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08/03/2001 | FRANCE | N°1998-2724

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 mars 2001, 1998-2724


FAITS ET PROCEDURE : Suivant connaissement CGM SUD n° 020200 en date à BORDEAUX du 02 octobre 1995, il a été procédé au chargement au départ du HAVRE et à destination de FORT-DE-FRANCE sur le navire " FORT ROYAL ", trois jours après leur départ du terminal de BORDEAUX le 28 septembre 1995, de 313 colis de viande fraîche d'un poids total brut de 5.417,70 kgs dans un conteneur réfrigéré CGMU 279974/8 avec stipulation d'une température de conservation de -1°/+ 1° C. Au déchargement du navire à FORT-DE-FRANCE le 19 octobre 1995, il a été constaté l'état d'avarie généralis

de la marchandise par pourrissement, situation qui a entraîné sa saisie...

FAITS ET PROCEDURE : Suivant connaissement CGM SUD n° 020200 en date à BORDEAUX du 02 octobre 1995, il a été procédé au chargement au départ du HAVRE et à destination de FORT-DE-FRANCE sur le navire " FORT ROYAL ", trois jours après leur départ du terminal de BORDEAUX le 28 septembre 1995, de 313 colis de viande fraîche d'un poids total brut de 5.417,70 kgs dans un conteneur réfrigéré CGMU 279974/8 avec stipulation d'une température de conservation de -1°/+ 1° C. Au déchargement du navire à FORT-DE-FRANCE le 19 octobre 1995, il a été constaté l'état d'avarie généralisé de la marchandise par pourrissement, situation qui a entraîné sa saisie immédiate et sa destruction par les services sanitaires ; le préjudice évalué par voie d'expertise a été fixé à la somme de 127.897 francs en principal. La Société BLOUSSON VIANDES, qui avait subi le préjudice, a cédé ses droits à la Société SGC MARITIME, laquelle a exercé son recours à l'encontre de la Société CGM SUD, laquelle s'était vu confier les opérations de transport. C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 16 octobre 1996, la Société SGC MARITIME a fait assigner devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE la Société CGM SUD, pour voir condamner celle-ci à lui payer les sommes de : Ï 127.897 francs en principal, sauf à parfaire, avec intérêts légaux à compter du 19 juin 1996 ; Ï 3.800 francs en principal, sauf à parfaire, avec intérêts légaux à compter du 19 juin 1996 ; Ï 10.000 francs, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et pour voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir. La Société CGM SUD a conclu à titre principal à l'irrecevabilité de cette action au motif que la cession opérée à la Société SGC MARITIME n'a pas été signifiée au débiteur, CGM SUD ; subsidiairement au fond, elle a conclu au débouté de la demanderesse des réclamations formulées à son encontre, en invoquant le fait que la marchandise litigieuse n'avait pas été correctement

pré-réfrigérée. Suivant jugement en date du 23 janvier 1998, le Tribunal a : è dit la SARL SGC MARITIME recevable et partiellement fondée en son action ; è procédé à un partage de responsabilité entre l'expéditeur à concurrence des deux-tiers et le transporteur à concurrence d'un tiers, et, par voie de conséquence, condamné la Société CGM SUD à payer à la Société SGC MARITIME la somme de 43.899 francs, avec intérêts légaux à compter du 19 juin 1996 ; è ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie ; è condamné la Société CGM SUD au paiement de la somme de 3.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens ; è débouté les parties du surplus de leurs demandes. La Société SGC MARITIME a interjeté appel de ce jugement. En premier lieu sur la recevabilité de la demande, la Société SGC MARITIME fait valoir que la cession de créance entre BLOUSSON VIANDES et elle-même a été régulièrement dénoncée à CGM SUD dans le cadre de la présente procédure, et particulièrement dans l'acte introductif d'instance du 16 octobre 1996, et qu'elle est donc parfaitement conforme aux dispositions de l'article 1690 du Code Civil. Elle précise que cette cession de droits suffit à démontrer qu'elle a agi aux droits de BLOUSSON VIANDES, destinataire réel de la marchandise ayant subi le préjudice. Aussi elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a énoncé qu'elle avait qualité et intérêt à agir, et que la présente action diligentée par elle est recevable. En second lieu sur le bien fondé de l'action, l'appelante soutient que CGM SUD ne saurait prétendre être déchargée de sa responsabilité du simple fait que la marchandise aurait prétendument été correctement réfrigérée pendant le voyage, alors qu'il résulte des mentions du connaissement que l'intimée est intervenue non seulement en qualité de transporteur maritime, mais aussi et surtout en tant qu'organisateur de bout en bout de l'opération de transport combiné ayant consisté à acheminer

la marchandise litigieuse depuis les entrepôts du chargeur BLOUSSON VIANDES à FLEURANCE (Gers) dans ceux du destinataire à LE LAMENTIN (Martinique), et qu'à ce titre elle est débitrice d'une obligation de résultat. Elle soutient que CGM SUD ne peut valablement s'exonérer de sa responsabilité découlant de cette obligation de résultat, dès lors que le transporteur terrestre, missionné par la partie adverse pour effectuer le pré-acheminement, n'a mentionné aucune réserve, que les opérations de pré-acheminement dans leur intégralité, y compris celles de transit et de manutention portuaire, ont également été effectuées sous la responsabilité de CGM SUD et ce jusqu'au chargement à bord du navire " FORT ROYAL ", et que les conditions de branchement et de vérification du conteneur réfrigéré que CGM SUD ne pouvait pas ne pas connaître ont été constamment sous la responsabilité de celle-ci. Elle fait observer que, si CGM SUD a cru devoir mettre en cause les conditions de pré-réfrigération antérieurement au pré-acheminement, et si, comme le prétend la partie adverse, il n'existe pas de relevé de température lorsque les conteneurs sont munis de " clip-on " en transport intérieur, il n'en demeure pas moins qu'il existe bien pour le trajet maritime un relevé de température que l'intimée n'a opportunément pas fourni. Tout en relevant que la partie adverse ne justifie d'aucune cause exonératoire de responsabilité liée à l'existence dûment établie d'un vice propre de la marchandise ou encore d'une faute du chargeur, l'appelante souligne qu'il est de surcroît apparu que, durant les opérations de transport, les conditions d'acheminement du conteneur à la Martinique ont été anormalement longues, dans des conditions injustifiables pour un armateur tel que CGM SUD, sur une ligne régulière, et pour un transport de denrées périssables par conteneur. Elle ajoute que l'intimée ne saurait se prévaloir d'une prétendue innavigabilité du navire faute d'en établir le caractère fortuit, et

qu'elle ne rapporte pas davantage la preuve d'un lien de causalité entre la panne de moteur du navire (qui serait consécutive au défaut de montage d'une bielle sur ce moteur) et les dommages causés à la marchandise, dès lors au surplus qu'elle conteste toute insuffisance de réfrigération. Aussi la Société SGC MARITIME conclut à la réformation du jugement déféré en ce qu'il a limité la responsabilité de CGM SUD à environ un tiers des dommages, et, en conséquence, elle demande à la Cour de la dire bien fondée sur l'ensemble de ses réclamations, de dire et juger CGM SUD mal fondée en son appel incident, de débouter celle-ci de toutes ses prétentions, et de la condamner à lui payer les sommes de : è 127.897 francs en principal, sauf à parfaire, outre intérêts de droit à compter du 19 juin 1996 avec capitalisation d'année en année dans les conditions légales ; è 3.800 francs en principal, sauf à parfaire, outre intérêts de droit à compter de la même date, à titre de remboursement des frais d'expertise ; è 30.000 francs, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et de la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel. La Société CGM ANTILLES GUYANE SA, qui vient aux droits de la Société CGM SUD, conclut à titre principal à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la Société SGC MARITIME. A cet égard, tout en prenant acte qu'après quatre ans de procédure, un acte de cession de droits a enfin été produit par la partie appelante le 17 octobre 2000, elle relève que la Société SGC MARITIME n'a pas justifié du prix qu'elle a payé pour acquérir la créance litigieuse dont s'agit, et elle précise que le contrôle de la validité de la cession s'impose d'autant plus que le cessionnaire a endossé dans l'opération la qualité de commissionnaire de transport, lequel ne peut valablement agir contre le tiers contractant qu'à la condition de rapporter la preuve d'un intérêt légitime à agir en établissant

qu'il a désintéressé son commettant ou s'est d'ores et déjà obligé à le faire. Alléguant que la partie adverse n'a personnellement subi aucun préjudice, l'intimée demande à la Cour de déclarer irrecevable l'action de la Société SGC MARITIME pour défaut d'intérêt à agir. A titre subsidiaire sur le fond, la Société CGM ANTILLES GUYANE fait valoir que la thèse du voyage maritime " exceptionnellement long " soutenue par la Société SGC MARITIME ne peut prospérer, dès lors d'une part qu'en l'occurrence le retard constaté (la traversée ayant duré dix-neuf jours au lieu des treize prévus) ne saurait en aucun cas engager la responsabilité du transporteur maritime, et dès lors d'autre part et surtout que la marchandise, reçue par le transporteur dans un conteneur plombé et aux conditions FCL/FCL, a été correctement réfrigérée pendant le voyage. Elle considère que la cause des dommages réside en réalité dans le fait que la marchandise n'avait pas été convenablement pré-réfrigérée, et, à cet égard, elle explique que la préparation de la marchandise (emballage et pré-réfrigération), puis son empotage à l'intérieur du conteneur avaient été effectués par le personnel des abattoirs de FLEURANCE, et non par la société intimée, ni pour son compte par un tiers. Elle précise que la baisse progressive de la température entre le 28 septembre 1995, date à laquelle le conteneur a quitté le terminal de BORDEAUX, et le 02 octobre 1995, révèle assurément une absence totale de pré-réfrigération de la marchandise avant son empotage. Elle réfute également le bien fondé de la contestation par la société appelante de la force probante du relevé de températures que celle-ci avait elle-même produit aux débats, alors que ledit tableau est la transcription des informations fournies par le relevé informatique du bord dont rien ne permet de mettre en doute la fidélité des indications. Elle soutient que le refus par la société appelante de livrer l'information relative au respect de la durée de conservation

des carcasses doit être rapproché de la rapidité étonnante avec laquelle la viande dont s'agit est tombée en état de putréfaction au point de faire l'objet d'une perte totale. Tout en alléguant que l'absence de réserves au sujet de l'état de la marchandise à l'occasion de sa réception par le transporteur ne le prive nullement de la possibilité d'établir ultérieurement qu'elle se trouvait affectée d'un vice ou d'un défaut, l'intimée conclut qu'en l'occurrence le vice propre de la marchandise ainsi que la faute du chargeur sont parfaitement établis, ce qu'ont d'ailleurs admis tant les assureurs de cette marchandise que, de façon à peine voilée, l'expert consulté. Elle ajoute que la responsabilité du transporteur ne saurait être engagée, sur le fondement du cas excepté de l'article 27 a) et h) de la loi du 18 juin 1966, en considération de l'innavigabilité du navire déclarée en cours de voyage, et compte tenu du défaut de montage d'une bielle, de toute évidence constitutif d'un vice caché ayant échappé à l'examen vigilant, non seulement de la société de classification BUREAU VERITAS, mais encore de la Société PIELSTICK, constructeur du moteur, qui supervisaient les travaux. Aussi, à titre principal, la Société CGM ANTILLES GUYANE demande à la Cour d'accueillir son appel incident et de déclarer irrecevable, et en tout cas mal fondée l'action de la Société SGC MARITIME, de débouter celle-ci de ses prétentions, et de la condamner au paiement de la somme de 30.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. Subsidiairement, la société intimée conclut à la confirmation de la décision attaquée en toutes ses dispositions, ainsi qu'à la condamnation de la Société SGC MARITIME au paiement de la somme de 20.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. MOTIFS DE LA DECISION : Ï Sur la

recevabilité de l'action de la Société SGC MARITIME : Considérant qu'au soutien de sa prétention suivant laquelle la Société SGC MARITIME n'est titulaire d'aucun droit à agir, la Société CGM ANTILLES GUYANE SA fait valoir que la cession de créance intervenue entre la Société BLOUSSON VIANDES et la société appelante n'a pas été dénoncée au transporteur maritime conformément aux dispositions de l'article 1690 du Code Civil ; considérant que la société intimée précise que le contrôle de la validité de cette cession s'impose d'autant plus que le cessionnaire a endossé dans l'opération la qualité de commissionnaire de transport, lequel, agissant pour le compte du commettant, et n'ayant pas personnellement subi le préjudice résultant des pertes ou des avaries de la cargaison, ne peut donc valablement agir contre le tiers contractant qu'à la condition d'établir qu'il a désintéressé son commettant ou s'est d'ores et déjà obligé à le faire ; mais considérant qu'il est admis que l'action en responsabilité contre le transporteur est ouverte au destinataire réel lorsque celui-ci est seul à avoir supporté le préjudice résultant du transport ; considérant qu'en l'occurrence, les énonciations du connaissement, lequel fait expressément mention de la Société BLOUSSON VIANDES à la rubrique " arrivée à notifier à ", et la production aux débats d'une facture en date du 28 septembre 1995 portant sur la marchandise litigieuse et libellée à " BLOUSSON VIANDES ", font apparaître la qualité de celle-ci en tant que destinataire réel de ladite marchandise, véritable intéressé à l'opération ; considérant qu'au demeurant, la qualité de commissionnaire de transport ne se présume pas, et si le connaissement porte la mention de SGC MARITIME " pour le compte " du chargeur BLOUSSON VIANDES, il doit cependant être observé que CGM SUD, aux droits de laquelle vient désormais CGM GUYANE ANTILLES, ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe que l'appelante serait

intervenue en qualité de commissionnaire ; considérant qu'au surplus, il est acquis aux débats que, suivant acte de cession de droits en date du 12 avril 1996, BLOUSSON VIANDES, véritable destinataire ayant subi le préjudice, a déclaré : " céder et transférer à la SGC MARITIME, domiciliée à PORTET S/GARONNE tous les droits de recours que nous pouvons posséder en vertu du connaissement, contre les transporteurs et/ou tous tiers responsables des dommages subis par cette expédition " ; considérant qu'il apparaît en outre que cette cession de créance a été régulièrement signifiée à la Société CGM SUD par voie d'assignation en date du 16 octobre 1996, laquelle contient les éléments nécessaires à une exacte information quant à la consistance de cette créance et quant au montant de la créance cédée ; considérant qu'en l'état de ces éléments, lesquels caractérisent suffisamment l'intérêt légitime de la Société SGC MARITIME à agir en qualité de cessionnaire des droits dont était titulaire le réceptionnaire, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré cette société recevable à agir à l'encontre du transporteur. Ï Sur la mise en cause de la responsabilité du transporteur maritime : Considérant qu'à titre préalable, il doit être observé que, dès lors qu'il a été effectué entre un port métropolitain et la Martinique, le transport maritime confié à la Société CGM SUD se trouve soumis à la loi française du 18 juin 1966 ; considérant qu'en application de l'article 27 de la loi susvisée, le transporteur est responsable de plein droit des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison, à moins qu'il ne fasse la preuve de l'une ou l'autre des causes d'exonération prévues par cette disposition légale ; considérant qu'en l'occurrence, il ressort tant des termes du connaissement que des courriers échangés avec ses divers correspondants que CGM SUD a été chargée de l'organisation de bout en

bout de l'opération de transport combiné, ayant consisté à acheminer la marchandise litigieuse depuis les entrepôts du chargeur à FLEURANCE (Gers) jusqu'à ceux du destinataire à LE LAMENTIN (Martinique) ; considérant qu'au surplus, il est constant que, ni le connaissement litigieux, ni les bordereaux établis par le transporteur terrestre chargé par CGM SUD du pré-acheminement, ne comportent la moindre réserve lors de la prise en charge de la marchandise à FLEURANCE le 28 septembre 1995 à 8 heures ; considérant que toutefois il est constant que l'absence de réserves portées sur ces documents n'interdit pas au transporteur d'établir que le dommage est dû à l'une des causes légales de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; considérant que, pour tenter d'échapper à la présomption de responsabilité qui pèse sur elle, la Société CGM ANTILLES GUYANE se prévaut des "cas exceptés" expressément visés à l'article 27 a) et à l'article 27 h) de la loi du 18 juin 1966, et tirées de l'innavigabilité du navire déclarée en cours de voyage ainsi que du vice du navire échappant à un examen vigilant ; considérant qu'elle invoque tout à la fois une avarie du moteur principal ayant nécessité des travaux de réparation à l'origine d'un retard dans l'acheminement des marchandises, ainsi que le défaut de montage d'une bielle constitutif d'un vice caché ayant échappé à l'examen vigilant, non seulement de la société de classification BUREAU VERITAS, mais également de la Société PIELSTICK, constructeur du moteur ; considérant que, toutefois à cet égard, même en admettant que le transporteur a satisfait aux obligations édictées par l'article 21 de la loi précitée en établissant que le navire était en bon état de navigabilité lors du départ, force est de constater que les documents produits aux débats n'apportent nullement la preuve que les difficultés techniques rencontrées par le navire durant le transport sont à l'origine des dommages survenus à la marchandise,

étant observé que la société intimée affirme avoir assuré au cours de ce transport une parfaite réfrigération de la cargaison ; mais considérant que la Société CGM ANTILLES GUYANE revendique également le bénéfice des " cas exceptés " prévus par l'article 27 f) et par l'article 27 g) de la loi du 18 juin 1966, liés au vice propre de la marchandise et à la faute du chargeur, auquel elle fait grief de n'avoir pas correctement procédé à l'opération de pré-réfrigération ; or considérant qu'au soutien de sa prétention, elle produit aux débats un relevé de températures, dont rien n'autorise à mettre en doute l'exactitude des indications, et qui met en évidence une baisse progressive de la température enregistrée au cours du transport maritime (5,5°C, puis 2,5°C le 1er octobre 1995, 1,2°C puis 1°C le 02 octobre, 0,6°C le 03 octobre ) ; considérant que, tout en relevant, sans être sérieusement contredite sur ce point, que la préparation de la marchandise (emballage et pré-réfrigération) puis son empotage à l'intérieur du conteneur avaient été effectués par le personnel des abattoirs de FLEURANCE, la société intimée démontre que cette marchandise, qui avait été acheminée de FLEURANCE à BORDEAUX le 28 septembre 1995 au matin dans un conteneur équipé d'un " Clip On " (générateur frigorifique autonome), se trouvait à une température de + 10°C lorsqu'elle est arrivée le 28 septembre 1995 à 14h50 à BORDEAUX ; considérant qu'il est également acquis aux débats qu'à partir du 02 octobre 1995, soit dès le deuxième jour du transport maritime, la température a été constamment maintenue à un niveau de - 0,8°C à + 1,1°C conformément aux préconisations du connaissement ; considérant qu'au surplus, il apparaît que le retard survenu dans l'acheminement de la marchandise, (retard que la société intimée a imputé aux difficultés techniques rencontrées au cours de ce transport maritime), ne peut être à l'origine des avaries constatées à l'arrivée, dès lors qu'il résulte de l'avis technique émis par le

Cabinet d'expertise VAN AMEYDE qu'une température entre - 0,8°C et + 1,1°C ne peut expliquer un début de putréfaction après 19 jours si, comme c'est le cas en l'occurrence, la température a été constamment maintenue à un niveau de - 1°C à + 2°C ; considérant que, dans la mesure où il est constant qu'à la date du 28 septembre 1995 à 14h50, soit immédiatement après le transport de FLEURANCE à BORDEAUX, la température relevée était égale à + 10°C, et dès lors que, d'après les explications circonstanciées résultant de l'expertise VAN AMEYDE, la phase terrestre du transport était trop courte pour expliquer un réchauffement général du fait de l'inertie thermique des cartons et des carcasses de bovins, il est suffisamment établi que la cause du sinistre provient pour une part prépondérante du chargement d'une viande non correctement pré-réfrigérée avant empotage, et donc d'un défaut de conditionnement de la cargaison antérieur à la prise en charge de la marchandise par le transporteur maritime, que celui-ci est fondé à invoquer pour s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui en application de l'article 27 de la loi susvisée ; considérant que, pour autant, il doit être observé qu'à la date du 1er octobre 1995, soit trois jours après l'empotage, la viande n'était toujours pas à température (l'enregistrement indiquant alors un retour d'air de + 5,5°C) ; considérant que, alors qu'il apparaît que l'ensemble des opérations de pré-acheminement, comprenant notamment le transit et la manutention portuaire étaient sous sa responsabilité, la Société CGM ANTILLES GUYANE ne s'explique pas sur les mesures de précaution qu'elle a prises pour assurer les meilleures conditions de conservation à une marchandise qu'elle savait avoir récupérée à une température élevée et dont elle n'ignorait pas qu'il s'agissait de denrées fragiles et périssables ; considérant qu'il y a donc lieu de dire que la cause d'exonération invoquée par la société intimée n'a contribué qu'à concurrence des

deux tiers aux avaries survenues à la cargaison, et de confirmer par substitution de motifs le jugement déféré en ce qu'il a accueilli la demande de la Société SGC MARITIME seulement à concurrence de la somme de 43.899 francs, représentant l'équivalent du tiers du montant du préjudice subi, en ce compris les frais d'expertise, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 1996 ; considérant qu'il convient, en ajoutant à la décision entreprise, de dire que les intérêts dus sur le montant en principal seront capitalisés par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, avec comme point de départ le 17 octobre 2000, date des écritures de la société appelante formulant pour la première fois cette demande. Ï Sur les demandes annexes :

Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société CGM ANTILLES GUYANE, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité globale de 10.000 francs en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par ladite société tant en première instance qu'en appel ; considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la Société SGC MARITIME conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés dans le cadre de la présente procédure ; considérant qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis l'intégralité des dépens de première instance à la charge de la Société CGM SUD, et de dire que les dépens de première instance doivent être pris en charge à concurrence des deux tiers par la SGC MARITIME et à concurrence du tiers par CGM ANTILLES GUYANE venant aux droits de CGM SUD ; considérant que la Société SGC MARITIME, qui succombe dans l'exercice de son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DECLARE recevable l'appel interjeté par la SARL SGC MARITIME, le dit mal fondé ; DECLARE mal

fondé l'appel incident de la SA CGM ANTILLES GUYANE, venant aux droits de CGM SUD ; CONFIRME le jugement déféré par substitution partielle de motifs en ce qu'il a : Ï dit la SARL SGC MARITIME recevable et partiellement fondée en son action ; Ïcondamné la Société CGM SUD à payer à la Société SGC MARITIME la somme de 43.899 francs, augmentée des intérêts légaux à compter du 19 juin 1996 ; Ïdébouté l'une et l'autre parties du surplus de leurs demandes principales ; Y AJOUTANT : ORDONNE la capitalisation des intérêts sur la somme due en principal par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, avec comme point de départ le 17 octobre 2000 ; L'INFIRMANT en ce qu'il a statué sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que sur les dépens de première instance : CONDAMNE la SARL SGC MARITIME à payer à la SA CGM ANTILLES GUYANE, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité globale de 10.000 francs, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par la société intimée tant en première instance qu'en appel ; FAIT MASSE des dépens de première instance, et DIT qu'ils doivent être supportés à concurrence des deux-tiers par SGC MARITIME et à concurrence du tiers par CGM ANTILLES GUYANE, venant aux droits de CGM SUD ; CONDAMNE la SARL SGC MARITIME aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP BOMMART-MINAULT, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-2724
Date de la décision : 08/03/2001

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - ACTION DU DESTINATAIRE CONTRE LE TRANSPORTEUR.

L'action en responsabilité contre le transporteur est ouverte au destinataire réel lorsque celui-ci est le seul à avoir supporté le préjudice résultant du transport.Tel est le cas lorsque le connaissement mentionne expressément le nom du destinataire et qu'une facture afférente à la marchandise transportée fait apparaître celui-ci en cette qualité. Partant, le commissionnaire de transport auquel le destinataire réel a cédé tous ses droits de recours " contre le transporteur et/ou tous tiers responsables des dommages subis " par le transport - cession notifiée au transporteur conformément aux prescriptions de l'article 1690 du code civil - a un intérêt légitime à agir, en sa qualité de cessionnaire des droits du destinataire, contre le transporteur

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Exonération.

En application de l'article 27 de la loi du 18 juin 1966, applicable au transport maritime entre la métropole et la Martinique, le transporteur est responsable de plein droit des avaries subies par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison, sauf à établir que les conditions d'une des causes exonératoires prévues par ce texte sont réunies. Tel est le cas lorsqu'il résulte des éléments versés aux débats que la cause du sinistre provient pour une part prépondérante de l'empotage par le chargeur d'une viande insuffisamment pré-réfrigérée, et donc d'un défaut de conditionnement de la cargaison antérieur à la prise en charge par le transporteur. En revanche, s'agissant d'un transport de bout en bout, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'immédiatement après le pré-acheminement par route le défaut de conditionnement de la marchandise était connu du transporteur, et à défaut pour celui-ci de s'expliquer sur les mesures de précaution prises pour assurer les meilleures conditions de conservation d'une marchandise fragile, la cause d'exonération invoquée par le transporteur sur le fondement de l'article 27 précité n'a contribué que partiellement à la production du dommage


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-03-08;1998.2724 ?
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