d'assurances ALLIANZ VIA, NAVIGATION et TRANSPORTS, COMMERCIAL UNION, GAN, MUTUELLES DU MANS, NORWICH UNION, REUNION EUROPEENNE, AIG EUROPE, GAN, LE CONTINENT, PFA, CAMAT, LA NEUCHATELOISE et RHONE MEDITERRANEE ainsi que la société THOMSON ont assigné, le 07 décembre 1995, les sociétés VIALLE ET FILS, TRANS INTER TRANSPORTS, HELVETIA ASSURANCES et SEINE et RHONE en paiement respectif des sommes précitées devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE. La société VIALLE et FILS et la Compagnie HELVETIA ont appelé en garantie le 18 décembre 1995 les sociétés TRANS INTER, SEINE ET RHONE et UNI EUROPE venant aux droits de cette dernière. La compagnie UNI EUROPE, apéritrice de la co-assurance de la société THOMSON, est intervenue volontairement à l'instance le 15 novembre 1996. La société THOMSON et ses assureurs ont attrait en cause, les compagnies LLOYD'S DE LONDRES, CIAM et RHONE MEDITERRANEE, assureurs de la société VIALLE et FILS le 31 octobre 1996. Par jugement rendu le 09 juillet 1998, cette juridiction a déclaré les treize compagnies d'assurance irrecevables pour défaut de qualité à agir, donné acte à la compagnie AXA GLOBAL RISKS de ce qu'elle venait aux droits des

compagnies UNI EUROPE et SEINE ET RHONE, dit l'action de la compagnie AXA GLOBAL RISKS apéritrice prescrite à l'égard de la société VIALLE en application de l'article 108 du Code de Commerce, condamné la société VIALLE et FILS à régler à la société THOMSON la somme de 300.000 francs avec intérêts légaux à compter de l'acte introductif d'instance du 08 décembre 1995 et la société TRANS INTER à verser à la compagnie AXA GLOBAL RISKS la somme de 432.000 francs avec intérêts légaux à partir du 31 octobre 1996, ordonné la capitalisation des intérêts, dit que la compagnie AXA GLOBAL RISKS devrait garantir la société TRANS INTER à concurrence de 70 % des condamnations, ordonné l'exécution provisoire, alloué à la société VIALLE et FILS une indemnité de 15.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné "solidairement" la société TRANS INTER et son assureur, la compagnie AXA GLOBAL RISKS aux dépens. Appelante de cette décision, la société TRANS INTER conteste qu'une faute lourde lui soit opposable en faisant état du stationnement du véhicule en cause fermé à clef sur une aire de parking privé et sûre et de l'ignorance du chauffeur de la valeur des marchandises transportées. Elle en déduit que l'action de la compagnie devenue AXA GLOBAL RISKS dirigée à son encontre est prescrite en application du délai d'un an stipulé à l'article 32 de la CMR. Elle revendique, en toute hypothèse, la limitation de l'indemnité prévue par l'article 23-3 de la CMR en affirmant que le poids total de la cargaison ne pouvait excéder 7.350 kgs. Elle estime devoir bénéficier de la garantie d'assurance à 100 % de la part de son assureur la compagnie AXA GLOBAL RISKS en soutenant que l'exclusion dont celle-ci se prévaut n'est pas formelle, ni limitée, que l'assureur n'a pas appelé son attention sur les conditions particulières de la police et que le caractère prétendument insuffisant du dispositif litigieux aurait dû être soulevé par

l'agent d'assurance. Elle demande, en conséquence, à la Cour de déclarer l'action introduite par la compagnie UNI EUROPE prescrite, de la décharger des condamnations intervenues à son détriment, subsidiairement, de les limiter à 61.225,50 DTS et dans tous les cas, de dire que la compagnie AXA GLOBAL RISKS lui devra une garantie intégrale de toute condamnation prononcée à son encontre. Elle réclame, en outre, une indemnité de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société VIALLE et FILS et ses co-assureurs la compagnie HELVETIA ainsi que la société LLOYD'S de LONDRES et la CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCES MUTUELLES -CIAM- intervenantes volontaires, en qualité de co-assureurs de la police d'assurance responsabilité marchandises, font valoir que la société VIALLE et FILS n'a pas effectué le transport des appareils THOMSON elle-même, mais s'est substituée de bout en bout la société TRANS INTER et que le tribunal a retenu, à juste titre, sa qualité de commissionnaire de transport ainsi que l'exception de prescription soulevée sur le fondement de l'article L 133-6 du Code de Commerce applicable aux rapports entre les sociétés THOMSON et VIALLE. Elles démentent toute faute lourde du voiturier TRANS INTER dont la preuve n'est pas, selon elles, rapportée par la société THOMSON et ses assureurs. Elles affirment que la limitation d'indemnité à 300.000 francs prévue au contrat du 27 mars 1994 a vocation à s'appliquer en l'espèce et qu'en tout cas, l'indemnité ne peut excéder celle encourue par le voiturier substitué TRANS INTER en vertu de l'article 23 de la CMR et si la faute lourde devait être admise la valeur de la facture de 732.000 francs. Elles considèrent que la société VIALLE doit être garantie par la société TRANS INTER mais aussi par son assureur la compagnie AXA GLOBAL RISKS ce qu'ont omis les premiers juges, en relevant que cet assureur n'est pas fondé à prétendre limiter sa garantie selon une argumentation similaire à

celle développée par la société TRANS INTER. Elles concluent donc à la confirmation du jugement attaqué en ses dispositions concernant la prescription de l'action de la société AXA GLOBAL RISKS et l'irrecevabilité de l'action des 13 co-assureurs de la société THOMSON et en tout cas, à leur recevabilité qu'à concurrence de leur quote part dans la co-assurance soit 78 %. Formant appel incident, elles sollicitent le rejet de la qualification de faute lourde du transporteur, la limitation de l'indemnité à 300.000 francs soit à due proportion 122.950 francs pour la société THOMSON, 138.100 francs pour les co-assureurs ALLIANZ et autres et très subsidiairement si sa demande était jugée recevable à l'égard de la société VIALLE 38.950 francs pour la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS, subsidiairement, à 496.936,15 francs (61.225,50 DTS x 8,11649 cours du jour du jugement du 09 juillet 1998) soit respectivement 203.661,05 francs et 228.755,03 francs pour la société THOMSON et les co-assureurs ALLIANZ VIA et le cas échéant, 64.520,05 francs pour la société AXA CORPORATE SOLUTIONS et très subsidiairement à 732.000 francs soit proportionnellement 300.000 francs pour la société THOMSON et 336.960 francs pour les co-assureurs et éventuellement 95.040 francs pour la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS. Elles réclament le débouté de la société THOMSON et de ses assureurs pour le surplus et la restitution du trop perçu par l'effet de l'exécution provisoire. Elles demandent aussi à la Cour de dire que l'indemnité incombant éventuellement aux compagnies HELVETIA, LLOYD'S de LONDRES et CIAM, co-assureurs au titre de la police responsabilité marchandises transportées souscrite par la société VIALLE ne peut excéder respectivement 70 %, 10 % et 10 % du montant de l'indemnité mise à la charge de leur assurée sans solidarité entre elles. Elles sollicitent encore leur garantie intégrale par la société TRANS INTER et son assureur la société AXA GLOBAL RISKS conjointement et in solidum outre une indemnité de

50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société THOMSON MULTIMEDIA, aux droits de la société THOMSON CONSUMER ELECTRONICS MARKETING et ses co-assureurs, dont les compagnies AXA CORPORATE SOLUTIONS aux droits d'UNI EUROPE et de la REUNION EUROPEENNE, AGF IART aux droits d'ALLIANZ VIA, GROUPAMA TRANSPORT aux droits de NAVIGATION ET TRANSPORTS, CGU COURTAGE aux droits de COMMERCIAL UNION, AGF MAT aux droits de PFA et de CAMAT, WINTERTHUR aux droits de la NEUCHATELOISE, et GPE ASSURANCE EUROPEENNE aux droits de RHONE MEDITERRANEE outre les autres compagnies n'ayant pas subi de modification, soutiennent que le tribunal a retenu à juste titre la faute lourde de la société TRANS INTER au vu des constatations de l'expert Monsieur X... et par voie de conséquence, déclaré recevable l'action de la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS aux droits de la société UNI EUROPE compte tenu du délai de trois ans prescrit dans ce cas par l'article 32-2 de la CMR ainsi que rejeté les limitations de responsabilité en application de l'article 29 de la CMR. Elles contestent, en revanche, l'intervention en qualité de commissionnaire de transport de la société VIALLE, laquelle chargée conventionnellement de réaliser le transport en cause était bien selon elles le transporteur en figurant comme tel sur la lettre de voiture internationale et en déduisent que l'action initiée par la société UNI EUROPE, apéritrice, est recevable. Elles ajoutent que la société VIALLE et son assureur HELVETIA doivent être tenues d'indemniser la perte de la marchandise sur la base de leur valeur suivant facture comme le stipule le contrat dans le cas de vol en relevant que la compagnie HELVETIA, apéritrice, doit régler la totalité de l'indemnité d'assurance. Elles prétendent que la clause invoquée par la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS, assureur de la société TRANS INTER, s'analyse en une exclusion de garantie et non en une condition de garantie dont

celle-ci ne rapporte pas la preuve en l'espèce. Elles soulignent que si la limitation de responsabilité prévue par l'article 23-3 de la CMR devait être accordée à la société VIALLE et à son substitué la société TRANS INTER celle-ci devait être calculée en fonction d'un poids de 11.100 kgs et non de 7.350 kgs. Elles concluent, en conséquence, à la confirmation de la décision attaquée des chefs des condamnations intervenues en faveur des sociétés THOMSON et AXA CORPORATE SOLUTIONS et de la capitalisation des intérêts. Elles réclament, par voie d'appel incident, la condamnation in solidum des sociétés VIALLE, TRANS INTER, HELVETIA, LLOYD'S de LONDRES, CIAM et AXA CORPORATE SOLUTIONS à verser aux co-assureurs la somme de 432.000 francs outre intérêts au taux de 5 % l'an conformément à l'article 27 de la CMR à compter de la subrogation du 05 mai 1995 et à la société THOMSON MULTIMEDIA celle de 300.000 francs avec intérêts aux mêmes taux et fondement depuis l'assignation du 06 décembre 1995 et leur capitalisation, et subsidiairement la somme de 92.463 DTS avec intérêts au taux de 5 % l'an selon l'article précité capitalisés. Elles sollicitent aussi une indemnité de 50.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, aux droits de la société AXA GLOBAL RISKS, en tant qu'assureur de la société TRANS INTER oppose qu'en l'absence de faute lourde commise par ce transporteur la prescription annale encourue est acquise en sorte que l'action de la compagnie UNI EUROPE n'est pas recevable. Elle fait valoir que la demande de la société THOMSON qui doit être considérée comme totalement indemnisée de son préjudice, n'est pas fondée. Elle oppose qu'à supposer même la faute lourde retenue, le montant de l'indemnité due ne peut être supérieure à l'évaluation forfaitaire de 300.000 francs stipulée dans le contrat du 27 mars 1994 conclu entre la société THOMSON et le transporteur, opposable à la compagnie UNI EUROPE. Elle estime que

les premiers juges ont procédé à une exacte interprétation des termes de la police d'assurance souscrite par la société TRANS INTER quant à la franchise applicable en relevant que cette dernière ne justifie pas avoir rempli les trois conditions cumulatives exigées pour obtenir une garantie totale à défaut d'établir avoir équipé le véhicule litigieux d'un système préventif complémentaire agrée par l'assureur et qu'il était gardé. Appelante incidente, elle demande l'infirmation du jugement entrepris, le débouté des sociétés UNI EUROPE, ALLIANZ VIA ASSURANCES et THOMSON de leurs actions dirigées à son encontre, subsidiairement, la limitation de l'indemnisation à 300.000 francs dont 210.000 francs à sa charge et dans tous les cas une indemnité de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE L'ARRET : [* SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DES TREIZE CO-ASSUREURS DE LA SOCIÉTÉ THOMSON :

Considérant que la société THOMSON a souscrit le 23 juin 1992 une police collective à quittance unique dont l'avenant attribue la qualité d'apéritrice à la compagnie UNI EUROPE devenue AXA CORPORATE SOLUTIONS avec une quote part de 22 %, les treize autres co-assureurs en ayant une de 78 % ; considérant que la compagnie apéritrice étant investie d'un mandat de représentation des co-assureurs et se trouvant l'unique subrogée dans les droits de la société THOMSON, après versement de l'indemnité d'assurance de 432.000 francs selon quittance du 05 mai 1995 est seule en droit d'agir au titre du sinistre en cause couvert par la co-assurance ; que le tribunal a donc déclaré, à juste titre, les autres assureurs irrecevables pour défaut de qualité à agir. *] SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DE LA COMPAGNIE AXA APÉRITRICE DE LA CO-ASSURANCE DE LA SOCIÉTÉ THOMSON À L'ENCONTRE DE LA SOCIÉTÉ VIALLE ET DE SES CO-ASSUREURS LES COMPAGNIES HELVETIA, LLOYD'S DE LONDRES ET CIAM : Considérant certes que par contrat conclu le 27 mars 1994, la société THOMSON a retenu la

société VIALLE pour effectuer dix huit transports sur des relations nationales et internationales dont celui ayant généré la perte de marchandises en question ; considérant toutefois que la commune intention des parties n'a pas été de charger personnellement et exclusivement la société VIALLE de l'exécution de ces transports, puisque l'affrètement a été expressément prévu dans cette convention selon la disposition non équivoque suivante : "LES TRANSPORTEURS DEVRONT CONFIRMER PAR FAX À L'USINE LE JOUR MÊME LES NUMÉROS D'IMMATRICULATION DES CAMIONS ET LES NOMS DES TRANSPORTEURS CONCERNÉS (EN CAS DE SOUS-TRAITANCE)" ; considérant que si le nom dactylographié de VIALLE figure sur la lettre de voiture internationale, le cachet commercial de cette société n'y a pas été apposé et celle-ci a été signée par le chauffeur de la société TRANS INTER ainsi que l'ont reconnu la société THOMSON et ses assureurs dans leurs conclusions d'appel tandis que le numéro d'immatriculation du véhicule qui y a été inscrit - 266 MK 62- est celui de l'ensemble routier de la société TRANS INTER comme l'atteste la déclaration de vol effectuée auprès des services de police ; considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 9 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route dite -CMR- applicable en l'espèce s'agissant d'un transport routier devant être exécuté depuis l'ALLEMAGNE à destination de la FRANCE, la lettre de voiture fait foi jusqu'à preuve contraire des conditions du contrat et de la réception de la marchandise par le transporteur ; or, considérant qu'il s'infère des éléments des débats et qu'il n'est pas discuté que la société TRANS INTER s'est vu confier par la société VIALLE la réalisation du transport de bout en bout et a été seul voiturier jusqu'à la survenance du vol des marchandises ; considérant que la société VIALLE qui s'est ainsi substituée la société TRANS INTER pour exécuter la totalité du

transport est bien intervenue, en l'espèce, en qualité de commissaire de transport, qu'elle peut opposer à son donneur d'ordre THOMSON dès lors qu'elle ne s'est pas présentée, ni n'a traité en tant que voiturier étant absente sur le lieu de l'enlèvement et que l'affrètement était contractuellement prévu ; considérant que la CMR ne régissant pas le contrat de commission de transport soumis au droit national, la prescription annale de l'article 108 devenue L 133-6 du Code de Commerce est seule applicable à l'action intentée par la Compagnie AXA, subrogée dans les droits de l'expéditeur, contre le commissionnaire VIALLE ; considérant que la livraison aurait dû être effectuée le 12 décembre 1994, en sorte que la prescription a été acquise le 12 décembre 1995 et que l'action engagée par la compagnie AXA les 31 octobre 1996 et 15 novembre 1996 est irrecevable comme l'ont retenu, à bon droit, les premiers juges. * SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DE LA COMPAGNIE AXA EN QUALITÉ D'APÉRITRICE DE LA CO-ASSURANCE DE LA SOCIÉTÉ THOMSON À L'ENCONTRE DE LA SOCIÉTÉ TRANS INTER ET DE SON ASSUREUR LA COMPAGNIE AXA :

Considérant qu'il résulte des procès-verbaux et de l'enquête effectuée par Monsieur X..., mandaté par la compagnie UNI EUROPE, que la semi-remorque contenant 150 téléviseurs attelée au tracteur routier avait été stationnée durant un week-end dans la cour de la société TRANS INTER du vendredi 10 octobre 1994 à 18 H 40 au dimanche 11 octobre suivant à 20 Heures où le vol a été découvert ; considérant que la société TRANS INTER est implantée dans la zone artisanale de TATINGHEM (62) ; que son accès s'opère par deux issues qui ne sont fermées par aucun dispositif, portail, barrière, chaîne ou autre ; que l'unique bâtiment abrite à la fois les bureaux et ateliers qui ne peuvent recevoir les remorques chargées ; que l'ensemble du bâtiment n'est pas sous le contrôle d'un système d'alarme ou de télésurveillance, ni muni d'un dispositif

anti-intrusion ; qu'il n'est nullement établi que le locataire de la société TRANS INTER habitant à près de cent mètres du parking ait été effectivement chargé d'une mission quelconque de gardiennage ; considérant ainsi que la société TRANS INTER qui a décidé de laisser stationner le camion et sa remorque attelée dans une propriété privée non close, ni gardée et dépourvue de tout système de sécurité durant trois nuits alors qu'elle n'ignorait pas la nature du chargement constitué d'un nombre important de téléviseurs aisément commercialisables puisque la lettre de voiture CMR en comportait la mention et que son représentant en a fait la déclaration à la police après avoir constaté le vol et que celui-ci était placé dans une remorque simplement bâchée, a commis des négligences d'une extrême gravité confinant au dol et démontrant son inaptitude à accomplir la mission qu'il a accepté, constitutive d'une faute lourde ; considérant qu'eu égard à la faute lourde du voiturier, l'action née du contrat de transport au titre de la perte totale des marchandises se prescrit par trois ans en application de l'article 32-2 de la CMR dont le point de départ est 60 jours après la prise en charge des biens, intervenue le 09 décembre 1994 ; que l'action de la compagnie AXA, es-qualités d'apéritrice ayant été initiée les 31 octobre 1996 et 15 novembre 1996 avant le terme du délai, le 09 février 1998, s'avère dès lors recevable. * SUR LA DEMANDE DE LA SOCIÉTÉ THOMSON :

Considérant que sa recevabilité n'est pas discutée ; considérant que la société TRANS INTER est responsable de la perte des téléviseurs en application de l'article 17 de la CMR et du préjudice qui en est résulté pour la société THOMSON ; que la société VIALLE en qualité de commissionnaire est garant de son substitué ; considérant que les sociétés VIALLE et TRANS INTER et leurs assureurs ne peuvent prétendre que l'indemnisation globale devrait être limitée à 300.000 francs en vertu du contrat du 27 mars 1994, lequel vise dans ce cas

l'hypothèse d'un "whole high jacking" signifiant d'après les traductions versées aux débats le vol armé d'un véhicule et de son contenu, ou son détournement par des pirates de la route qui ne correspond nullement aux circonstances dans lesquelles le vol a été perpétré alors qu'en outre, cette convention renferme une clause spécifique pour le vol et les pièces manquantes stipulant une indemnité en fonction de la valeur des biens transportées suivant facture et qu'en raison de la faute lourde du transporteur toute limitation de responsabilité est exclue conformément aux dispositions combinées des articles 29 et 41 de la CMR ; considérant que la société THOMSON est donc en droit de revendiquer la somme de 300.000 francs représentant le montant de la franchise laissée à sa charge majorée des intérêts au taux de 5 % en application de l'article 27 de la CMR à compter des assignations des 07 et 08 décembre 1995 capitalisés en vertu de l'article 1154 du Code Civil depuis la première demande par conclusions du 27 avril 1998 ; considérant que la société THOMSON tout en indiquant être fondée à solliciter la condamnation de la seule compagnie HELVETIA apéritrice à la police souscrite par la société VIALLE réclame, en définitive, dans le dispositif de ses écritures celle in solidum des trois assureurs en cause qui sera donc prononcée dans leurs limites respectives du contrat d'assurance ; considérant, en revanche, que la garantie de la compagnie AXA en tant qu'assureur de la société TRANS INTER ne peut être recherchée qu'à concurrence de 70 % ; considérant, en effet, qu'il résulte des conditions particulières de la police souscrite par la société TRANS INTER, qu'en cas de vol de véhicule survenu dans l'entreprise la nuit, en fin de semaine, ou les jours fermés aux heures de fermeture la garantie est limitée à 70 % sauf justification par l'assuré d'avoir satisfait à trois conditions cumulatives tenant à ce que le véhicule dispose d'un antivol agréé enclenché, qu'il soit

fermé à clef et soit équipé d'un système préventif complémentaire agréé par l'assureur ; considérant qu'une telle clause ne peut s'analyser en une exclusion de garantie qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque mais constitue une condition de la garantie ; Qu'il suit de là qu'il appartient à celui qui en demande l'exécution de rapporter la preuve de la réunion de telles conditions ; or considérant que s'il n'est pas discuté que les deux premières conditions aient été respectées, la troisième fait défaut, le coupe-batterie manuel dont il est fait état dans les expertises n'étant pas un élément de protection contre le vol mais un système de sécurité assimilable à un disjoncteur permettant de limiter les conséquences d'un incendie naissant et nécessairement accessible et visible de tous ; considérant, de surcroît et en toute hypothèse, que pour pouvoir prétendre à une garantie à 100 %, il était aussi indispensable de démontrer que le véhicule en cause était gardé, or la présence sur le terrain non clos d'une maison louée à une personne dont le rôle pourrait être éventuellement dissuasif, ne peut caractériser un quelconque gardiennage . SUR L'APPEL EN GARANTIE DE LA SOCIÉTÉ

VIALLE ET DE SES ASSUREURS CONTRE LA SOCIÉTÉ TRANS INTER ET DE SON ASSUREUR : Considérant que la société VIALLE et ses assureurs sont en droit de réclamer la garantie du voiturier substitué et de son assureur, ce dernier jusqu'à hauteur de 70 %. * SUR LES AUTRES PRÉTENTIONS DES PARTIES : Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais non compris dans les dépens ; considérant que la société TRANS INTER et son assureur qui succombent principalement en leurs prétentions, supporteront les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré sous réserve des condamnations en principal et intérêt intervenues, Et statuant à nouveau de ces chefs, CONDAMNE in solidum la SA TRANSPORTS VIALLE et FILS, les compagnies HELVETIA ASSURANCES, LLOYD'S de LONDRES et CIAM, la SARL TRANS INTER TRANSPORTS et la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à la SA THOMSON MULTIMEDIA la somme de 300000 F. (45734,71 ) et jusqu'à concurrence de 210000 F. (32014,29 ) s'agissant de la compagnie AXA en qualité d'assureur de la SARL TRANS INTER TRANSPORTS et dans les limites respectives de garantie stipulées aux polices, avec intérêts de 5 % à compter des 07 et 08 décembre 1995, capitalisés à partir du 27 avril 1998, CONDAMNE in solidum la SARL TRANS INTER TRANSPORTS et la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS à régler à la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS, en tant qu'apéritrice de la co-assurance de la SA THOMSON MULTIMEDIA la somme de 432000 F. (65857,98 ) et jusqu'à hauteur de 302400 F. (46100,58 ) en ce qui concerne cet assureur dans les limites de la police avec intérêts au taux de 5 % depuis le 15 novembre 1996, capitalisés à partir du 27 avril 1998, RÉSERVE les effets de l'exécution provisoire dans tous les cas, CONDAMNE la SARL TRANS INTER TRANSPORTS et la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS in solidum à garantir la SA TRANSPORTS VIALLE et FILS et ses assureurs

de la condamnation mise à leur charge dans les mêmes limites en ce qui concerne la compagnie AXA, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en la cause, CONDAMNE la SARL TRANS INTER TRANSPORTS et son assureur in solidum aux dépens d'appel et AUTORISE les avoués des autres parties à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRÊT PRONONCÉ PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT ET ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT M.THÉRÈSE GÉNISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-8300
Date de la décision : 29/11/2001

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Prescription - Prescription annale (article L - du Code de commerce) - Domaine d'application.

Dans une convention de transport portant sur des relations nationales et internationales, la stipulation selon laquelle " les transporteurs devront confirmer par fax à l'usine le jour même les numéros d'immatriculation des camions et les noms des transporteurs concernés " implique de manière non équivoque que l'affrètement a été expressément prévu et que le transporteur cocontractant n'a pas été chargé d'exécuter les opérations de transport personnellement et exclusivement. S'agissant d'un sinistre survenu à l'occasion d'une liaison routière internationale, la lettre de voiture faisant foi jusqu'à preuve contraire en application de l'article 9 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite " CMR ", le transporteur signataire de la convention qui s'est fait substituer pour exécuter la totalité de l'opération de transport litigieuse n'y est intervenu qu'en qualité de commissionnaire de transport. Il s'ensuit que dès lors que le contrat de commission est régi par le droit national, et non par la CMR, le commissionnaire est fondé à opposer à l'action intentée par l'assureur subrogé dans les droits de l'expéditeur, la prescription annale de l'article L 133-6 du Code de commerce (ancien article 108)

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 Mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Limitation - Exclusion - Faute lourde.

L'article 32-8 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route dite " CMR ", emporte prescription de trois ans au titre de la perte totale des marchandises en cas de faute lourde du voiturier. Constitue une faute de cette nature le fait de laisser stationner durant trois nuits consécutives un ensemble routier, certes fermé à clef, dans une propriété privée non close, non gardée et dépourvue de tout système de sécurité, alors que ce voiturier ne pouvait ignorer, mention en étant faite sur la lettre de voiture, la nature aisément commercialisable des marchandises chargées - des téléviseurs - dans une remorque simplement bâchée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-11-29;1998.8300 ?
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