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11/10/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006938073

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 octobre 2001, JURITEXT000006938073


L'hebdomadaire TELE 7 JOURS, édité par la société EDI 7 devenue la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES, a publié dans son numéro 1868 du 16 au 22 mars 1996, annoncé en page de couverture et développé en pages 18, 19 et 20, un article illustré de plusieurs photographies consacré à Véronique GENEST intitulé : "Maman dans cinq mois VERONIQUE GENEST C'est un garçon" L'une des photographies illustrant l'article, reproduite en page 20, représente l'actrice tenant dans les bras un jeune enfant, Emma X..., avec la légende : "Maman déjàä Non. C'est une scène de "rapt", le sixiè

me épisode de Julie Lescaut". Estimant que la publication de cette phot...

L'hebdomadaire TELE 7 JOURS, édité par la société EDI 7 devenue la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES, a publié dans son numéro 1868 du 16 au 22 mars 1996, annoncé en page de couverture et développé en pages 18, 19 et 20, un article illustré de plusieurs photographies consacré à Véronique GENEST intitulé : "Maman dans cinq mois VERONIQUE GENEST C'est un garçon" L'une des photographies illustrant l'article, reproduite en page 20, représente l'actrice tenant dans les bras un jeune enfant, Emma X..., avec la légende : "Maman déjàä Non. C'est une scène de "rapt", le sixième épisode de Julie Lescaut". Estimant que la publication de cette photographie est constitutive d'une atteinte à la vie privée de leur enfant et aux droits qu'il a sur son image, Nicole Y... et Jacques X..., ses parents, ont fait assigner par acte du 24 mars 1997 la société EDI 7 devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, sollicitant, outre la publication du jugement à intervenir, la condamnation de la société EDI 7 à leur payer les sommes de 50.000 Francs (soit 7622,45 Euros) en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à la vie privée et au droit à l'image de l'enfant, de 50.000 Francs (soit 7622,45 Euros) en réparation de leur préjudice moral résultant des circonstances dans lesquelles l'image de leur enfant a été publiée et de 6.000 Francs (soit 914,69 Euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société EDI 7 s'est opposée à ces demandes et, par acte du 24 avril 199, a fait assigner en garantie la société HUGO PRESS qui lui a vendu l'ensemble des clichés illustrant l'article. Par jugement du 25 février 1998, le Tribunal, relevant que la publication de la photographie litigieuse n'a pas porté atteinte à la vie privée de l'enfant et ne peut donc être sanctionnée sur le fondement de l'article 9 du code civil, mais qu'elle constitue une atteinte à son droit à l'image, a, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, condamné la société EDI 7

à payer à Nicole Y... et Jacques X... pris en leur qualité de représentants légaux de leur enfant Emma X..., la somme de 1 Franc (soit 0,15 Euros) à titre de Dommages et intérêts, débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes, rejeté l'appel en garantie, rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné la société EDI 7 aux entiers dépens. Appelants, Nicole Y... et Jacques X..., aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 8 avril 1999 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, concluent à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a exclu l'application de l'article 9 du code civil, limité l'indemnisation de l'enfant et rejeté les autres demandes, et ils demandent à la Cour, en statuant à nouveau, de condamner la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES venant aux droits de la société EDI 7 à leur payer les sommes suivantes : - 50.000 Francs (soit 7622,45 Euros) en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à la vie privée et au droit à l'image de leur enfant, - 50.000 Francs (soit 7622,45 Euros) en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi et résultant des circonstances dans lesquelles l'image de leur enfant a été publiée, - 10.000 Francs (soit 1524,49 Euros) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, sollicitant en outre la publication sous astreinte journalière de 20.000 Francs (soit 3048,98 Euros) de la décision à intervenir et la condamnation de la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES aux entiers dépens pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 27 septembre 2000 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES demande à la Cour: - à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la reproduction de la photographie litigieuse ne

portait pas atteinte à la vie privée de l'enfant et débouté Nicole Y... et Jacques X... de leurs demandes d'indemnisation au titre de leur préjudice moral personnel et de publication de la décision à intervenir, de l'infirmer en ce qu'il a considéré que la publication litigieuse porte atteinte au droit à l'image de l'enfant et, en statuant à nouveau, de dire que la publication, issue de l'activité professionnelle de l'enfant, ne porte pas atteinte à son droit à l'image et de débouter en conséquence les appelants de leur demande d'indemnisation sur ce fondement, - à titre subsidiaire, si la Cour devait entrer en voie de condamnation, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 1 Franc (soit 0,15 Euros) mais l'infirmer en ce qu'elle a rejeté son appel en garantie et, en statuant à nouveau, condamner la société HUGO PRESS à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, - de condamner solidairement Nicole Y..., Jacques X... et la société HUGO PRESS, ou l'un à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 25.000 Francs (soit 3811,23 Euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les condamner dans les mêmes conditions au entiers dépens pouvant être recouvrés par l'avoué constitué. La société HUGO PRESS, bien que régulièrement attraite devant la Cour par un procès-verbal de recherches infructueuses établi les 13 et 15 avril 1999 à la requête de Nicole Y... et Jacques X..., n'a pas comparu. La décision à intervenir sera donc réputée contradictoire par application de l'article 474 du nouveau code de procédure civile. SUR CE SUR L'ATTEINTE A LA VIE PRIVEE Considérant que la photographie incriminée, qui représente la jeune Emma X... dans les bras de Véronique GENEST, a été prise à l'occasion du tournage du 6ème épisode du téléfilm "Julie Lescaut", auquel l'enfant a participé en qualité d'interprète conformément au désir de ses

parents ; Qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une photographie posée, prise en vue de la constitution du dossier de presse, donc dans le cadre d'une activité de l'enfant relevant de sa vie publique ; Qu'elle ne révèle aucun fait ayant trait à l'intimité de l'enfant et n'en présente pas une image dévalorisante ; Qu'il s'ensuit que la publication de cette photographie n'est pas constitutive d'une atteinte à la vie privée de l'enfant telle que visée par l'article 9 du code civil et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, peu important, sur ces fondements, qu'il en ait été fait un usage autre que celui pour lequel elle avait été faite initialement ; Que la décision entreprise sera donc confirmée de ce chef ; SUR L'ATTEINTE AU DROIT A L'IMAGE Considérant que toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s'opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans son autorisation préalable ; Qu'ainsi, est fautive la publication d'une photographie, même prise avec l'accord de la personne représentée, lorsque cette publication est effectuée à des fins autres que celles pour lesquelles l'autorisation avait été donnée ; Considérant que la publication de la photographie incriminée, plus de deux ans après la diffusion du téléfilm à l'occasion duquel elle avait été prise, en illustration d'un article sur la grossesse de Véronique GENEST, a un objet autre que celui pour lequel l'autorisation avait été donnée et est donc constitutive d'une faute ; Que la décision entreprise sera donc également confirmée de ce chef ; SUR LE PREJUDICE Considérant que le seul fait de voir une photographie la représentant publiée sans son consentement est constitutif pour toute personne d'un préjudice, ne serait-ce que moral ; Que toutefois, le préjudice, en l'espèce est particulièrement faible ; Qu'en effet, la jeune Emma X... n'a pu être reconnue que par un nombre très limité de personnes, suffisamment proches pour

être en mesure de se rappeler le bébé de quelques mois qu'elle était deux ans plus tôt, sa grand-mère maternelle reconnaissant d'ailleurs avoir dû consulter l'album familial pour s'assurer qu'il s'agissait bien de l'image de sa petite fille ; Qu'en outre, elle est représentée dans les bras d'une actrice connue et n'apparaît pas sous un jour défavorable ou désavantageux ; Qu'il s'ensuit que son préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 5.000 Francs (soit 762,25 Euros) ; Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les parents de l'enfant, la légende qui accompagne la photographie "Maman déjàä non C'est la scène de rapt, le sixième épisode de JulieLescaut" et le titre de l'article "Maman dans cinq mois" excluent que l'on puisse penser que l'enfant est celui de Véronique GENEST ; Qu'il sera encore relevé que s'agissant d'une photographie prise lors du tournage d'un film, les parents avaient alors nécessairement voulu rendre publique l'image de leur enfant de quelques mois ; Qu'ils n'établissent donc pas l'existence d'un préjudice moral personnel qui résulterait de cette publication, les premiers juges les ayant donc déboutés à bon escient de leur demande de ce chef ; SUR L'APPEL EN GARANTIE Considérant que la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES n'a pas fait notifier ses conclusions prises devant la Cour à la société HUGO PRESS, intimée par Monsieur X... et Madame Y... ; Qu'elle n'est donc pas recevable en son appel incident contre la société HUGO PRESS ; SUR LES AUTRES CHEFS DE DEMANDE Considérant que l'entier préjudice de la jeune Emma X... est entièrement réparé par l'allocation de dommages et intérêts et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner en outre la publication sollicitée ; Considérant que pour des raisons d'équité, la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES devra indemniser les appelants des frais non répétibles qu'ils ont dû supporter à concurrence de la somme de 5.000 Francs (soit 762,25 Euros) ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant

publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, DÉCLARE l'appel principal recevable et l'appel incident formé par la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES contre la société HUGO PRESS irrecevable, CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf le montant des dommages et intérêts alloués à Nicole Y... et à Jacques X... pris en leur qualité d'administrateurs légaux de leur enfant mineure Emma X... qui est porté à 5.000 Francs (soit 762,25 Euros), Y AJOUTANT, CONDAMNE la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES à payer à Nicole Y... et à Jacques X... la somme de 5.000 Francs (soit 762,25 Euros) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, DÉBOUTE les parties de toute demande autre ou plus ample, CONDAMNE la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES aux entiers dépens de l'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Sylvie RENOULT

Francine BARDYSylvie RENOULT

Francine BARDY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006938073
Date de la décision : 11/10/2001

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE

1) N'est pas constitutive d'une atteinte à la vie privée de l'enfant telle que visée par les articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la publication d'une photographie, prise à l'occasion d'un tournage, représentant un très jeune enfant dans les bras d'une actrice, dès lors que celui-ci participait au tournage en qualité d'interprète et qu'il n'est pas contesté que cette photographie posée, a été prise en vue de la constitution du dossier de presse, c'est à dire dans le cadre d'une activité de l'enfant relevant de sa vie publique, sans révéler aucun fait ayant trait à son intimité ni en présenter une image dévalorisante. 2) Toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s'opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans son autorisation préalable.Il s'ensuit qu'est fautive la publication d'une photographie, même prise avec l'accord de la personne représentée, lorsque cette représentation est effectuée à des fins autres que celles pour lesquelles l'autorisation avait été donnée.Tel est le cas de la publication d'une photographie, plus de deux ans après la diffusion du téléfilm ayant donné lieu à la prise du cliché, dès lors que son objet, l'illustration d'un article consacré à la grossesse de l'héro'ne de la série télévisée, est autre que celui pour lequel l'autorisation avait été donnée, en l'occurrence la constitution du dossier de presse précédant la sortie du film.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-10-11;juritext000006938073 ?
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