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21/06/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006936851

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 juin 2001, JURITEXT000006936851


Maître BECHERET, mandataire judiciaire à la liquidation de la SA ATELIERS BM INDUSTRIES a interjeté appel de l'ordonnance de référé rendue le 21 décembre 2000 par Monsieur Le X... du Tribunal de commerce de Nanterre qui a dit n'y avoir lieu à référé et l'a en conséquence déboutée de sa demande en nomination d'un expert. Maître BECHERET, es qualités, demande à la Cour : - de donner acte à la SCP BECHERET THIERRY de ce qu'elle vient aux droits de Maître BECHERET, - de désigner un expert avec pour mission : . de déterminer la date de cessation des paiements effective de la SA

ATELIERS B.M.I., . d'analyser les relations financières entre la SA...

Maître BECHERET, mandataire judiciaire à la liquidation de la SA ATELIERS BM INDUSTRIES a interjeté appel de l'ordonnance de référé rendue le 21 décembre 2000 par Monsieur Le X... du Tribunal de commerce de Nanterre qui a dit n'y avoir lieu à référé et l'a en conséquence déboutée de sa demande en nomination d'un expert. Maître BECHERET, es qualités, demande à la Cour : - de donner acte à la SCP BECHERET THIERRY de ce qu'elle vient aux droits de Maître BECHERET, - de désigner un expert avec pour mission : . de déterminer la date de cessation des paiements effective de la SA ATELIERS B.M.I., . d'analyser les relations financières entre la SA ATELIERS B.M.I. et la SA ETOILE CREDIT, . de fournir tous éléments de droit et de fait permettant de déterminer la responsabilité éventuelle de la SA ETOILE CREDIT quant à un soutien abusif, - de condamner la SA ETOILE CREDIT à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Au soutien de son appel, Maître BECHERET, es qualités, fait notamment valoir : - que par jugement du 30 octobre 1996, le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SA ATELIERS B.M.I., et a désigné Maître SEGARD en qualité d'administrateur judiciaire, et Maître BECHERET en qualité de représentant des créanciers, - que par jugement en date du 18 décembre 1996, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, et Maître BECHERET a été désigné en qualité de liquidateur, - que devant l'importance du passif déclaré pour un montant de 72 millions de francs, le Juge-Commissaire a, par ordonnance du 5 mai 1999, confié une mission d'audit à Monsieur Y..., - que dans son rapport du 8 juin 2000, Monsieur Y... estime que la société d'affacturage ETOILE CREDIT a abusivement soutenu la SA ATELIERS B.M.I., notamment entre août et octobre 1996, - que le 24 octobre 2000, elle a fait citer en référé la SA ETOILE CREDIT pour demander la désignation d'un

expert ayant pour mission celle qu'elle reprend devant la Cour et déjà exposée, - que l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile (et non du Code Civil) autorise toute personne intéressée, pouvant faire état d'un motif légitime, à demander en référé la désignation d'un expert pour conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, - qu'une telle demande n'est soumise ni à la condition de l'urgence, ni à celle de l'absence de contestation sérieuse, et ne peut être refusée au motif de la carence de la partie dans l'administration de la preuve, - que Monsieur Y... indique dans son rapport qu'il n'a pu obtenir toutes les pièces comptables qu'il a demandées, qu'au vu des éléments dont il disposait il lui apparaissait que l'encours consenti par la SA ETOILE CREDIT dépassait les normes financières habituelles, mais que la situation mériterait une analyse plus approfondie des documents non communiqués, - que la SA ETOILE CREDIT critique les conclusions de Monsieur Y... au motif qu'elles résultent d'un examen non contradictoire, et que par ailleurs elles dénotent une méconnaissance des modalités du financement par affacturage, - que ces critiques rendent nécessaire l'instauration d'une expertise judiciaire, - que la SA ETOILE CREDIT n'a rien à craindre d'une telle mesure si, comme elle le soutient, elle n'a commis aucune faute, - que la mission demandée ne consiste pas pour l'expert à dire le droit, ce qui relève de l'appréciation des juges du fond, mais à apporter sa compétence technique pour éclairer ceux-ci. La SA ETOILE CREDIT demande à la Cour de confirmer l'ordonnance et y ajoutant, de condamner Maître BECHERET, es qualités, à lui payer la somme de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Au soutien de sa demande, la SA ETOILE CREDIT fait notamment valoir : - que le 22 juin 1995 elle a passé avec la SA ATELIERS B.M.I. un contrat d'affacturage, - que la SA ATELIERS B.M.I.

a été mise en redressement judiciaire le 8 novembre 1996, puis en liquidation judiciaire le 18 décembre 1996, la date de cessation des paiements étant fixée au 10 août 1996, - que le 6 décembre 1996 elle a déclaré un créance pour un montant de 31,5 millions de francs, - que cette créance à été admise sur l'état des créance pour la somme de 24,7 millions de francs, sous réserve des sommes à percevoir, - que compte tenu des paiements intervenus, et du fonds de garantie, sa créance s'élève actuellement à 19,9 millions de francs, - qu'une partie importante du passif provient des créances de la SA ATELIERS B.M.I. sur la Société SCIAKY qu'elle a affacturées, et que la société débitrice n'a pu payer par suite de son insolvabilité, ayant été placée en redressement judiciaire le 28 novembre 1996, - que Monsieur Y... lui a réclamé des pièces qu'il détenait déjà ou qui concernaient une autre société, la Société Etoile Commerciale, ou qui devaient se trouver dans la comptabilité de la SA ATELIERS B.M.I., que par ailleurs se trouvant en période de restructuration, elle ne disposait pas du temps nécessaire pour rechercher tous ces documents, - que la non communication des pièces s'explique non par de la mauvaise volonté, mais par la brièveté des délais qui lui ont été accordés, - qu'il n'appartient pas au juge des référés, mais au juge du fond de procéder à une analyse juridique sur la question de la responsabilité, et, après un débat contradictoire, de décider s'il lui faut désigner un expert, - que Maître BECHERET, es qualités, invoque l'urgence mais ne la démontre pas, et tire nouvellement argument des articles 143 à 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, alors que ces articles sont hors de propos, - que de même Maître BECHERET, es qualités, invoque l'existence d'un différend, mais ne le démontre pas, étant observé que le différend invoqué est celui qui a été créé par la désignation de Monsieur Y... et son rapport, ainsi que par l'assignation en référé ayant introduit la présente

instance, - que Monsieur Y... est sorti de la mission qui lui avait été donnée, et qui ne visait nullement la SA ETOILE CREDIT, qu'il a accompli son travail sans souci du contradictoire, en méconnaissance des modalités du financement des P.M.E. par voie d'affacturage, et sans garder l'objectivité nécessaires, qu'il s'est livré à des diatribes à son encontre alors qu'il reconnaissait par ailleurs que des analyses plus poussées étaient nécessaires, - qu'étant resté dans son rôle d'affactureur, en mobilisant des créances existantes, il n'est pas concevable de lui reprocher un soutien abusif, à preuve le fait que le contrat a été poursuivi pendant l'activité de la société après le jugement d'ouverture.

DISCUSSION Considérant que l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L.621-39 et L.622-5 qu'il appartient au mandataire judiciaire à la liquidation d'agir au nom et dans l'intérêt des créanciers ; que cette mission le conduit à agir contre les tiers qui ont pu commettre des fautes ayant entraîné une aggravation du passif ou une diminution de l'actif du débiteur ; Considérant qu'il entre donc dans la mission de Maître BECHERET, es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation, d'envisager, le cas échéant, de déclencher un litige l'opposant, dans l'intérêt des créanciers, à la SA ETOILE CREDIT, pour soutien abusif ayant entraîné une aggravation du passif de la SA ATELIERS B.M.I. ; Considérant que dans la perspective de ce litige, et avant toute assignation au fond, Maître BECHERET, es qualités, est en droit de demander en référé la désignation d'un expert en application des dispositions de l'article

145 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que contrairement à l'opinion de la SA ETOILE CREDIT il n'est pas nécessaire d'intenter une action devant la juridiction du fond avant de demander une expertise en référé, puisque précisément l'article 145 précité permet la désignation d'un expert avant tout litige ; Considérant que les notions d'urgence et de contestation sérieuses se rencontrent lorsqu'il s'agit d'appliquer les articles 872 et 873 du Nouveau Code de Procédure Civile, mais sont sans conséquence pour l'application de l'article 145 du même code ; Considérant que les dispositions de l'article 146, faisant interdiction de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, sont relatives aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès, et ne s'appliquent pas lorsque le juge est saisi d'une demande fondée sur l'article 145 ; Considérant que l'article 145 vise l'établissement des preuves et s'applique même lorsqu'il n'existe aucun risque de dépérissement des preuves ; Considérant qu'il suffit de rechercher si le demandeur peut invoquer un motif légitime ; Considérant qu'en l'espèce ce motif légitime réside dans la mission qui incombe au mandataire judiciaire à la liquidation d'agir dans l'intérêt des créancier contre les tiers qui se seraient rendus coupables d'un soutien abusif du débiteur ; que plus précisément la demande de Maître BECHERET, es qualités, contre la SA ETOILE CREDIT trouve un motif légitime dans le fait que cette société était le principal, sinon le seul partenaire financier de la SA ATELIERS B.M.I., et que son encours au jour du jugement d'ouverture s'est révélé très important ; Considérant que l'examen de la déclaration de créance montre également que la facture 95/12/75 d'un montant de 2,5 millions de francs, à échéance au 22 mars 1996 a été déclarée comme impayée par la Société Sciaky, et que le total des factures impayées par la Société Sciaky dont l'échéance est antérieure au 10 juillet

1996 s'élève à 14.317.898,24 francs ; Considérant que ces circonstances suffisent à justifier la désignation d'un expert pour examiner le déroulement des relations financières de la SA ETOILE CREDIT avec la SA ATELIERS B.M.I. ; Considérant que s'y ajoute le fait que Monsieur Y... a estimé qu'au vu des éléments dont il disposait il lui apparaissait que l'encours consenti par la SA ETOILE CREDIT dépassait les normes financières habituelles, et qu'il a indiqué que la situation mériterait une analyse plus approfondie ; Considérant toutefois que cette appréciation est surabondante et n'est pas indispensable pour constater que Maître BECHERET, es qualités, justifie d'un motif légitime pour demander une expertise ; que les critiques faites par la SA ETOILE CREDIT à l'encontre du travail de Monsieur Y... ne font donc pas disparaître ce motif légitime ; Considérant que Maître BECHERET, es qualités, fait justement observer que la mesure demandée ne peut faire grief à la SA ETOILE CREDIT puisqu'elle permettra à cette dernière de démontrer que son comportement a été exempt de fautes si telle est la réalité ; Considérant qu'il résulte de ces éléments qu'il convient de faire droit à la demande de Maître BECHERET, es qualités, et en conséquence d'infirmer l'ordonnance ; Considérant que la mission donnée à l'expert sera modifiée pour être établie comme elle figure dans le dispositif ; Considérant qu'il convient en équité de faire droit à la demande formée par Maître BECHERET, es qualités, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que la SA ETOILE CREDIT qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de la demande qu'elle forme sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme l'ordonnance rendue le 21 décembre 2000 par Monsieur Le X... du Tribunal de commerce de Nanterre, Statuant à nouveau, Désigne en

qualité d'expert Monsieur Z..., 77 avenue du Général De Gaulle, BP 53, 78600 - Maisons Lafitte, avec pour mission de se faire communiquer par les parties ou les tiers toutes les pièces nécessaires, et notamment l'étude réalisée par Monsieur Y..., pour réunir les éléments de fait permettant d'apprécier : - si la SA ETOILE CREDIT a commis dans ses relations avec la SA ATELIERS B.M.I. des fautes de négligence ou d'imprudence ayant entraîné une aggravation du passif ou une diminution de l'actif de la SA ATELIERS B.M.I., - si la SA ATELIERS B.M.I. a commis des fautes d'imprudence ou de négligence dans ses relations avec la SA ETOILE CREDIT qui pourrait limiter la responsabilité de cette dernière,, - le montant du préjudice que ces fautes, si elles existent, ont entraîné pour les créanciers de la SA ATELIERS B.M.I. Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les huit mois à compter du jour de sa saisine, Dit que Maître BECHERET, es qualités, devra consigner une provision de 25.000 francs à valoir sur la rémunération de l'expert, Condamne la SA ETOILE CREDIT à payer à Maître BECHERET, es qualités, la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la SA ETOILE CREDIT aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL, titulaire d'un office d'Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Et ont signé le présent arrêt, le X... et le Greffier. M. A...

J. BESSE Greffier

X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006936851
Date de la décision : 21/06/2001

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Motif légitime

Aux termes de l'article 145 du NCPC " s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ".Dès lors que ce texte vise spécialement l'établissement des preuves, même en l'absence de tout risque de dépérissement de celles-ci, sous la seule condition, pour le demandeur, de pouvoir invoquer un motif légitime, un mandataire judiciaire à la liquidation d'une société, eu égard à la mission qui lui incombe d'agir dans l'intérêt des créanciers contre des tiers susceptibles de s'être rendus coupables d'un soutien abusif du débiteur, a un motif légitime à faire désigner un expert alors que l'encours au jour du jugement d'ouverture s'est révélé très important et le partenaire financier unique.


Références :

Code de procédure civile (Nouveau), article 145

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-06-21;juritext000006936851 ?
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