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05/04/2001 | FRANCE | N°1998-3465

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 avril 2001, 1998-3465


FAITS ET PROCEDURE : La société BENEDICTINE DISTILLERIE DE LA LIQUEUR DE L'ANCIENNE ABBAYE DE FECAMP, ci-après BENEDICTINE, est propriétaire de plusieurs marques pour distinguer les produits qu'elle élabore et commercialise : la marque dénominative GET n° 763.480/1.327.179 du 17 octobre 1985, renouvelée par déclaration du 16 octobre 1995, pour désigner entre autres : "huiles essentielles de menthe ..., liqueurs et spiritueux divers" ; la marque figurative n° 247.405/1.625.169 du 05 novembre 1990, caractérisée par la forme d'une bouteille, pour désigner entre autres : "liqueurs et

spiritueux divers" ; la marque figurative n° 248.713/1.626.6...

FAITS ET PROCEDURE : La société BENEDICTINE DISTILLERIE DE LA LIQUEUR DE L'ANCIENNE ABBAYE DE FECAMP, ci-après BENEDICTINE, est propriétaire de plusieurs marques pour distinguer les produits qu'elle élabore et commercialise : la marque dénominative GET n° 763.480/1.327.179 du 17 octobre 1985, renouvelée par déclaration du 16 octobre 1995, pour désigner entre autres : "huiles essentielles de menthe ..., liqueurs et spiritueux divers" ; la marque figurative n° 247.405/1.625.169 du 05 novembre 1990, caractérisée par la forme d'une bouteille, pour désigner entre autres : "liqueurs et spiritueux divers" ; la marque figurative n° 248.713/1.626.621 du 12 novembre 1990, caractérisée par la forme d'une bouteille avec son étiquette, pour désigner entre autres : "spiritueux et liqueurs à base de menthe". Ces trois marques, qui sont des renouvellements de dépôts antérieurs, sont exploitées depuis de très nombreuses années pour commercialiser une boisson alcoolisée à base de menthe, dite "PIPPERMINT GET". La société GEORGES MONIN est propriétaire de la marque dénominative KED, déposée à l'I.N.P.I. en classe 32 pour désigner des jus de fruits et sirops ; cette marque, actuellement enregistrée sous le n° 1.472.451 et issue de renouvellements antérieurs, est exploitée pour commercialiser des jus de fruits, sirops et liqueurs de sa fabrication, notamment des sirops et liqueurs de menthe poivrée, communément appelés "PEPPERMINT". Au motif que la société MONIN embouteillait une boisson alcoolisée à base de menthe, dite "PEPPERMINT", dans des bouteilles dont la forme, la présentation et la dénomination imitaient ses trois marques, la société BENEDICTINE a, consécutivement à l'établissement d'un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 27 octobre 1995, fait assigner, par exploit introductif d'instance du 08 janvier 1996, la société MONIN devant le tribunal de grande instance de PONTOISE pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Par jugement du 24

mars 1998, le Tribunal a : t reçu la société BENEDICTINE en ses demandes de contrefaçon d'imitation des marques n° 1.327.179 et n° 1.626.621 et en concurrence déloyale, et déclaré fondées ces demandes ; t débouté la société BENEDICTINE de sa demande de contrefaçon de la marque n° 1.625.169 ; t débouté la société MONIN de sa demande d'annulation de la marque dénominative "GET" n° 1.327.179 ; t fait interdiction à la société des établissements GEORGES MONIN de commercialiser des bouteilles contrefaisant les marques n° 1.327.179 et 1.626.621 déposées par la société BENEDICTINE, sous astreinte de 1.000 francs par bouteille dans les quinze jours de la signification de ce jugement ; t dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte ; t avant-dire-droit sur le préjudice subi par la société BENEDICTINE du fait de la contrefaçon et des agissements de concurrence déloyale, commis en qualité d'expert Monsieur Christian X..., avec pour mission de fournir au tribunal tous éléments relatifs au préjudice subi par la société BENEDICTINE ; t ordonné la publication de la décision aux frais de la société MONIN dans trois journaux au choix de la société BENEDICTINE, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 10.000 francs ; t condamné la société MONIN à payer la somme de 100.000 francs, à titre d'indemnité provisionnelle, à valoir sur la réparation du préjudice de la société BENEDICTINE ; t condamné la société des établissements GEORGES MONIN à payer à la société BENEDICTINE la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et à prendre en charge tous les dépens. La société des établissements GEORGES MONIN a interjeté appel de ce jugement. En premier lieu en ce qui concerne la prétendue contrefaçon de la marque dénominative "GET" n° 1.327.179, elle fait valoir que c'est à tort que le tribunal a relevé qu'il existait entre les dénominations "KED" et "GET" des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles, qui

caractériseraient une imitation créant un risque de confusion, au sens de l'article L 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle. Elle soutient qu'en réalité les premiers juges ont comparé les termes "PIPPERMINT" et "PEPPERMINT", lesquels ne font partie d'aucune des deux marques en cause, et qui, au surplus, constituent l'appellation usuelle du produit lui-même, sur laquelle la société BENEDICTINE ne dispose d'aucun droit privatif. Alléguant au surplus que la coexistence paisible des marques "GET" et "KED" pendant des décennies démontre que le risque de confusion allégué par la partie adverse est inexistant, elle en déduit que la marque "KED" ne porte aucune atteinte à la marque "GET". En deuxième lieu en ce qui concerne la prétendue contrefaçon de la marque n° 1.625.169 (bouteille "nue"), la société MONIN explique qu'il n'existe à l'évidence aucune ressemblance d'ensemble entre la forme de la bouteille "KED" et la forme de la bouteille "GET" déposée comme marque, si ce n'est qu'elles comportent toutes les deux un goulot et un corps principal, caractéristiques évidemment communes à toutes les bouteilles, et qui ne sauraient donc être considérées comme distinctives pour désigner des boissons. Aussi elle conclut que c'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de la société BENEDICTINE relativement à la prétendue contrefaçon de cette marque. En troisième lieu en ce qui concerne la prétendue contrefaçon de la marque n° 1.626.621 (bouteille GET 27 "habillée"), la société appelante fait observer que c'est à tort que le tribunal a pris en compte les couleurs dans le cadre de l'appréciation des éventuelles ressemblances entre les marques, alors que : t cette marque a été déposée avec la seule mention : "représentation déposée en couleurs", de telle sorte que la société BENEDICTINE ne dispose d'aucun droit sur les couleurs rouge et vert, lesquelles ne peuvent être considérées comme une caractéristique de la marque n° 1.626.621 t la couleur verte est

usuelle pour désigner des sirops et liqueurs de menthe, et la couleur rouge est usuellement employée pour les emballages de produits poivrés et épicés ; t l'usage de cette combinaison de couleurs a fait l'objet en date du 02 mai 1980 d'une transaction entre les parties. De plus, relevant que, mise à part l'inclinaison des dénominations sur les bouteilles, il n'existe entre les bouteilles habillées aucune ressemblance susceptible d'entraîner un risque de confusion, elle conclut que la bouteille "KED" ne porte aucune atteinte à la bouteille "GET 27" protégée par la marque n° 1.626.621. En quatrième lieu en ce qui concerne la prétendue concurrence déloyale, la société appelante soutient que l'action en concurrence déloyale diligentée par la société BENEDICTINE ne repose sur aucun fait distinct de ceux qu'elle incrimine déjà au titre de la contrefaçon. Elle précise que les choix effectués par elle pour le conditionnement de son "peppermint" ne caractérisent aucun comportement anormal sur le marché, par comparaison avec les bouteilles actuellement utilisées par tous les grands producteurs et/ou distributeurs français de peppermint. En outre, elle constate que la condamnation prononcée en première instance à son encontre pour concurrence déloyale repose uniquement sur la constatation que les parties ont déjà eu dans le passé un différend de nature comparable, auquel il a été définitivement mis fin par transaction. Aussi, tout en concluant à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société BENEDICTINE de ses prétentions fondées sur la marque n° 1.625.169, la société des établissements MONIN demande à la Cour de réformer pour le surplus ledit jugement, et, statuant à nouveau, de : Ï débouter la société BENEDICTINE de l'ensemble de ses demandes ; Ï condamner la société BENEDICTINE à lui payer la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Ï condamner la Société BENEDICTINE aux dépens. La société BENEDICTINE DISTILLERIE DE

LA LIQUEUR DE L'ANCIENNE ABBAYE DE FECAMP réplique, d'abord en ce qui concerne la contrefaçon de la marque GET n° 1.327.179, que la dénomination KED constitue la contrefaçon par imitation de cette marque GET. En effet, elle explique que cette contrefaçon est caractérisée, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, et que, sur le plan intellectuel, les deux marques GET et KED n'ont aucune signification, ce qui ne fait qu'accroître les ressemblances entre les deux marques en cause. Elle relève que la contrefaçon par imitation est caractérisée par la simple possibilité d'un risque de confusion entre les signes pris en eux-mêmes, en se plaçant par rapport à un consommateur d'attention moyenne qui ne les a pas simultanément sous les yeux. Elle ajoute que la coxistence entre ces deux marques durant une très longue période ne saurait légitimer un comportement illicite, dès lors que les ressemblances entre les marques sont manifestes, et que le risque de confusion est établi. Aussi elle conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu la contrefaçon de la marque GET n° 1.327.179. Ensuite en ce qui concerne la contrefaçon de la marque n° 1.626.621 (bouteille habillée), la société intimée fait valoir qu'outre l'imitation des couleurs, la comparaison d'ensemble, et non détail par détail, de la bouteille ainsi déposée à titre de marque, avec celle de la société MONIN, entraîne la même impression pour le consommateur d'attention moyenne n'ayant pas les deux signes simultanément sous les yeux. Elle soutient qu'elle est fondée à revendiquer les deux couleurs vert et rouge au même titre que les autres éléments caractéristiques de sa marque, dès lors que la mention : "Représentation déposée en couleurs" figure en légende, et que le modèle de la marque a été déposé en couleur. Elle relève qu'en tout état de cause la contestation adverse ayant trait à l'absence de revendication précise des couleurs au moment du dépôt est inopérante dans la mesure où elle

concerne la question de la validité de la marque, et non pas celle de l'appréciation de l'imitation de la marque. Elle ajoute que c'est à tort que la société appelante invoque une transaction intervenue le 02 mai 1980 entre les parties, alors que cette transaction est sans rapport avec la solution de ce litige, puisqu'elle ne concerne pas l'usage de la marque KED et que les bouteilles, objet de cette transaction, sont différentes de celles incriminées dans le cadre du présent contentieux. Par voie de conséquence, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris également en ce qu'il a condamné la société appelante pour contrefaçon de la marque n° 1.626.621. En revanche, en ce qui concerne la contrefaçon de la marque n° 1.625.169 (bouteille nue), la société BENEDICTINE fait observer que c'est à tort que, pour rejeter le grief de contrefaçon, le tribunal s'est livré à une description détaillée des bouteilles en cause, au lieu de considérer les bouteilles prises dans leur ensemble ainsi que le risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne ne les ayant pas sous les yeux en même temps. Alléguant qu'en l'occurrence, les bouteilles litigieuses laissent la même impression d'ensemble du fait qu'elles sont l'une et l'autre constituées des mêmes éléments, agencés selon une même structure, elle demande à la Cour d'infirmer de ce chef le jugement déféré, et de dire et juger que la société MONIN a commis des actes de contrefaçon de la marque n° 1.625.169 du 05 novembre 1990, dont la société BENEDICTINE est propriétaire. Par ailleurs, en ce qui concerne le grief de concurrence déloyale, la société intimée soutient que la partie adverse prétend à tort que n'est invoqué aucun fait distinct de ceux qu'elle incrimine au titre de sa demande en contrefaçon, alors qu'il est reproché à la société appelante, d'une part d'avoir copié ses marques, ce que l'action en contrefaçon a pour but de réprimer, d'autre part de s'être emparée de son travail, ce que sanctionne l'action en concurrence déloyale. Elle

relève également que la société MONIN ne peut se prévaloir du fait que d'autres bouteilles sont vendues par les distributeurs français de peppermint, alors que cette circonstance n'intéresse pas le litige en cause, et que la partie adverse ne saurait valablement invoquer des agissements des tiers pour justifier son comportement déloyal. Arguant que la société appelante a cherché à s'approprier à moindre frais et sans effort la notoriété et le succès commercial du produit pippermint GET, acquise au fil des années, ce qui constitue bien la manifestation d'agissements de concurrence déloyale et de parasitisme, la société BENEDICTINE conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu que ces agissements obligent la société MONIN à réparer le dommage qui en résulte sur le fondement de l'article 1382 du code civil. De plus, la société intimée demande qu'ajoutant à la décision entreprise, la Cour condamne la société appelante à lui verser la somme supplémentaire de 100.000 francs à titre de dommages-intérêts provisionnels, quitte à parfaire. Elle conclut en outre à la condamnation de la société MONIN au paiement d'une indemnité complémentaire de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. " MOTIFS DE LA DECISION : Considérant qu'en application de l'article L 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, sont interdites, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; considérant qu'en tant qu'elle consiste à reproduire le signe constituant la marque, non pas à l'identique mais de manière approximative, l'imitation devient illicite dès lors qu'elle génère pour l'usager moyen un risque de confusion ; considérant qu'il est constant que ce risque de confusion s'apprécie en prenant les marques dans leur

ensemble, en s'attachant aux ressemblances et non aux différences, et par rapport à l'acheteur d'attention moyenne qui n'a pas les deux marques simultanément sous les yeux ; considérant qu'en l'occurrence, à titre préalable, il doit être observé que les produits désignés par les marques dont la société BENEDICTINE se trouve être titulaire portent sur des produits identiques ou très voisins de ceux commercialisés par la société des établissements MONIN, dès lors que les marques de la société intimée sont enregistrées sous la désignation : "spiritueux et liqueurs à base de menthe", et qu'il n'est pas contesté que le produit "peppermint" exploité et commercialisé par la société appelante est une boisson alcoolique à base de menthe. SUR LA CONTREFAOEON DE LA MARQUE DENOMINATIVE "GET" N° 1.327.179 : Considérant qu'en premier lieu, les deux dénominations "GET" et "KED" ont la même structure (une seule syllabe), la même architecture (trois lettres placées de façon identique : une consonne, une voyelle, une consonne), la même voyelle E placée au centre, deux consonnes entourant la lettre E et enfin le même nombre de lettres ; considérant que les différences mineures s'attachant à l'aspect visuel des lettres d'attaque (G et K) et des lettres finales (T et D) ne peuvent suffire à écarter la prédominance d'ensemble des ressemblances visuelles des deux dénominations en cause ; considérant qu'en deuxième lieu, les deux dénominations "GET" et "KED" se prononcent de la même façon, en ce sens que le "E" se prononce dans les deux cas "è" et qu'il existe une grande ressemblance phonétique entre les consonnes finales "T" et "D" ; considérant qu'au surplus, s'agissant d'un mot court, l'impression acoustique d'ensemble se trouve renforcée par la prononciation similaire des deux dernières lettres "ET" et "ED", laquelle atténue fortement les différences de sonorité entre les lettres initiales "G" et "K" ; considérant qu'en troisième lieu, s'il apparaît que les deux dénominations n'ont aucune

signification dans le langage courant, cette circonstance accroît en réalité les ressemblances existant entre les deux signes en cause, compte tenu des similitudes d'ensemble relevées précédemment sur les plans tant visuel que phonétique ; considérant que, pour s'opposer à l'action en contrefaçon de la dénomination "GET", la société des établissements MONIN fait valoir que la longue coxistence entre deux marques est un fait qui doit être pris en compte au stade de l'appréciation de l'éventuel risque de confusion, et elle précise que la coexistence paisible des marques GET et KED pendant plus de quarante ans est la preuve que le risque de confusion allégué par la société BENEDICTINE n'existe pas ; mais considérant que, d'une part, la coxistence des marques litigieuses ne saurait priver la société intimée d'assurer le respect du droit privatif absolu qui lui est conféré par le dépôt de sa marque et qui doit lui permettre d'en contrôler l'utilisation ; considérant que, d'autre part, les documents produits aux débats ne permettent pas de déterminer à partir de quelle date la société MONIN a commencé à exploiter la marque KED pour désigner un "peppermint" ; considérant qu'il s'ensuit que la société appelante ne saurait se prévaloir de cette prétendue coexistence pour faire échec aux droits dont la société intimée est titulaire sur la marque dénominative GET ; considérant que dès lors qu'il s'infère des ressemblances ci-dessus relatées entre les deux dénominations en cause que la marque "GET" a été imitée dans des conditions de nature à créer un risque de confusion pour le consommateur moyen, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la société BENEDICTINE bien fondée dans son action en contrefaçon de la marque n° 1.327.179, et en ce qu'il a fait interdiction à la société des établissements GEORGES MONIN de commercialiser des bouteilles contrefaisant cette marque, ce sous astreinte de 1.000 francs par bouteille dans les quinze jours de la

signification de la décision de première instance. SUR LA CONTREFAOEON DE LA MARQUE N° 1.625.169 (DITE "BOUTEILLE

NUE" : Considérant que la marque figurative n° 1.625.169 est constituée par la forme d'une bouteille caractérisée par un goulot droit, une partie intermédiaire en forme de "boule" et un corps principal ayant la forme d'un tronc de cône de très faible ouverture, se rétrécissant vers le bas ; considérant que ces trois éléments sont réunis pour former un ensemble original aux formes fluides ne comportant aucun élément de rupture ; considérant que tel n'est pas le cas de la bouteille commercialisée par la société des établissements Georges MONIN, laquelle ne comporte pour l'essentiel que deux éléments : d'une part le goulot de forme galbée, d'autre part le corps en forme de tronc (se rétrécissant vers la bas, puis s'élargissant à sa base), eux-mêmes séparés par un étroit bourrelet circulaire formant la base du goulot, lequel ne se retrouve pas dans la bouteille ayant fait l'objet de la marque déposée ; considérant que ces deux éléments séparés entre eux par le bourrelet circulaire donnent l'impression d'une rupture dans la continuité de la surface de la bouteille "peppermint KED" ; considérant que celle-ci comporte un anneau à la base du goulot, mais se trouve dépourvue de la partie intermédiaire en forme de "boule" spécifique de la bouteille "GET" ; considérant que, dès lors qu'en dehors des caractéristiques communes à toutes les bouteilles, il n'existe aucune ressemblance entre la forme de la bouteille "KED" et la forme de la bouteille "GET" déposée comme marque, il convient de rejeter l'appel incident de la Société BENEDICTINE, et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté celle-ci de sa demande de contrefaçon de la marque n° 1.625.169. SUR LA CONTREFAOEON DE LA MARQUE N° 1.626.621 (DITE "BOUTEILLE

HABILLEE") : Considérant que, de la comparaison entre la bouteille ayant fait l'objet de la marque complexe déposée par la société BENEDICTINE et la bouteille commercialisée par la société des établissements GEORGES MONIN, il ressort que les deux bouteilles comportent une étiquette bordée de blanc, l'inscription sur cette étiquette de la dénomination (respectivement "GET 27" et "KED") écrite en caractères blancs avec une inclinaison accentuée, la mention "peppermint" (ou "pippermint") ainsi que d'autres mentions également inclinées, le code-barre de couleur verte, une couleur dominante rouge et une collerette comportant également le rouge comme couleur principale ; considérant que si, pour sa part, la société appelante met l'accent sur un certain nombre de différences entre les deux bouteilles habillées, ces différences ne parviennent toutefois pas à supprimer l'impression générale d'une similitude d'ensemble qui ne se limite pas à l'inclinaison de la dénomination ; considérant que, spécialement en ce qui concerne l'inscription de la dénomination, les premiers juges ont exactement relevé qu'il importe peu que le terme "KED" soit inscrit en minuscules d'imprimerie, contrairement à la marque "GET 27" inscrite en majuscules, dans la mesure où l'importance des caractères des deux mots suffit à les mettre en évidence ; considérant qu'il est donc établi que la "bouteille habillée" KED présente, avec la bouteille GET 27 ayant fait l'objet de la marque déposée par la société BENEDICTINE, des ressemblances d'ensemble telles qu'elles entraînent un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément sous les yeux les mêmes produits ; considérant qu'au soutien de sa contestation de l'action en contrefaçon de la marque n° 1.626.621, la société des établissements GEORGES MONIN fait valoir que, sous l'empire de la loi du 31 décembre 1994 applicable à la date du dépôt de cette marque, la protection des couleurs à titre de

marque ne peut intervenir que si la couleur a été revendiquée dans l'acte de dépôt ; considérant que la société appelante ajoute que la mention : "représentation déposée en couleurs", figurant dans le dépôt de la marque, ne permet pas de suppléer la carence d'une revendication précise des couleurs au moment du dépôt ; mais considérant qu'il apparaît que la société BENEDICTINE revendique, non pas des droits sur la couleur rouge ou sur la couleur verte, mais des droits sur un ensemble formé par une bouteille ayant les caractéristiques ci-dessus décrites, identiques à celles de la bouteille KED de la société appelante ; considérant que la circonstance que la marque litigieuse ait été déposée sans l'indication expresse dans l'acte de dépôt des couleurs rouge et verte n'interdit donc pas à la société intimée de se prévaloir de ces couleurs, revendiquées par celle-ci au même titre que les autres éléments caractéristiques de sa marque ; considérant qu'au demeurant, cette contestation a trait à la question du caractère distinctif, et donc à celle de la validité de la marque, laquelle n'est en l'occurrence nullement remise en cause par la société appelante ; considérant qu'elle ne peut donc utilement prospérer dans le cadre du présent litige, lequel porte sur l'appréciation de l'imitation de la marque complexe déposée par la société intimée ; considérant que la même observation peut d'ailleurs être faite en ce qui concerne le caractère prétendument usuel des couleurs verte et rouge, lequel renvoie également à la question du caractère distinctif de la marque et donc de sa validité, non contestée en l'espèce ; considérant qu'enfin c'est en vain que la société MONIN se prévaut d'une transaction intervenue entre les parties le 02 mai 1980, aux termes de laquelle la société BENEDICTINE a renoncé à sa contestation afférente à la couleur rouge de l'étiquette des bouteilles de la société appelante, dans la mesure où il est constant que les

bouteilles concernées par ladite transaction sont différentes de celles qui font l'objet du présent litige ; considérant que c'est donc à bon droit qu'après avoir mis en évidence les ressemblances d'ensemble qui se dégagent de la comparaison entre les deux bouteilles en cause, le jugement déféré a déclaré la société BENEDICTINE bien fondée dans son action en contrefaçon de la marque complexe n° 1.626.621, et a fait interdiction à la société des établissements GEORGES MONIN de commercialiser des bouteilles contrefaisant cette marque, ce sous astreinte de 1.000 francs par bouteille dans les quinze jours de la signification dudit jugement. SUR L'ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE : Considérant que, pour pouvoir prospérer, l'action en concurrence déloyale doit être fondée sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de l'atteinte au droit privatif de la marque ; considérant que la société BENEDICTINE explique qu'elle commercialise depuis 1868 sa célèbre liqueur à la menthe, désormais sous les dénominations GET et GET 27 ; considérant que l'ancienneté des marques déposées par la société intimée pour désigner les "liqueurs et spiritueux divers" est incontestable, puisque, notamment l'une d'entre elles, la marque figurative n° 1.625.169, a fait l'objet de plusieurs renouvellements depuis son dépôt initial qui remonte au 05 octobre 1936 ; considérant que la notoriété des produits désignés par ces marques est également illustrée par le succès commercial acquis de longue date par la société BENEDICTINE dans le secteur des boissons alcooliques ; or considérant qu'en commercialisant des produits similaires à ceux de la société BENEDICTINE dans des bouteilles portant, selon les cas, contrefaçon de la marque "GET" ou contrefaçon de la marque "bouteille habillée" de la société intimée, la société des établissements GEORGES MONIN, non seulement a profité de la notoriété des produits commercialisés par sa concurrente, mais également a fait l'économie

des importants investissements mis en ouvre par celle-ci pour la mise en vente de ses produits ; considérant que la société appelante a, par là même, bénéficié de façon parasitaire du pouvoir attractif de ces marques, tout en tirant avantage, sans compensation financière, de l'effort commercial poursuivi depuis des décennies par la société intimée ; considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a énoncé que ces agissements de concurrence déloyale et parasitaire obligent la société MONIN à réparer, sur le fondement des dispositions des articles 1382 et suivants du Code Civil, le dommage qui en est résulté pour laarasitaire obligent la société MONIN à réparer, sur le fondement des dispositions des articles 1382 et suivants du Code Civil, le dommage qui en est résulté pour la société BENEDICTINE. SUR LES DEMANDES COMPLEMENTAIRES ET ANNEXES : Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la publication de la décision de première instance dans trois journaux au choix de la société BENEDICTINE, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 10.000 francs, et en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise, avant-dire-droit sur le préjudice subi par ladite société du fait de la contrefaçon et des agissements de concurrence déloyale ; considérant que, faute par la société intimée de justifier que le montant de l'indemnité provisionnelle qui lui a été allouée en première instance a été sous-évalué par les premiers juges, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé à 100.000 francs le montant de cette indemnité, et de débouter la société BENEDICTINE du surplus de sa prétention de ce chef ; considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à la société BENEDICTINE, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une indemnité égale à 10.000 francs, venant en complément de celle qui lui a été octroyée à ce titre en première

instance ; considérant qu'en revanche, il n'est pas inéquitable que la société MONIN conserve la charge de l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente procédure ; considérant que la société des établissements GEORGES MONIN, qui succombe dans l'exercice de son recours, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Ï DECLARE recevable l'appel interjeté par la société des établissements GEORGES MONIN, LE DIT mal fondé ; Ï DECLARE mal fondé l'appel incident de la société BENEDICTINE ; Ï CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant : Ï CONDAMNE la société des établissements GEORGES MONIN à payer à la société BENEDICTINE, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une indemnité de 10.000 francs, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel par la société intimée ; Ï REJETTE la demande de la société des établissements GEORGES MONIN au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Ï CONDAMNE la société des établissements GEORGES MONIN aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M. THERESE Y...

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-3465
Date de la décision : 05/04/2001

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Contrefaçon - Contrefaçon par imitation - Risque de confusion.

En application de l'article L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de con- fusion dans l'esprit du public, notamment, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. L'imitation devient illicite lorsqu'elle génère pour un acheteur d'attention moyenne un risque de confusion entre les marques litigieuses, au regard de leurs seules ressemblances. S'agissant de la dénomination de deux boissons alcooliques à base de menthe, le terme " ked " est contrefaisant de la marque " get " dès lors qu'outre une ressemblance visuelle des ces dénominations, existe une parenté phonétique et acoustique certaine, résultant d'une voyelle commune accentuée de manière identique et de la brièveté du terme qui atténue les différences de sonorité qu'impliquent des lettres initiales différentes (G et K), sans qu'importe l'invocation d'une coexistence des deux marques, dont la datation n'est pas rapportée. A l'inverse, entre deux formes de bouteilles, dite bouteille nue, la contrefaçon n'est pas caractérisée entre une première composée de deux parties, cône inversé et goulot galbé, interrompues par un bourrelet circulaire, et une seconde, protégée, qui se distingue par une parfaite continuité des formes entre ses trois parties composantes (col étroit suivi d'un bulbe et d'un cône inversé). En revanche, s'agissant de la comparaison avec la marque complexe, dite bouteille habillée, dès lors que la comparaison fait apparaître une impression de ressemblance d'ensemble - même couleur dominante des étiquettes, pareillement bordée de blanc, mention des marques écrites en blanc, lettrage ressemblant, identité de couleur des code barre notamment - telle qu'elle crée un risque de confusion, la contrefaçon est constituée, sans qu'importe, dans un litige portant sur le caractère distinctif de la marque, et non sur

sa validité, la circonstance que la marque ait été déposée sans indication expresse des couleurs employées


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-04-05;1998.3465 ?
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