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07/06/2001 | FRANCE | N°1998-5924

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 juin 2001, 1998-5924


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 D.C./P.G. ARRÊT N° DU 07 juin 2001 R.G. N° 98/5924 AFFAIRE : - Société INGENIA C/ - M. Jean-Frédéric X... Y... certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : Î SCP KEIME-GUTTIN Î SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL

E.D. RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS -------------- LE SEPT JUIN DEUX MILLE UN La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du DEUX AVRIL DEUX MILLE UN

DEVANT : MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER chargé du rapport, les con...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 D.C./P.G. ARRÊT N° DU 07 juin 2001 R.G. N° 98/5924 AFFAIRE : - Société INGENIA C/ - M. Jean-Frédéric X... Y... certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : Î SCP KEIME-GUTTIN Î SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL

E.D. RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS -------------- LE SEPT JUIN DEUX MILLE UN La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du DEUX AVRIL DEUX MILLE UN DEVANT : MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de : Mme Françoise LAPORTE, Conseiller, faisant fonction de président, M. Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : - Société INGENIA ayant son siège 52 boulevard Rodin 92130 ISSY LES MOULINEAUX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. APPELANTE d'un jugement rendu le 18 mars 1998 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, 9ème chambre. CONCLUANT par la SCP KEIME-GUTTIN, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES. ET : - MONSIEUR JEAN-FREDERIC X... DEMEURANT 22 RUE DU GENERAL COLIN 78400 CHATOU. INTIME CONCLUANT par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par Maître MASSART, Avocat au Barreau de RENNES. 5 FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES : Le 10 avril 1997, la société INGENIA, sous la signature du président de son conseil d'administration, a conclu une convention d'honoraires, d'un

montant de 300.000 francs hors taxes pour assistance et conseil au président, avec monsieur X... qui avait été coopté aux fonctions d'administrateur de la société le 26 mars précédent. La société INGENIA ayant refusé de procéder au règlement des deux factures émises consécutivement par monsieur X..., pour un total de 364.212 francs, ce dernier a saisi le tribunal de commerce de Nanterre lequel, par jugement en date du 18 mars 1998 a fait droit à sa demande et a condamné la société INGENIA à lui payer la somme réclamée et une indemnité de procédure de 10.000 francs. Pour statuer ainsi, cette juridiction, retenant que la convention avait été acceptée par le conseil d'administration et n'avait pas été annulée par l'assemblée générale, a dit que n'étaient pas réunies les conditions pour prononcer la nullité de la convention qu'il a déclarée opposable à la société INGENIA à laquelle il a reproché de ne pas apporter la preuve que monsieur X... n'avait pas réalisé d'actions ayant permis d'aboutir à la solution trouvée. La société INGENIA, qui a interjeté appel de la décision, explique qu'à défaut d'autorisation préalable donnée par le conseil d'administration, cette convention, qui relève des dispositions de l'article 105 de la loi du 24 juillet 1966 (L225-42 du code de commerce), est nulle car le conseil a été trompé. Contestant que la nullité ait pu être couverte par l'assemblée générale réunie le 19 novembre 1997, elle fait grief aux premiers juges d'avoir inversé la charge de la preuve de la réalité des interventions de monsieur X... qu'elle conteste. Elle considère que la prestation supposée de ce dernier aurait été accomplie dans l'intérêt de certains actionnaires et estime que le paiement par elle-même des factures litigieuses serait constitutif d'un abus de bien social. Elle conclut à l'infirmation du jugement, à la nullité de la convention et, en tout état de cause, à son inopposabilité, au débouté de monsieur X... et à sa

condamnation au paiement d'une somme de 20.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur X... répond que la nullité évoquée par l'article 105 de la loi du 24 juillet 1966 (L225-42 du code de commerce) n'est nullement de plein droit et ne peut être prononcée par le juge que si la convention a eu des conséquences dommageables pour la société. Il soutient qu'en l'espèce, la société INGENIA ne rapporte pas cette preuve et qu'au contraire les délibérations du conseil d'administration démontrent, selon lui, la parfaite conscience du travail qu'il a effectué dans sa mission d'assistance et de conseils au président et qui a permis la survie de la société INGENIA. Il demande, en conséquence, à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société INGENIA à lui payer la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 09 novembre 2000 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 02 avril 2001. MOTIFS DE LA DECISION : Considérant que le 10 avril 1997, la société INGENIA et monsieur X... ont conclu une convention aux termes de laquelle était confiée à ce dernier une mission d"assistance et conseil au président dans la négociation du projet de rapprochement d'INGENICA", moyennant des honoraires d'un montant de 300.000 francs HT ; Considérant que, monsieur X... ayant été coopté aux fonctions d'administrateur de la société INGENIA le 26 mars 1997, cette convention devait, par application des dispositions de l'article L225-38 du code de commerce, être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration ; Considérant que le conseil n'a émis un avis favorable sur cette convention que lors de sa séance du 30 avril 1997 ; qu'il est ainsi établi que la convention n'a pas reçu l'autorisation préalable du conseil ; qu'au regard du respect de

l'article L225-38 susvisé, le fait que le conseil ait autorisé la convention "à intervenir", alors que celle-ci avait été passé depuis vingt jours, reste sans effet ; Considérant que l'article L225-42 dudit code édicte que les conventions visées à l'article L225-38 et conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société, mais que la nullité peut être couverte par un vote de l'assemblée générale intervenant sur rapport du commissaire aux comptes ; Considérant qu'en l'espèce, comme le souligne à bon droit la société INGENIA, la nullité encourue par la convention litigieuse n'a pas été couverte par l'assemblée générale des actionnaires, réunie le 19 novembre 1997, puisqu'au contraire ceux-ci ont décidé de s'abstenir sur la ratification ; que l'abstention ne vaut pas, comme le laisse entendre le jugement entrepris, ratification ; Considérant que la nullité de la convention, dépourvue d'autorisation préalable, ne peut être prononcée qu'à charge pour la société qui l'invoque d'établir la réalité de conséquences dommageables qu'elle aurait entraînées ; Considérant qu'il est établi par le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 26 mars 1997 que la société INGENIA était dans une situation financière délicate ; qu'un plan de trésorerie faisait "ressortir un besoin compris entre 5 et 10 MF dans les mois à venir, dont 4MF avant fin avril ou au plus tard fin mai" ; que les Commissaires aux comptes avaient été amenés à établir une note d'alerte compte tenu des problèmes de trésorerie et des pertes de l'année 1996 dont le conseil d'administration du 14 mai 1997, arrêtant les comptes de l'exercice, constatera le montant de plus de trente trois millions ; que dans de telles circonstances le versement à un administrateur d'une somme de 300.000 francs à titre d'honoraires constitue un fait dommageable, sauf à ce qu'il soit établi que cette rémunération aurait été acquise en contrepartie de

prestations d'une valeur équivalente ; qu'à cet égard c'est à tort que les premiers juges ont fait grief à la société INGENIA de ne pas apporter la preuve négative que monsieur X... n'aurait pas réalisé d'actions ; Considérant que monsieur X... ne saurait soutenir que l'ampleur du travail effectué en rémunération de cette somme est démontrée par le procès-verbal du conseil d'administration du 26 mars 1997 ; qu'en effet, ce texte en mentionnant "Monsieur Marc Z... rappelle l'importance de l'intervention de Monsieur X... dont les conclusions donnent un espoir à INGENIA" ne peut faire référence qu'aux interventions déjà effectuées dans le cadre d'une précédente convention d'honoraires, convenue le 10 février 1997, alors que monsieur X... n'était pas encore administrateur, pour un prix de 100.000 francs et concernant une étude sur le caractère attrayant du positionnement stratégique d'INGENIA ; Considérant que monsieur X... affirme que l'efficacité de son travail, la concurrence qu'il a su instaurer entre le groupe SEMA et le groupe DECAN pour la reprise de la société INGENIA ont permis la survie de cette dernière en brusquant les négociations ; Que la société INGENIA soutient que monsieur X... est dans l'incapacité de produire le moindre rapport ou document attestant de la réalité et de la valeur d'un travail effectif ; Mais considérant que le conseil d'administration de la société INGENIA, réuni le 30 avril 1997 pour faire le point sur les recherches d'investisseurs et examiner et débattre de la proposition de la société DECAN, a pris une décision ainsi libellée : "Le Conseil d'Administration autorise la convention à intervenir avec Monsieur Jean-Frédéric X..., Administrateur, couvrant des études sur le positionnement d'INGENIA, assistance au comité de pilotage, aides à la recherche et au suivi des partenariats industriels, lesdites prestations à facturer par l'intéressé à hauteur de TROIS CENT MILLE (300.000) francs hors taxes." ; que cette

résolution, intervenue postérieurement à l'offre faite par la société DECAN, n'a pas l'effet d'accorder une autorisation préalable à la convention déjà passée, mais constitue en revanche implicitement mais nécessairement la reconnaissance par la société INGENIA de la réalité et du coût des interventions faites, pour son compte, par monsieur X..., lequel cédera sa place d'administrateur à la société DECAN dès la réunion du conseil d'administration tenue le 14 mai 1997 ; Considérant enfin que la société INGENIA est mal fondée à affirmer que la prestation de monsieur X... n'a pas été effectuée dans son intérêt mais dans celui personnel de certains actionnaires et que la prise en charge des interventions de monsieur X... serait de nature à l'exposer à un risque d'abus de biens sociaux ; que les pièces du dossier, et notamment les procès-verbaux des conseils d'administration des 26 mars et 27 avril démontrent en effet que la reprise des actions par la société DECAN a permis la survie de la société qui se trouvait dans une impasse financière et que ce sauvetage constituait l'objectif principal poursuivi par le conseil d'administration ; Qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé, par substitution partielle de motifs ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à monsieur X... la charge des frais qu'il a été contraint d'engager en cause d'appel ; que la société INGENIA sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement entrepris par substitution partielle de motifs, Y ajoutant, CONDAMNE la société INGENIA à payer à monsieur Jean-Frédéric X... la somme complémentaire de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure

civile, CONDAMNE la société INGENIA aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-5924
Date de la décision : 07/06/2001

Analyses

SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Convention réglementée (article 101) - Autorisation préalable - Absence

Il résulte des dispositions combinées des articles L 225-42 et L 225-38 du code de commerce (anciens articles 105 et 101 de la loi du 66-537 du 24 juillet 1966) que la validité des conventions conclues entre une société et, notamment, l'un de ses administrateurs sont subordonnées à l'autorisation préalable du conseil d'administration, et qu'à défaut la nullité est encourue si la convention litigieuse a eu des conséquences dommageables pour la société, sauf à être couverte par un vote du conseil sur rapport spécial des commissaires aux comptes. Il s'infère de l'article L 225-42 qu'en l'absence d'autorisation préalable du conseil d'administration ou de ratification ultérieure, la nullité d'une convention visée par l'article L 225-38 du code de commerce, ne peut être prononcée qu'à charge, pour la société qui l'invoque, d'établir la réalité des conséquences dommageables qu'elle aurait entraînées. Tel n'est pas le cas, nonobstant la situation financière délicate d'une société, lorsqu'il résulte d'une délibération postérieure du conseil d'administration, que cette société a reconnu implicitement, mais nécessairement, la réalité et le coût des interventions faites pour son compte au titre de la convention litigieuse


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-06-07;1998.5924 ?
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