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21/03/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006937257

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 mars 2001, JURITEXT000006937257


En juin 1997, la société Varoise de concentrés a confié à la société Scac, commissionnaire de transport, l'acheminement de 17 palettes d'extraits pour préparation de boissons depuis ses entrepôts de Marseille au siège de la société destinataire à Izmir en Turquie. Suivant connaissement du 20 juin 1997, la société de droit anglais Borchard Lines LTD a pris en charge le transport maritime. Alors qu'il se trouvait en cours de manutention entre le bord et les entrepôts sous douane du port d'Izmir, le conteneur est tombé, à la suite de la rupture d'un essieu de la remorque sur laq

uelle il avait été chargé, et les marchandises, après rapatriemen...

En juin 1997, la société Varoise de concentrés a confié à la société Scac, commissionnaire de transport, l'acheminement de 17 palettes d'extraits pour préparation de boissons depuis ses entrepôts de Marseille au siège de la société destinataire à Izmir en Turquie. Suivant connaissement du 20 juin 1997, la société de droit anglais Borchard Lines LTD a pris en charge le transport maritime. Alors qu'il se trouvait en cours de manutention entre le bord et les entrepôts sous douane du port d'Izmir, le conteneur est tombé, à la suite de la rupture d'un essieu de la remorque sur laquelle il avait été chargé, et les marchandises, après rapatriement, puis expertise les ayant estimées désormais impropres à leur usage, ont été détruites. La société Cigna Insurance Company of Europe (Cigna) a indemnisé son assurée la société Varoise de concentrés du préjudice subi puis, subrogée dans les droits de celle-ci, elle a, le 25 juin 1998, assigné les sociétés Scac et Borchard ainsi que l'entreprise de manutention, la société de droit turc Barwill Universal Denizcilik (ci-après Barwill), aux fins de leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 483 042.90 F. Le 27 juillet suivant, la société Scac a assigné les sociétés Borchard et Barwill en garantie des éventuelles condamnations prononcées à son encontre. Le 7 septembre 1998, la société Borchard a à son tour assigné en garantie la société Barwill et la société Hernak Hafriyat Taahhut Ticaret (ci-après Hernak), à laquelle la société Barwill avait confié le soin d'acheminer le conteneur sur un châssis routier lui appartenant. La société Borchard a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Nanterre au vu d'une clause d'attribution de compétence aux juridictions britanniques figurant au dos du connaissement. La société Barwill a revendiqué pour sa part la compétence des tribunaux d'Izmir. La société Hernak n'a pas comparu. Par jugement du 9 février 2000, ce Tribunal a rejeté l'exception soulevée par la société

Borchard tant à l'égard de la société Varoise de concentrés que de la société Scac. Il s'est en revanche déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées contre les sociétés Barwill et Hernak en raison du lieu de survenance de l'accident. Au fond, il a jugé que la société Scac devait répondre en sa qualité de commissionnaire de transport, des fautes de ses substituées; que tant vis-à-vis de la société Varoise de concentrés qui n'avait pas accepté ses conditions générales, que vis à vis de la société Scac qui n'était pas partie au connaissement, la société Borchard ne pouvait se prévaloir des "clauses de livraison sous palan" qui excluent la responsabilité du transporteur pour les pertes ou dommages à la cargaison postérieurs au déchargement sur le quai, et de transport terrestre au risque du chargeur. Il a estimé que si la responsabilité de la société Borchard était engagée, sa faute lourde n'était pas démontrée. Rappelant que la société Scac était présente aux opérations d'expertise, mais n'avait pas jugé utile de se faire remettre des échantillons de marchandises aux fins d'analyse par un laboratoire indépendant, qu'en revanche les opérations d'expertise n'étaient pas opposables à la société Borchard , qui n'avait pas été convoquée à ces opérations, il a dit qu'en application des dispositions de l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles, la responsabilité du transporteur ne pouvait excéder la somme de 2 DTS par kg, soit 8 992,8 DTS; que les frais de destruction étaient justifiés pour la somme de 39 910 francs et que la part de la société Borchard dans ceux-ci devait être calculée au prorata de sa part de responsabilité dans le préjudice soit 4/17èmes de 39 910 francs = 9 930,59 francs. Il a en conséquence condamné la société Scac à payer à la société Cigna la somme de 483 040,90 francs avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1998, condamné la société Borchard à garantir la société Scac de la condamnation prononcée à son encontre à concurrence de 8 992,8 DTS et de 9 390,59

francs avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1998, et condamné la société Scac à payer à la société Cigna la somme de 25 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC, et condamné la société Borchard à garantir la société Scac de cette condamnation au prorata de la somme qu'elle est condamnée à garantir au titre de la condamnation principale.

* Appelante, la société Scac approuve le tribunal en ce qu'il a dit qu'étaient inopposables à la société Varoise de concentrés et à elle-même les clauses du connaissement émis par la société Borchard . Elle souligne que le connaissement ne comporte d'ailleurs aucune clause attributive de compétence. Elle relève que la clause de sous palan, à supposer qu'elle existât, a également été à bon droit écartée dès lors que la société Borchard s'était engagée à livrer le conteneur non pas lors du déchargement du navire mais après transfert sur aire douanière chez le destinataire du connaissement. Elle rappelle que le commissionnaire de transport qui ne figure pas au connaissement peut exercer un recours contre le transporteur maritime s'il y a intérêt. Elle conteste en revanche la limitation de responsabilité de la société Borchard , dont la responsabilité dans le sinistre, dû à une faute incontestable du transporteur mandaté par la société Barwill, agent consignataire de la société Borchard , est établie. Elle affirme faire la preuve de la convocation de la société Borchard , par l'intermédiaire de son agent Marship, aux opérations d'expertise, qui lui sont dès lors opposables. Elle soutient qu'à supposer applicables les limitations légales de responsabilité elle doit, tout autant que la société Borchard, en bénéficier en sa qualité de commissionnaire de transport. Elle s'interroge sur les motifs qui ont conduit les premiers juges à se déclarer incompétents à l'égard des sociétés Barwill et Hernak, faisant observer que les articles 14 et 15 du Code civil l'autorisaient à attraire une société

turque devant la juridiction française. Elle conclut à la réformation du jugement entrepris sauf sur la compétence, demande à la Cour de dire qu'elle n'a commis aucune faute personnelle, ayant notamment régulièrement convoqué la société Borchard aux opérations de l'expert, de dire qu'elle doit bénéficier de la garantie de Borchard et de son sous-traitant Barwill, de condamner in solidum la société Borchard et la société Barwill à la relever et garantir en totalité de toutes condamnations en principal, intérêts et frais, de dire que si ces sociétés peuvent bénéficier d'une limitation légale de réparation, elle doit en bénéficier à l'identique, de condamner en cas de diminution du montant des condamnations de première instance, la société Borchard Lines Insurance à rembourser les sommes versées en trop, de condamner enfin les sociétés Borchard et Barwill à lui payer la somme de 40 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC. Intimée, la société Borchard reprend son exception d'incompétence des juridictions françaises, dont elle affirme qu'elle est recevable, soulignant que son appel en garantie des sociétés Barwill et Hernak a été délivré sous réserve de contester la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, et qu'en tout état de cause la procédure étant orale, c'est au jour de la plaidoirie que s'apprécie l'ordre des exceptions et moyens de défense. Elle soutient qu'en application des dispositions de l'article 17.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée par le protocole du 9 octobre 1978, et de la jurisprudence MSG et Castelleti de la Cour de justice des Communautés européennes la société Varoise de concentrés, chargeur au connaissement est présumée avoir connaissance de la clause attributive de compétence figurant aux conditions générales de ce document, peu important que sa signature n'y figure pas; que l'existence du consentement à une clause attributive de juridiction est présumée établie lorsqu'il existe à cet égard des usages

commerciaux dans la branche considérée du commerce international, lorsque les parties ont noué auparavant des rapports commerciaux entre elles ou avec d'autres parties, opérant dans le secteur considéré, ou lorsque dans ce secteur un certain comportement est suffisamment connu et suivi pour pouvoir être considéré comme une pratique consolidée; qu'en matière de transport maritime l'insertion d'une clause attributive de compétence dans les conditions générales du transporteur en faveur des tribunaux du pays où se trouve le siège social de celui-ci est une pratique constitutive d'un usage; que la clause litigieuse est conforme aux formes admises en matière de transport maritime international; que la société Varoise de concentrés est présumée avoir connaissance de cet usage dès lors qu'elle charge plus de soixante conteneurs par mois sur des navires reliant la France à la Turquie. Elle affirme que les tribunaux français sont également territorialement incompétents pour connaître de l'appel en garantie de la société Scac; qu'en présence d'une clause attributive de compétence valide il ne peut pas être fait application de la compétence dérivée de l'article 6 de la Convention de Bruxelles. A titre subsidiaire, elle invoque la clause de livraison sous palan, figurant, au même titre que la clause attributive de compétence, aux conditions générales de l'ensemble de ses connaissements, sous une forme usuelle en matière de transport maritime international. Elle affirme que les intérêts cargaison, tant en raison de l'existence de rapports commerciaux réguliers et anciens avec le transporteur qu'en raison de leur qualité de professionnel du transport maritime international, avaient nécessairement connaissance de cette clause; que d'ailleurs la société Varoise de concentrés a conclu avec son acheteur turc une vente CIP Izmir dont les termes sont parfaitement cohérents avec la stipulation de livraison sous palan. Elle en déduit que le dommage étant survenu après la mise sous

palan de la marchandise sa responsabilité ne peut être recherchée; que d'ailleurs la société Barwill avait demandé aux autorités portuaires turques d'Izmir, qui disposent d'un monopole dans ce domaine, d'effectuer le transport du conteneur entre le sous palan du navire et l'aire de stockage sous douane; qu'elles ont ensuite confié ces opérations à la société Hernak qui n'a aucun lien avec elle. A titre infiniment subsidiaire, elle expose que lors du premier examen contradictoire de la marchandise effectué sur place à Izmir, il a été constaté que seulement 4 sur les 17 palettes transportées étaient endommagées; que cependant la société Varoise de concentrés s'est opposée à ce que des analyses soient effectuées par l'expert à Izmir; que c'est sur la base de tests effectués deux mois plus tard en France que se fonde la demande de réparation du préjudice; que ces opérations d'expertise ne lui sont pas opposables, que les analyses ont été effectuées dans les locaux de la société Varoise de concentrés et non dans un laboratoire indépendant; que la société Scac ne démontre pas que la société Marship, à laquelle elle a adressé deux fax, était son agent; qu'enfin il n'est pas justifié de la destruction de la marchandise. Elle en déduit qu'elle ne peut être tenue à réparation au-delà des dommages constatés contradictoirement à Izmir, soit en faisant application des dispositions de l'article 4,5 de la convention de Bruxelles, à 4 fois le montant du coût d'une palette, 4 X 1 077,30 + 187, 20 X 2DTS= 8 992,8 DTS. Sur l'appel en garantie de la société Scac, elle soutient que le commissionnaire de transport ne peut recourir contre le transporteur que s'il est partie au connaissement, le contrat de commission ne lui conférant par lui-même aucun droit; que la société Scac soutenant n'être pas partie au connaissement, son action récursoire est irrecevable. Sur les appels en garantie contre les sociétés Barwill et Hernak, elle estime que le tribunal s'est à tort déclaré incompétent à l'égard de ces

deux sociétés, qui n'avaient même pas conclu à cette incompétence, et qui sont manifestement impliquées dans l'événement litigieux, les dommages à la cargaison étant survenus alors que le conteneur se trouvait sous la garde de la société Barwill et de son sous-traitant la société Hernak. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que le tribunal était incompétent, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, de débouter la société Ace Insurance et la société Scac de toutes leurs demandes, de condamner le cas échéant la société Barwill et Hernak à la relever et garantir de toutes condamnations mises à sa charge, subsidiairement de confirmer le jugement entrepris, et de condamner les sociétés Cigna et Scac à lui payer la somme de 50 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.

* Intimée, la société Barwill répond qu'elle a régularisé le 10 septembre 1999 des conclusions soulevant l'incompétence du tribunal de commerce de Nanterre; que le lieu du dommage et son siège social se trouvant à Izmir, et n'ayant contracté qu'avec la société de droit anglais Borchard , mais non avec une société de droit français, il ne peut être fait application des dispositions de l'article 14 du Code civil; que celles de l'article 15 qui permettent à un Français d'être traduit devant un tribunal français pour des obligations contractées en pays étranger avec un étranger ne sont pas davantage applicables; que le tribunal de commerce s'est donc à bon droit dit incompétent pour statuer à son égard. A titre subsidiaire, elle soulève l'irrecevabilité de l'action des sociétés Cigna et Scac à son encontre. Elle affirme qu'en sa qualité d'agent consignataire de navire, elle supervisait la livraison des marchandises pour le compte de la société Borchard; qu'elle n'a jamais eu la garde matérielle des marchandises; que la société Borchard ne pourrait engager sa responsabilité qu'en prouvant sa faute dans l'exécution de son mandat. A titre plus subsidiaire, elle invoque la prescription de

l'action de la société Scac, relevant que l'assignation principale de la société Cigna est du 26 juin 1998 et l'assignation de la société Scac à son encontre du 27 juillet 1998. Enfin elle conteste sa responsabilité personnelle dans les dommages aux marchandises qui se trouvaient sous la garde de la société Hernak. Elle sollicite la condamnation de la société Ace Insurance, de la société Scac et de la société Borchard à lui payer la somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.

* Egalement intimée la société Ace Insurance, venue aux droits de la société Cigna, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu que les opérations d'expertise étaient opposables à la société Scac, qui doit dès lors en sa qualité de commissionnaire de transport, être tenue pour responsable de l'entier dommage subi. Elle soulève l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence de la société Borchard au motif que celle-ci n'a été soulevée qu'après délivrance de l'assignation en garantie des sociétés Barwill et Hernak. Elle soutient que la clause attributive de compétence litigieuse ne peut être opposée à une partie que si celle-ci l'a acceptée au plus tard le jour où le contrat de transport est conclu; que la preuve de l'acceptation résulte de la signature du connaissement; que la société Varoise de concentrés n'a pas signé le connaissement contenant cette clause; que même si la société Varoise de concentrés expédie un volume important de marchandises en Turquie, elle n'en est pas pour autant un contractant habituel de la société Borchard ; qu'elle s'en remet à un commissionnaire et n'est pas une spécialiste du transport, spécialement maritime; que l'acceptation d'un telle clause doit résulter d'une manifestation non équivoque de volonté et ne peut se déduire du caractère habituel des relations commerciales; Sur la cause du dommage, elle fait valoir que celui-ci est survenu pendant le transport à quai du conteneur vers une zone de stockage,

que cette manutention se faisait sur ordre de la société Borchard qui devait livrer la marchandise à son destinataire, ainsi que mentionné sur le connaissement; que la société Borchard doit donc répondre des conséquences de la chute du conteneur, la clause de livraison sous palan n'étant pas opposable, pour les mêmes motifs que la clause attributive de compétence; Elle affirme que la société Barwill étant intervenue en qualité de consignataire du navire "Gracechurch Harp" appartenant à la société Borchard, la responsabilité de celle-ci se trouve engagée pour les fautes de sa mandataire; que la société Varoise de concentrés figurant au connaissement en qualité de chargeur est partie au contrat de transport maritime et peut à ce titre rechercher la responsabilité de la société Borchard tant en qualité de transporteur maritime que de mandant du consignataire du navire. Sur la limite de garantie, elle s'en remet à l'appréciation de la Cour sur l'opposabilité à la société Borchard des opérations d'expertise. Elle demande condamnation conjointe et solidaire "des appelantes" à lui payer la somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC. Assignée à Parquet étranger, la société Hernak n'a pas constitué avoué. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

* *

* Sur la recevabilité des exceptions d'incompétence : Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement entrepris que tant la société Borchard Lines que la société Barwill ont soulevé leurs exceptions d'incompétence avant toute conclusion au fond; Que les sociétés Ace Insurance et Scac ne peuvent tirer argument de la délivrance préalable par la société Borchard Lines d'une assignation en garantie des sociétés Barwill et Hernak dès lors que cette assignation était faite précisément "sous réserve de toute contestation relative...à la compétence du tribunal saisi de la

demande principale.."; Que les exceptions sont donc recevables; Sur leur bien fondé: Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 amendée, dont il n'est pas contesté qu'elle a vocation à s'appliquer en l'espèce, les parties dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat contractant peuvent conclure une convention attributive de juridiction au profit d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant; Que suivant l'alinéa c) de cet article, cette convention peut être conclue, "dans le commerce international sous une forme...conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance, et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type, dans la branche commerciale considérée"; Que la Cour de Justice des Communautés européennes, statuant par décisions préjudicielles sur l'interprétation de ce texte, a dit pour droit que l'accord de volonté des parties contractantes sur une clause attributive de juridiction est présumé établi lorsqu'il existe à cet égard des usages commerciaux dans la branche considérée du commerce international, usage que ces mêmes parties connaissent ou sont censées connaître; Que l'existence d'un usage doit être constatée dans la branche commerciale dans laquelle les parties contractantes exercent leur activité; qu'il y a usage dans la branche commerciale considérée lorsque notamment un certain comportement est généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans cette branche lors de la conclusion de contrats d'un certain type; que la connaissance effective ou présumée d'un tel usage par les parties contractantes est établie lorsque notamment elles avaient auparavant noué des rapports commerciaux entre elles ou avec d'autres parties opérant dans le secteur considéré, ou lorsque dans celui-ci, un certain comportement est suffisamment connu, du fait qu'il est

généralement et régulièrement suivi lors de la conclusion d'un certain type de contrats, pour pouvoir être considéré comme un pratique consolidée; Considérant que même si n'est pas versé aux débats l'original recto verso du connaissement émis par la société Borchard Lines pour le transport litigieux, sont communiquées d'une part copie de son recto qui porte la mention "conditions continued overleaf" (suite des conditions au verso), d'autre part copie des conditions générales des "bill of lading" de ce transporteur, qui prévoient que tout litige né du présent contrat de transport sera soumis à la loi anglaise et aux tribunaux anglais déterminés conformément au droit anglais; Que cette clause est licite dès lors que le droit interne de l'Etat considéré permet de déterminer le tribunal spécialement compétent; Que la société Borchard Lines établit, par la production de divers connaissements émis par des sociétés françaises et étrangères exploitant des lignes maritimes internationales, que ce type de clause attributive de juridiction correspond à une pratique courante et consolidée dans la branche du transport maritime international considérée; Que ladite clause est conforme aux formes admises en matière de commerce international, qui ne nécessitent pas notamment que le connaissement sur lequel elle figure parmi les conditions générales du transporteur soit signé par le chargeur; Considérant qu'il est constant que même si elle a généralement recours aux services d'un commissionnaire de transport, la société Varoise de concentrés est en relations habituelles avec des opérateurs agissant dans le domaine du transport maritime international; que particulièrement, ainsi qu'il résulte du fax qu'elle a adressé à la société Scac après le sinistre, elle charge chaque mois 60 conteneurs à destination de la Turquie; Qu'elle est dès lors présumée avoir connaissance des usages des transporteurs maritimes relatifs aux clauses attributives de compétence et avoir

accepté la clause litigieuse; Que par suite la société Ace Insurance, subrogée dans les droits de son assurée Varoise de concentrés, chargeur au connaissement, et qui recherche directement la responsabilité de la société Borchard Lines, se voit à bon droit opposer la dite clause; Considérant que cette clause s'impose à la société Scac, dont il est acquis que, même si elle ne figure pas au connaissement, elle est la cocontractante de la société Borchard Lines, et comme telle tenue par les clauses de ce document qui fait la preuve des droits et obligations des parties à ce contrat; Considérant qu'en vertu des articles 6-2 et 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, la clause attributive de juridiction, valable au regard du second de ces textes, met obstacle à l'application de la compétence dérivée de l'article 6 de cette Convention; Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Borchard Lines de ses exceptions d'incompétence, et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir sur les actions, principale de la société Ace insurance, et en garantie de la société Scac, dirigées contre cette société; Considérant, sur l'exception d'incompétence également soulevée par la société de droit turc Barwill, que la société Ace Insurance ne sollicite pas la réformation du jugement entrepris en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur son action contre cette société; qu'elle ne reprend d'ailleurs pas en appel les demandes qu'elle avait formées contre l'intéressée dans son assignation de première instance; Que relativement à l'action des sociétés Scac et Borchard Lines à l'égard de la société Barwill, il y a lieu, s'agissant d'une action en garantie, et la Turquie n'étant pas partie à la Convention précitée de Bruxelles, à application de l'article 333 du Code civil, qui prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande

originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence. Que s'il doit cependant être fait exception à ces dispositions en présence d'une clause d'attribution conventionnelle de compétence au profit d'une juridiction étrangère, l'existence d'une telle clause n'est ni démontrée, ni même alléguée par Barwill, étant ici précisé que celle-ci n'a d'ailleurs de lien contractuel qu'avec la société Borchard Lines mais non avec la société Scac; Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera encore infirmé en ce qu'il a dit le tribunal incompétent pour statuer sur les actions en garantie de la société Scac à l'encontre de la société Barwill;

* Considérant, au fond: - Sur l'action de la société Ace Insurance à l'encontre de la société Scac : Que le jugement entrepris n'est pas critiqué en ce qu'il a dit la société Scac responsable en sa qualité de commissionnaire de transport des fautes de ses substitués, ni en ce qu'il a dit que la preuve d'une faute lourde n'étant pas rapportée à l'encontre de quiconque, il y avait lieu à application des limitations légales de responsabilité résultant des dispositions de l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles; que la société Scac ne critique pas la décision déférée en ce qu'elle a ainsi fixé le montant des dommages-intérêts à la somme de 8 992,8 DTS outre les frais de destruction de la marchandise; qu'elle prétend à tort qu'elle aurait dû bénéficier de la même limitation de responsabilité que celle que les premiers juges ont appliquée à la société Borchard Lines; que cette "limitation" résulte de ce que le tribunal a estimé que les opérations d'expertise n'étaient pas opposables à la société Borchard Lines, et qu'il a retenu, suivant les explications de celle-ci, que seulement pour 4 palettes sur 17, elle avait pu constater sur place à Izmir, qu'elles étaient endommagées; Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la

société Scac à payer à la société Gigna aux droits de laquelle se trouve désormais la société Ace Insurance la somme de 483 040,90 francs avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1998. - Sur l'action de la société Scac contre la société Barwill: Considérant que contrairement à ce que soutient la société Barwill, les dispositions de l'article L 133-6 du Code de commerce ne sont pas applicables en matière internationale; que l'exception de prescription cette action sera donc rejetée; Mais considérant qu'ainsi qu'il a été ci-avant rappelé, la société Scac n'est pas contractuellement liée à la société Barwill; qu'elle ne peut rechercher celle-ci que sur un fondement délictuel; que la société Scac ne prouve pas ni même n'allègue l'existence d'une telle faute; qu'il n'est pas notamment démontré qu'elle aurait à tort sous-traité le transport des palettes à la société Hernak ou commis une faute dans le choix de cette sous-traitante; Considérant en conséquence que les demandes de garantie de la société Scac contre la société Barwill seront rejetées; Considérant que l'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 au profit de l'une ou l'autre des parties ni en première instance ni en appel;

PAR CES MOTIFS, LA COUR, Statuant par arrêt réputé contradictoire, Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Scac à payer à la société Cigna aux droits de laquelle est venue la société Ace Insurance la somme de 73 639,11 (483 040.90 F.) avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1998, Le confirme de ce seul chef, Statuant à nouveau, Renvoie les parties intéressées à mieux se pourvoir, Dit que le tribunal était incompétent pour statuer sur les actions dirigées par la société Cigna, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Ace Insurance et par la société Scac à l'encontre de la société Borchard Lines LTD, Dit qu'il était en

conséquence également incompétent pour statuer sur les demandes de la société Borchard Lines LTD contre la société Barwill Universal Denizcilik et la société Hernak Hafriyat Taahut Ticaret, Rejette les demandes de la société Scac à l'encontre de la société Barwill Universal Denizcilik , Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC, Condamne la société Scac aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés pour ces derniers par la SCP Jullien Lécharny Rol, la SCP Lefevre Tardy et la SCP Keime Guttin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier

Le Président C. CLAUDE

F. CANIVET PAR CES MOTIFS, LA COUR, Statuant par arrêt réputé contradictoire, Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Scac à payer à la société Cigna aux droits de laquelle est venue la société Ace Insurance la somme de 73 639,11 (483 040.90 F.) avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1998, Le confirme de ce seul chef, Statuant à nouveau, Renvoie les parties intéressées à mieux se pourvoir, Dit que le tribunal était incompétent pour statuer sur les actions dirigées par la société Cigna, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Ace Insurance et par la société Scac à l'encontre de la société Borchard Lines LTD, Dit qu'il était en conséquence également incompétent pour statuer sur les demandes de la société Borchard Lines LTD contre la société Barwill Universal Denizcilik et la société Hernak Hafriyat Taahut Ticaret, Rejette les demandes de la société Scac à l'encontre de la société Barwill Universal Denizcilik , Dit n'y avoir lieu à

application de l'article 700 du NCPC, Condamne la société Scac aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés pour ces derniers par la SCP Jullien Lécharny Rol, la SCP Lefevre Tardy et la SCP Keime Guttin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier

Le Président C. CLAUDE

F. CANIVET 12ème chambre A - Délibéré du 21/03/2002 RG Nä2476/00 - 00/2579 SA SCAC (Scp Fievet-Rochette-Lafon) Sté Borchard Line Limited (Scp Jullien-Lécharny-Rol) c/ Sa Ace Insurance Company venantc/ Sa Ace Insurance Company venant aux droits de Cigna Insurance Company of Europe (Scp Lefèvre-Tardy) Sté Barwill Universal Denizcilik (Scp Keime-Guttin) Sté Hernak Hafriyat Taahhut Ticaret

PAR CES MOTIFS, LA COUR, Statuant par arrêt réputé contradictoire, Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Scac à payer à la société Cigna aux droits de laquelle est venue la société Ace Insurance la somme de 73 639,11 (483 040.90 F.) avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1998, Le confirme de ce seul chef, Statuant à nouveau, Renvoie les parties intéressées à mieux se pourvoir, Dit que le tribunal était incompétent pour statuer sur les actions dirigées par la société Cigna, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Ace Insurance et par la société Scac à l'encontre de la société Borchard Lines LTD, Dit qu'il était en conséquence également incompétent pour statuer sur les demandes de la société Borchard Lines LTD contre la société Barwill Universal Denizcilik et la société Hernak Hafriyat Taahut Ticaret, Rejette les

demandes de la société Scac à l'encontre de la société Barwill Universal Denizcilik , Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC, Condamne la société Scac aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés pour ces derniers par la SCP Jullien Lécharny Rol, la SCP Lefevre Tardy et la SCP Keime Guttin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier

Le Président C. CLAUDE

F. CANIVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006937257
Date de la décision : 21/03/2001

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence internationale - Article 17 - Clause attributive de juridiction.

L'article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 amendée, ici applicable, dispose que les parties dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat contractant, peuvent conclure une convention attributive de juridiction au profit d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant. La Cour de justice des Communautés européennes statuant en interprétation de ce texte, a dit pour droit que l'accord de volonté des parties contractantes sur une clause attributive de compétence est présumé établi lorsqu'il existe à cet égard des usages commerciaux dans la branche considérée du commerce international que les parties connaissent ou sont censées connaître. Il s'infère de là que l'existence d'un usage doit être constatée dans la branche commerciale dans laquelle les parties contractantes exercent leur activité. Il y a usage dans la branche commerciale considérée lorsque, notamment, un certain comportement est généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans cette branche lors de la conclusion de contrats d'un certain type. La connaissance effective ou présumée d'un tel usage par les parties contractantes est établie lorsque, notamment, elles avaient auparavant noué des rapports commerciaux, entre elles ou non, dans le secteur considéré, ou lorsque dans celui-ci, un certain comportement est suffisamment connu, du fait qu'il est généralement et régulièrement suivi lors de la conclusion d'un certain type de contrats, pour pouvoir être considéré comme une pratique consolidée. S'agissant de la clause d'un connaissement émis par une société de transport maritime de droit anglais, stipulant que tout litige né du contrat de transport sera soumis à la loi anglaise et aux tribunaux anglais déterminés conformément au droit anglais, dès lors qu'une telle clause est licite, le droit interne de l'Etat considéré permettant de déterminer le tribunal spécialement compétent, qu'il est établi que l'insertion de ce type de clause attributive de

juridiction correspond à une pratique courante et consolidée des exploitants de lignes maritimes internationales, qu'une telle clause est conforme aux formes admises en matière de commerce international, lesquelles ne subordonnent pas à la signature du chargeur l'opposabilité des clauses et conditions du connaissement établi par le transporteur, un expéditeur en relations habituelles et constantes avec des opérateurs agissant dans le domaine du transport maritime, fût-ce par l'intermédiaire d'un commissionnaire de transport, est présumé avoir connaissance des usages des transporteurs maritimes relatifs aux clauses attributives de compétence et avoir accepté la clause litigieuse. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'assureur, subrogé dans les droits du chargeur au connaissement, se voit opposer la clause attributive de compétence par le transporteur dont il recherche directement la responsabilité


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-03-21;juritext000006937257 ?
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