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21/06/2001 | FRANCE | N°1999-4049

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 juin 2001, 1999-4049


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 1ère chambre 1ère section ARRET N° CM/LZ DU 21 JUIN 2001 R.G. N° 99/04049 AFFAIRE : DIRECTEUR DIVISIONNAIRE DES IMPOTS DE CHARTRES C/ Epoux X... Y... d'un jugement rendu le 21 Avril 1999 par le T.G.I. CHARTRES (première chambre) Expédition exécutoire Expédition Copie délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE Me RICARD Claire

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE UN La cour d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre 1ère section a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique La cause ayant été d

ébattue à l'audience publique du QUATORZE MAI DEUX MILLE UN La cour ét...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 1ère chambre 1ère section ARRET N° CM/LZ DU 21 JUIN 2001 R.G. N° 99/04049 AFFAIRE : DIRECTEUR DIVISIONNAIRE DES IMPOTS DE CHARTRES C/ Epoux X... Y... d'un jugement rendu le 21 Avril 1999 par le T.G.I. CHARTRES (première chambre) Expédition exécutoire Expédition Copie délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE Me RICARD Claire

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE UN La cour d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre 1ère section a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique La cause ayant été débattue à l'audience publique du QUATORZE MAI DEUX MILLE UN La cour étant composée de : Mme Francine BARDY, président, M. Gérard MARTIN, conseiller, Mme Lysiane LIAUZUN, conseiller, assistés de Sylvie RENOULT, Greffier, Et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : Monsieur le DIRECTEUR DIVISIONNAIRE DES IMPOTS DE CHARTRES , chargé du contentieux et du contrôle fiscal, agissant sous l'autorité du Directeur des Services Fiscaux d'Eure et Loir et du Directeur Général des Impôts, élisant domicile en ses bureaux sis 56, rue du Grand Faubourg - 28019 CHARTRES CEDEX APPELANT CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS etamp; ASSOCIES Avoué à la Cour Représenté à l'audience par Monsieur Z..., Inspecteur Principal des Impôts de CHARTRES ET Monsieur A... Félix X... né le 4 juin 1945 à CASTELNAUDARY (Aude) Madame Colette Anne Paule B... épouse X... née le 8 juin 1946 à PERPIGNAN (Pyrénées Orientales) demeurant ensemble 42, boulevard Aristide Briand - 66000 PERPIGNAN INTIMES CONCLUANT par Me Claire RICARD, avoué à la Cour AYANT pour Avocat Me LEBERT du Barreau de PARIS 5 Par acte authentique du 29 juin 1987, Madame C... D... veuve E... a vendu à Monsieur et Madame X... A... une maison d'habitation sise à LUCE - 7 rue

Anatole Wargnier, moyennant le prix de 100.000 francs et le versement d'une rente annuelle et viagère de 29.500 francs, avec réserve du droit d'usage et d'habitation à son profit. Madame C... D... est décédée le 24 août 1991 laissant pour recueillir sa succession, à défaut d'héritier en ligne directe, ses deux soeurs germaines dont Madame C... F..., épouse de Monsieur X... G..., le père de Monsieur X... A.... Dans le cadre de ses opérations de contrôle, le service de la fiscalité immobilière de CHARTRES-SUD a estimé que l'acte du 29 juin 1987 avait été présenté sous forme de vente dans le seul but d'éluder le paiement des droits de mutation à titre gratuit et qu'il dissimulait, en réalité, une donation. En conséquence, une notification de redressements a été adressée le 26 juin 1996 (A.R. du 2 juillet 1996) à Monsieur et Madame X... A... sur le fondement de l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales. A la suite des observations présentées par les contribuables le 25 juillet 1996, les redressements ont été maintenus par le service, par lettre n° 3926 en date du 17 septembre 1996 (A.R. du 18 septembre 1996). L'imposition correspondante a fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement le 27 décembre 1996, pour un montant de 245.430 francs en principal assorti d'une somme de 387.585 francs au titre des pénalités, soit un total de 633.015 francs. Par une réclamation contentieuse du 19 mars 1997, Monsieur et Madame X... ont contesté les rappels de droits notifiés à leur encontre. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet prise par le Directeur des Services Fiscaux le 4 juillet 1997 et notifiée à Monsieur et Madame X... le 11 juillet 1997, avec avis de réception du 15 juillet 1997. Par acte du 10 septembre 1997, Monsieur et Madame X... ont assigné la Direction des Services Fiscaux D'EURE et Loir devant le tribunal de grande instance de CHARTRES afin de voir annuler la décision de rejet du Directeur des Services Fiscaux et ordonner l'abandon des

redressements mis à leur charge. Par un jugement du 21 avril 1999, le tribunal de grande instance de CHARTRES, après avoir constaté que le droit de reprise de l'administration concernant les droits afférents à l'acte passé entre Madame D... C... veuve E... et Monsieur et Madame A... X... le 29 juin 1987 était prescrit le 31 décembre 1990, a annulé, en conséquence, le redressement notifié le 26 juin 1996 et infirmé la décision de rejet de la réclamation contentieuse des époux X... en date du 4 juillet 1997. Appelant, la direction générale des impôts, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 12 février 2001 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, conclut à l'infirmation du jugement entrepris, demandant à la Cour de : - constater que le droit de reprise de l'administration concernant les droits afférents à l'acte passé entre Madame veuve E... et les époux A... X... le 29 juin 1987 n'était pas prescrit le 31 décembre 1990, - constater que l'administration a démontré le but exclusivement fiscal de l'opération en réunissant, dès la notification de redressements, un faisceau de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes permettant d'établir la gratuité de la transmission effectuée à titre onéreux, - condamner les époux X... à payer la somme de 633.015 francs dont 245.430 francs pour les droits en principal et 387.585 francs au titre des pénalités de retard, - condamner les époux X... en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de l'avoué constitué. Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 9 novembre 2000, les époux X... concluent à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demandent à la Cour, en y ajoutant, de condamner l'appelante au paiement de la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux

dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. SUR CE SUR LA PRESCRIPTION DE L'ACTION DE L'ADMINISTRATION Considérant que conformément aux dispositions de l'article L 180 du Livre des procédures fiscales, le droit de reprise dont dispose l'administration en matière de droits d'enregistrement est de trois ans à compter de l'enregistrement à la condition que l'exigibilité des droits et taxes ait été suffisamment révélée par le document enregistré sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures, la prescription étant, dans le cas contraire, de 10 ans par application des dispositions de l'article L 186 du Livre des procédures fiscales ; Considérant qu'en l'espèce, le document présenté à l'enregistrement le 24 août 1987, qui consiste en un acte de vente conclu entre deux personnes dont le lien de parenté n'est pas précisé, comporte la mention du prix (100.000 francs et une rente mensuelle et viagère de 29.500 francs), l'indication que la somme de 100.000 francs a été payée comptant au moyen des deniers personnels du nouveau propriétaire et quittancée dans l'acte et, pour les besoins de l'enregistrement, l'évaluation du bien en pleine propriété fixée à la somme de 450.000 francs ; Que ce n'est qu'en rapprochant cet acte de vente, dont rien ne permet de soupçonner la sincérité, de la déclaration de succession de Madame veuve E..., effectué le 22 février 1992 et enregistrée le 13 août 1992 que l'administration a eu connaissance du lien de parenté entre le vendeur et l'acquéreur et a pu entreprendre les recherches, consistant notamment en l'examen des comptes bancaires de la défunte, qui ont permis d'établir le caractère libéral de la mutation, caractère qui n'est d'ailleurs pas contesté par les époux X... ; Considérant que l'administration n'étant pas tenue de soupçonner systématiquement la sincérité des actes soumis à l'enregistrement, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la vente par une personne de 81 ans de sa maison

d'habitation avec réserve du droit d'usage alors que sa situation financière la mettait à l'abri du besoin, aurait dû inciter l'administration à contrôler immédiatement la réalité du bouquet et qu'un tel acte révélait suffisamment un risque de donation déguisée d'autant que le bouquet a été effectivement payé ainsi que mentionné dans l'acte et que ce n'est qu'ultérieurement qu'il a été restitué aux acquéreurs en quatre chèques émis à leur ordre respectivement les 31 juillet 1987 pour 35.000 francs, le 4 août 1987 pour 12.000 francs, le 11 août 1987 pour 18.000 francs et le 19 août 1987 pour 35.000 francs ; Que dès lors que l'acte de vente du 29 juin 1987 ne comportait aucun élément révélant à sa seule lecture la nature juridique exacte du fait imposable, les époux X... ne peuvent prétendre à la prescription abrégée de l'article L 180 du Livre des procédures fiscales, la prescription applicable en l'espèce étant celle de 10 ans prévue à l'article L 186 du Livre des procédures fiscales, la décision entreprise étant en conséquence infirmée ; SUR LE FOND Considérant que la notification de redressement a été effectuée sur le fondement de l'article L 64 du Livre des procédures fiscales qui prévoit que ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat qui donne ouverture à des droits d'enregistrement moins élevés, l'administration étant alors en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse ; Considérant que l'administration qui entend contester sur le fondement de ce texte le caractère réel d'un contrat invoqué par le contribuable doit établir le caractère fictif du contrat ou, à défaut, qu'il n'a pu être inspiré par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé cet acte, aurait normalement supporté ; Qu'en l'espèce, l'administration s'est attachée à démontrer le but exclusivement fiscal de l'opération ; Considérant

que les époux X... contestent le caractère fictif du contrat de vente faisant valoir qu'ils ont versé un capital de 100.000 francs et ont payé les premiers loyers, mais que Madame veuve E..., tante de Monsieur X..., a refusé avec obstination de percevoir la moindre somme au titre du capital, ce qui explique le reversement de la somme de 100.000 francs ainsi que les deux virements dont fait état l'administration dont celui de 77.000 francs rapporté à la succession ; Qu'ils analysent cette situation en un prêt consenti à leur profit, malgré eux, en raison des difficultés financières rencontrées à l'époque, ajoutant qu'il n'y a pas donation déguisée, mais solidarité familiale ; Que toutefois, il sera relevé que si le prêt de 77.000 francs consenti le 17 août 1991 à Monsieur A... X... par la défunte est mentionné à la déclaration de succession, il n'est en revanche pas fait état d'un prêt de 100.000 francs consenti en juillet et août 1987, ce qui démontre bien l'intention libérale de Madame veuve E..., les époux A... X... n'ayant manifestement pas eu l'intention de rembourser cette somme, étant en outre relevé que la restitution du prix payé par Monsieur X... est intervenue aussitôt après l'acte qualifié de vente, et que l'opération juridique réalisée constitue en réalité en donation, étant surabondamment observé que les époux X... ne justifient pas avoir payé la rente viagère, ne serait-ce que pendant les premiers mois ainsi qu'ils l'affirment ; Considérant qu'il sera encore relevé que Madame veuve E... était âgée de 81 ans au moment de la conclusion de l'acte de vente et que sa situation de fortune la mettait à l'abri du besoin, ce dont il convient de déduire qu'en cédant sans contrepartie le seul bien immobilier qu'elle possédait, elle a envisagé le règlement de sa succession, et qu'à l'évidence, l'établissement d'un acte de vente plutôt qu'un acte de donation présentait pour les époux X... un intérêt fiscal, les droits de mutation étant nettement plus élevés en

matière de donation ; Qu'enfin, il sera encore relevé que les époux X... ont cédé le 7 juillet 1992, donc moins d'un an après le décès de Madame veuve E..., la maison moyennant le prix de 905.000 francs, et que l'achat de ce bien n'était donc pas motivé par le souci de le maintenir dans le patrimoine familial ainsi que soutenu par eux ; Considérant qu'il convient en conséquence de faire droit aux réclamations de l'administration ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DECLARE l'appel recevable, INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, ET STATUANT A NOUVEAU, CONSTATE que le droit de reprise de l'administration concernant les droits afférents à l'acte passé entre Madame D... C... veuve E... et Monsieur et Madame A... X... le 29 juin 1987 n'était pas prescrit le 31 décembre 1990, CONSTATE que l'administration a démontré le but exclusivement fiscal de l'opération en réunissant, dès la notification de redressements, un faisceau de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes permettant d'établir la gratuité de la transmission prétendument effectuée à titre onéreux, CONDAMNE les époux X... à payer à l'administration des impôts la somme de 633.015 francs (soit 96.502,51 Euros) dont 245.430 francs (soit 37.415,56 Euros) pour les droits en principal et 387.585 francs au titre des pénalités de retard, CONDAMNE les époux X... aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Sylvie RENOULT

Francine BARDY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-4049
Date de la décision : 21/06/2001

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Prescription - Prescription abrégée - Conditions - Révélation suffisante de l'exigibilité des droits

En application des dispositions combinées des articles L 180 et L 186 du Livre des procédures fiscale, relatives aux droits d'enregistrement, le droit de reprise de l'administration se prescrit par trois ans à compter de l'enregistrement, lorsque l'acte suffisait, sans autres recherches ultérieures, à révéler l'exigibilité des droits et taxes, et par dix ans dans le cas contraire. Dès lors qu'un acte de vente en viager, mentionnant la valeur estimative du bien et le montant du bouquet ainsi que de la rente annuelle, ne pouvait permettre à l'administration, qui n'est pas tenue de soupçonner systématiquement la sincérité des actes soumis à enregistrement, de connaître, par sa seule lecture, la nature juridique exacte du fait imposable en l'absence, dans l'acte lui-même, d'éléments de nature à révéler l'existence d'un lien de parenté entre acquéreur et vendeur, la prescription applicable est de dix ans.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-06-21;1999.4049 ?
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