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30/11/2000 | FRANCE | N°JURITEXT000006936735

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 novembre 2000, JURITEXT000006936735


FAITS ET PROCEDURE : A l'occasion du lancement d'une nouvelle ligne de produits cosmétiques, la SA DECLEOR a confié à la SARL MARKETING VOYAGE CONSEIL -M.V.C.- l'organisation d'un séjour à SEVILLE en ESPAGNE auxquels étaient conviés 18 journalistes de la presse féminine. Le départ était prévu pour le 1er février 1996 à 16 heures 50 sur un vol de la Compagnie IBERIA et le retour le 03 février 1996. Le vol PARIS/SEVILLE a d'abord été retardé de 3 heures, puis après une interruption brutale du décollage a été annulé et reporté au lendemain matin. La société DECLEOR a annu

lé le voyage, puis a assigné la société M.V.C. devant le Tribunal de Com...

FAITS ET PROCEDURE : A l'occasion du lancement d'une nouvelle ligne de produits cosmétiques, la SA DECLEOR a confié à la SARL MARKETING VOYAGE CONSEIL -M.V.C.- l'organisation d'un séjour à SEVILLE en ESPAGNE auxquels étaient conviés 18 journalistes de la presse féminine. Le départ était prévu pour le 1er février 1996 à 16 heures 50 sur un vol de la Compagnie IBERIA et le retour le 03 février 1996. Le vol PARIS/SEVILLE a d'abord été retardé de 3 heures, puis après une interruption brutale du décollage a été annulé et reporté au lendemain matin. La société DECLEOR a annulé le voyage, puis a assigné la société M.V.C. devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE en remboursement du solde des honoraires versés et paiement de dommages et intérêts tandis que cette dernière a appelé en garantie, la SA de droit espagnol IBERIA LINEAS DE ESPANA. Par jugement rendu le 05 novembre 1997, cette juridiction après jonction des instances, a condamné la société M.V.C. à régler à la société DECLEOR la somme de 60.734 francs avec intérêts légaux à compter du 26 mars 1996, débouté la société DECLEOR de sa demande en dommages et intérêts, condamné la compagnie IBERIA à garantir la société M.V.C., dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, alloué des indemnités de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile aux sociétés DECLEOR et M.V. CONSEIL et condamné cette dernière aux dépens et la compagnie IBERIA aux dépens de l'appel en garantie. Appelante de cette décision, la compagnie IBERIA soulève l'irrecevabilité de l'action intentée par la société M.V.C. à défaut d'intérêt à agir puisqu'elle n'a pas été partie au contrat de transport. Elle soutient que sa responsabilité en qualité de transporteur ne peut en tout cas être engagée en application des conditions générales point 9 du contrat de transport ainsi que des dispositions impératives de la convention de Varsovie selon lesquelles lorsque la sécurité des passagers est en cause, le retard

de l'avion n'est pas générateur d'un préjudice réparable comme en l'espèce. Elle ajoute que la faculté d'annulation du contrat de transport dans l'hypothèse de l'ajournement d'un vol reconnue aux passagers est soumise à des conditions qui ne sont pas réunies en la cause. Elle précise que si sa responsabilité devait être retenue, elle ne pourrait être limitée qu'au préjudice découlant du refus des passagers de prendre le vol du lendemain matin correspondant au seul remboursement des billets auquel elle indique avoir déjà procédé à titre commercial. Elle demande, en conséquence, à la cour de déclarer irrecevable l'action de la société M.V.C. en application des articles 30-1, 24 et 3 de la convention de Varsovie et subsidiairement non fondée et de l'en débouter. Elle réclame aussi une indemnité de 50.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société DECLEOR forme appel incident pour obtenir 200.000 francs de dommages et intérêts et une indemnité de 40.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et conclut à la confirmation du jugement déféré pour le surplus. Elle fait valoir que le tribunal a estimé, à juste titre, que la société M.V. CONSEIL était tenue à son égard en sa qualité d'agent de voyage, en vertu de l'article 23 de la loi du 23 juillet 1992 d'une obligation de résultat et de sécurité qui n'a pas été respectée et qu'elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute de la compagnie aérienne alors même que celle-ci n'a pas été en mesure de trouver une solution de substitution plutôt que de la contraindre à annuler son voyage. Elle prétend avoir subi un préjudice d'image conséquent en alléguant que celui-ci revêtait une importance stratégique considérable en terme de communication. La société M.V.C. sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a retenu sa responsabilité et le rejet de toutes les prétentions de la société DECLEOR et sa confirmation à titre

subsidiaire du chef de sa garantie par la compagnie IBERIA, outre une indemnité de 30.000 francs pour frais irrépétibles. Elle oppose que le choix de la société IBERIA, compagnie aérienne de renom, ne peut lui être reproché et souligne qu'elle n'est pas à l'origine de l'annulation du vol en raison d'un incident technique indépendant de sa volonté ainsi que l'impossibilité de trouver une solution de substitution. Elle en déduit qu'aucune faute personnelle ne peut lui être imputée et qu'elle n'est tenue qu'en sa qualité de responsable du fait d'autrui. Elle observe qu'elle était bien le cocontractant direct de la compagnie IBERIA et prétend que si telle ne devait pas être le cas sa mise hors de cause s'imposerait. Elle prétend que les clauses exonératoires de responsabilité en cas de retard invoquées par la compagnie IBERIA sont nulles et ne pourraient valoir que pour des retards brefs et que cette dernière ne s'exonère pas de sa responsabilité sur le fondement de l'article 20 de la convention de Varsovie. Elle ajoute que le problème technique étant entièrement imputable à la compagnie IBERIA, il lui appartenait de proposer une solution de remplacement immédiate et acceptable aux voyageurs. Elle estime que la société DECLEOR ne justifie pas de son préjudice. L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2000. MOTIFS DE L'ARRET : è Sur la demande de la société DECLEOR à l'encontre de la société M.V.C. : Considérant qu'il s'infère des pièces et des éléments des débats que le programme du séjour à SEVILLE offert par la société DECLEOR à 18 journalistes de la presse féminine pour la promotion de ses produits dont l'organisation a été confiée à l'agence M.V.C. devait se dérouler du 1er au 03 février 1996, le départ étant prévu à PARIS ORLY SUD à 16 heures 50 à bord d'un vol IBERIA et devait être suivi d'un hébergement près de SEVILLE à L'HACIENDA BENAZ UZAR hôtel de luxe affilié aux RELAIS ET CHATEAUX, tandis que la journée du 02 février devait être consacrée le matin à

la présentation de la ligne de produits DECLEOR, à un déjeuner dans un restaurant typique de SEVILLE, suivi d'une excursion dans la vieille ville avec la faculté d'une visite au musée de la tauromachie, puis d'une soirée andalouse organisée à l'Hacienda avec un spectacle de flamenco et des "sévillanas", le retour en France devant être effectué selon vol Ibéria à 12 heures 25 à destination de Paris où l'arrivée était prévue à 15 heures 55 ; Considérant que le 1er février 1996, l'ensemble des passagers pour ce voyage se sont présentés à l'embarquement ; que toutefois, lors des opérations de décollage de l'avion de Paris une anomalie technique a été constatée par le pilote qui l'a conduit à prendre la décision de suspendre le vol ; Que les vérifications auxquelles il a été procédé ont impliqué l'immobilisation durable de l'appareil apprise après plusieurs heures d'attente. Qu'en raison de l'impossibilité d'acheminer les passagers le soir même à destination compte tenu de l'interdiction des vols de nuit, la compagnie IBERIA les a pris en charge en les relogeant pour la nuit, puis a pu les faire repartir sur un vol du lendemain à 9 heures 30. Que néanmoins, le dirigeant de la société DECLEOR a décidé d'annuler le voyage lorsqu'il a eu connaissance qu'aucun décollage ne pouvait être envisagé dans la journée. Considérant que la société DECLEOR a alors sollicité de la société M.V. CONSEIL le remboursement de la somme de 137.025 francs correspondant à 90 % du prix total du voyage précédemment versé, mais ne l'a obtenu qu'à concurrence de 76.291 francs ; Considérant qu'en vertu de l'article 23 de la loi n° 92.645 du 13 juillet 1992, toute personne qui se livre aux opérations mentionnées à l'article 1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de service, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et qu'elle ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité

qu'en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait imprévisible et insurmontable d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure ; Considérant que l'agence M.V.C., responsable ainsi de plein droit de la bonne exécution du voyage et du séjour organisés par ses soins sans pouvoir prétendre s'en exonérer en alléguant son obsence de faute ou celle qui aurait été commise par la compagnie IBERIA ; Considérant que la société M.V.C. ne peut davantage reprocher à la société DECLEOR d'avoir annulé le voyage en cause eu égard à la durée très brève de celui-ci et à l'impossibilité selon les propres dires de l'agence de trouver une solution de substitution qu'elle n'a pas été en mesure de proposer ainsi que la réorganisation éventuelle du programme qu'elle ne justifie pas non plus avoir opérée tandis que le report du vol IBERIA au 02 février au matin rendait irréalisable le déroulement du séjour tel qu'il était prévu et ne pouvait donc être considéré comme une solution acceptable ; Que la société M.V.C. ne démontre pas que l'incident technique auquel a été confronté la compagnie IBERIA qui constitue un impondérable prévisible et surmontable en matière de vol aérien revête les caractères de la force majeure ; Qu'à défaut d'établir l'une des causes exonératoires prévues par l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992 l'agence M.V.C. est tenue de réparer le préjudice qui en est résulté pour la société DECLEOR. Considérant que le tribunal a estimé, à juste titre, sur ce point que la société M.V.C. devait rembourser le solde du prix réglé par la société DECLEOR s'élevant à 60.734 francs majorée des intérêts légaux depuis la mise en demeure du 26 mars 1996 ; Considérant qu'il est constant que le voyage assumé par la société DECLEOR était destiné à promouvoir ses produits auprès de journalistes et constituait dès lors une opération de communication envers eux dont elle était fondée

à obtenir de leur part des articles dans leurs journaus respectifs permettant de faire connaître sa nouvelle ligne de cosmétiques à leurs lectrices ; Considérant que la société DECLEOR démontre que les citations de sa marque dans les supports dont les journalistes étaient invités ont baissé d'environ 20 % en moyenne entre 1995 et 1996 alors qu'elle était en droit d'espérer normalement bénéficier à tout le moins d'articles en nombre égal ou similaire à ceux de l'année précédente si le voyage projeté pour présenter à la presse ses nouveaux produits avait eu lieu ; Qu'il suit de là qu'elle a subi une perte de chance certaine d'articles de presse de nature à promouvoir sa marque et par voie de conséquence ses ventes, laquelle sera suffisamment indemnisée au vu de l'ensemble des éléments suffisants d'appréciation dont la cour dispose par l'octroi du 60.000 francs de dommages et intérêts. è Sur l'appel en garantie de la société M.V.C. dirigé contre la compagnie IBERIA : Considérant que la société M.V.C. organisateur de voyages invoque à l'encontre du transporteur aérien la violation de dispositions qui ressortent du contrat de transport de personnes règlementé par la convention de Varsovie telle qu'amendée par celle de la Haye et spécialement la responsabilité résultant du retard dans le transport aérien de passagers relevant de l'article 19 de ladite convention ; Or, considérant qu'en vertu de l'article 3 de cette convention seuls sont liés nominativement les passagers titulaires d'un billet et le transporteur ; Que la société M.V.C. organisateur de voyage et mandataire de la société DECLEOR n'est pas partie au contrat de transport. Que seules les parties au contrat de transport de personnes ont un droit d'action direct à l'encontre de leurs cocontractants. Que la société M.V.C. qui ne démontre pas avoir été subrogée dans les droits des passagers, ni en être cessionnaire, n'a pas qualité pour agir à l'encontre de la compagnie IBERIA. Que son

appel en garantie sera, en conséquence, déclaré irrecevable. Considérant que l'équité commande d'accorder des indemnités de 10.000 francs aux sociétés DECLEOR et IBERIA ; Considérant que la société M.V.C. qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les dépens des deux instances. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré des chefs de toutes les condamnations intervenues en faveur de la SA DECLEOR à la charge de la SARL M.V.C. "Marketing Voyage Conseil", L'INFIRME pour le surplus, Et statuant à nouveau, CONDAMNE la SARL M.V.C. "Marketing Voyage Conseil" à verser à la SA DECLEOR 60.000 francs de dommages et intérêts, DECLARE la SARL M.V.C. "Marketing Voyage Conseil" irrecevable en son appel en garantie à l'encontre de la SA de droit espagnol IBERIA AEREAS LINEAS DE ESPANA, LA CONDAMNE à verser aux SA DECLEOR et IBERIA AEREAS LINEAS DE ESPANA chacune une indemnité de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LA CONDAMNE aux entiers dépens des deux instances et AUTORISE les SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; ASSOCIES et DELCAIRE-BOITEAU, avoués, à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006936735
Date de la décision : 30/11/2000

Analyses

TOURISME.

)Tourisme, Agence de voyages (loi du 13 juillet 1992), Responsabilité de plein droit, Organisateur du voyage, Exonération, Preuve, Nécessité2) Conventions internationales, Accords et conventions divers, Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, Contrat de transport aérien, Action contre le transporteur, Qualité pour l'intenter1) L'article 23 de la loi d'ordre public 92-645 du 13 juillet 1992, fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjour, prévoit que tout organisateur de voyage, au sens de la loi, est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que celles-ci soient à exécuter par lui-même ou par d'autres prestataires de service, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci, et qu'il ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait imprévisible et insurmontable d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.Il suit de là que faute d'établir que les conditions de l'une des causes exonératoires de l'article 23 sont réunies, un organisateur de voyage est tenu de réparer les conséquences de la décision du client d'annuler le voyage prévu consécutivement à la défaillance du transporteur aérien, dès lors que la loi précitée réserve au client cette faculté d'annulation du contrat, en cas de manquement à l'un de ses éléments essentiels.2) En vertu de l'article 3 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 applicable aux transports aériens, seuls sont liés par le contrat de transport aérien, le transporteur et les passagers titulaires d'un billet nominatif.Il s'infère de là qu'un organisateur de voyage qui, pour appeler en garantie le prestataire de transporteur aérien, invoque la violation du contrat de transport

aérien, alors qu'agissant en qualité de mandataire il n'est pas partie au contrat de transport souscrit pour le compte de ses clients, n'a pas qualité à agir à l'encontre du transporteur aérien à défaut d'établir qu'il aurait été subrogé dans les droits des passagers ou en être cessionnaire.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-11-30;juritext000006936735 ?
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