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22/03/2001 | FRANCE | N°2000-528

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 mars 2001, 2000-528


FAITS PROCEDURE DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES La société ESSOR OPTIQUE, quia pour activité la vente de verres optiques et de montures de lunettes aux opticiens, détenait l'exclusivité sur le territoire français de la vente des optiques Nikon, laquelle représentait 90 %o de son chiffre d'affaires. Le président de la société est M. Clément X..., le directeur commercial M. Sam X... et le directeur général M. Y.... Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le ler juin 1988, la société ESSOR OPTIQUE a engagé M. Z..., en qualité de commercial. Estimant que la fo

rce de vente, composée de 11 salariés n'était pas assez performante,...

FAITS PROCEDURE DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES La société ESSOR OPTIQUE, quia pour activité la vente de verres optiques et de montures de lunettes aux opticiens, détenait l'exclusivité sur le territoire français de la vente des optiques Nikon, laquelle représentait 90 %o de son chiffre d'affaires. Le président de la société est M. Clément X..., le directeur commercial M. Sam X... et le directeur général M. Y.... Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le ler juin 1988, la société ESSOR OPTIQUE a engagé M. Z..., en qualité de commercial. Estimant que la force de vente, composée de 11 salariés n'était pas assez performante, elle a mis en place des séminaires de formation aux techniques de vente à compter de mai 1998. Le troisième d'entre eux devait avoir lieu à compter du 17 août 1998. A l'ouverture de celui-ci, un incident a opposé les salariés de la force de vente à la direction, le représentant de l'un d'eux ayant lu une déclaration commune dans laquelle étaient mis en cause le fonctionnement et les dérives de la société, ainsi que les orientations philosophiques de la direction. Après refus de la direction d'en discuter sur le champ, ces salariés ont quitté la salle à la demande de l'employeur selon eux, de leur propre initiative selon la société ESSOR OPTIQUE. 2 Après mise à pied du même jour, et entretien préalable le 27 août, les salariés ont été licenciés pour faute grave par lettre du 7 septembre 1998. Contestant leur licenciement, les salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre de demandes en paiement de rappel de salaires et congés payés afférents, de remboursement de frais, des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par jugement du 11 janvier 2000, le conseil a condamné la société ESSOR OPTIQUE à payer à M. Z... diverses sommes, l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et

a débouté la société ESSOR OPTIQUE de ses demandes reconventionnelles. Les sommes allouées sont les suivantes * 2 210 F à titre de remboursement de frais professionnels, * 66 840 F à titre d'indemnité de préavis, * 6 684 F à titre de congés payés afférents, * 69 068 F à titre d' indemnité de licenciement, * 1 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Pour se déterminer ainsi, le conseil a estimé que le "retrait" des salariés ne pouvait se justifier, mais que les divergences de point de vue entre les salariés et l'employeur ne permettaient pas la poursuite sereine du contrat de travail, de sorte que s'il existait une cause réelle et sérieuse de licenciement, la faute grave alléguée n'était pas justifiée. M. Z... a régulièrement relevé appel de ce jugement. II demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ces dispositions qui lui sont favorables et pour le surplus de l'infirmer. Il demande paiement de la somme de 267 360 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et une indemnité de procédure de 15 000 F. II soutient que le véritable motif de son licenciement, ainsi que celui de 8 de ses collègues, est la dénonciation de l'infiltration des séminaires par l'association Au cour de la communication (ACC), dont les pratiques sectaires avaient été dénoncées, et qui était gérée par. l'épouse du directeur commercial de la société. II fait valoir -que la lecture d'une déclaration commune à l'ouverture du séminaire s'est faite hors la présence de personnes extérieures à l'entreprise, 3 - que c'est l'employeur qui les a priés de partir, qu'il ne saurait leur être reproché d'avoir refusé de se plier aux exigences de l'employeur de participer à des séminaires mettant en oeuvre les méthodes d'une association dont les pratiques ont été reconnues comme sectaires par des rapports de commissions parlementaires, chaque salarié ayant le droit de protéger sa conscience et celle de ses collègues face à un

tel danger psychologique, déjà dénoncé par l'ancien directeur des ventes qui avait démissionné au retour d'un stage organisé par l'ACC aux Etats-Unis, - qu'en lisant la déclaration commune à l'ouverture du séminaire, les salariés n'ont fait qu'user de leur liberté d'expression, sans en abuser, - que pour sa part l'employeur portait atteinte a la liberté d'opinion de ses salariés. La société ESSOR OPTIQUE conclut à l'infirmation du jugement entrepris, et demande la condamnation de M. Z... à lui payer la somme de 280 000 F pour l'avoir dénigrée, outre une indemnité de procédure de 15 000 F Après avoir rappelé que ni Mme A... X..., ni l'ACC n'ont participé à un des séminaires de la société, et contesté toute pratique douteuse lors des dits séminaires, la société ESSOR OPTIQUE fait valoir - qu'en septembre 1998, un audit avait confirmé la chute de ses positions sur le marché français depuis deux à trois trimestres, - qu'elle avait souhaité engager une formation de sa force de vente pour favoriser une "approche moins impersonnelle des clients, d'une aussi grande qualité que les produits eux-mêmes" pour se distinguer "de la grossièreté de certaines prospections commerciales de leurs concurrents", - que la principale justification du séminaire du Canet était le fait que les salariés n'avaient pas atteint les objectifs qu'ils s'étaient eux-mêmes fixés lors d'un précédent stage, - que le contenu du séminaire ne pouvait souffrir aucune critique et était parfaitement connu des salariés, - que ceux-ci ont créé une épreuve de force dont l'objet était de déstabiliser la société en raison de la baisse de leur rémunération qui allait se produire du fait de l'insuffisance de leur efficacité, alors que compte tenu de la rentrée prochaine, des investissements que la société venait de faire et des risques encourus en cas de non respect de l'objectif de la société Nikon, ils auraient au contraire dû tout faire pour tirer profit du séminaire, - qu'ils avaient eu précédemment de multiples

occasions de s'exprimer auprès de la direction pour faire part de leurs doutes, de sorte que leur intervention alors que des personnes étrangères à la société avaient été invitées, et qu'ils n'avaient pas prévenu leur employeur de leur projet, était particulièrement mal venue. 4 Par ailleurs la société ESSOR OPTIQUE conteste les attestations produites par les salariés, et reproche à ceux-ci de s'être livrés à une véritable campagne de presse de dénigrement, et à ceux qui étaient liés par une clause de non concurrence de ne pas l'avoir respectée. Le Ministère Public a conclu à la confirmation du jugement entrepris en considérant que la preuve de l'introduction de pratiques sectaires au sein de la société ESSOR OPTIQUE n'était pas établie, de même que le contenu particulier des séminaires, que les salariés avaient excédé leur droit d'expression et n'avaient en tout cas pas recherché préalablement à discuter avec la direction. Les parties ont demandé à la cour de procéder à l'audition de témoins.

MOTIFS DE LA DÉCISION Considérant au vu de l'ensemble des pièces versées aux débats qu'il n'apparaît pas utile de procéder à l'audition des témoins cités par les parties, lesquels ont rédigé des attestations ; Sur le licenciement Considérant que les salariés devaient participer à un séminaire au Canet à compter du lundi 17 août 1998 ; Considérant que la veille au soir, ces salariés, qui arrivaient chacun de leur région d'affectation, se sont réunis pour discuter des questions qu'ils se posaient à propos des séminaires de travail, et ont décidé une intervention commune auprès de leur employeur ; Considérant qu'à l'ouverture du séminaire M. FILIPPI s'est fait le porte parole de ses collègues ; qu'il a demandé à toutes les personnes étrangères au service commercial de bien vouloir quitter la salle, ce que celles-ci ont fait ; que malgré l'opposition de M. Sam X..., qui lui a néanmoins accordé quelques minutes, il a lu le texte suivant Sam, Nous avons convenu en Tunisie que nous

devons tout nous dire, ce qui nous amène à vous annoncer que nous ne sommes pas en accord avec le fonctionnement actuel de la société ESSOR. Une fois de plus, nous sommes déçus et désabusés de ne pas avoir reçu l'ordre du jour de la réunion du Canet. Notre première demande est de disposer de l'ordre du jour de l'ensemble de cette réunion, ainsi que les sujets abordés et les noms des différents intervenants. Nous vous prions de nous laisser le temps nécessaire pour exprimer nos requêtes. Nous nous sommes réunis ce soir et avons décidé que M. Claude B... serait le porte parole des huit personnes suivantes... Cette réunion a été provoquée par un malaise très profond qui ne cesse de s'amplifier continuellement. Nous ne voulons pas que la société ESSOR OPTIQUE dérive vers un fonctionnement avec lequel nous ne sommes pas en adéquation. IL s'avère aujourd'hui que la majorité de la force de vente se trouve en total désaccord avec les orientations philosophiques que vous donnez à cette société, et qu'avant d'en faire une société "différente ", il faudrait en faire une société "normale ", c'est-à-dire où l'ensemble des salariés se sente bien et reste lucide pour envisager la distribution des produits ESSOR NIKON dans les proportions et parts de marché qui leur sont dues. L'équipe actuelle a la volonté d'y parvenir. Ce sentiment est partagé par l'ensemble des personnes réunies. Il est donc impératif d'accorder une certain temps afin de définir de nouvelles directives avant que cette situation ne s'aggrave. " Considérant que M. Sam X... s'est catégoriquement refusé à engager la discussion en estimant que ce n'était ni le moment ni le lieu ; qu'il a exigé que le séminaire commence ; que les neuf salariés ont quitté la salle ne voulant pas y participer sans la discussion préalable que M. Sam X... refusait ; qu'un peu plus tard, ce dernier a demandé à l'un des salariés de la force de vente qui ne s'était pas associé à la déclaration, d'aller

leur demander de revenir reprendre le travail ; que ceux-ci ont refusé ; Considérant qu'ils ont alors demandé à être reçu par le Président de la société ESSOR OPTIQUE ; que cette rencontre n'a pas eu lieu ; qu'ils ont été immédiatement mis à pied puis licenciés dans les termes suivants 6 Lors de notre entretien préalable du 27Août 1998, nous vous avons fait part des griefs que nous formulons à votre encontre. Ces griefs et vous le savez résultent de votre comportement individuel et collectif lors des événements que vous avez suscités lors de notre séminaire commercial qui n'a pu ainsi se tenir de votre fait, du 17 au 21 août 1998 au Canet en Roussillon. Votre position au sein de notre société ne pouvait vous laisser méprendre sur l'importance de cette réunion, qui aurait dû trous permettre non seulement de définir notre campagne de fin d'année au cours de laquelle nous réalisons près de la moitié de notre chiffre d'affaires annuel, mais aussi de vous présenter et de sceller l'entrée en fonction de notre nouveau directeur des ventes. Ce séminaire avait en outre pour objet de vous aider dans vos démarches commerciales en vous formant à la problématique des opticiens. Nous avions invité à participer à nos travaux deux opticiens, principaux clients de l'Isère, afin de vous mettre en mesure de connaître le point de vue de l'opticien. Notre directeur avait personnellement accueilli ces personnes qui avaient choisi de sacrifier plusieurs journées de leur temps estival pour préparer avec sérieux leurs interventions et pour participer à nos travaux. Je vous laisse imaginer dans quelle situation extrêmement gênante se trouve notre société à leur égard du fait du mépris que vous leur avez témoigné. Enfin, ce séminaire, prévu de longue date devait vous permettre de vous évaluer en vous livrant à une analyse constructive et enrichissante de vos méthodes de prospection et d'exploitation de notre vivier de clientèle. Vous le savez, en effet, la qualité hors normes de notre produit exige une

approche commerciale particulièrement rigoureuse, qui ne saurait laisser entrevoir de décalage entre la qualité du produit et celles de vos prestations. La croissance de notre société qui vous a très largement profité, ne saurait en effet reposer exclusivement sur la qualité révolutionnaire des verres Nikon, mais sur une proportionnelle excellence du service du délégué commercial. C'est cette dernière préoccupation qui a toujours animé votre direction qui a toujours privilégié le dialogue dans l'entreprise à tous les niveaux, ainsi que la formation permanente face à un marché curieux de toutes les innovations. Ainsi vous avez participé à un premier séminaire quelques semaines plus tôt, au cours duquel, vous avez été invité à formuler des suggestions pour améliorer le management de l'entreprise et à dialoguer avec votre direction. A aucun moment de ce séminaire vous n'avez fait la moindre remarque de remise en cause alors que votre directeur vous y invitait expressément. Tout cela rend encore plus inacceptable votre comportement lors de notre séminaire d'août. Vous y avez été convoqué par note du 30 mars 1998, soit près de 5 mois avant. Vous étiez attendu le 16 août au soir, des chambres et une table avaient été réservées à l'hôtel pour vous par la société. Sans prévenir, ce qui aurait été la moindre des courtoisies, vous êtes arrivé le lendemain pour l'ouverture de nos travaux. Non seulement vous étiez invité quelques semaines plus tôt à un séminaire qui avait un tel objet et que vous vous soyez abstenu de la moindre remarque, mais vous n'avez pas jugé utile de prévenir votre direction à quelque échelon que ce soit, cette dernière a donc été stupéfaite d'être confrontée à ce qu'il faut bien appeler un coup de force. Vous avez en effet attendu que nos travaux commencent, en présence de tiers à l'entreprise et sa direction. Le directeur général vous rappelait alors l'objet de la réunion commerciale et son ordre du jour vous invitant à aborder ultérieurement les questions de

votre choix qui ne concernaient en rien les tiers. Vous avez quitté la salle alors qu'il vous était demandé une nouvelle fois de rester. C'est au total à 4 reprises qu'il vous a été demandé de reprendre les travaux sans le moindre succès alors même que votre directeur a attiré votre attention sur les conséquences de votre attitude au regard de vos engagements contractuels. Nonobstant toutes ses tentatives pour rétablir davantage de sérénité, vous avez décidé de quitter l'hôtel sans même prendre congé. Votre attitude semble avoir été soigneusement préméditée comme le laisse à penser cette déclaration écrite, votre arrivée tardive, ainsi que votre comportement collectif. Ce comportement traduit une volonté de confronter votre direction à une épreuve de force, puisque sans respecter la moindre des courtoisies et la plus élémentaire des politesses, à défaut d'en converser quelques semaines plus tôt, vous auriez pu prévenir de ce que vous sollicitiez de votre direction une entrevue, voire même remettre votre pétition écrite discrètement. Le résultat de ces agissements est profondément préjudiciable à l'entreprise - en terme commercial, nous avons pris un retard considérable dans la mise en oeuvre de notre campagne d'automne, et nous en ressentirons rapidement les effets. - en terme d'image, le moins que l'on puisse dire, c'est que les deux intervenants extérieurs ont été pour le moins interloqués et choqués par votre attitude. Ces personnes qui se trouvent également être nos clients, ne manqueront pas d'avoir une image négative de notre société, qui pourrait les conduire à abandonner la confiance qu'ils avaient jusque là placée en nous. - enfin en termes pécuniaires, je vous rappelle que nous vous avions retenu une chambre ainsi qu'une table et que la Société s'est trouvée dans l'obligation de faire face à ces frais devenus pourtant parfaitement inutiles. Ce comportement constitue donc une faute grave d'autant plus inadmissible que votre statut de

cadre emporte vis-à-vis de votre direction une obligation de loyauté que vous avez sans nul doute violée. J'ajoute, que postérieurement à ces faits, des tentatives ont été faites afin de vous ramener à davantage de raison. Monsieur le directeur général vous a longuement reçu et cherché en vain vos motivations profondes, si ce n'est la volonté de déstabiliser votre entreprise. Pour seule réponse, vous auriez jugé bon de sommer votre société de se débarrasser de 6 de ses salariés, alors même que ces derniers ne vous ont jamais rien fait. En tout état de cause nous tenons à vous prévenir contre tout agissement ou comportement préjudiciable à la société ou à ses dirigeants. C'est au demeurant la recherche de ces motivation qui ont conduit votre direction à s'enquérir de ce que certains commerciaux envisageraient d'utiliser le savoir faire de l'entreprise Essor pour constituer une entreprise concurrente et ainsi lui nuire. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture. Considérant que contrairement aux affirmations de la société ESSOR OPTIQUE, les salariés se trouvaient bien à l'hôtel réservé pour eux la veille du séminaire ; qu'en revanche, ils n'ont pas participé au dîner prévu avec M. Sam X... ; que ce manque de courtoisie ne constitue pas une faute, le séminaire commençant le lundi et non le dimanche, et aucune réunion de travail n'étant prévue le dimanche soir ; Considérant que la société ESSOR OPTIQUE soutient à tort que les salariés avaient été avisés du contenu du séminaire ; qu'en effet M. C... n'avait été informé que des horaires, du fait que le séminaire comporterait des jeux de rôle, qualifiés de sketches, et des évaluations, et, de la présence d'opticiens ; Considérant que le fait d'avoir demandé aux deux opticiens, qui devaient participer à la formation en livrant leurs réflexions, de quitter la salle, n'était pas, compte tenu des liens les unissant à la société ESSOR OPTIQUE, de nature à mettre en

cause leurs relations avec cette société ; que les salariés, qui ont donc veillé à ne pas rendre public le sujet de leurs préoccupations n'ont pas commis de faute à cet égard ; Considérant que le refus des salariés de participer au séminaire, sans une discussion préalable avec l'employeur sur les orientations philosophiques de la société et de ses séminaires, est de nature à constituer un acte d'insubordination, sauf si ce refus des salariés apparaît légitime au vu du contenu du séminaire, ou du refus de l'employeur de répondre à leurs interrogations ; Considérant que M. Sam X..., directeur commercial, Mme D..., contrôleur de gestion, et Mme E..., secrétaire, étaient membres de l'association Au cour de la communication à la création de laquelle Mme Claire F..., épouse de Sam X..., avait participé ; qu'en 1995/1996, cette association avait été répertoriée par une commission parlementaire belge comme étant une association à pratiques sectaires ; que cette même association sera répertoriée dans les mêmes termes par une commission parlementaire française en 1999 ; qu'en 1996 la presse française et canadienne, ACC organisant également des séminaires au Canada, s'étaient fait l'écho de ses pratiques sectaires décrites avec précision: rigidité des horaires, longue durée de la journée de travail, recherche du comportement fautif des participants comme cause de leur manque de réussite, importance du groupe...; Considérant que des trois salariés précités participaient comme animateurs aux stages ou séminaires organisés par l' ACC ; Considérant que certains salariés de la société ESSOR OPTIQUE, dont il n'existe aucun motif de rejeter les attestations, ont dû participer à des réunions de travail le week-end à l'occasion desquelles leur ont été présentés l'association et certains séminaires qu'elle avait organisés ; qu'ils ont fait état (les conditions inquiétantes dans lesquelles ces réunions se sont

déroulées, et qui ont abouti, selon eux, à des séances d'autoculpabilisation publique et aux pleurs de certains participants ; Considérant qu'en avril 1998, M. Rudy G..., directeur des ventes, a été envoyé par la société ESSOR OPTIQUE dans un séminaire aux Etats-Unis sur la gestion du temps; que Mme A..., M. Sam X... et Mme D... sont intervenus dans ce stage ; que l'intéressé a immédiatement estimé que celui-ci était dangereux en raison de ce qu'il a pensé être des manipulations psychologiques ; qu'il s'est fait reprocher par son employeur d'être resté extérieur à ce stage ; qu'il a ensuite démissionné, selon lui, pour échapper à ce genre de situation ; Considérant qu'il résulte des programmes des divers séminaires organisés par la société ESSOR OPTIQUE pour ses commerciaux, que M. Sam X... intervenait dans chacun d'entre eux, alors que ses fonctions de directeur commercial ne le destinait pas à assurer personnellement des formations de la nature de celles mises en oeuvre ; Considérant qu'il est établi que lors du séminaire en Tunisie du 11 au 15 mai 1998, M. Rudy G... avait fait part du malaise ressenti par les commerciaux par rapport à la manière dont Sam X... gérait l'entreprise, et à ses activités au sein de l'ACC ; que M. G... a rapporté les propos tenus ; que toutefois aucun des commerciaux ne les a repris, certains ayant même contesté les avoir tenus ; qu'il est donc ainsi établi que le problème du rapport entre Sain X... , l'ACC et la société ESSOR OPTIQUE n'était pas vraiment nouveau comme celle-ci le soutient de manière inexacte, même si dans un premier temps les salariés étaient restés taisants devant M. X... ; Considérant que si les photographies versées aux débats par la société ESSOR OPTIQUE font apparaître que lors de ce séminaire en Tunisie les salariés n'avaient pas l'air spécialement malheureux, certaines parties du compte-rendu du séminaire diffusé à certains des salariés, ne pouvaient pas ne pas amener la force de vente à

s'interroger sur l'objet de ces séminaires ; qu'on peut ainsi y lire : " Apprendre à l'opticien à créer sa réalité plutôt que de la subir, à changer ses pensées pour arriver à vendre un produit de meilleure qualité .... Le temps est maintenant à la franchise, à la communication, à la responsabilité, à la prise en charge. Ceci a été notre décision. II s'agit maintenant de mériter la confiance que le groupe espère en chacun de vous, car le passé n'a pas été concluant dans ce sens, et vous n'avez pas été un moteur de changement. Ce que vous ne décidez pas de changer ne changera pas. En réussissant, cela alors nous pourrons espérer faire vivre nos valeurs : l'amour, le travail... Nous avons mis dans l'ordre l'amour, l'attachement à la famille, l'honnêteté et l'enthousiasme. Pour arriver à mettre ces valeurs dans notre esprit nous avons pris des engagements les uns envers les autres, pris conscience que le problème de l'autre est mon problème, qu'il fallait consacrer du temps pour voir et étudier nos barrières, pour mettre en place les choses importantes que l'on veut réaliser dans notre société." ; Considérant que dans une note diffusée aux commerciaux en juin 1998, il avait été demandé à ceux-ci de répondre aux questions suivantes " 1 ° que veut dire pour moi

- faire d'ESSOR une société différente,

- être une société différente, 2° qu'ai-je à apprendre des revers que nous avons eusä 3° qu'ai-je à changerä " Considérant que tous ces propos font écho à ceux contenus dans une plaquette de présentation de l'ACC ; Considérant enfin que le compte rendu du séminaire en Tunisie précise que le système d'évaluation est basé sur quatre critères : mise en pratique des valeurs de l'entreprise, évaluation par rapport à l'équipe, résultats et sketches ; Considérant au vu de ces éléments que les appelants pouvaient donc légitimement s'interroger et souhaiter discuter de ce qu'ils ressentaient comme un problème grave, à savoir le contenu exact, et pas seulement formel

qui avait été communiqué à M. C..., du contenu du programme du séminaire auquel ils devaient participer ; Considérant que ces faits et l'appartenance de M. X... et de plusieurs de ses collaborateurs à l'ACC, leurs animations de séminaires organisés par elle, ou leur participation à ceux-ci, pouvaient laisser penser aux salariés de la société ESSOR OPTIQUE que les pratiques sectaires publiquement dénoncées de cette association étaient susceptibles d'être mises en oeuvre par l'intéressé au sein de sa société ; Considérant que les inquiétudes et interrogations des salariés se sont exprimées en des termes courtois, mesurés, et positifs, et en l'absence de personnes étrangères à la société ; que compte tenu de la gravité du problème soulevé, les salariés n'ont pas abusé de leur liberté d'expression dans l'entreprise, liberté à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que les inquiétudes et interrogations des salariés exigeaient, compte tenu de leur nature et de leur gravité, des réponses immédiates de la part (de l'employeur ; que celui-ci, qui a exigé de les différer, ne pouvait ensuite reprocher aux salariés de ne pas avoir voulu participer au séminaire, dont justement le principe, en l'absence de précision suffisante sur le contenu, pouvait légitimement les inquiéter ; Considérant que la société ESSOR OPTIQUE soutient que faute de mise en cause préalable des séminaires, les salariés ne pouvaient agir comme ils l'ont fait sans commettre une faute ; que toutefois la prise de conscience tardive de ce que les salariés, qui n'avaient l'occasion d'être regroupés que lors de ce séminaire, ont perçu comme une question d'une extrême gravité, dont ils n'avaient pas pris la mesure antérieurement, et donc l'absence de demande de rendez-vous antérieure, ne peuvent leur être reprochées ; Considérant enfin que la société ESSOR OPTIQUE, qui a refusé tout dialogue avec les

salariés qui posaient une question importante, et a licencié 9 d'entre eux, ne peut reprocher à ceux-ci d'être responsables du retard pris dans la mise en oeuvre de la campagne commerciale d'automne ; Considérant qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que le comportement de M. Z... trouverait sa cause dans la réduction à venir de sa rémunération ; Considérant que la demande qui aurait été faite à la société de se débarrasser de certains salariés ne peut, à elle seule, compte tenu du contexte, constituer une cause de licenciement ; Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. H... n'a commis aucune faute ; sur les demandes en paiement Considérant sur les demandes de remboursement de frais, que la société ESSOR OPTIQUE soutient à juste titre que ne rentraient pas dans l'exécution normale du contrat de travail, les frais exposés par le salarié pour se rendre au siège de la société pour y rencontrer les dirigeants pour la défense de sa situation ; qu'ils constituent un préjudice résultant de la rupture ; que le salarié mis à pied le 18 août 1998 ne peut donc prétendre qu'aux frais antérieurs, soit 181 F, les frais d'hôtel de la nuit du 16 au 17 août étant pris en charge directement par l'employeur ; Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qui concerne les condamnations au paiement, de l' indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, et de l'indemnité de licenciement Considérant que M. Z... avait plus de deux ans d'ancienneté; que la société ESSOR OPTIQUE emploie de manière habituelle au moins 11 salariés ; que les rémunérations des six derniers mois se sont élevées à 104 195 F ; qu'il verse les relevés ASSEDIC jusqu' en février 2000 ; que dans ces conditions il lui sera alloué la somme de 180 000 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Considérant qu'en application de l'article L 122.14.4 du Code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié

intervient sans cause réelle et sérieuse, le tribunal ordonne d'office le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement , dans la limite de 6 mois ; qu'en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence de six mois ; Sur la demande reconventionnelle Considérant que cette demande est fondée sur le dénigrement de la société ESSOR imputé à M. Z... et la perte de chiffre d'affaires ; Considérant que la décision de la société ESSOR OPTIQUE de se séparer de neuf de ses onze commerciaux, outre le remplacement dans des conditions non précisées du directeur des ventes engagé en août 1998, et de mettre en place une nouvelle stratégie commerciale ne pouvait pas rester sans incidence sur le chiffre d'affaires de la société ; qu'elle ne pouvait pas davantage rester ignorée de ses partenaires et concurrents ; Considérant que les articles de presse versés aux débats n'établissent pas que le salarié aurait abusé de sa liberté d'expression ; qu'aucune faute ne peut donc lui être reproché à cet égard ; Considérant que la baisse du chiffre d'affaires avant la rupture ne peut être imputée an dénigrement invoqué ; que pour la période qui a suivi, il convient d'observer que la société ESSOR OPTIQUE ne verse aucune pièce établissant que les opticiens qui ont cessé de se fournir auprès d'elle l'ont fait à raison de la connaissance qu'ils avaient eue des accusations portées par les salariés ou à raison du dénigrement reproché à ceux--ci et qui ne résulte que de deux attestations d'actuels salariés de la société ESSOR OPTIQUE, dont l'un de Mme I..., dont les liens avec l'ACC, et donc, avec Sam X..., ont été rappelés par la cour ; Considérant qu'il n'est pas établi que des difficultés seraient apparues entre la société ESSOR OPTIQUE et la société AFLELOU qui

s'est contentée de demander des informations à la société NIKON sur la situation de la force de vente de la société ESSOR OPTIQUE, de même en ce qui concerne la société VISATOL ; que le fait allégué n'a donc causé aucun préjudice matériel à la société ESSOR OPTIQUE; Considérant qu'il apparait en conséquence, qu'au delà des propres difficultés qu'elle s'est créées en licenciant neuf de ses commerciaux sur onze, la société ESSOR OPTIQUE n'établit pas qu'elle aurait subi le préjudice matériel qu'elle invoque du fait des dénigrements et tentatives deux sur onze, la société ESSOR OPTIQUE n'établit pas qu'elle aurait subi le préjudice matériel qu'elle invoque du fait des dénigrements et tentatives de déstabilisation dont elle aurait fait l'objet de leur part ; Considérant en conséquence que la société ESSOR OPTIQUE sera déboutée de sa demande reconventionnelle ; Considérant que la société ESSOR OPTIQUE qui succombe sera condamnée aux dépens et devra verser à chacun des salariés la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS, La Cour , statuant publiquement par arrêt contradictoire Rejette la demande d'audition de témoins ; Réformant le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 11 janvier 2000, Condamne la société ESSOR OPTIQUE à payer à Monsieur Jacky Z... la somme de 181 francs (CENT QUATRE VINGT ET UN FRANCS ) à titre de remboursement des frais professionnels ; L'infirme en ce qu'il a débouté Monsieur Jacky Z... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Statuant à nouveau, Condamne la société ESSOR OPTIQUE à payer à Monsieur Jacky Z... la somme de 180 000 francs (CENT QUATRE VINGTS MILLE FRANCS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 15 Confirme pour le surplus le jugement entrepris ; Y ajoutant, Condamne la société ESSOR OPTIQUE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de

chômage par eux payées , à concurrence de 6 mois ; Condamne la société ESSOR OPTIQUE à payer à Monsieur Jacky Z... une indemnité de 4 000 francs (QUATRE MILLE FRANCS) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ; La condamne aux entiers dépens. Et ont signé le présent arrêt Mme LINDEN, et Mme PINOT, Greffier. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-528
Date de la décision : 22/03/2001

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Faute du salarié - Faute grave - Défaut

Le refus d'un salarié de participer à un séminaire organisé par leur employeur sans une discussion préalable avec l'employeur sur les orientations philosophiques de la société et de ses séminaires, est de nature à constituer un acte d'insubordination, sauf si ce refus apparaît légitime au vu du contenu du séminaire, ou du refus de l'employeur de répondre à leurs interrogations. Tel est le cas, d'un cycle de trois séminaires, organisé par un directeur commercial à l'intention de ses vendeurs, alors que ce directeur est membre d'une association répertoriée par des commissions parlementaires belge et française, pour ses pratiques sectaires, que l'épouse de celui-ci, et deux salariés de l'entreprise sont eux-mêmes membres de cette association, qu'il résulte du témoignage des participants à des séminaires, précédemment organisés que ces réunions se traduisaient par une autoculpabilisation publique des participants, et leur apparaissaient comme relevant de la manipulation psychologique, et qu'enfin, il ressort, notamment, du compte-rendu dressé à l'occasion du séminaire précédent, qu'avait cours une phraséologie qui ne pouvait pas ne pas amener les destinataires de ces formations à s'interroger sur leur objet. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié n'a commis aucune faute


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-03-22;2000.528 ?
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