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22/03/2001 | FRANCE | N°1999-1633

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 mars 2001, 1999-1633


FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES : La société BETA, qui avait pour activité l'analyse expérimentale des contraintes et la fabrication de dynamomètres, a été admise, le 28 février 1993, au bénéfice du redressement judiciaire. Cette procédure a abouti à un plan de redressement par continuation arrêté par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 14 septembre 1993. Estimant que les sociétés SISAXES et LESCATE, constituées par certains de ses anciens collaborateurs, se livraient à des actes de concurrence déloyale, la société BETA a obtenu par ordonnance du

11 février 1994 l'autorisation de procéder à un constat d'huissier,...

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES : La société BETA, qui avait pour activité l'analyse expérimentale des contraintes et la fabrication de dynamomètres, a été admise, le 28 février 1993, au bénéfice du redressement judiciaire. Cette procédure a abouti à un plan de redressement par continuation arrêté par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 14 septembre 1993. Estimant que les sociétés SISAXES et LESCATE, constituées par certains de ses anciens collaborateurs, se livraient à des actes de concurrence déloyale, la société BETA a obtenu par ordonnance du 11 février 1994 l'autorisation de procéder à un constat d'huissier, à leur siège social commun. Sur la base des éléments recueillis, elle les a assignées à comparaître devant le tribunal de commerce de Pontoise en même temps que dix anciens salariés pour obtenir dédommagement du préjudice qu'elle prétendait en avoir subi et le remboursement des indemnités compensatrices de préavis qu'elle avait payées. Elle n'a, toutefois, placé devant cette juridiction que les assignations délivrées à messieurs Alain X... et Jean-Roger Y.... Elle a assigné, à nouveau, les mêmes personnes devant le tribunal de grande instance de Nanterre, lequel a fait droit à l'exception de litispendance soulevée et s'est dessaisi du litige au profit du tribunal de commerce de Pontoise. La société BETA n'ayant pas été en mesure de respecter son plan de redressement, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé, par jugement du 18 janvier 1995, la liquidation judiciaire et a nommé aux fonctions de liquidateur Maître RIFFIER, lequel a repris, pour le compte de la liquidation, l'instance pendante devant la juridiction pontoisienne. Cette dernière, par jugement du 14 septembre 1995, a joint comme connexes l'instance initiale et l'affaire renvoyée et a mis un terme aux exceptions de nullité, d'incompétence et d'extinction de l'instance soulevées. Par jugement du 11 février 1999, elle a débouté Maître

RIFFIER de toutes ses demandes et l'a condamné à payer une indemnité de procédure de 5.000 francs à chacun des défendeurs dont elle a rejeté les demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts. Maître RIFFIER, qui a interjeté appel de cette décision, s'oppose à la mise hors de cause demandée par huit des intimés en expliquant que le tribunal de commerce de Pontoise a été régulièrement saisi, par le renvoi auquel la juridiction de Nanterre a procédé en application de l'article 97 du nouveau code de procédure civile et par les demandes reconventionnelles formées par les défendeurs. Sur le fond, il dénie que la société BETA ait entretenu des relations de sous-traitance avec la société SIXAXES. Il explique que cette dernière et la société LESCATE exercent des activités de production de dynamomètres et d'analyses expérimentales des contraintes et comptent au nombre de leurs actionnaires Robert Z..., Daniel A..., Patrick B..., Jean-Roger Y..., William C... et Galina D..., anciens salariés de BETA. Il fait reproche à ces sociétés d'avoir débauché messieurs Alain X..., Lionel BOUCHE, Patrick TAUPIN et Christian CARREAU qui avaient, chez la société BETA, des fonctions essentielles, et d'en avoir détourné la clientèle par un démarchage actif. Il impute à ces agissements la responsabilité des préjudices matériel, commercial et moral qu'a subis la société BETA et matérialisés par la liquidation judiciaire. Maître RIFFIER demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement, de condamner in solidum les défendeurs à lui payer : è 1.768.350 francs en réparation du préjudice matériel et commercial, è 4.500.409 francs pour celui correspondant à la perte de chance de gain, è 5.673.458,23 francs pour celui résultant de la liquidation judiciaire, è 500.000 francs en réparation du préjudice moral. Il demande en outre : è la condamnation de la société SIXAXES, Daniel A..., Patrick B..., William C..., Alain X..., Lionel

BOUCHE, Patrick TAUPIN et Christian CARREAU au paiement de la somme de 50.000 francs à titre de préjudice complémentaire suite au dépôt de plainte pour escroquerie au jugement, è la condamnation de Patrick B..., Daniel A..., Galina D..., et Christian CARREAU à lui payer respectivement à titre de dommages et intérêts, les sommes de 11.335 francs, 77.144 francs, 219.708 francs, 80.452 francs, correspondant aux indemnités compensatrices de préavis, è la publication du jugement dans deux journaux. Subsidiairement, Maître RIFFIER sollicite une mesure d'expertise pour évaluer les préjudices de la société BETA et, dans cette hypothèse, une indemnité provisionnelle de 1.000.000 francs. Il conclut au rejet de toute prétention contraire et à la condamnation solidaire de chacun des intimés au paiement d'une somme de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société SIXAXES, Patrick B..., Lionel BOUCHE, Christian CARREAU, William C..., Alain X..., Daniel A... et Patrick TAUPIN répondent ensemble que la société BETA n'a pas cru devoir placer devant le tribunal de commerce de Pontoise, dans le délai légal, les dix assignations qu'elle avait fait délivrer. Ils expliquent que le tribunal de grande instance de Nanterre s'est dessaisi du litige, qu'il n'y avait pas matière à renvoi et que le greffier de Pontoise a enrôlé par erreur l'affaire comme nouvelle. Ils demandent à la cour de déclarer irrégulière la jonction prononcée par le tribunal de commerce de Pontoise, de dire que seul Jean-Roger Y... a été attrait devant cette juridiction et concluent ainsi à leur mise hors de cause. Ils rappellent avoir, en première instance, demandé à Maître RIFFIER la copie des déclarations de créance faites au passif de la société BETA et exposent que ces pièces ne sont toujours pas communiquées en cause d'appel. Ils en concluent que Maître RIFFIER ne peut justifier un préjudice direct pouvant induire une quelconque

responsabilité des intimés. Sur le fond, ils soutiennent que Maître RIFFIER ne rapporte pas la preuve d'un fait de concurrence déloyale. Ils affirment que la société BETA entendait, dès septembre 1992, se dégager de son activité "capteurs" et que le plan de redressement a été arrêté en ce sens, entraînant le départ, par démission ou licenciement, de quatorze personnes. Ils contestent la notion de débauchage massif invoquée par Maître RIFFIER en exposant que les départs ont été échelonnés de novembre 1989 à octobre 1993. Ils expliquent que la société BETA était en contact avec la société SIXAXES et lui a demandé d'intervenir sur le site d'un de ses clients. Ils soulignent que le redressement judiciaire est la cause de la perte constatée par la société BETA de ses clients et dénient tout démarchage déloyal de la clientèle dont Maître RIFFIER n'apporte pas, selon eux, la preuve. Ils précisent que la perte de chiffre d'affaires subie par la société BETA est principalement afférente à l'activité de prestations de services alors que l'activé de la société SIXAXES se porte sur les capteurs spéciaux, évoquent des fautes de gestion de la société BETA et contestent tout préjudice de concurrence. Ils affirment que la preuve n'est pas rapportée de ce que la perte de chance et la liquidation judiciaire résulteraient d'une concurrence déloyale en rappelant le choix délibéré de la société mère, le groupe CONTROLE ET PREVENTION, d'abandonner sa filiale. Ils concluent à la confirmation du jugement, à la condamnation de Maître RIFFIER au paiement d'une somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et celles de 50.000 francs, à chacun d'eux, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société LESCATE et Robert Z..., pour leur part, rappellent que l'existence d'un préjudice résultant d'une concurrence déloyale implique un rapport de concurrence. Ils indiquent que les activités de la société LESCATE

sont différentes de celles qu'exerçait la société BETA. Monsieur Z... fait valoir qu'il a respecté scrupuleusement, avant de créer la société LESCATE, la clause de non concurrence que lui avait imposée son employeur lorsqu'il l'a licencié. Ils réfutent les reproches de débauchage de salariés et de détournement de clientèle et, soulignant l'absence de preuve d'acte positif de concurrence déloyale, ils contestent la présomption établie par Maître RIFFIER du seul fait de la création de la société LESCATE. Ils concluent au débouté de Maître RIFFIER et, formant appel incident, demandent à la cour de faire droit à leur demande reconventionnelle en paiement de la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Ils sollicitent en outre une indemnité de procédure de 15.000 francs. Mademoiselle D... expose qu'elle a été licenciée, le 15 février 1993, pour motifs économiques par la société BETA qui l'a dispensée d'effectuer son préavis. Elle précise qu'elle détient 5,1% du capital de la société SIXAXES dont la création est postérieure à la cessation de son contrat de travail. Elle soutient que la simple participation au capital d'une société ne constitue pas un acte de concurrence déloyale et dénie toute responsabilité dans le départ de salariés de la société BETA et dans la perte de clientèle. Elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Maître RIFFIER au paiement d'une somme de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur Jean-Roger Y... a été assigné par acte en date du 17 novembre 1999 qui a donné lieu à établissement d'un procès-verbal de recherches infructueuses établi le 22 novembre. La présente décision sera réputée contradictoire en application de l'article 474 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 11 janvier 2001 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 06 février 2001. SUR

CE, LA COUR è Sur la demande de mise hors de cause : Considérant que la société BETA a assigné les deux sociétés commerciales SIXAXES et LESCATE ainsi que les dix personnes physiques, anciens salariés, à comparaître devant le tribunal de commerce de Pontoise en son audience du 11 mai 1994, pour répondre d'actes constitutifs de concurrence déloyale ; Que, se ravisant, par lettre de son conseil au greffe de cette juridiction du 06 mai 1994, elle renonçait à l'instance et demandait la radiation, pendant qu'elle assignait à jour fixe, les mêmes personnes physiques et morales devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux mêmes fins ; Considérant que cette juridiction a reçu l'exception de litispendance soulevée par les défendeurs et s'est dessaisie du litige au profit du tribunal de commerce de Pontoise ; que cette décision n'a pas fait l'objet d'un contredit ; que le greffier, faisant une exacte application des dispositions de l'article 97 du nouveau code de procédure civile, a transmis le dossier de l'affaire à la juridiction désignée ; Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 105 du nouveau code de procédure civile, la décision de renvoi s'imposait au tribunal désigné qui s'en est trouvé régulièrement saisi ; que c'est donc sans commettre d'erreur que le greffier de cette juridiction a enrôlé l'affaire transmise et a convoqué les parties ; Considérant par ailleurs que toutes les personnes physiques et morales assignées directement devant la juridiction consulaire pontoisienne sont intervenues aux débats en s'opposant à la radiation de l'affaire et en demandant des indemnités de procédure, régularisant ainsi la saisine du tribunal qui ne s'était pas encore prononcé sur la demande de radiation ; que cette situation est précisément le motif de la litispendance relevé par la juridiction de Nanterre ; Qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que dans son jugement du 14 septembre 1995, le tribunal, constatant que l'instance initiale était toujours pendante

et qu'il était saisi sur renvoi de demandes connexes, faisant application des dispositions de l'article 367 du nouveau code de procédure civile, a ordonné la jonction des deux affaires ; Que la société SIXAXES, messieurs B..., BOUCHE, CARREAU, C..., X..., A... et TAUPIN seront déboutés de leur demande de mise hors de cause, è Sur la communication de pièces : Considérant que ces mêmes intimés font reproche à Maître RIFFIER de n'avoir pas versé aux débats les déclarations des créances au passif et qu'ils en infèrent l'irrecevabilité de l'appelant faute par lui de justifier d'un quelconque préjudice ; Mais considérant que Maître RIFFIER a produit l'état des créances déclarées, arrêté provisoirement au 1er décembre 1995, puis au 16 janvier 1996, ainsi que l'état de vérification des créances annoté par le greffe et délivré le 23 février 1998 ; Que ces pièces sont suffisamment détaillées pour faire apparaître l'identité des créanciers, le montant et le caractère privilégié ou chirographaire de chaque créance; qu'elles suffisent à déterminer la constitution du passif de la liquidation judiciaire et rendent sans intérêt la communication des copies des déclarations de créance à partir desquelles ces états sont nécessairement établis ; Considérant au surplus que ces déclarations dont la communication est demandée, sont postérieures à l'échec du plan et au jugement de liquidation judiciaire ; que l'existence d'un passif est la conséquence des difficultés rencontrées par la société BETA ; que la contestation de la réalité d'un préjudice n'a aucunement pour effet de rendre irrecevable l'action en réparation ; Que le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société SIXAXES, messieurs B..., BOUCHE, CARREAU, C..., X..., A... et TAUPIN sera en conséquence rejeté ; è Sur le fond : Considérant que la société BETA a été créée en 1971 ; que, dans son dernier état, le capital social comptait 6.545 actions réparties, jusqu'en 1989, entre différentes personnes physiques dont,

notamment, monsieur Z... pour 2240 actions et mademoiselle D... pour 308 actions ; que la société CONTROLE ET PREVENTION est entrée dans le capital social à hauteur de 2.290 actions, puis en rachetant, entre 1990 et 1993, les actions de monsieur Z..., de mademoiselle D... et d'autres actionnaires, a porté sa participation à 6.449 actions soit 98,58% du total ; Que monsieur Z... a été licencié à effet du 15 avril 1991 mais, dispensé d'effectuer son préavis, a quitté l'entreprise le 15 janvier ; qu'il était lié par une clause de non concurrence valable quatre mois ; Considérant qu'au cours de l'exercice 1991 la société BETA a enregistré un chiffre d'affaires de 17.896.039 francs et un résultat bénéficiaire de 497.773 francs et que s'est produite l'année suivante une brusque et importante détérioration le chiffre d'affaires se trouvant ramené à 13.705.581 francs et le compte de résultat déterminant une perte de 3.140.367 francs ; que l'effectif de 38 salariés a parallèlement été réduit à 28 à fin 1992 ; Considérant que les administrateurs de la société BETA, réunis en conseil le 07 décembre 1992, après voir entendu l'exposé du président sur la situation financière, ont approuvé un plan axé "sur un recentrage des activités de l'entreprise sur la prestation de services et vers une réduction sensible et corrélative des effectifs et des frais de structure" ; que, constatant que ce plan nécessitait "des charges financières de restructuration que la société ne peut aujourd'hui assurer", ils ont décidé "de déposer le bilan et de proposer ce plan à l'administrateur judiciaire" ; Qu'il apparaît ainsi que la procédure collective ouverte le 28 février 1993 résulte d'une stratégie délibérée sur le mode de financement du coût, notamment social, de la restructuration décidée, indépendamment de toute référence à un état de cessation de paiement ; Que c'est dans ces conditions qu'ont été licenciés pour cause économique avec dispense

de préavis, mademoiselle D... et monsieur A... qui ont respectivement quitté l'entreprise les 19 février et 02 mars 1993 et madame E..., secrétaire ; Considérant que le bilan économique et social dressé par l'administrateur judiciaire précise que l'activité de la société BETA se répartissait en 1992 entre la prestation de service d'analyse expérimentale pour 35% de son montant et la fabrication de capteurs de force pour 65% ; qu'il explique la cause des difficultés rencontrées par une baisse importante du chiffre d'affaires causé par l'arrêt des essais nucléaires dans l'océan pacifique, par la diminution du programme des avions RAFALE et par l'arrêt des essais de la marine nationale et de l'aérospatiale ; Considérant que la société BETA a obtenu le 14 septembre 1993 un plan de redressement qu'elle n'a pas été en mesure de respecter ; que la liquidation judiciaire a été prononcée le 18 janvier 1995 ; que Maître RIFFIER impute la responsabilité de cet échec à des actes de concurrence déloyale déployés par la société SIXAXES et la société LESCATE et constitués du débauchage massif de son personnel et du détournement de sa clientèle ; Considérant toutefois que ce reproche ne saurait être sérieusement formulé à l'encontre de la société LESCATE qui a été constituée en 1992 par monsieur Z... après qu'il eut respecté le délai de non concurrence convenu lors de son licenciement ; que la société LESCATE justifie déployer une activité de négoce, notamment de colle PHILIPS dont elle est le revendeur exclusif en France, distincte de la fabrication de capteurs et des contrôles de contrainte ; que l'identité du code APE relevé par Maître RIFFIER est à cet égard sans portée si la démonstration n'est pas apportée de l'exercice effectif d'une activité similaire ; qu'il en est de même de l'existence des trois clients communs que sont la DGEAT, l'AEROSPATIALE ou le CEA dont la taille justifie, à elle seule, la multiplicité des fournisseurs ; Considérant que le registre

d'entrée du personnel, dont la copie est annexée au constat d'huissier, établit que monsieur C... est employé de la société LESCATE alors qu'il était antérieurement salarié de la société BETA ; qu'il ne saurait à son égard être allégué d'un débauchage dès lors qu'il l'avait quittée, libre de toute clause de non concurrence, en 1989, trois ans avant la création de la société LESCATE ; Que les rapprochements faits par Maître RIFFIER sur l'adresse commune des sociétés SIXAXES et LESCATE ne sont pas de nature à démontrer la réalité de faits de concurrence déloyale commis par la société LESCATE, monsieur Z... et monsieur C... ; Considérant que le 12 mai 1993 a été immatriculée au registre du commerce la société SIXAXES, animée par monsieur B..., ancien chef des ventes de la société BETA démissionnaire le 15 mars 1993, dispensé du préavis au-delà du 29 mars, et par monsieur A... licencié pour cause économique ; Que ces deux personnes détiennent ensemble 50% du capital dont le reste est réparti entre différents actionnaires dont Galina D... et Jean-Roger Y... pour 5,10% chacun, William C... pour 0,81% et Robert Z... pour 0,25% ; Considérant qu'une société ne peut reprocher à d'anciens salariés, libres à son endroit de tout engagement, la création d'une entreprise concurrente sauf à apporter la preuve d'actes positifs de comportements déloyaux ; Que la simple détention d'actions ne peut constituer un acte commercialement répréhensible dès lors qu'il s'agit d'un placement patrimonial qui n'a pour cause que l'espoir de gain inhérent à l'investissement ou un simple soutien moral à l'entreprise ; Que Maître RIFFIER ne démontre pas la réalité d'un rôle actif des actionnaires Galina D..., Robert Z..., Jean-Roger Y... et William C... dans l'activité commerciale déployée par la société SIXAXES ; qu'il convient en conséquence de le déclarer mal fondé en ses demandes à leur encontre ; Considérant qu'il fait aussi grief à

la société SIXAXES d'avoir embauché, outre ses animateurs Patrick B... et Daniel A..., quatre de ses anciens salariés, Alain X..., Lionel BOUCHE, Patrick TAUPIN et Christian CARREAU ; Mais considérant que ces personnes ont respectivement démissionné le 24 février, le 05 avril, le 08 août et le 05 octobre 1993 ; que Alain X... et Lionel BOUCHE n'ont été embauchés par la société SIXAXES que le 1er juillet 1993, Patrick TAUPIN le 06 septembre 1993 et Christian CARREAU le 10 janvier 1994 ; que la preuve d'une action brutale et coordonnée n'est donc pas rapportée ; que Maître RIFFIER se borne à constater les démissions sans faire état d'aucune manouvre de la société SIXAXES pour les obtenir ; que la situation de redressement judiciaire de la société BETA et les objectifs affichés par les administrateurs et par le plan de réduire les effectifs, étaient de nature à provoquer la démission de salariés inquiets pour la sauvegarde de leur emploi, l'évolution de leur carrière ou du montant de leur rémunération ; Que le départ de quatre personnes, dont un membre du bureau d'étude, deux attachés à la fabrication et un technico-commercial, sur un effectif total de 28 n'a pas le caractère massif allégué ; qu'il n'est pas démontré qu'il était de nature à désorganiser les services commerciaux et de production de la société BETA, alors que cette dernière avait délibérément ramené son effectif de 38 à 28 personnes, laissé partir à la retraite monsieur BEAUFRONT président fondateur et responsable du département "prestations", et prononcé trois licenciements économiques, dont ceux du directeur administratif (comptabilité personnel secrétariat) et du responsable des ventes "productions" ; Considérant que Maître RIFFIER impute aux intimés un détournement de la clientèle par un démarchage actif ; qu'il se borne toutefois à procéder par affirmations en ne précisant aucunement les actes positifs qui seraient la cause de ce détournement ; qu'il n'apporte à cet égard aucune preuve d'une

quelconque manouvre entreprise par les intimés auprès de la clientèle ; qu'il n'invoque ni le manquement aux usages professionnels, ni l'appropriation d'un savoir-faire, ni l'entretien d'un risque de confusion, ni le dénigrement ; Considérant que l'existence de clients communs à deux entreprises concurrentes est un truisme ; que la comparaison de l'évolution des chiffres d'affaires des deux entreprises démontre l'état de concurrence sans apporter le moindre élément de nature à établir la déloyauté ; qu'à cet égard les premiers juges ont pertinemment relevé que le chiffre d'affaires réalisé par la société SIXAXES l'est principalement sur l'activité "capteurs" et non sur celle des "services", pourtant à l'origine de la plus grosse part de la diminution d'activité de la société BETA ; Que la situation de redressement judiciaire a pour effet notoire d'entraîner la clôture de la plupart des grands comptes, soucieux de préserver la pérennité de leur approvisionnement, ainsi que le confirme la lettre du client SCHLUMBERGER en date du 14 juin 1994 ; Considérant que maître RIFFIER soutient que le registre des fournisseurs de la société SISAXES, annexé au constat d'huissier, est la reproduction servile de celui de la société BETA ; mais qu'il ne verse pas aux débats ce dernier document, empêchant par-là toute comparaison ; qu'il en est de même des conditions générales de ventes prétendument identiques pour partie ; Considérant qu'il est établi par les attestations produites, les échanges de télécopies et par une lettre du 17 septembre 1993, qu'était effectuée en commun par les sociétés BETA et SIXAXES une prestation technique au bassin d'essai des carènes de la DIRECTION DE LA CONSTRUCTION NAVALE, division de la DGA ; qu'une telle collaboration apparaît incompatible avec les reproches de débauchage massif et de captation de clientèle ; Considérant qu'en l'absence de toute preuve de l'existence d'une quelconque faute imputable tant aux sociétés SIXAXES et LESCATE qu'à

leurs collaborateurs salariés ou à leurs actionnaires, il n'y a pas lieu d'examiner le bien fondé de la nature et du quantum des préjudices allégués par Maître RIFFIER et de dire sans objet la demande subsidiaire d'expertise ; è Sur les demandes reconventionnelles : Considérant que les sociétés LESCATE et SIXAXES, messieurs Z..., B..., BOUCHE, CARREAU, C..., X..., A..., TAUPIN et mademoiselle D... ne démontrent pas le caractère abusif du comportement de Maître RIFFIER, ni ne justifient des préjudices qu'ils allèguent ; que leurs demandes de dommages et intérêts doivent être rejetées ; Considérant, en revanche, qu'il serait inéquitable de laisser la charge des intimés comparant la totalité des frais qu'ils ont été contraints d'engager en cause d'appel ; que Maître RIFFIER, ès-qualités, sera condamné à payer, à chacun, une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que l'appelant qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamné aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, REJETTE les demandes en paiement de dommages et intérêts, CONDAMNE Maître Laurence RIFFIER, ès-qualités, à payer aux sociétés SIXAXES et LESCATE, à messieurs Robert Z..., Patrick B..., Lionel BOUCHE, Christian CARREAU, William C..., Alain X..., Daniel A..., Patrick TAUPIN et mademoiselle Galina D... la somme complémentaire de 5.000 francs à chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE Maître Laurence RIFFIER, ès-qualités, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par les SCP DEBRAY-CHEMIN et FIEVET-ROCHETTE-LAFON, sociétés titulaires d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE QUI A ASSISTE AU PRONONCE

PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-1633
Date de la décision : 22/03/2001

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Instance - Jonction d'instances - Effet.

Lorsqu'un défendeur, assigné devant une première juridiction, puis devant une seconde, a soulevé l'incompétence du second juge, lequel a renvoyé la connaissance du litige à la première juridiction, c'est à juste titre que le tribunal désigné, auquel la décision s'imposait en application de l'article 105 du nou- veau Code de procédure civile, a prononcé, en vertu de l'article 367 du même code, la jonction des deux procédures dès lors que, le défendeur s'étant oppo- sé à la radiation de l'affaire devant le tribunal initialement saisi, l'instance origi- naire était toujours pendante devant celui-ci

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Embauchage de l'employé d'un concurrent - Manoeuvres déloyales - Constatations nécessaires - /.

Une société ne peut reprocher à d'anciens salariés, libres à son endroit de tout engagement, la création d'une entreprise concurrente, sauf à apporter la preuve d'actes positifs de comportements déloyaux. Tel n'est pas le cas lorsque, indépendamment de toute référence à un état de cessation de paiem- ent, la procédure collective ouverte à l'encontre du demandeur résulte d'une stratégie délibérée sur le mode de financement du coût, notamment social, de la restructuration décidée par ses dirigeants, alors que, notamment, n'est pas rapportée la preuve d'une action brutale et coordonné imputable à la société concurrente pour débaucher des personnels dont la première s'était donné pour objectif de réduire l'effectif, et que n'est pas davantage établi un détournement de clientèle par démarchage actif, s'agissant d'une clientèle de " grands comptes " dont la taille justifie, à elle seule, la multiplicité des fournisseurs


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-03-22;1999.1633 ?
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