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27/04/2001 | FRANCE | N°1999-7321

France | France, Cour d'appel de Versailles, 27 avril 2001, 1999-7321


Le 20 novembre 1998, les sociétés AXA-UAP et FINAXA ont fait constater par un huissier de justice le contenu d'un document intitulé "Comment AXA prend les gens pour des cons", accessible à l'adresse Internet: http://perso.infonie.fr/guardian/. Par acte en date du 14 décembre 1998, les sociétés FINAXA, AXA-UAP, AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie ont fait assigner en référé la société INFONIE afin d'obtenir une expertise destinée à sauvegarder les informations litigieuses et à recueillir toutes informations nécessaires à l'identification du ou des auteurs du document incriminé

. L'expert désigné par l'ordonnance de référé du tribunal d'insta...

Le 20 novembre 1998, les sociétés AXA-UAP et FINAXA ont fait constater par un huissier de justice le contenu d'un document intitulé "Comment AXA prend les gens pour des cons", accessible à l'adresse Internet: http://perso.infonie.fr/guardian/. Par acte en date du 14 décembre 1998, les sociétés FINAXA, AXA-UAP, AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie ont fait assigner en référé la société INFONIE afin d'obtenir une expertise destinée à sauvegarder les informations litigieuses et à recueillir toutes informations nécessaires à l'identification du ou des auteurs du document incriminé. L'expert désigné par l'ordonnance de référé du tribunal d'instance de Puteaux en date du 22 décembre 1998, a indiqué, dans son rapport en date du 8 janvier 1999, que l'auteur du document litigieux était vraisemblablement Monsieur X.... Par deux actes d'huissier en date du 20 janvier 1999, les SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie ont fait assigner Monsieur X..., Monsieur SAPET, Président du Conseil d'administration de la société INFONIE, et la SA INFONIE, afin de voir dire et juger que les allégations contenues sur les pages personnelles intitulées "Comment AXA prend les gens pour des cons", diffusées sur Internet par le serveur de la SA INFONIE, constituent une diffamation publique envers les SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie, telle que prévue par les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881; déclarer Monsieur SAPET coupable, en sa qualité d'auteur principal, de diffamation publique envers particuliers, en application des dispositions de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982; déclarer Monsieur X..., auteur des propos attaqués, coupable, en sa qualité de complice, de diffamation publique envers particuliers, en application des dispositions de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982; déclarer la SA INFONIE civilement responsable de son Président; condamner solidairement les défendeurs à payer à chacune des demanderesses la

somme de 500.000 francs en réparation du préjudice subi; dire et juger que la SA INFONIE devra publier le jugement à intervenir 15 jours au plus tard à compter de sa signification sur la page d'accueil du site web INFONIE, pendant une semaine, à ses frais, à l'adresse suivante: http://www.infonie.fr; dire et juger que le jugement à intervenir sera publié aux frais des défendeurs, dès sa signification, dans le quotidien "Les Echos" et dans le journal spécialisé "Internet Professionnel" et ce, sous astreinte; condamner solidairement les défendeurs au paiement de l'ensemble des frais d'expertise, des frais irrépétibles et des dépens; le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Par acte d'huissier en date du 29 janvier 1999, les demanderesses ont dénoncé l'assignation à Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre et à Monsieur l'Officier du Ministère Public près le tribunal d'instance de Puteaux. Les SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie ont soutenu qu'elles avaient saisi le tribunal d'instance de Puteaux en vertu de l'article R.321-8 du Code de l'organisation judiciaire, selon lequel le tribunal d'instance connaît des actions civiles en diffamation ou pour injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites autrement que par la voie de la presse; que le droit de la presse est applicable au réseau Internet et que la prestation d'hébergement de pages personnelles, service incriminé en l'espèce, constitue un service de communication audiovisuelle, les pages personnelles étant mises à la disposition du public; que les propos de Monsieur X... avaient un caractère diffamatoire, dès lors qu'ils contenaient l'imputation de faits précis, accompagnés par l'auteur d'exemples démonstratifs, portant gravement atteinte à leur honneur et considération et qu'elles étaient nommément désignées par ces propos; que Monsieur X... n'avait pas notifié d'offres de preuve dans les délais impartis par l'article 55 de la loi du 29

juillet 1881; que sa mauvaise foi ne pouvait être contestée, la violence de ses allégations excédant les limites de la critique admissible et ne reposant sur aucun élément d'enquête sérieux; que Monsieur SAPET, représentant du fournisseur d'hébergement, était assimilable au directeur de la publication, considéré comme auteur des propos, en vertu de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, peu important à cet égard que l'auteur des propos soit identifiable ou non; que les pages d'abonnés étant téléchargées sur le disque dur d'un des serveurs du fournisseur d'hébergement avant leur mise en ligne sur le réseau Internet, les pages personnelles font l'objet d'une fixation préalablement à leur mise à disposition du public; qu'il était donc parfaitement possible techniquement de procéder à un contrôle entre le téléchargement des pages des abonnés sur le disque dur et leur mise en ligne sur le réseau Internet; qu'en tout état de cause, la responsabilité d'un producteur de services télématiques a été retenue alors même que le message n'avait pas été fixé préalablement à sa communication au public; subsidiairement, au regard du droit commun de la responsabilité, que la SA INFONIE avait manqué à son obligation de contrôle en ne relevant pas et en ne supprimant pas le contenu des pages personnelles de Monsieur X..., alors qu'elle disposait de moyens techniques suffisants pour y procéder, notamment grâce à un moteur de recherches LOKACE; que leur préjudice était d'autant plus important que les propos de Monsieur X... avaient été accessibles à tous les internautes pendant plus d'un mois. La SA INFONIE et Monsieur SAPET ont fait valoir, à titre préalable, en quoi consistait l'opération d'hébergement des pages personnelles des abonnés; qu'ils ne se prononçaient pas sur le caractère diffamatoires des propos de Monsieur X...; que la mise à disposition du public par voie de télécommunication de messages, définition de la communication audiovisuelle donnée par la loi,

suppose une démarche positive de diffusion et un contrôle du contenu desdits messages; que les pages personnelles sont réalisées et mises en ligne et par voie de conséquence mises à la disposition du public, par le seul abonné, le fournisseur n'ayant qu'un rôle technique de simple transport et de stockage; qu'en outre Monsieur SAPET n'avait pas la qualité de directeur de publication des pages personnelles, estimant que seul l'abonné pourrait, le cas échéant, être considéré comme tel et ce, particulièrement dans le cas où la fourniture d'hébergement n'avait pas lieu de manière anonyme; qu'à titre subsidiaire, la présomption de responsabilité du directeur de la publication repose sur la possibilité qu'a ce dernier d'exercer un contrôle éditorial avant communication des propos du public, lequel suppose une fixation préalable à l'acte de mise à disposition du public; qu'il n'existe, pour les pages personnelles, aucun délai entre l'opération consistant, pour le responsable du site personnel, à transférer un fichier créé par lui et son accessibilité sur Internet; que par ailleurs, le tribunal d'instance était incompétent rationae materiae pour statuer sur la demande subsidiaire fondée sur la responsabilité de droit commun; qu'enfin, ils n'avaient commis aucune faute ou manquement à l'une de leurs obligations. Monsieur X... a prétendu que la SA INFONIE avait inscrit, sans son accord, son adresse dans un moteur de recherche LOKACE, qui avait permis le référencement de la page litigieuse et qu'à défaut de diffusion sur ce moteur de recherches, son message aurait conservé un caractère confidentiel; qu'engagé par l'UAP en 1992, il avait rédigé ce message au lendemain de l'intervention de la Direction générale du groupe AXA à Lyon le 20 octobre 1998, ayant eu le sentiment d'être totalement "broyé" par le groupe AXA dans le cadre de la réorganisation du "réseau S"; que les propos qu'il avait employés l'avaient été précédemment dans différentes éditions syndicales pour lesquelles

aucune poursuite n'avait été engagée; qu'en tout état de cause, il justifiait les critiques faites sur les tarifications des sociétés AXA; que ses propos n'avaient donc pas de caractère diffamatoire; qu'à titre subsidiaire, il avait été licencié pour faute lourde et donc déjà sanctionné par son employeur; qu'enfin les demanderesses ne justifiaient pas le préjudice allégué ni l'intérêt des publications qu'elles ont sollicitées. Par jugement contradictoire en date du 28 septembre 1999, le tribunal d'instance de Puteaux a rendu la décision suivante: - Dit et juge que les allégations et imputations contenues sur les pages personnelles intitulées "Comment AXA prend les gens pour des cons" constituent une diffamation publique envers les SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie, telle que prévue et réprimée par les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881; - Rejette la demande visant à voir déclarer Monsieur SAPET, Président du Conseil d'administration de la SA INFONIE, coupable en sa qualité d'auteur principal de diffamation publique envers particuliers, en application de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982; - Rejette la demande visant à voir déclarer Monsieur X... coupable en sa qualité de complice de diffamation publique envers les particuliers, en application de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982; - Déboute les SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie de leurs demandes de dommages et intérêts et de publication du jugement en ce que ces demandes sont fondées sur les dispositions cumulées de la loi du 29 juillet 1881 et de la loi du 29 juillet 1982; - Se déclare incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nanterre sur ces mêmes demandes en ce qu'elles sont fondées sur le droit commun de la responsabilité délictuelle; - Dit qu'à défaut de contredit dans le délai légal, le dossier de l'affaire sera transmis par les soins du greffe à la juridiction ainsi désignée; - Condamne les SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie à payer à Monsieur SAPET et à la SA INFONIE

la somme de 100.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au bénéfice des SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie; - Laisse les dépens à la charge des SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie. Par déclaration en date du 5 octobre 1999, les SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie ont interjeté appel de cette décision. Par ordonnance en date du 2 mars 2000, le Conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de céans (Versailles, 1ère chambre, 2ème section) a constaté le désistement de l'appel des SA AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie à l'encontre de la SA INFOSOURCES, anciennement dénommée INFONIE, et de Monsieur SAPET, l'extinction, par conséquent, de l'instance entre ces parties et la poursuite de l'instance entre les SA AXA et Monsieur X... Y... ordonnance de clôture a été signée le 7 décembre 2000, mais a été révoquée par une ordonnance en date du 30 janvier 2001 du Conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de céans (Versailles, 1ère chambre, 2ème section), les dernières conclusions interruptives de prescription des SA AXA sont donc recevables. Les SA AXA soutiennent que le caractère diffamatoire des propos tenus par Monsieur X..., dans le cadre de ses pages personnelles, est établi, comme l'a justement démontré le premier juge; que la responsabilité de Monsieur X... est également établie de ce fait, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge; qu'en effet le délit de diffamation étant constitué en l'espèce, il convient d'appliquer la loi du 29 juillet 1881; qu'en vertu de l'article 53 de cette loi, les juges du fond doivent apprécier le délit suivant la qualification précisée par la citation introductive d'instance, mais le demandeur n'est pas tenu de déterminer le mode de participation du prévenu aux faits spécifiés et qualifiés dans la poursuite; que c'est à la juridiction saisie d'apprécier le mode de participation du prévenu

dès lors que les éléments légaux de l'infraction visée dans la citation sont réunis; que le fait qu'elles aient qualifié Monsieur X... de complice de Monsieur SAPET dans leur assignation initiale, ne pouvait donc pas justifier que le premier juge se soit arrêté dans l'appréciation du mode de participation à l'infraction de celui-ci à la qualification retenue dans cet acte; que le premier juge devait aussi examiner la participation de celui-ci à titre d'auteur principal, en vertu des dispositions susvisées et de l'article 12 du nouveau Code procédure civile; que Monsieur X... doit donc être reconnu responsable en sa qualité d'auteur principal de la diffamation alléguée. Par conséquent, elles prient la Cour de: Vu l'article 12 du nouveau Code de procédure civile; Vu les articles 29 alinéa 1, 32 alinéa 1 et 53 de la loi du 29 juillet 1881; - Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Puteaux en ce qu'il a déclaré les allégations et imputations contenues sur les pages personnelles intitulées "Comment AXA prend les gens pour des cons" diffamatoires au sens des articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881; - Infirmer le jugement du tribunal d'instance de Puteaux en ce qu'il a rejeté la demande des SA AXA visant à voir déclarer Monsieur X... coupable du délit de diffamation publique envers un particulier; En conséquence; - Déclarer Monsieur X..., auteur des propos attaqués, coupable du délit de diffamation publique envers des particuliers, en application des dispositions de l'article 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881; - Condamner Monsieur X... à payer la somme de 50.000 francs de dommages et intérêts à chacune des demanderesses en réparation du préjudice subi; A titre de réparation complémentaire; - Dire et juger que l'arrêt à intervenir sera publié aux frais de Monsieur X... dès sa signification dans le quotidien "Les Echos", et dans le journal spécialisé "Internet Professionnel" et ce sous astreinte de 10.000

francs par jour de retard, sans que le coût de chaque publication excède la somme de 50.000 francs; - Condamner Monsieur X... au paiement de l'ensemble des frais d'expertise engagés par les sociétés concluantes; - Condamner Monsieur X... à payer aux sociétés concluantes la somme de 4.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - Condamner Monsieur X... aux entiers dépens d'appel au profit de la société JUPIN etamp; ALGRIN, titulaire d'un office d'Avoués près la Cour d'Appel, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Monsieur X... fait valoir que l'inexistence d'un fait principal répréhensible de la part de Monsieur SAPET empêche de pouvoir caractériser sa responsabilité en tant que complice du délit de diffamation; que la prétention des appelantes consistant à établir sa participation à la diffamation en tant qu'auteur principal, en contradiction avec leurs allégations contenues dans l'assignation initiale, doit être rejetée comme contraire aux dispositions de l'article 53 da la loi du 29 juillet 1881, car elle invite à une requalification des faits de la saisine, qui est prohibée par ce texte; qu'à titre subsidiaire, le caractère diffamatoire du message litigieux n'est pas établi; qu'en effet, il reprend ses prétentions de première instance pour justifier de sa bonne foi au sens de l'article 35 bis de la loi du 29 juillet 1881; que les SA AXA ne justifient pas leur préjudice ni la nécessité des publications exigées. Par conséquent, il prie la Cour de : Vu les articles 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, 121-7 du Code pénal et 53 de la loi du 29 juillet 1881; Vu les articles 29 alinéa 1 et 35 de la loi du 29 juillet 1881; - Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Puteaux en date du 28 septembre 1999, en ce qu'il a rejeté la demande des SA AXA visant à voir déclarer Monsieur X... coupable du délit de complicité de diffamation publique envers un particulier; -

Rejeter par conséquent et par application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la demande des SA AXA tendant à fonder les poursuites à l'encontre de Monsieur X... sur la nouvelle qualification d'auteur de diffamation publique envers un particulier; - Rejeter la demande en paiement d'une indemnisation et la demande de publication formulée par les SA AXA; A titre subsidiaire; - Constater que les propos employés par Monsieur X... l'avaient été précédemment dans différentes éditions syndicales; - Dire et juger en conséquence que Monsieur X... a pu légitimement reprendre ces termes dans son message Internet; - Constater que Monsieur X... justifie des critiques faites sur les pratiques coercitives et les tarifications des SA AXA et qu'en cela il atteste de sa bonne foi; - Dire et juger que les propos contenus sur la messagerie de Monsieur X..., malgré leur caractère outrancier, ne sont pas diffamatoires; - Infirmer en cela le jugement du tribunal d'instance de Puteaux en ce qu'il a caractérisé la diffamation publique envers particuliers; - Dire et juger en conséquence que Monsieur X... ne peut voir sa responsabilité engagée, quel que soit le titre de participation retenue; A titre infiniment subsidiaire; - Constater que les SA AXA ne justifient pas d'un préjudice allégué; - Rejeter en conséquence la demande en réparation présentée; - Dire et juger que les demandes de publication sollicitées par les SA AXA sont inutiles et qu'elles ne pourront au contraire que contribuer à médiatiser un message dont la diffusion a été confidentielle, voire quasiment nulle; - Dire et juger qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des SA AXA les frais engagés; - Condamner les SA AXA aux entiers dépens d'appel au profit de Maître BINOCHE, titulaire d'un office d'Avoués près la Cour d'appel, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été signée le 8 février 2001 et l'affaire appelée et

plaidée par les conseils des parties à l'audience du 9 mars 2001. SUR CE LA COUR I) Considérant en droit qu'il y a lieu dans le présent litige relatif à un débat de presse de faire application du régime de la loi du 29 juillet 1881 et notamment des dispositions de son article 53 qui édicte que la citation précise et qualifie le fait incriminé et qu'elle indique le texte de loi applicable - ce qui a été respecté dans l'assignation devant le tribunal d'instance - mais que cet article n'exige pas que la citation introductive de l'instance qualifie elle-même le mode de participation du prévenu aux faits spécifiés contre lui dans la poursuite ; qu'il en résulte que ni le premier juge ni la cour ne sont liés sur ce point par qualification de "complice" que cette assignation a cru devoir indiquer à l'égard de Monsieur X... et que c'est donc à tort que le tribunal qui n'a pas usé de ses pouvoirs, notamment tirés de l'article 12 du nouveau code de procédure civile, n'a pas statué sur le mode de participation de Monsieur X... aux faits précisés et qualifiés dans la citation et a cru devoir s'arrêter irrévocablement à la qualification de "complice" surabondamment indiqué dans l'acte de saisine ; que le jugement est donc infirmé sur ce premier point et que la cour, dès à présent, dit et juge que les faits qui seront ci-dessous analysés et motivés à la charge de Monsieur X... lui sont entièrement imputables en tant qu'auteur principal de ces diffamations ; II) Considérant, quant aux termes ci-dessus employés dans le message INTERNET dont s'agit diffusé par Monsieur Christophe X..., qu'ils ont été exactement reproduits dans l'acte introductif d'instance, qu'ils ne sont pas discutés ni contestés dans leur contenu et dans leur matérialité, et que le jugement déféré les a exactement reproduits ; qu'à toutes fins utiles, cependant la cour reprend les libellés - non discutés ni contestés - invoqués par la Société anonyme AXA CONSEIL IARD et la SA AXA CONSEIL VIE appelantes,

et qui sont les suivants : "Comment AXA prend les gens pour des cons" "Depuis le rachat de l'UAP par AXA pour le franc symbolique, rien ne va plus" "Non contente d'avoir démantelé en quelques mois le plus beau fleuron de l'assurance française, la direction d'AXA persévère à se foutre de la gueule de ses salariés comme de ses clients" "Cette page a pour vocation de dénoncer les pratiques de gangster d'AXA avec un zoom sur sa filiale française de vente par réseau salarié, AXA CONSEIL" "AXA prend ses salariés pour des cons" "Après avoir réformé le plus grand réseau commercial salarié de FRANCE, Le réseau S de l'UAP, la direction enfonce le clou et se déplace en province pour se moquer de ses salariés : morceaux choisis du discours de Monsieur François Z..., A... général et de Monsieur Alain ROUBIN A... commercial" "La réforme du réseau S ou le retour au moyen-âge vu par AXA" "Morceaux choisis du discours du 19/10/98 par la direction D'AXA conseil" "AXA prend ses clients "Auto" pour des cons" "L'article A 121-1 du code des assurances donne le texte réglementaire de la "clause type de réduction-majoration", dite aussi "clause de bonus-malus" "Son intérêt est de poser les règles de la variation de la prime assurance auto en fonction des sinistres, quelle que soit la compagnie d'assurance" "AXA CONSEIL fait fi du code des assurances et applique sa propre règle de majoration" "Explications, preuve à l'appui" "AXA prend ses clients "Vie" pour des cons" "AXA CONSEIL est fière de vous présenter son nouveau contrat d'assurance-vie "EURACTIEL" "Bonne affaire ou piège à consä" "Ecrivez-nous" "Arnaque à l'assurance auto" "Comment AXA CONSEIL calcule un tarif auto" "La prime de base est composée de deux parties : une première somme basée sur les risques "responsabilité civile-dommages", une seconde somme basée sur les risques "incendie et vol". Chacune de ces sommes est majorée indépendamment du coefficient de bonus en fonction des sinistres intervenus dans les

années précédentes" "Ainsi pour la prime "RC/Dommages", la prime peut être majorée jusqu'à 40 % et la prime "Incendie-vol" jusqu'à 72 %, indépendamment du bonus (qui par ailleurs ne varie pas en cas de vol ou d'incendie)" Exemple : 1°) Monsieur B... n'a eu aucun sinistre, son bonus est de 60 %. Il veut s'assurer chez AXA CONSEIL. La prime RC/Dommages est de 4.210 Francs. Elle ne subit pas de majoration (pas d'accident). La prime incendie-vol est de 886 Francs et ne subit pas non plus une majoration (pas de sinistre). La prime totale est de 4.210 Francs + 886 Francs = 5.096 Francs. Soit avec un bonus de 60 % : 5.096 Francs x 0,60 % = 3.057 Francs. 2°) Monsieur C... n'a pas eu de chance : sa voiture a été forcée, son pare-brise cassé et il a eu un accident responsable, tout ça en trois ans. Il veut s'assurer chez AXA CONSEIL. La prime RC/Dommages est de 4.210 Francs. Elle est majorée de 40 % soit 5.894 Francs. La prime incendie-vol est de 886 Francs et est majorée de 72 % soit 1.524 Francs. La prime totale est donc de 5.894 Francs + 1.524 Francs = 7.418 Francs. Soit avec un bonus de 60 % : 7.418 Francs x 0,60 % = 4.451 Francs. "A bonus identique, Monsieur C... va donc payer plus de 45 % plus cher que Monsieur B..., avant même d'avoir coûté un centime a AXA" "Enfin, c'est la cerise sur le gâteau : un assuré qui le malheur d'avoir moins de 10 % de bonus verra sa prime majorée de 45 %, qu'il ait eu des sinistres ou non" "En conclusion :

mais à quoi sert le coefficient de bonus-malus chez AXA ä" "Ainsi une personne qui a 50 % de bonus depuis plus de trois ans verra sa prime majorée alors même que son bonus restera à 50 %" "Preuve donc qu'AXA se paie la tête de ses clients" "Clause type bonus-malus" "Extrait du tarif D'AXA conseil : pages 1 et 2". Considérant en outre, que la première partie de ce texte était suivie du logo de la SA AXA CONSEIL dans lequel la barre oblique qui prolonge habituellement la lettre X du mot AXA était remplacée par une épée, et que le terme "conseil" situé à sa

base a été remplacé par l'expression "qu'on SAIGNE", la vocable AXA comportant de plus à sa base une partie ensanglantée ; Considérant que le premier juge a, par une exacte analyse de ces faits incriminés, retenu à bon droit que ces allégations et des imputations portaient atteinte à l'honneur et à la considération de ces deux sociétés d'assurances et qu'ils constituaient donc une diffamation publique envers elles, telle que définie par l'article 29 (alinéa 1er) de la loi du 29 juillet 1881 et par l'article 32 alinéa 1er de ladite loi que Monsieur X... ne discute toujours pas la matérialité de ses allégations et de ses imputations dont il est démontré qu'elles ont été formulées par un des moyens prévus par l'article 23 de cette loi (auquel renvoie l'article 32 alinéa 1er) ; Considérant que l'intimé dont la responsabilité est recherchée devant la cour en tant qu'auteur principal de cette diffamation publique persiste à arguer de sa bonne foi (en visant l'article 35 bis de la loi) mais que "l'accès de colère" dont il parle et qui l'aurait saisi à la suite d'une déclaration de la Direction générale du groupe AXA, au Palais des congrès de LYON, le 20 octobre 1998, peut certes permettre d'expliciter les circonstances dans lesquelles il a cru devoir réagir par voie de messages INTERNET, mais ne démontre en rien sa prétendue bonne foi ; que c'est à tort et par un choix délibéré et dont il doit assumer toutes les conséquences, que Monsieur X... a cru pouvoir s'inspirer directement du style, des expressions et des idées du document "SYNPA-INFO" (syndicat national des producteurs d'assurances et de capitalisation CGT-FO) pour adopter les expressions virulentes de ce syndicat et pour formuler à son tour les propos analysés; que vainement, cet intimé prétend qu'il avait voulu en outre, développer une "démarche explicative plus rigoureuse", alors qu'à aucun moment il n'a indiqué son identité ni sa qualité de salarié (ou d'ancien salarié de la SA AXA CONSEIL ou de l'UAP); que

c'est donc à tort qu'il soutient maintenant qu'"en sa qualité de professionnel de l'assurance", il avait eu "la seule intention légitime d'informer le lecteur", alors qu'il a toujours opéré par voie anonyme sans aucune signature de ses messages et qu'il a fallu des recherches et le travail de l'expert judiciaire Monsieur D... pour l'identifier; que ce goût pour l'anonymat persiste d'ailleurs devant la cour, puisque Monsieur X... qui méconnaît délibérément les exigences des articles 960 alinéa 2 a) et 961 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile n'a jamais indiqué dans ses écritures ses date et lieu de naissance, sa nationalité et surtout sa profession ; Considérant que les propos ci-dessus outranciers, excessifs et diffamatoires publics à retenir à la charge de cet intimé sont exclusifs de toute bonne foi de sa part et qu'ils ne relèvent pas d'une prétendue "démarche infirmative" ; que le jugement est donc confirmé en ce qu'il a exactement retenu que l'intéressé ne justifiait ni d'un motif légitime d'information, ni de la prudence dans l'expression, ni d'une absence d'animosité personnelle, ni d'une enquête sérieuse et que par conséquent sa mauvaise foi était établie ; Considérant en ce qui concerne les réparations réclamées par les deux sociétés AXA, que les circonstances de la cause ci-dessus analysées et exactement retenues par le premier juge démontrent à l'évidence que ces propos et dessins diffamatoires publics ont causé aux deux appelantes un préjudice certain et direct et que vainement l'intimé prétend que, selon lui, le site n'avait pas été accessible que "pendant une très courte durée", mais sans fournir d'autres précisions ni justifications sur ce point ; que la cour condamne donc Monsieur X... à payer 50.000 Francs de dommages-intérêts à chacune des deux sociétés appelantes ; Considérant en outre que compte-tenu de l'équité, Monsieur X... est condamné à payer à chacune de ces deux sociétés appelantes la somme de 15.000 Francs en vertu de

l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que les dommages-intérêts ci-dessus alloués ainsi que les sommes accordées au titre des frais irrépétibles constituent pour les deux appelantes des réparations complètes et suffisantes et qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner en plus la publication du présent arrêt qu'elles réclament ; qu'elles sont donc déboutées de ce chef de demande ; PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 mars 2000 : Vu le désistement d'appel des Sociétés AXA à l'égard de la Société INFOSOURCES (anciennement Société INFONIE) et de Monsieur Christophe SAPET : Vu l'article 53 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et l'article 12 du nouveau code de procédure civile : Infirmant sur ce point le jugement déféré et statuant à nouveau : DECLARE Monsieur Christophe X... auteur principal des diffamations publiques visées dans l'acte introductif d'instance ; Vu les articles 23 et 29 et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 : CONFIRME le jugement sur les faits, dessins et propos diffamatoires publics et sur la mauvaise foi de Monsieur X...; Par conséquent : CONDAMNE Monsieur X... à payer à chacune des deux Sociétés AXA CONSEIL IARD et la SA AXA CONSEIL VIE 50.000 Francs (soit 7 622,45 Euros) de dommages-intérêts pour son préjudice ; De plus : CONDAMNE Monsieur X... à payer à chacune de ces deux Sociétés appelantes la somme de 15.000 Francs (soit 2 286,74 Euros) en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; DEBOUTE les deux sociétés appelantes de leurs demandes tendant à faire ordonner la publication du présent arrêt ; CONDAMNE Monsieur X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoués JUPIN ALGRIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le greffier

Le président C. DE GUINAUMONT

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-7321
Date de la décision : 27/04/2001

Analyses

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine.

L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, s'il prévoit que la citation doit, d'une part, préciser et qualifier le fait incriminé, d'autre part, indiquer le texte de loi applicable, n'exige pas, en revanche, que la citation introductive d'instance qualifie le mode de participation du prévenu aux faits spécifiés contre lui dans la poursuite. Il s'ensuit que le juge saisi ne saurait, à cet égard, être lié par la qualification retenue par l'assignation et qu'il lui appartient d'user des pouvoirs que lui confère l'article 12 du nouveau Code de procédure civile pour statuer sur le mode de participation de la personne poursuivie en qualité de complice ou d'auteur principal

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne.

Constituent des allégations et des imputations attentatoires à l'honneur et à la considération d'une société d'assurances qu'elle vise, la mise en ligne d'un message internet affirmant, en substance, que ladite société prend ses clients pour des " c. ", alors que le logo de l'entreprise considéré a été détourné et que le terme " conseil " a été travesti en " qu'on saigne "

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Bonne foi - Preuve.

L'auteur d'une diffamation qui excipe de l'exception de bonne foi doit en rapporter la preuve. Tel n'est pas le cas de celui qui, se disant professionnel de l'assurance, prétend avoir voulu développer une démarche explicative avec l'unique intention légitime d'informer le lecteur sur les pratiques de la compagnie visée, alors qu'il a toujours opéré de manière anonyme pour effectuer ses dénonciations et qu'il persiste devant la Cour dans cette attitude en méconnaissant les exigences des articles 960 alinéa 2 et 961 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile afférentes à l'indication dans les écritures des date et lieu de naissance, de la nationalité et surtout de la profession


Références :

N1 Loi du 29 juillet 1881, article 53, Code de procédure civile (Nouveau), article 12
N3 Code de procédure civile (Nouveau), articles 960 alinéa 2, 961 alinéa 1er

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-04-27;1999.7321 ?
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