L'Association CHASSE PÊCHE NATURE ET TRADITIONS a pour vocation la défense du "mouvement" des régions et notamment celle des activités traditionnelle représentées par la chasse, la pêche et toutes activités de la nature qui en découlent. Elle a présenté des listes dans certains départements français lors des élections régionales de 1998. Elle est propriétaire de la marque déposée le 17 juin 1992. L'Association CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE NATURE a été constituée le 16 février 1996 sous cette appellation à laquelle elle a déclaré renoncer en conséquence de la procédure de référé engagée par L'ASSOCIATION CHASSE PÊCHE NATURE ET TRADITIONS dite CPNT, ce dont le juge des référés du tribunal de grande instance de CRETEIL lui a donné acte le 18 septembre 2000. Se prévalant de la confusion existant dans l'esprit des électeurs des deux associations, lors des élections régionales de 1998, L'ASSOCIATION CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE NATURE devenue CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE ENVIRONNEMENT ayant apporté sou soutien à des listes de candidats présentées par le FRONT NATIONAL, et arguant du préjudice porté à son image et du préjudice financier subis du fait de ce que dans de nombreux départements elle n'aurait eu aucun élu, ou peu ou de l'absence de possibilité de bénéficier des 5 % de votants permettant le remboursement des frais de campagne engagés, L'ASSOCIATION CHASSE PÊCHE NATURE ET TRADITIONS a fait assigner devant le tribunal de grande instance de NANTERRE L'ASSOCIATION CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE ENVIRONNEMENT et L'ASSOCIATION FRONT NATIONAL aux fins de condamnation solidaire à lui payer les sommes de 3 000 000 de francs au titre du préjudice d'image et celle de 6 000 000 de francs au titre du préjudice financier. Par le jugement déféré prononcé contradictoirement, après un premier jugement rendu le 4 octobre 1999 rejetant l'exception de compétence soulevée par les défenderesses, le tribunal de grande instance de NANTERRE a : - dit le FRONT NATIONAL irrecevable en son exception de
nullité, - rejeté la demande de mise hors de cause du FRONT NATIONAL, - condamné solidairement L'ASSOCIATION CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE ENVIRONNEMENT et l' ASSOCIATION FRONT NATIONAL à payer à L'ASSOCIATION CHASSE PÊCHE NATURE ET TRADITIONS la somme de 1 000 000 de francs (soit 152.449,02 Euros) à titre de dommages et intérêts, - ordonné la publication du jugement aux frais des défenderesses sous la même solidarité dans trois journaux nationaux au choix de la demanderesse, sans que chaque insertion ne puisse dépasser 25 000 francs HT (soit 3.811,23 Euros), - débouté du surplus des demandes, - ordonné l'exécution provisoire, - condamné solidairement les défenderesses au paiement de la somme de 10.000 francs (soit 1524,49 Euros) par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ASSOCIATION FRONT NATIONAL et l'ASSOCIATION CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE ENVIRONNEMENT ont interjeté appel du jugement. Le FRONT NATIONAL conclut au soutien de son appel à l'infirmation du jugement et prie la cour statuant à nouveau de prononcer sa mise hors de cause, subsidiairement de débouter l'association CPNT de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 20 000 francs (soit 3.048,98 Euros) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il sollicite sa mise hors de cause faute de preuve de l'existence de liens de droit entre lui et l'association CNCPE, lesquels ne peuvent ressortir des conditions de délivrance de l'assignation introductive d'instance, du fait que leurs sièges respectifs sont dans le même immeuble, ou du fait que le président du CNCPE soit membre du FRONT NATIONAL et fait le reproche aux premiers juges de s'être fondés uniquement sur de simples relations de fait pour en tirer la preuve de liens de droit et dénonce le parti pris du tribunal dans cette appréciation. Il fait valoir subsidiairement qu'aucun fait n'est caractérisé comme faute pouvant lui être imputée personnellement, dénie toute allégation
d'une confusion entre les deux associations, relève le caractère inappropriable des termes composants les dénominations des deux associations, le fait que la trilogie des mots pêche, chasse et nature n'a qu'un caractère descriptif et que la validité du dépôt de la marque dont l'association CPNT s'est bien gardée de se prévaloir en première instance est parfaitement contestable, qu'en tout état de cause les griefs faits au CNCPE, à les supposer établis, ne lui sont pas opposables, rappelant qu'il n'a pas été appelé à la procédure de référé en 1997 ; il dénonce l'erreur de fait qu'aurait commise le tribunal en parlant de candidats de l'association CNCPE qui n'en a jamais présentés, relève le simple soutien apporté à ses propres candidats par le CNCPE et l'absence de toute preuve d'une action positive de sa part en vue de ce soutien. Il conteste l'existence des préjudices invoqués , soutient que si la prétendue confusion avait eu les conséquences alléguées sur le résultat des élections, l'association CPNT n'aurait pas manqué de saisir le juge administratif ce qu'elle n'a pas fait. Il fait valoir qu'aucune pièce n'est produite au soutien des prétentions et que la motivation du tribunal est inexistante, proche de l'absence de motivation, qu'elle est partisane et contraire à tous les principes des libertés individuelles affirmées par la constitution. Il dénonce la tentative de détournement des règles en matière de financement des campagnes électorales et l'absence de toute pièce au soutien des prétentions, s'opposant à toute mesure d'expertise sollicitée dans le seul but de pallier cette carence. Il fait enfin le reproche général au tribunal d'avoir fait application d'une responsabilité collective et d'avoir méconnu les règles relatives à la preuve et celles gouvernant la solidarité. L'association CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE ENVIRONNEMENT conclut à l'infirmation du jugement, à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes de l'association CPNT dont elle sollicite la
condamnation à lui payer la somme de 15 000 francs (soit 2.286,74 Euros) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle fait valoir que l'association CPNT n'apporte pas le moindre commencement de preuve de la confusion alléguée dans l'esprit de ses électeurs, que sa dénomination apparaît notablement différente de celle de l'association CPNT, les termes génériques de chasse et pêche ne présentant aucune originalité puisque purement descriptifs de l'objet même de l'association et n'étant nullement protégeables de telle sorte que la demanderesse ne pouvait prétendre à un monopole de leur utilisation. Elle rappelle que le droit d'association est garanti par la constitution et qu'aucun monopole n'existe en matière de défense de la chasse ou la pêche. Elle fait grief au tribunal d'avoir manqué à son obligation de neutralité en portant une appréciation empreinte de subjectivisme, en prenant pour acquis le fait que le FRONT NATIONAL serait une organisation raciste et raciale, rappelle le principe de la liberté d'opinions et en conséquence la légitimité du soutien qu'elle peut apporter aux candidats du FRONT NATIONAL, et exclut tout reproche relatif à l'appel au vote en faveur de ce dernier. Elle dénonce l'absence de toute preuve du préjudice allégué tant en terme d'image que d'électeur et le fait que le tribunal ait éludé les règles de l'administration de la preuve comme celles de la solidarité. L'association CHASSE PÊCHE NATURE ET TRADITIONS intimée conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause du FRONT NATIONAL, retenu sa responsabilité solidaire avec celle de l'association CNCPE et à la réformation du jugement en ce qu'il a limité la réparation de son préjudice lié à l'atteinte à son image et rejeté celle du préjudice financier que lui a causé la confusion dans l'esprit des électeurs entre les dénominations des deux associations dont elle dit rapporter la preuve. Elle sollicite
en conséquence la condamnation solidaire des appelants à lui payer la somme de 3 000 000 de francs (soit 457.347,05 Euros) pour l'atteinte à l'image et celle de 6 000 000 de francs (soit 914.694,10 Euros) pour le préjudice financier, outre une indemnité de 30 000 francs (soit 4.573,47 Euros) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle déclare rapporter la preuve d'interconnexions existant entre les appelants suffisante à établir le lien de droit entre elles. Sur le fond, elle invoque les dispositions des articles L 711-4, L 713-2 et L 713-3 du CPI et fait valoir que leur violation constitue une atteinte au droit de la marque dont elle est propriétaire, atteinte constituant une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur, qu'en l'espèce il y a eu atteinte , qu'en effet l'association CNCPE a été créé en 1996 postérieurement au dépôt de sa marque, que les sigles et logo choisis entraînent une confusion à son préjudice, qu'en dépit des engagements pris devant le juges des référés, l'association CNCPE a changé tardivement sa dénomination et a utilisé l'ancienne durant les élections régionales de 1998, qu'elle a entendu créer et maintenir dans l'esprit des électeurs volontairement une confusion entre les deux associations, que cette confusion s'est opérée entre elle et le FRONT NATIONAL dont les candidats avaient la double investiture et le soutien du CNCPE. Elle argue de l'importance du préjudice subi en termes d'images compte tenu de l'image radicalement différente du FRONT NATIONAL, préjudice qui a perduré bien après le changement de dénomination et de logo, qu'elle estime insuffisante la somme allouée. Elle fait enfin le calcul de la perte financière à raison du peu d'élus et affirme rapporter la preuve de ce préjudice et du lien de causalité avec la faute commise. SUR CE SUR LA DEMANDE DE MISE HORS DE CAUSE DE L'ASSOCIATION FRONT NATIONAL Considérant que l'existence de liens entre l'association FRONT NATIONAL et
l'association CNCPE anciennement CNCPN est démontrée ; Considérant que les deux associations ont leur siège respectif dans un immeuble sis rue VAUGUYON à SAINT CLOUD en vertu de convention de domiciliation consentie par la SCI CLERGERIE HUGO représentée par son gérant monsieur Serge X..., que les assignations ont été délivrées respectivement au 4 et au 6 rue VAUGUYON et reçues par madame Y... qui s'est déclarée dans les deux cas assistante de la personne destinataire de l'acte et habilitée à en recevoir copie, ce seul fait laissant présumer de l'existence de moyens de fonctionnement commun ; Considérant que la seule lecture du mensuel NATIONAL, qui se présente comme la lettre d'information du FRONT NATIONAL de Loire Atlantique, annonçant dans le numéro 91 de mai 1996 la création de l'association CNCPE et renvoyant pour tout renseignement au FRONT NATIONAL-CNCPE, suffit à démontrer l'étroitesse des liens entre les deux associations et l'implication de la première dans la création et le fonctionnement de la seconde, implication corroborée par la double appartenance de membres dirigeants aux deux associations, de telle sorte que la mise hors de cause du FRONT NATIONAL n'est pas justifiée ; SUR LE FOND Considérant qu' en précisant en cause d'appel le fondement juridique des prétentions soumises aux premiers juges, en parfaite conformité avec le décret du 28 décembre 1998, et invoquant les dispositions des articles L 711-4 du CPI et 1382 du code civil, l'association CPNT ne transgresse pas les dispositions de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile qui ne prohibent que les prétentions nouvelles ; Considérant que l'association CPNT justifie de l'antériorité de son existence et du dépôt de sa marque CHASSE PÊCHE NATURE ET TRADITIONS le 17 juin 1992, l'association CNCPN n'ayant été créée qu'en 1996 ; Considérant que si la dénomination CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE ET NATURE comme le logo utilisé ne constituent pas la contrefaçon
parfaite de la marque de l'association CPNT, il apparaît de façon flagrante que l'utilisation incontestée jusqu'aux élections de 1998 dans la dénomination du CNCPN de trois des vocables chasse pêche nature, lesquels recouvrent trois thèmes sociologiquement sensibles, et dans le même ordre, est de nature à créer une confusion dans l'esprit du public conduit à faire un amalgame entre ces deux associations par la conviction ainsi suscitée de l'existence d'intérêts et de combats communs ; Considérant que le fait que ces mots appartiennent au langage générique et que nul ne puisse prétendre à leur appropriation est inopérant dès lors que c'est l'association des trois termes dans un ordre identique qui est source de confusion ; Considérant que l'association CNCPE anciennement CNCPN ne conteste pas avoir tardivement modifié sa dénomination alors que devant le juge des référés en 1997 elle en avait pris l'engagement, qu'en laissant perdurer jusqu'aux élections de 1998 une telle situation dont le caractère préjudiciable lui avait été dénoncé, l'association CNCPE a manifestement entendu bénéficier de cette confusion et en faire bénéficier les candidats du FRONT NATIONAL dont certains étaient issus de ses rangs, à l'occasion d'échéances électorales au cours desquelles elle a appelé au vote des candidats du FRONT NATIONAL, ce qu'expliquent les liens étroits précédemment relevés entre ces deux associations ; Considérant que la confusion est fautive en ce que l'association CPNT ne partage pas les convictions défendues par les deux appelantes et notamment, sur le plan des idées purement politiques, par le FRONT NATIONAL, lequel participe à cette confusion à raison de l'action commune ainsi menée par les deux associations appelantes ; Considérant qu'il ne s'agit pas ici de porter une appréciation sur les idées véhiculées par les appelantes, qu'il suffit pour que leur responsabilité soit objectivement engagée que cette confusion issue d'une action menée de
concert, ait eu pour conséquence de faire croire aux sympathisants de l'association CPNT qu'elle avait ou partageait la même idéologie que celles des appelantes, ce seul fait constituant le préjudice de l'association CPNT ; Considérant que la liberté d'opinion et de pensée que revendiquent légitimement les appelantes n'est pas, contrairement à ce qu'elles affirment, bafouée ; Considérant qu'il convient de se reporter aux tract diffusés par le CNCPN durant la campagne électorale pour se convaincre de la réalité du risque de confusion ; Considérant que le préjudice qui résulte pour l'association CPNT est certain en ce qu'il a été ainsi porté atteinte à son image laquelle a pu être brouillée dans l'esprit du public, avec la conséquence de se voir attribuer une idéologie à laquelle elle n'adhère pas et n'entend pas adhérer ;
Considérant toutefois que les prétentions de l'association CPNT tendant à l'allocation de la somme de 3 000 000 de francs (soit 457.347,05 Euros) réitérées en appel sont exagérées et quantitativement injustifiées et la somme allouée par les premiers juges, bien qu'inférieure, manifestement excessive, que la cour, usant de son pouvoir souverain d'appréciation, estime devoir fixer à la somme de 400 000 francs (soit 60.979,61 Euros) la juste réparation de ce chef de préjudice, le jugement étant réformé de ce chef ; Considérant que l'association CPNT poursuit la réformation du jugement qui l'a déboutée de sa demande au titre du préjudice financier et réclame de ce chef la somme de 6 000 000 de francs (soit 914.694,10 Euros), qu'hormis la justification de l'utilisation de tracts électoraux par les appelantes faisant apparaître l'usage de la dénomination incriminée, et de la production de deux attestations de personnes dénonçant le procédé qualifié de malhonnête et scandaleux, force est de reconnaître que l'association CPNT n'apporte aucun élément susceptible d'étayer l'allégation d'un détournement des voix
des électeurs vers le FRONT NATIONAL à raison de la confusion ainsi créée, et par voie de conséquence le préjudice financier qu'elle supporterait à raison de cet échec électoral, qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris qui l'a déboutée de ce chef de demande ; Considérant que les sociétés appelantes ont contribué par leurs fautes à la réalisation du préjudice et sont tenues in solidum (et non solidairement) à réparer le préjudice causé à l'intimée ; Considérant que les autres dispositions du jugement qui ne sont pas discutées seront également confirmées ; Considérant que le jugement étant pour partie réformé, qu'aucun motif d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que les appelantes qui succombent dans leurs prétentions essentielles supporteront le charge des dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, REOEOIT les appelantes en leur appel et les déclare partiellement fondées, RÉFORME le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les appelantes à payer à l'intimée la somme de 1 000 000 de francs (soit 152.449,02 Euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'atteinte à l'image, STATUANT sur le point réformé, CONDAMNE in solidum l'association CERCLE NATIONAL CHASSE PÊCHE ENVIRONNEMENT et l'association FRONT NATIONAL à payer à l'association CHASSE PÊCHE NATURE ET TRADITIONS la somme de 400 000 francs (soit 60.979,61 Euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image, CONFIRME le jugement déféré pour le surplus, Y AJOUTANT, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, CONDAMNE solidairement les appelantes aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Sylvie RENOULT
Francine BARDY