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27/09/2001 | FRANCE | N°1995-8211

France | France, Cour d'appel de Versailles, 27 septembre 2001, 1995-8211


FAITS ET PROCEDURE : Se prévalant du non règlement par la société de droit italien, SAS RUBINETTERIE MAGISTRO, de factures concernant la fourniture d'éléments d'assemblage de robinets, la SA CERAMIQUES TECHNIQUES X..., désormais NORTON X... Y... CERAMICS, ci-après dénommée NORTON, l'a assignée devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE en paiement d'une provision. Par ordonnance rendue le 19 septembre 1995, ce magistrat, faisant droit à l'exception soulevée par la société RUBINETTERIE MAGISTRO, s'est déclaré incompétent territorialement, a renvoyé les

parties à se mieux pourvoir, dit n'y avoir lieu à application de l'ar...

FAITS ET PROCEDURE : Se prévalant du non règlement par la société de droit italien, SAS RUBINETTERIE MAGISTRO, de factures concernant la fourniture d'éléments d'assemblage de robinets, la SA CERAMIQUES TECHNIQUES X..., désormais NORTON X... Y... CERAMICS, ci-après dénommée NORTON, l'a assignée devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE en paiement d'une provision. Par ordonnance rendue le 19 septembre 1995, ce magistrat, faisant droit à l'exception soulevée par la société RUBINETTERIE MAGISTRO, s'est déclaré incompétent territorialement, a renvoyé les parties à se mieux pourvoir, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et mis les dépens à la charge de la défenderesse. Le 03 octobre 1995, la société CTD a formé contredit contre cette décision. Selon lettre en date du 20 octobre 1997 adressée au conseil de la société CTD, le greffier de cette chambre lui a fait part qu'en vertu de l'article 98 du nouveau code de procédure civile la voie de l'appel était seule ouverte contre les ordonnances de référés et que la Cour n'en demeurait pas moins saisie, l'affaire devant être instruite et jugée selon les règles applicables à l'appel comme en dispose l'article 91 du même code en lui indiquant qu'il appartenait, en conséquence, à son client de constituer avoué dans le délai légal. Les parties ont l'une et l'autre conclu et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mai 1998. A cette date, la Cour ayant relevé que cette pièce qui conditionnait la recevabilité du recours exercé par la société CTD n'avait pas été communiquée, a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à récapituler leurs moyens conformément à l'article 954 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile comme en fait foi l'extrait de plumitif . Après qu'une nouvelle fixation soit intervenue pour le 05 octobre 1998, les plaidoiries ont fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 17 décembre 1998 à la demande de la

société MAGISTRO. Lors de cette audience, la Cour ayant constaté que l'affaire n'était pas en état et notamment pas clôturée, l'a renvoyée à l'audience de mise en état du 18 mars 1999 à cette fin, en enjoignant aux parties de déposer des conclusions récapitulatives pour cette date par cette mention au plumitif . Les parties y ont procédé, mais la société CTD faisant état d'une décision italienne et de sa traduction, a sollicité la révocation de la clôture par incident joint au fond à l'audience de plaidoiries du 03 février 2000. La Cour, par arrêt du 16 mars 2000 a, dit que la péremption de l'instance n'était pas encourue, déclaré la société NORTON recevable en son appel, révoqué l'ordonnance de clôture du 09 septembre 1999, admis aux débats le jugement rendu par le Tribunal de NOVARE, le 09 juin 1999 ainsi que sa traduction et invité les parties à s'expliquer sur cette pièce en réservant leurs prétentions et les dépens. La société NORTON se prévaut des dispositions de l'article 9 de ses conditions générales de vente stipulant une clause attributive de juridiction qui, selon elle, répondent à l'article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et n'ont pas à satisfaire aux prescriptions de l'article 48 du nouveau code de procédure civile, inapplicables en l'espèce, s'agissant d'un contrat international en raison de la nationalité des parties et du lieu de livraison à l'étranger. Elle s'estime fondée, en tout état de cause, à invoquer l'article 5-1 de la Convention précitée et l'inapplicabilité des articles 42 et 46 du nouveau code de procédure civile au présent litige, pour revendiquer la compétence de la juridiction française en soulignant que ce choix est conforté par la décision d'incompétence du Tribunal de NOVARE du 09 juin 1999. Elle prétend que l'action au fond engagée par la société MAGISTRO en Italie devant le Tribunal de NOVARE ne saurait exclure la compétence de la juridiction des référés dès lors que cette dernière a été

saisie antérieurement, ni servir de fondement à l'existence de la contestation sérieuse alléguée par la société intimée dont elle dénonce le caractère artificiel. Elle affirme que sa créance est certaine, liquide et exigible à hauteur du montant sollicité. Elle réitère, en conséquence, sa demande de provision correspondant à la contre-valeur en francs français au jour du paiement à intervenir de la somme de 228.380.000 Lires italiennes sous les réserves les plus expresses de tous ses droits. Elle réclame, en outre, une indemnité de 40.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société MAGISTRO fait valoir que le premier juge a décliné, à juste titre, sa compétence territoriale, la société NORTON l'ayant saisi sur le fondement d'une clause attributive de compétence totalement illisible, imprimée au verso de factures et comportant des dispositions inconciliables entre elles. Elle précise que l'application de l'article 42 du nouveau code de procédure civile est recherchée par la société NORTON elle-même dans son contredit sans que ce texte ne l'autorisait à l'attraire devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE dans la mesure où les tribunaux italiens des lieux de son domicile ou de la livraison de la chose sont compétents en vertu des articles 42 et 46 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile. Elle allègue que le moyen tardif tiré de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles est inopérant en estimant que l'obligation à laquelle il importe de se référer en la cause est la livraison de la marchandise qui a eu lieu en ITALIE et non le paiement devant être effectué, en toute hypothèse, également en ITALIE. Elle observe que les litiges soumis au tribunal de NOVARE et à la Cour sont de nature différente. Elle indique que les factures litigieuses ont trait à des matériels qui se sont avérés défectueux et lui ont, de surcroît, causé un préjudice commercial et financier considérable en sorte que l'obligation de dont se prévaut la société NORTON est sérieusement

contestable. Elle conclut donc à la confirmation de l'ordonnance entreprise et au renvoi des parties devant le Tribunal de NOVARE et subsidiairement à l'entier débouté de la société NORTON, outre, dans tous les cas, à l'octroi en sa faveur d'une indemnité de 40.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION : Considérant que le litige portant sur un contrat de vente de fournitures conclu entre les sociétés NORTON et MAGISTRO, respectivement de droit français et italien, revêt un caractère international en sorte que les règles de compétence qui y sont applicables sont celles qui résultent de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sans qu'en vertu de son article 3, les règles de droit interne telles celles des articles 42 et 46 du nouveau code de procédure civile ne puissent être invoquées ; Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Convention de Bruxelles lorsque les parties sont convenues d'un Tribunal ou de Tribunaux d'un Etat contractant pour connaître de leur différend né ou naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal est seul compétent, que cette convention attributive de juridiction soit conclue par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établi entre elles ou dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; considérant que la société NORTON se fondant sur ce texte excipe de l'article 9 de ses conditions générales de vente lui réservant dans l'hypothèse d'un litige de caractère international la faculté de saisir le tribunal de son siège social situé en l'occurrence dans le ressort du Tribunal de Commerce de NANTERRE. considérant toutefois

que la validité des clauses attributives de juridiction étant subordonnée par l'article 17 de la Convention de Bruxelles à l'existence d'une convention entre les parties celles-ci doivent effectivement faire l'objet d'un consentement entre parties qui doit se manifester d'une manière claire et précise ; or, considérant que la clause en cause ne répond pas à ces exigences dès lors qu'elle est mentionnée dans des documents postérieurs à l'accord des parties au verso des factures et des accusés de réception des deux commandes de la société MAGISTRO établis unilatéralement par la société NORTON, qu'elle n'a jamais été agréée par la société MAGISTRO qui n'y a pas apposé sa signature, ni n'a exprimé son acceptation dans un acte séparé, qu'elle est rédigée en caractères minuscules gris clair sur fond blanc très difficilement lisibles et qu'elle s'avère de surcroît, contradictoire avec le deuxième article 9 des mêmes conditions générales de vente énoncé en anglais sur la même page verso donnant compétence exclusive soit au Tribunal de Commerce de PARIS, soit au tribunal du domicile de l'acheteur et donc celui de la société MAGISTRO ; considérant que la société NORTON ne peut prétendre à un formalisme moindre en se référant à des relations prétendument habituelles entre les parties lesquelles ne sont démontrées par aucune pièce versée aux débats et sont démenties par la société MAGISTRO qui affirme avoir traité pour la première et unique fois avec la société NORTON à l'occasion de la vente litigieuse ; considérant qu'il suit de là que l'article 17 de la Convention de Bruxelles n'a pas vocation à recevoir application en l'espèce ; considérant que l'article 2 de la Convention de Bruxelles réglant la question de la compétence internationale pose le principe que les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant doivent être attraites devant les juridictions de cet Etat ; que l'article 5-1 de la même convention dérogeant à la règle générale de

compétence de l'article 2, permet au demandeur, en matière contractuelle de saisir la juridiction "du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée" ; considérant qu'il est de principe que l'obligation dont le lieu d'exécution permet de déterminer la compétence est celle qui sert de fondement à l'action judiciaire (CJCE "de Bloos" 06.10.1976) ; qu'il ressort de l'examen de l'assignation délivrée à la société MAGISTRO que la société NORTON a demandé la condamnation de celle-ci au paiement de factures émises consécutivement à la vente de cartouches à la société intimée ; qu'ainsi l'obligation servant de base à la demande consiste en l'obligation de payer ; considérant que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée au sens de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de loi de la juridiction saisie (CJCE "Tessili" 06.10.1976, CJCE "GIE/CONCORDE" 28.09.1999) ; qu'il doit dès lors être tiré pour conséquence que le lieu de l'exécution doit être fixé, en l'espèce, conformément à la loi qui gouverne le contrat ; considérant à cet égard, qu'en l'absence d'une clause valable opérant le choix par les parties d'une telle loi, il importe de déterminer la loi applicable au contrat selon une convention internationale en vigueur entre la FRANCE et l'ITALIE et de recourir, en la cause, à la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles ; considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Convention de Rome, à défaut de volonté exprimée par les parties, le contrat est régi par loi du pays où le débiteur de la prestation caractéristique à sa résidence habituelle au moment de la conclusion du contrat ou, s'il s'agit d'une société, son administration centrale ; que la prestation caractéristique est identifiée dans les contrats synallagmatiques comme celle en contrepartie de laquelle le paiement est dû et

correspond selon le contrat en cause, à la livraison de la chose vendue incombant à la société NORTON ; considérant que la société NORTON ayant à cette époque son siège social en FRANCE, la loi française est applicable au contrat et qu'il convient de déterminer le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse au regard de sa teneur ; considérant que selon le droit français, le paiement sauf convention contraire est quérable au domicile du débiteur conformément aux dispositions de l'article 1247 alinéa 3 du Code Civil ; considérant que la société NORTON ne peut utilement alléguer une renonciation tacite à cette règle découlant des paiements qui auraient été effectués par la société MAGISTRO dès lors qu'elle n'a communiqué aucun élément probant attestant un quelconque paiement de la part de cette société ; qu'elle ne peut davantage faire état de l'indication de ses références bancaires sur ses factures qui ne sauraient signifier que les paiements doivent être opérés par virement bancaire en FRANCE, ni que la société MAGISTRO ait accepté un tel mode de règlement alors même qu'il y est fait mention de traites, tandis que l'envoi d'une mise en demeure unilatérale ne saurait non plus modifier le caractère quérable du paiement prescrit par le texte susvisé ; considérant que l'objet de la demande en justice concernant comme il a été dit, une obligation de paiement, la société MAGISTRO est bien fondée à rechercher la compétence de la juridiction italienne sans que le jugement rendu par le Tribunal de NOVARE le 09 juin 1999 dans le cadre d'une action distincte en "résiliation" du contrat de vente et paiement de dommages et intérêts en raison de la défectuosité de la marchandise livrée, puisse avoir d'incidence sur la présente décision ; considérant que les parties doivent donc être renvoyées à mieux se pourvoir conformément à l'article 96 du nouveau code de procédure civile par voie de confirmation de l'ordonnance déférée par substitution de motifs ;

considérant que l'équité commande d'accorder à la société MAGISTRO une indemnité de 12.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la société NORTON qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, VU l'arrêt du 16 mars 2000, CONFIRME l'ordonnance déférée par substitution de motifs, RENVOIE les parties à mieux se pourvoir conformément à l'article 96 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE la SA NORTON X... FINE CERAMICS à verser à la société de droit italien SAS RUBINETTERIE MAGISTRO une indemnité de 12000 F. ( 1829,39 ) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION QUI A ASSISTE AU PRONONCE

DE PRESIDENT M.C. COLLET

F. Z...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-8211
Date de la décision : 27/09/2001

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968

Un litige portant sur un contrat de fournitures conclu entre des sociétés de droit français et italien revêt un caractère international et relève des règles de compétence résultant de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, laquelle exclut, dans son article 3, l'applicabilité des règles de droit interne, notamment les articles 42 et 46 du nouveau Code de procédure civile. Si l'article 17 de la convention précitée donne compétence exclusive au tribunal désigné par les parties lorsque celles-ci ont conclu une convention attributive de juridiction, il précise la forme que celle-ci doit emprunter. La convention des parties doit ainsi être rédigée soit par écrit ou verbalement, sous réserve de confirmation écrite, soit sous une forme conforme aux habitudes établies entre les parties ou dans le commerce international, sauf à ce que cette forme soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. Il s'infère des dispositions de la Convention de Bruxelles que la validité d'une clause attributive de juridiction est subordonnée à l'existence d'une convention entre les parties, laquelle implique l'expression claire et précise de leur consentement. L'article 17 de la Convention de Bruxelles n'a donc pas vocation à s'appliquer dès lors qu'une clause attributive de juridiction est mentionnée au verso de documents, en l'occurrence des accusés de réception de commandes et des factures, émis postérieurement à l'accord des parties et unilatéralement par l'une d'elle, sans que l'autre l'ait agréée par signature ou acte séparé, et que l'existence de relations habituelles entre les parties n'est pas rapportée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-09-27;1995.8211 ?
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