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22/11/2001 | FRANCE | N°2000-2888

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 novembre 2001, 2000-2888


Monsieur Célestin X... Y..., né le 6 avril 1953 à GRAND-POPO (BENIN), a contracté mariage le 27 août 1983 à PARIS avec Madame Z... A..., née le 14 juin 1956 à COTONOU. Z... A... a été déclarée décédée le 5 janvier 1985 à GRAND POPO. Un enfant Yabo Y... est né le 22 août 1985 à COTONOU de Célestin X... Y... et de Z... Patricia A.... Le 19 août 1986, Monsieur Célestin X... Y... a souscrit une déclaration acquisitive de nationalité en vertu de l'article 153 du code de la nationalité dont l'enregistrement a été refusé par le ministre chargé des naturalisations le 16 se

ptembre 1986 au motif que Monsieur Célestin X... Y... était en FRANCE pour p...

Monsieur Célestin X... Y..., né le 6 avril 1953 à GRAND-POPO (BENIN), a contracté mariage le 27 août 1983 à PARIS avec Madame Z... A..., née le 14 juin 1956 à COTONOU. Z... A... a été déclarée décédée le 5 janvier 1985 à GRAND POPO. Un enfant Yabo Y... est né le 22 août 1985 à COTONOU de Célestin X... Y... et de Z... Patricia A.... Le 19 août 1986, Monsieur Célestin X... Y... a souscrit une déclaration acquisitive de nationalité en vertu de l'article 153 du code de la nationalité dont l'enregistrement a été refusé par le ministre chargé des naturalisations le 16 septembre 1986 au motif que Monsieur Célestin X... Y... était en FRANCE pour poursuivre des études et que son épouse vivant au BENIN, il n'avait pas en FRANCE son domicile de nationalité. Le 1er décembre 1986, Monsieur Célestin X... Y... a contracté à ARGENTEUIL un second mariage avec Madame Monique B..., de nationalité française, et il a fait le 12 juin 1987 une déclaration acquisitive de nationalité sur le fondement de l'article 37-1 du code de la nationalité, laquelle a été enregistrée le 17 avril 1989. Au début de l'année 1990, les époux C... ont engagé une procédure de divorce sur requête conjointe, l'ordonnance initiale ayant été rendue le 3

avril 1990 et le divorce prononcé le 5 mars 1991. Le 5 décembre 1991, Monsieur Célestin X... Y... s'est remarié à ABOMEY-CALAVI (BENIN) selon un mariage coutumier avec Madame Z... Patricia KOUAKOU A..., née le 14 juin 1956 à COTONOU Faisant valoir que la troisième épouse de Monsieur Célestin X... Y... est en réalité la première qu'il avait déclaré faussement décédée pour pouvoir se remarier avec une française en vue d'acquérir la nationalité française qu'il n'avait pu acquérir en 1986, le Procureur de la République prés le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a fait assigner par actes des 18 et 26 mars 1998 Monsieur Célestin X...

Y... et Madame Monique B... devant le Tribunal de Grande Instance pour que soit prononcée la nullité de leur mariage contracté sans que le premier mariage de Monsieur Célestin X... Y... n'ait été préalablement dissout. Monsieur Célestin X... Y... s'est opposé à la demande, faisant valoir que sa première épouse était bien décédée et qu'il a épousé en troisièmes noces la soeur jumelle de celle-ci dont il avait eu deux enfants nés respectivement les 22 août 1985 et 10 octobre 1990. Par jugement du 2 février 2000, le Tribunal, retenant la thèse du Ministère Public, a : - prononcé la nullité du mariage célébré le 1er décembre 1986 à ARGENTEUIL entre Monsieur Célestin X... Y... et Madame Monique B..., - dit que mention du jugement sera transcrite en marge de l'acte de mariage, de l'acte de naissance de Madame B... et en ce qui concerne Monsieur Célestin X... Y... au Service Central de l'état civil de NANTES, - constaté l'extranéité de Monsieur Célestin X... Y..., - dit que mention de cette décision sera également portée sur tout acte où besoin sera conformément à l'article 28 du code civil, - condamné Monsieur Célestin X... Y... aux dépens. Appelant, Monsieur Célestin X... Y..., aux termes de ses dernières écritures signifiées le 15 mai 2001 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, conclut à l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la Cour, en statuant à nouveau, de débouter le Ministère Public de toutes ses demandes et de rectifier les mentions inscrites en marge des actes de l'état civil à la suite du jugement, les dépens étant laissés à la charge du Trésor Public et pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 12 décembre 2000 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, le Ministère Public conclut à la confirmation de la

décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la Cour de constater la caducité de la déclaration de nationalité française souscrite le 12 juin 1987 par Monsieur Célestin X... Y... devant le juge du Tribunal d'Instance de SANNOIS (95). Madame B... n'a pas constitué avoué bien que régulièrement assignée et réassignée devant la Cour par actes délivrés les 23 mai et 20 juin 2001. La décision à intervenir sera donc réputée contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du nouveau code de procédure civile. SUR CE Considérant que le Ministère Public soutient que c'est parce que le ministre chargé des naturalisations a refusé d'enregistrer la déclaration acquisitive de nationalité souscrite par Monsieur Celestin X... Y... le 19 août 1986 en vertu de l'article 153 du code de la nationalité française que celui-ci aurait imaginé de déclarer faussement le décès de sa première épouse, de nationalité béninoise, afin d'épouser une française en vue d'acquérir la nationalité française ; que toutefois, il résulte des mentions portées sur l'extrait d'acte de décès, pièce communiquée en première instance sous le numéro 6, que la déclaration du décès de Madame Y... née A... Z..., décédée le 5 janvier 1985, a été faite le 8 février 1985 à la mairie de GRAND-POPO et enregistrée sous le numéro 6 du registre de l'état-civil africain, étant observé que l'extrait de décès a été délivré le 3 juillet 1986 ; qu'il ne peut donc qu'être constaté qu'il n'était pas possible pour Monsieur Celestin X... Y... de savoir le 8 février 1985 que la déclaration de nationalité française qu'il souscrirait le 19 août 1986, soit plus d'un an plus tard, serait rejetée ; que, certes, le Ministère Public a produit un document intitulé "souche - déclaration de décès" sur lequel il est mentionné comme date de déclaration le 2 octobre 1986 ; qu'il convient d'en déduire qu'une deuxième déclaration a du être faite à cette date, étant d'ailleurs observé

que sur ce second document le nombre 10 indiquant le mois a été raturé, rien ne permettant de mettre en doute la sincérité de l'extrait d'acte de décès délivré le 3 juillet 1986 qui est manifestement un original sur lequel a été apposé à l'encre noire la signature du maire R.O.DIGNY, cette signature étant identique à celle du document intitulé "souche - déclaration de décès", et à l'encre bleue le cachet de la mairie de GRAND-POPO ; qu'il sera encore relevé que Monsieur Celestin X... Y... a versé aux débats, en original, la photographie de la tombe de sa première épouse sur laquelle est apposée une plaque, manifestement ancienne, sur laquelle est portée la mention "ici repose Y... Z... née D... décédée le 5 janvier 85 à Grand Popo la 29ème année" - pièce communiquée en appel sous le numéro 21- étant observé que le Ministère Public ne prétend pas que cette tombe soit vide ou contienne un corps autre que celui de la personne dont le nom est apposé sur la stèle ; qu'il doit en outre être constaté que le refus du ministre d'enregistrer la déclaration acquisitive de nationalité souscrite le 19 août 1986 n'a été notifié à Monsieur Celestin X... Y... que le 22 octobre 1986 ainsi qu'il résulte de la mention apposée sur le document transmis par le ministre eu juge d'instance de Saint Germain en Laye, soit postérieurement à la déclaration de décès de 2 octobre 1986 ; qu'il s'ensuit que même à supposer, ainsi que le soutient le Ministère Public, que Monsieur Celestin X... Y... n'ait déclaré le décès de sa première épouse que le 2 octobre 1986, il ignorait encore à cette date, le refus du ministre de la nationalité d'enregistrer sa déclaration acquisitive de nationalité ; qu'enfin, il sera constaté que le second mariage contracté par Monsieur Celestin X... Y... le 1er décembre 1986 ne l'a pas été dans le seul but d'acquérir la nationalité française puisqu'un enfant en est issu, Eva Y..., née le 8 septembre 1988

et que ce n'est qu'au cours de l'année 1990 que le couple a engagé une procédure de divorce, Madame Monique B... n'ayant pas accepté, ainsi qu'elle l'a attesté le 9 mai 2001, que son époux ait eu un enfant avec la soeur jumelle de sa première épouse ; Considérant que s'il n'est pas établi que la déclaration de décès de Z... A... aurait été faite dans le seul but de permettre à Monsieur Celestin X... Y... de se remarier avec une française en vue d'acquérir la nationalité française, il n'est pas non plus établi que cette déclaration soit fausse et que Z... D... soit toujours vivante ; qu'en effet, si la naissance d'un seul enfant , celle de Z... Patricia A..., a été enregistrée sous le numéro 1506 sur le registre d'état civil africain, il existe un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes permettant d'établir que des jumelles, Z... et Z... Patricia sont nées le 14 juin 1956 de Kouakou A... Léon et de Jeanne Simon ODUNLAMI et que l'une d'elle, Z... , est décédée en 1985, ces présomptions étant les suivantes : - attestation de Emmanuel A... KOUAKOU qui déclare sur l'honneur être le jeune frère des soeurs jumelles Z... et Z... Patricia, précisant qu'Anasthasie a successivement vécu au Bénin puis au Ghana auprès d'une tante et qu'elle est décédée en 1985, - attestations de Amimou Kassa Comlanvi, voisin, Atta Coffi Kossouwa Claire, tante paternelle, Atty Coffi Siméon, voisin, lesquels ont déclaré avoir parfaitement connu les jumelles Z... et Z... Patricia et ont précisé qu'Anasthasie, après avoir vécu au village, est allée vivre chez sa tante au Ghana et qu'elle est décédée en 1985, Z... Patricia vivant en France avec son époux, - photographies de soeurs jumelles enfants présentées comme étant Z... et Z... Patricia, étant observé que les deux enfants présentent des traits ressemblants à ceux des photographies de l'adulte apposées sur les documents

officiels d'Anasthasie Patricia A..., - attestation de la seconde épouse de Monsieur Celestin X... Y..., Monique B... qui déclare avoir connu Celestin X... Y... et sa défunte épouse en 1984, avoir eu des relations plus intimes avec Celestin après le décès d'Anasthasie, puis l'avoir épousé, avoir divorcé quand elle a appris que son mari avait eu un enfant avec la soeur jumelle de Z... et avoir fait la connaissance d'Anasthasie Patricia et avoir constaté que celle-ci souffrait d'une gêne valgum au genou droit , ce que n'avait pas Z..., - attestations de baptême de Z... et de Z... Patricia, toutes les deux établies le 29 mars 2001, ce qui exclut l'hypothèse d'attestations établies pour une seule et même personne avec addition d'un prénom dans l'une, étant observé qu'il est précisé pour Z... "elle est restée membre actif bien connue dans notre église" et pour Z... Patricia " elle demeure membre actif et est bien connue dans notre église", l'hypothèse que l'une est décédée et l'autre pas étant ainsi confortée, - extraits d'état civil délivrés, les uns, au nom de Z... A..., les autres, au nom de Z... Patricia A..., - acte de décès de Z... A... et photographie de la tombe de celle-ci avec mention de son nom sur la stèle ; qu'il sera encore relevé que l'acte de naissance de l'enfant né le 22 août 1985, Yabo, Ahoueffa, Primaùlle Y..., déclarée à la naissance comme née de Z... A... épouse de Celestin X... Y... et inscrite sur le livret de famille de Celestin X... Y... et de Z... A... a été rectifié , l'enfant étant déclaré né de A... Z... Patricia et les mots "son épouse" devant être considérés comme nuls ainsi qu'il résulte des mentions apposées sur la copie de l'acte de naissance délivré par le ministère des affaires étrangères, service d'état civil, le 17 septembre 1996 ; que l'enfant est donc officiellement reconnu comme né, non de Z... D...,

première épouse de son père, mais de Z... Patricia D..., laquelle n'avait pas, à sa naissance, de lien marital avec son père ; Considérant qu'il n'est donc pas établi que Z..., première épouse de Celestin X... Y... et Z... Patricia, troisième épouse de Celestin X... Y... seraient une seule et même personne, la thèse de Celestin X... Y... selon laquelle il s'agit de soeurs jumelles, l'une étant décédée en 1985, étant étayée par les actes d'état-civil et attestations produites par lui, étant observé que la preuve contraire ne peut être déduite du seul fait qu'une seule naissance a été mentionnée sur le registre de l'état civil africain, une erreur ayant pu être commise en raison, notamment de la similitude des prénoms ; qu'il s'ensuit que le premier mariage de Monsieur Celestin X... Y... ayant été dissous par le décès de son conjoint, le second mariage de celui-ci est valable, le grief de bigamie n'étant pas établi ; que la décision entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions et la demande du Ministère Public rejetée ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, DÉCLARE l'appel recevable et fondé, INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, ET STATUANT À NOUVEAU, DÉBOUTE le Ministère Public de toutes ses demandes, ORDONNE la rectification des mentions inscrites en marge des actes d'état-civil de Monsieur Celestin X... Y... et de Madame B... à la suite du jugement, DIT que les entiers dépens de première instance et d'appel sont à la charge du Trésor Public et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le président, Sylvie RENOULT

Francine BARDY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-2888
Date de la décision : 22/11/2001

Analyses

MARIAGE - Nullité - Bigamie

L'annulation d'un mariage qui est présumé avoir permis à l'un des époux d'acquérir frauduleusement la nationalité française - par remariage avec une française, après que le mariage précédent ait été dissous grâce à une fausse déclaration de décès de la conjointe - implique d'établir non seulement que le faux a été commis dans l'intention d'acquérir la nationalité française, mais encore que la déclaration est fausse et que la première épouse n'est pas décédée. Tel n'est pas le cas, lorsque, d'une part, la chronologie des faits révèle que le décès est antérieur à la connaissance par le fraudeur présumé du rejet de sa demande acquisitive de nationalité, et que, d'autre part, n'est pas davantage établi que la première épouse serait en vie, mais que, bien au contraire, un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes rapporte l'existence d'une soeur jumelle - épousée en troisièmes noces - qui, répondant aux mêmes nom et prénom, née le même jour, au même lieu, et déclarée des mêmes parents que l'épouse défunte, contredit la supposition que la troisième épouse ne serait autre que la première épouse, faussement décédée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-11-22;2000.2888 ?
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