Monsieur Alain X... et Madame Dulcia Y..., son épouse, sont propriétaires d'un fonds de commerce de coiffure, sis 11 rue Saint-Nicolas à NEAUPHLE-LE-CHATEAU (Yvelines), acquis par eux en 1989. Par acte authentique du 05 janvier 1990, la SCI NADEL, propriétaire des murs, a consenti aux époux X... un contrat de bail commercial pour une durée de neuf années, moyennant un loyer annuel de 24.000 francs HT. Par acte sous seing privé du 31 mars 1997, Madame Dulcia Y... épouse X... a consenti à Mademoiselle Frédérique Z... un contrat de location-gérance portant sur l'exploitation de ce fonds de commerce de coiffure, moyennant un loyer mensuel de 3.618 francs TTC indexé. Saisi à la requête des époux X... de demandes d'expulsion de la locataire-gérante et de provision, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a, par ordonnance du 12 novembre 1998, suspendu les effets de la clause résolutoire insérée au contrat du 31 mars 1997 et condamné Mademoiselle Z... à payer aux bailleurs une provision de 78.742 francs à valoir sur les arriérés de loyers et charges impayés ; la locataire a quitté les lieux le 1er février 1999. Par acte d'huissier des 02, 03 et 09 juin 1997, Mademoiselle Frédérique Z... a assigné Monsieur et Madame X..., en présence de la SCI NADEL, en annulation du contrat de location-gérance. La SCI NADEL a déclaré s'associer à la demande de Mademoiselle Z... et, reconventionnellement, a sollicité le bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire pour non paiement des loyers et pour défaut de consentement du propriétaire des murs à la location. Par jugement du 07 juillet 1998, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a débouté Mademoiselle Z... et la SCI NADEL de leurs prétentions, et a condamné la demanderesse à payer aux époux X... la somme de 3.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Mademoiselle Frédérique Z... a interjeté appel de ce
jugement. Elle fait valoir que Madame X..., qui n'est inscrite au Répertoire des Métiers en qualité d'exploitante et d'artisan que depuis le 05 mars 1993, n'apporte nullement la preuve de sa qualité de commerçante pendant sept ans ou de l'exercice pendant une durée identique des fonctions de gérant ou de directeur technique ou commercial, avant la conclusion du contrat de location-gérance. Elle explique que Madame X... est inscrite au Répertoire des Métiers depuis le 05 janvier 1993 pour le seul établissement sis 29 avenue de la République à BEYNES. Elle précise que Monsieur X... a reconnu avoir exploité personnellement le salon de coiffure de NEAUPHLE-LE-CHATEAU entre 1992 et 1997 de façon totalement irrégulière, dès lors qu'il a été radié du Répertoire des Métiers en 1992. Elle soutient que Madame X..., qui a seule conclu avec l'appelante le contrat de location-gérance du 31 mars 1997, et qui n'a pas personnellement exploité le fonds de commerce litigieux, n'avait pas la capacité pour louer ce fonds. Elle relève également que cet établissement n'a donné lieu à aucune inscription entre le 31 juillet 1992 et le 1er avril 1997, et ne pouvait être exploité par Madame X... laquelle n'était pas titulaire des diplômes requis. Alléguant que cette dernière ne remplissait donc pas les conditions cumulativement édictées par l'article 4 de la loi du 20 mars 1956, Mademoiselle Frédérique Z... demande à la Cour, en infirmant le jugement entrepris, de prononcer l'annulation du contrat du 31 mars 1997 et de condamner les époux X... au paiement de la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur et Madame X... répliquent que le fonds de commerce mis en location-gérance a été effectivement exploité pendant au moins deux ans par Madame X... après que son mari eut été radié du Répertoire des Métiers à compter du 31 juillet 1992. Ils font valoir que l'intimée, qui a travaillé dans ce fonds simultanément
avec son mari entre 1990 et 1992, puis en a assumé seule la responsabilité de 1992 à 1997, a donc eu la qualité de commerçante pendant au moins sept années. Ils soutiennent que, compte tenu de la proximité des deux établissements respectivement situés à BEYNES et à NEAUPHLE-LE-CHATEAU, Madame X... pouvait sans difficulté assumer en même temps la gestion des deux salons de coiffure. Ils ajoutent qu'à la date à laquelle elle a mis le fonds litigieux en location-gérance, Madame X... avait capacité pour exercer le métier de coiffeur, dès lors que la loi du 05 juillet 1996, ayant modifié la réglementation de cette profession issue de la loi du 23 mai 1946, a laissé aux coiffeurs non titulaires d'un diplôme un délai de trois ans pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions. Relevant que l'appelante n'invoque aucun grief à l'appui de sa prétention, les intimés sollicitent la confirmation de la décision entreprise, outre le versement des sommes de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 20.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SCI NADEL, assignée le 26 mars 1999 et régulièrement réassignée le 21 mars 2001, n'a pas constitué avoué. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2001. MOTIFS DE LA DECISION : * Sur la demande de nullité du contrat de location-gérance : Considérant qu'aux termes de l'article L 144-3 du Code de Commerce (ancien article 4 de la loi du 20 mars 1956), les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir été commerçants ou artisans pendant sept années ou avoir exercé pendant une durée équivalente les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique, et avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance ; Considérant qu'en application de l'article L 144-10 dudit code, ces prescriptions sont édictées à peine de nullité du contrat ;
Considérant que, dès lors qu'en l'occurrence seule Madame Dulcia Y... épouse X... a consenti à Mademoiselle Z... la convention de location-gérance, il convient de rechercher si l'intimée remplissait à la date du 31 mars 1997 les conditions légales cumulativement exigées pour la validité de cette convention ; Considérant qu'il incombe au loueur, même s'il est défendeur à l'action en nullité, de justifier qu'il satisfaisait à ces exigences lors de la conclusion du contrat ;
Or considérant qu'il ressort de l'extrait des inscriptions figurant au Répertoire de la Chambre des Métiers des Yvelines que Madame X... était immatriculée pour le seul établissement sis 29 avenue de la République à 78650 BEYNES, avec début d'activité au 05 janvier 1993 ; Considérant qu'il convient en outre d'observer que cet extrait ne comporte aucune mention d'une inscription de l'intimée au titre d'un établissement secondaire ; Considérant que, dès lors si la bailleresse a donné le fonds de commerce litigieux en location en mars 1997, soit quatre ans après son inscription au Répertoire des Métiers, elle ne démontre toutefois nullement avoir, antérieurement à 1993, eu la qualité de commerçante ou exercé des fonctions de gérant ou de directeur technique ou commercial ; Considérant qu'il ne peut donc être déduit avec certitude des pièces versées aux débats que l'intimée remplissait la condition de durée minimale de sept années d'activité en tant que commerçante ou artisan, avant de consentir à Mademoiselle Z... le contrat litigieux ; Considérant qu'au surplus, la circonstance que Madame X... ait aidé occasionnellement son mari à tenir le salon de coiffure de NEAUPHLE-LE-CHATEAU ne peut suffire à établir qu'elle a exploité personnellement ce fonds pendant au moins deux années, alors même qu'elle avait en même temps en charge l'exploitation de son établissement sis à BEYNES ; Considérant
qu'à cet égard, il a déjà été relevé que l'extrait du Répertoire des Métiers la concernant ne fait aucune mention de l'exploitation par Madame X... d'un établissement secondaire situé à NEAUPHLE-LE-CHATEAU ; Considérant que, s'il résulte de la procédure pénale ouverte à l'encontre de Monsieur X... pour travail dissimulé que celui-ci a exploité irrégulièrement le salon de coiffure jusqu'en 1997, il ne s'infère en revanche nullement des documents produits aux débats que Madame X... aurait personnellement exploité ce fonds de commerce pendant au moins deux années ; Considérant qu'au demeurant, l'intimée n'aurait pu assumer cette exploitation personnelle sans contrevenir aux dispositions de la loi du 23 mai 1946 relative à la profession de coiffeur, dès lors qu'il a été reconnu par Monsieur X... lui-même dans le cadre de la procédure pénale que son épouse n'était pas titulaire du brevet professionnel de coiffure ou d'un brevet de maîtrise ; Considérant qu'il s'ensuit que Madame X... ne remplissait pas davantage, à la date de la signature du contrat de location-gérance, la seconde condition imposée par l'article L 144-3 susvisé ; Considérant que, par ailleurs, il n'est nullement contesté que la bailleresse n'a pas sollicité du Président du Tribunal de Grande Instance une dispense de délai suivant les modalités prévues par l'article L 144-4 du Code de Commerce ; Considérant que, de surcroît, il est indifférent que les irrégularités commises n'aient pas fait grief à Mademoiselle Z..., dans la mesure où l'absence de préjudice ne saurait faire échec au caractère absolu de la nullité encourue ; Considérant que, par voie de conséquence, il y a lieu, en infirmant la décision entreprise, de prononcer la nullité du contrat de location-gérance concédé le 31 mars 1997 à Mademoiselle Z... en méconnaissance des exigences légales précitées. * Sur les demandes annexes : Considérant que la disposition du jugement ayant débouté la SCI NADEL de ses prétentions
à l'encontre des époux X... n'est pas remise en cause en appel, et doit donc être confirmée ; Considérant qu'il convient en revanche d'infirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a statué sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et de débouter les intimés de leurs demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure ; Considérant que l'équité commande d'allouer à Mademoiselle Z... la somme de 5.000 francs en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente procédure ; Considérant que Monsieur et Madame X... doivent être condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, DECLARE recevable l'appel interjeté par Mademoiselle Frédérique Z..., le dit bien fondé ; INFIRME le jugement déféré, excepté en ce qu'il a débouté la SCI NADEL de ses demandes ; Statuant à nouveau en ses autres dispositions : PRONONCE l'annulation du contrat de location-gérance consenti le 31 mars 1997 à Mademoiselle Frédérique Z... ; CONDAMNE in solidum Monsieur et Madame X... à payer à Mademoiselle Frédérique Z... la somme de 5000 F. (762,25 ) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; DEBOUTE Monsieur et Madame X... de leurs demandes indemnitaires ; CONDAMNE in solidum Monsieur et Madame X... aux entiers dépens de première instance et d'appel, et AUTORISE Maître TREYNET, Avoué, à recouvrer directement la part le concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL
F. LAPORTE