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13/09/2001 | FRANCE | N°1998-6119

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 septembre 2001, 1998-6119


FAITS ET PROCEDURE : La société de droit allemand ELRING KLINGER GmbH est titulaire d'une marque semi figurative "elring" enregistrée auprès de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle -O.M.P.I.- le 23 avril 1975 sous le numéro 415.260, sous priorité unioniste d'un dépôt allemand du 31 novembre 1974 et renouvelé pour 20 ans le 23 avril 1995, désignant la France au titre de divers produits relevant des classes 7 et 17 et en particulier des pièces profilées en caoutchouc et en matières synthétiques pour la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesse de véhicule

s automobiles. Cette marque INSERTION MARQUE a été déposée en cou...

FAITS ET PROCEDURE : La société de droit allemand ELRING KLINGER GmbH est titulaire d'une marque semi figurative "elring" enregistrée auprès de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle -O.M.P.I.- le 23 avril 1975 sous le numéro 415.260, sous priorité unioniste d'un dépôt allemand du 31 novembre 1974 et renouvelé pour 20 ans le 23 avril 1995, désignant la France au titre de divers produits relevant des classes 7 et 17 et en particulier des pièces profilées en caoutchouc et en matières synthétiques pour la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesse de véhicules automobiles. Cette marque INSERTION MARQUE a été déposée en couleurs sous la combinaison rouge pour le nom Elring, le cercle et le pourtour et blanc pour le fond. La société ELRING exploite cette marque en France en commercialisant ses produits par l'intermédiaire de deux distributeurs officiels dans des emballages appelées "pochettes". Se prévalant de la revente de joints dans des pochettes constitutives d'une copie servile des siennes par Monsieur Célestin X..., la société ELRING, dûment autorisée par ordonnance sur requête du 22 octobre 1997, a fait procéder à une saisie-contrefaçon le 03 novembre 1997 dans les locaux de ce dernier, puis l'a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE aux fins d'obtenir la cessation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale prétendument perpétrés à son encontre et la réparation de son préjudice à déterminer par expertise. Par jugement rendu le 08 juin 1998, cette juridiction a dit qu'en important, détenant et vendant des pochettes de joints pour moteurs revêtues de reproductions de la marque "ELRING" et constituant la copie servile des emballages des pochettes de la société ELRING, Monsieur X... avait commis des actes de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale, lui a interdit de les détenir et de les commercialiser sous astreinte de 20.000 francs par infraction constatée à compter de la signification de la

décision, a ordonné la confiscation aux fins de destruction, sous contrôle d'huissier, aux frais de Monsieur X..., des 229 pochettes mises sous scellées le 24 novembre 1997 et de toutes celles qui seraient trouvées en sa possession, condamné Monsieur X... à verser à la société ELRING deux fois 200.000 francs de dommages et intérêts au titre respectivement de l'atteinte portée à ses droits sur la marque ELRING et du gain manqué, autorisé la publication du jugement in extenso ou par extraits dans trois journaux ou périodiques au choix de la société ELRING et aux frais de Monsieur X... dans la limite de la somme de 30.000 francs HT par insertion, ordonné l'exécution provisoire, alloué une indemnité de 30.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la société ELRING et condamné le défendeur aux dépens. Appelant de cette décision, Monsieur X... argue de sa bonne foi en faisant état de la représentation de la société ELRING en Turquie, de la conformité de tous ses achats effectués auprès des sociétés turques ILKERLER et ERTAS aux us et coutumes du commerce international, des courriers échangés pour connaître le fabricant des joints et de la mise sous scellés avec inventaire opérés par huissier à son initiative le 24 novembre 1997. Il prétend qu'il lui était impossible de s'apercevoir de la contrefaçon des pochettes de joints ELRING. Il estime la demande en dommages et intérêts de la société ELRING non fondée au vu de la durée des relations commerciales et des éléments comptables. Il affirme qu'il ne lui a pas paru étonnant d'acquérir par une société turque à Istanbul des joints ELRING eu égard à l'implantation depuis 1967 d'une usine Mercédès d'autocars en Turquie ayant produit 2400 véhicules en 1997 et qu'il n'avait aucun soupçon quant à la véracité de cette marque et de son fournisseur. Il indique avoir tiré un profit des produits en question limité à 38.700 francs pour invoquer le caractère déraisonnable selon lui du préjudice réclamé. Il

sollicite donc l'entier débouté de la société ELRING, l'autorisation de détruire par tous moyens les 229 pochettes inventoriées par huissier, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il n'a pas cru devoir ordonner une expertise comptable outre une indemnité de 50.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société ELRING oppose que les allégations de bonne foi de Monsieur X... sont dénuées de toute crédibilité et privées de toute portée juridique. Elle considère acquis les actes tant de contrefaçon de marque, que de concurrence déloyale. Elle critique, en revanche, l'évaluation de son préjudice par le tribunal. Elle conclut, en conséquence, à la confirmation de la décision entreprise hormis du chef du montant des dommages et intérêts et demande 1 million de francs au titre de l'avilissement de la marque "ELRING" et de l'atteinte de la notoriété des produits ELRING, une expertise avant dire droit pour permettre à la Cour d'apprécier le quantum du préjudice résultant de son gain manqué, outre une provision de 200.000 francs ainsi qu'une indemnité de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION : Considérant que la société ELRING justifie de la régularité de l'enregistrement international de sa marque "ELRING " à effet en France dont la validité n'est pas contestée par Monsieur X... ; considérant qu'en vertu des articles L 713-2 et L 716.2 du Code de la Propriété Intellectuelle, l'usage d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire pour désigner de produits identiques ou similaires aux produits couverts par l'enregistrement est constitutif de contrefaçon ; considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 03 novembre 1997 et des documents saisis à cette occasion que Monsieur X... a fait un tel usage contrefaisant en important, détenant et revendant en France des joints pour moteurs conditionnés dans les pochettes illicitement

revêtues de la marque "ELRING" ; qu'en effet, l'huissier instrumentaire a constaté que les emballages portant les références Mercédès Benz OM 362, OM 314, OM 366, 402 LA et joints et culasse 829.579 comprenaient la reproduction d'une marque strictement identique à la marque ELRING enregistrée ce que Monsieur X... ne discute pas ; considérant que la contrefaçon de marque ne constituant pas un délit intentionnel, la preuve de la bonne foi s'avère inopérante au plan civil ; que Monsieur X... ne saurait d'ailleurs prétendre en avoir fait preuve alors même qu'il s'est procuré les pochettes litigieuses auprès de sociétés turques qui ne font pas partie du réseau de distribution de la société ELRING qu'il connaissait fort bien pour avoir été, selon ses propres dires, client pendant 25 ans ; considérant, en outre, que les détails des hologrammes que comportent certaines des pochettes saisies, la mauvaise qualité des produits qui y sont contenus comme leur teneur en amiante signalée par un symbole spécifique assorti d'un avertissement de sécurité, établissent que les joints saisis ne sont pas, en réalité, d'authentiques produits ELRING, ce que Monsieur X..., en qualité de professionnel de longue date du commerce des pièces détachées automobiles, ne pouvait manquer de relever comme le corrobore le rapport de Monsieur Y..., expert amiable mandaté par la société intimée, lequel, après avoir procédé à une analyse comparative des produits ELRING et des pièces saisies, a conclu qu'un examen attentif par des professionnels pouvait montrer des défauts de fabrication ; considérant que l'appelant ne peut davantage prétendre avoir cru que les pochettes en question provenaient d'une unité de production qu'aurait exploité la société ELRING en Turquie dès lors que bien qu'importées de Turquie il y figure la mention "made in germany" étant de surcroît observé que les fournisseurs turcs ont reconnu que les biens livrés à Monsieur X... ne provenaient pas d'une

usine ELRING ; considérant que contrairement à ses dires, Monsieur X... a délibérément pris la décision de s'approvisionner en dehors du réseau de distribution de la société ELRING ; considérant que le tribunal a donc retenu, à juste titre, la contrefaçon de marque commise par Monsieur X... ; considérant que la comparaison des emballages litigieux avec ceux de la société ELRING révèle que les uns et les autres sont des parallélipipèdes rectangles de dimensions similaires dont le fond de couleur rouge orange est recouvert de reproductions de la marque ELRING en lettres minuscules d'imprimerie de couleur blanche, les lettres E et G étant plus grosses, le sens d'impression de la marque ELRING étant perpendiculaire au petit côté, un cercle de couleur blanche de diamètre d'environ 1,5 cm étant entouré par une ligne continue de couleur blanche ; considérant que les pochettes renfermant les pièces présentent toutes les caractéristiques dimensionnelles de forme et de couleur des emballages de joints authentiques de la société ELRING dont elles constituent la copie servile ; considérant que Monsieur X... qui connaît depuis 25 ans les emballages et les canaux de distribution habituels et réguliers des produits ELRING ne peut sérieusement alléguer sa bonne foi alors qu'il ne justifie pas avoir effectué une quelconque vérification avant de les importer de Turquie puisque c'est seulement après la venue de l'huissier ayant pratiqué la saisie dans ses locaux qu'il a interrogé ses fournisseurs turcs au sujet de l'origine des biens en cause qu'il a choisi d'acquérir dans ces conditions en se rendant ainsi coupable d'actes de concurrence déloyale au détriment de la société ELRING ; considérant toutefois que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, seule une expertise comptable permettra de déterminer le gain manqué par la société ELRING en raison des agissements de Monsieur X..., aux frais avancés de la société intimée qu'il l'a sollicitée, tandis qu'au vu des

documents remis par ce dernier à l'huissier, il peut être alloué une provision de 100.000 francs à la société ELRING ; considérant que la société intimée a, par ailleurs subi une atteinte indéniable et grave à ses droits sur sa marque laquelle s'est trouvée avilié en raison de la qualité déplorable des produits contenant, en outre de l'amiante dont l'importation et la commercialisation par Monsieur X... ont eu pour effet de laisser croire à la clientèle que les produits ELRING étaient de bas de gamme, dangereux et fabriqué en contravention avec la réglementation en vigueur prohibant l'emploi de ce matériau ; que l'indemnisation de ce préjudice mérite d'être portée à la somme de 300.000 francs en réformant le jugement attaqué de ces deux chefs ; considérant que les mesures d'interdiction, de confiscation et de publication qui contribuent à l'entière réparation de la société ELRING seront confirmées ; considérant que les prétentions au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens seront réservés jusqu'à l'issue de l'instance. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré hormis en ses dispositions concernant les dommages et intérêts accordés à la société de droit allemand ELRING KLINGER GmbH, Et statuant à nouveau de ces chefs, CONDAMNE Monsieur Célestin X... à verser à la société ELRING KLINGER GmbH une indemnité de 300.000 francs au titre de l'atteinte portée à ses droits sur la marque "ELRING", AVANT DIRE DROIT sur le montant de son préjudice résultant du gain manqué, ORDONNE une expertise, DESIGNE à cet effet : Monsieur Norbert Z... demeurant 77-79 rue des Chênes 92150 SURESNES Tél : 01.45.06.50.70 avec pour mission après s'être fait remettre par les parties tous documents nécessaires à son accomplissement et les avoir entendues ainsi que leurs conseils de fournir à la Cour tous éléments comptables de nature à lui permettre d'apprécier ce préjudice, FIXE à la somme de 10.000 francs la

provision que la société ELRING KLINGER GmbH devra consigner au Greffe de la Cour d'Appel de VERSAILLES dans le délai de trois mois du présent arrêt ; DIT qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l'article 271 du nouveau code de procédure civile, DIT que l'expert devra déposer son rapport dans les quatre mois du jour où il sera avisé du versement de la consignation, DIT qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera remplacé sur simple requête, DESIGNE le Conseiller de la Mise en Etat pour suivre les opérations d'expertise, CONDAMNE Monsieur Célestin X... à régler à titre provisionnel la somme de 100.000 francs à ce titre à la société ELRING KLINGER GmbH, RESERVE les demandes en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens jusqu'à l'issue de l'instance. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-6119
Date de la décision : 13/09/2001

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Contrefaçon - Contrefaçon par usage.

En vertu des articles L 713-2 et L 716-2 du Code de la propriété intellectuelle, l'usage d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire pour désigner des produits identiques ou similaires aux produits couverts par l'enregistrement est constitutif de contrefaçon. Il suit de là qu'un professionnel de la vente qui prend délibérément la décision de se procurer, en dehors du réseau de distribution du fabricant, les produits d'une marque parfaitement connue de lui pour en avoir été client durant de nombreuses années - en l'occurrence des joints contenus dans des pochettes d'imitation servile -, sans se préoccuper de l'authenticité de leur provenance réelle, ni de l'existence de défauts de fabrication qu'un simple examen attentif par un professionnel était de nature à révéler, commet un acte de contrefaçon de marque, sans que la preuve, le cas échéant, de sa bonne foi puisse être de nature à l'exonérer

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Vente.

La vente par un professionnel confirmé de copies serviles de produits dont les originaux et le mode de distribution étaient parfaitement connus de lui est con- stitutive d'actes de concurrence déloyale au détriment du fabricant, dès lors que le vendeur ne peut sérieusement alléguer de sa bonne foi. Tel est le cas du vendeur qui ne s'est préoccupé de l'origine d'un produit importé de Turquie, d'apparence semblable à celui du fabricant allemand, qu'après la saisie contrefaçon dans ses locaux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-09-13;1998.6119 ?
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