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23/11/2000 | FRANCE | N°2000-3018

France | France, Cour d'appel de Versailles, 23 novembre 2000, 2000-3018


La Cour statue sur l'appel formé par Monsieur le Procureur de la République de Nanterre à l'encontre du jugement rendu le 20 avril 2000 par le Tribunal de commerce de Nanterre statuant lui-même sur un recours formé à l'encontre d'une ordonnance rendue par le Juge-Commissaire à la liquidation judiciaire de la société ICS SA et ayant ordonné la vente de l'unité de production de cette société. Par jugements distincts en date du 3 juin 1999, le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés ICS SA, SIS HOLDING FRANCE, RUN

OFF CLUB et GIE SIS. Par jugements en date du 2 décembre 1999, l...

La Cour statue sur l'appel formé par Monsieur le Procureur de la République de Nanterre à l'encontre du jugement rendu le 20 avril 2000 par le Tribunal de commerce de Nanterre statuant lui-même sur un recours formé à l'encontre d'une ordonnance rendue par le Juge-Commissaire à la liquidation judiciaire de la société ICS SA et ayant ordonné la vente de l'unité de production de cette société. Par jugements distincts en date du 3 juin 1999, le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés ICS SA, SIS HOLDING FRANCE, RUN OFF CLUB et GIE SIS. Par jugements en date du 2 décembre 1999, le même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire des mêmes sociétés et a désigné Maître CHAVINIER en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation. Un dossier d'offre de reprise de l'unité de production de ICS SA par application de l'article 155 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985 a été déposé par Maître CHAVINIER, es qualités, au greffe du Tribunal de commerce de Nanterre, avec un délai de présentation expirant le 13 décembre 1999. Trois repreneurs ont déposé une offre : - l'EURL CRAWFORD THG FRANCE filiale d'une société américaine, - la société EUREX CONSTRUCTION, filiale de la société WEIL INVESTISSEMENT, - la société QUILLE SA, filiale du groupe BOUYGHES. Par ordonnance en date du 28 décembre 1999, le Juge-Commissaire a : - ordonné la cession de l'unité de production dépendant de l'actif de la société ICS SA à l'EURL CRAWFORD THG FRANCE, dans les conditions prévues dans son offre annexé des 13 et 21 décembre 1999 dont notamment : . l'acquisition des éléments incorporels et corporels décrits pour 1 franc, . la reprise de 16 contrats de travail, y compris les congés payés 1999, avec garantie d'emploi sur 24 mois et versement d'une prime de 5.000 francs à chaque salarié, outre le détachement de 3 salariés de la cellule liquidative, avec faculté de reprise de ces 3 contrats de travail, -

donné acte à la société CRAWFORD THG FRANCE de son engagement de ne réaliser aucune mission d'expertise dans les dossiers I.C.S. et I.C.S. ASSURANCE, et de ses engagements à l'égard de la liquidation judiciaire de la société I.C.S. ASSURANCE, - donné acte au Comité Exécutif du Pool de coassurance SPRINKS de son engagement résultant du projet de contrat à intervenir avec la société CRAWFORD THG FRANCE et Maître CHAVINIER, es qualités, - fixé la prise de possession de l'unité de production au 1er janvier 2000 à 0 heure. Le 5 janvier 2000, la société WEIL INVESTISSEMENT a formé un recours contre cette ordonnance, devant le Tribunal de commerce de Nanterre. Par conclusions du 30 mars 2000, la société WEIL INVESTISSEMENT a formé une tierce opposition nullité à cette ordonnance, non pas devant le Juge-Commissaire, mais dans le cadre de l'instance devant le Tribunal de commerce de Nanterre. Par le jugement déféré, en date du 20 avril 2000, le Tribunal de commerce de Nanterre a : - déclaré irrecevable le recours formé par la société WEIL INVESTISSEMENT à l'encontre de l'ordonnance du 28 décembre 1999, sur le fondement de l'article 25 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985, - déclaré recevable la tierce opposition nullité formée par la société WEIL INVESTISSEMENT à l'encontre de l'ordonnance du 28 décembre 1999, - rejeté cette tierce opposition. Monsieur le Procureur de la République de Nanterre a interjeté appel de ce jugement et demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours formé par la société WEIL INVESTISSEMENT à l'encontre de l'ordonnance du 28 décembre 1999, et de se prononcer sur l'opportunité d'ordonner ou non la cession prévue à l'article 155 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985 à l'un des candidats en présence. Le MINISTERE PUBLIC fait notamment valoir : - qu'aucune restriction légale ne limite l'exercice du recours prévu par l'article 25 du décret du décret 85-1388 du 27 décembre 1985, - que ce recours peut être exercé "par toute personne

intéressée", et que tel est le cas pour la personne dont l'offre d'achat d'une unité de production a été rejetée, - que n'a pas lieu d'être, la transposition des règles concernant le "repreneur évincé" par un jugement arrêtant un plan de cession, au "repreneur évincé" par une ordonnance du Juge-Commissaire statuant sur la cession d'une unité de production, - que la limitation des recours à l'encontre du jugement arrêtant un plan de cession est prévue par une disposition légale expresse qui n'existe pas en matière de recours de l'article D 25, - que cette limitation se comprend mieux, s'appliquant à un jugement rendu en formation collégiale qu'à une ordonnance rendue par un juge unique, - que cette limitation s'explique par la nécessité de ne pas gêner la réussite du plan de redressement, alors qu'en matière de liquidation judiciaire les actifs doivent être réalisés au meilleur prix, dans l'intérêt des créanciers. Maître CHAVINIER, es qualités, demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement, pour le cas où le recours de la société WEIL INVESTISSEMENT à l'ordonnance serait déclaré recevable, de confirmer la cession de l'unité de production de la société ICS SA à la société CRAWFORD THG FRANCE SA, selon les termes de l'ordonnance du Juge-Commissaire en date du 28 décembre 1999. Maître CHAVINIER, es qualités, fait notamment valoir : - que les candidats évincés n'étant pas parties à la procédure devant le Juge-Commissaire, ne peuvent exercer le recours prévu par l'article 25 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985, - que la procédure devant le Juge-Commissaire, telle qu'elle est prévue par les articles 155 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985 et 138-1 du décret, présentent les mêmes garanties de transparence et de mise en concurrence que la procédure suivie devant le Tribunal de commerce pour aboutir au jugement arrêtant un plan de cession, si bien qu'il est rationnel que les mêmes restrictions aux voies de recours s'appliquent dans les deux procédures, nonobstant le

fait que l'ordonnance soit rendue par un juge unique, et que le jugement soit rendu par une formation collégiale, - qu'en matière de liquidation judiciaire la durée maximum de prorogation de l'activité est de deux mois, si bien qu'il deviendrait impossible de procéder à la cession d'une unité de production si l'ordonnance pouvait faire l'objet d'un recours de la part d'un repreneur évincé, d'un bailleur, d'un créancier privilégié ou du débiteur, - que les intérêts particuliers de ces personnes doivent s'effacer devant l'intérêt général que constitue le maintien de l'activité de l'unité de production, La société WEIL INVESTISSEMENT, en sa qualité de société mère de la société EUREX CONSTRUCTION, demande à la Cour : - de déclarer recevable l'appel formé par le MINISTERE PUBLIC, - d'infirmer le jugement et de déclarer son recours formé à l'encontre de l'ordonnance du 28 décembre 1999 recevable, - de réexaminer l'offre de chaque candidat et de retenir celle qui lui paraît la plus conforme aux critères posés par l'article 155 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985. Sur la recevabilité de son recours la société WEIL INVESTISSEMENT fait notamment observer qu'aucun texte ne vient limiter l'exercice de ce recours, alors que le législateur n'aurait pas manqué de prévoir une telle limitation, comme il l'a fait pour les jugements arrêtant un plan de cession, si telle avait été son intention. Sur le fond la société WEIL INVESTISSEMENT fait notamment observer : - que la Cour est saisie de l'entier litige par l'appel du MINISTERE PUBLIC et doit examiner le fond, - que la motivation de l'ordonnance est attachée, non à la qualité de l'offre au regard des critères légaux concernant la préservation des emplois, la technicité et le professionnalisme du repreneur, le prix, mais à la garantie des ressources dont pouvait ou non bénéficier le repreneur du fait du chantage exercé par la Compagnie LA SUISSE, sous le couvert des membres du pool, - que la société LA SUISSE, profitant de ses

fonctions de contrôleur, a indiqué que dans le cas où la société CRAWFORD THG FRANCE ne serait pas désigné comme repreneur, elle-même, en tant que membre du pool refuserait la poursuite des relations avec le repreneur et suspendrait immédiatement les règlements dus au titre des conventions en cours, - que la société LA SUISSE, n'a pas conservé la neutralité que doit s'imposer un contrôleur, mais a abusé de ses fonctions pour s'informer et faire pression pour obtenir une solution favorable à sa filiale, - que les premiers juges n'ont pas pris la juste mesure de la valeur du chantage exercé sur eux, alors que les membres du pool, même si telle n'était pas leur intention à l'origine, auraient été contraints de traiter avec le repreneur désigné qui disposait de tous les dossiers, - que par ailleurs les activités liées au pool d'assurance ne concerne que les polices dommages ouvrage souscrites antérieurement au 1er janvier 1992, et sont donc appelées à se réduire pour s'éteindre en 2002, - que contrairement à l'opinion qui a prévalu, les activités exercées par la société ICS ASSURANCE, postérieurement au 1er janvier 1992, ne sont pas marginales puisqu'elles représentent une activité équivalente à celle des AGF, et que cette activité est appelée à être cédée dans un proche avenir, - que l'offre de la société EUREX CONSTRUCTION est supérieure en ce qui concerne le prix de cession, proposé pour 250.000 francs, au lieu d'un franc, et pour le nombre d'emplois sauvegardés, au nombre de 24, au lieu de 16, avec le coût corrélatif des licenciements qui s'élève ainsi à plus de 4 millions de francs, - que la pérennité de la société CRAWFORD THG FRANCE dépend exclusivement du soutien apporté par la société de droit américain à l'EURL qu'elle a constituée et qui n'offre aucune solvabilité, alors que la "situation financière favorable" du groupe EUREX est reconnue par la Banque de France depuis de nombreuses années, - que l'expertise du Groupe EUREX en matière de run off est

plus ancienne et plus complète sur l'ensemble du territoire que celle de la société CRAWFORD THG FRANCE dont l'implantation est récente, - que le choix opéré repose manifestement sur des motifs étrangers à la qualité objective des dossiers. L'EURL CRAWFORD THG FRANCE demande à la Cour : - de lui donner acte de ce qu'elle continue à s'en rapporter aux explications de Maître CHAVINIER, es qualités, en ce qui concerne la recevabilité du recours de la société WEIL INVESTISSEMENT à l'encontre de l'ordonnance du 28 décembre 1999, - de lui donner acte des informations complémentaires portées à la connaissance des premiers Juges et de la Cour, - de confirmer l'ordonnance et le jugement entrepris en toutes leurs dispositions. L'EURL CRAWFORD THG FRANCE fait notamment valoir : - que la société de droit américaine CRAWFORD COMPANY, cotée à la Bourse de New York, et contrôlée par la famille CRAWFORD est forte de 10.000 salariés, réalisant une chiffre d'affaires de près de 5 milliards de francs, - que l'acquisition de l'unité de production de la société ICS SA s'inscrit dans un schéma de développement en Europe, et en priorité en France, déjà largement entrepris, - que le développement de la société CRAWFORD THG FRANCE est rapide, son chiffre d'affaires passant sur trois exercices, de 17 millions à 40 millions de francs, et ses effectifs de 17 personnes à 60 personnes, - que les salariés de la société ICS SA se sont parfaitement intégrés dans la nouvelle société, et que les mandats de gestion ont été exécutés à la satisfaction des compagnies membres du pool d'assurance, - que cette activité a permis l'embauche de trois salariés de la cellule liquidative, ainsi que d'une personne pour assurer la comptabilité technique, - qu'en tenant compte de toutes les données économiques son offre de reprise est meilleure, sans discussion possible, à celle du Groupe EUREX. Par conclusions communes, les Compagnies d'assurance LA SUISSE, CHUBB INSURANCE COMPANY OF EUROPE, SKANDIA, ROYAL etamp;

SUN ALLIANCE, GOTHAER VERSICHERUNGBANK, et FORTIS AG. demandent à la Cour de confirmer le jugement. Ces compagnies soutiennent notamment que la société WEIL INVESTISSEMENT n'a pas de prétentions à faire valoir au sens des articles 4 et 31 du NCPC, qu'elle n'a pas qualité de partie à l'instance, et qu'en conséquence son recours contre l'ordonnance est irrecevable. La société CONTINENTAL INSURANCE COMPANY demande à la Cour de confirmer le jugement, et subsidiairement de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la cession de l'unité de production à la société CRAWFORD THG FRANCE. La société LA SUISSE (SCHWEIZ), es qualités de contrôleur, demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le recours formé par la société WEIL INVESTISSEMENT sur le fondement de l'article D 25 irrecevable, de l'infirmer en ce qu'il a dit que la tierce opposition nullité était recevable, et subsidiairement de confirmer le jugement et l'ordonnance en ce que ces décisions ont ordonné la cession de l'unité de production de la société ICS SA à la société CRAWFORD THG FRANCE. La société LA SUISSE fait notamment valoir que la société WEIL INVESTISSEMENT n'a déposé aucune offre, et ne peut se présenter comme un candidat repreneur évincé ; que sa qualité de société mère de la société EUREX CONSTRUCTION ne lui donne aucun droit pour intervenir à la place de cette personne morale distincte. La Société MIRAMAR BEACH HOTEL SAINT CHRISTOPHE conclut à la confirmation du jugement. La Société EQUITAS LIMITED conclut à la confirmation du jugement. La SA GRAS SAVOYE a constitué Avoué, et est intervenue à l'audience en sa qualité de contrôleur, en indiquant qu'elle n'avait pas d'observations à formuler. La représentante du Comité d'entreprise de la société ICS SA est intervenue à l'audience pour indiquer qu'après un temps d'adaptation nécessaire, l'activité est désormais bien engagée et qu'elle souhaitait que soit confirmée la cession au profit de la société CRAWFORD THG FRANCE. La SCI

IMMOBILIERE PATRIMONIALE DE LEVALLOIS, bien que régulièrement assignée, n'a pas constitué Avoué. Monsieur Martin X..., assigné en sa qualité d'ancien dirigeant de la société ICS SA, n'a pas constitué Avoué.

DISCUSSION Sur la recevabilité de l'appel Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.173-1, devenu l'article L.623-5 du Code de commerce que sont susceptibles d'un appel de la part du ministère public, les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application des articles 154, 155 et 156 ; que l'appel formé par Monsieur le Procureur de la République de Nanterre est donc recevable ; Sur la tierce opposition nullité Considérant que la société WEIL INVESTISSEMENT a formé par conclusions en date du 30 mars 2000 "une tierce opposition nullité" ; Considérant qu'une tierce opposition principale est un recours qui s'exerce devant la juridiction qui a rendu la décision ; qu'une tierce opposition à l'ordonnance du 28 décembre 1999 ne peut s'imaginer que devant le Juge-Commissaire ; que la tierce opposition formée devant le Tribunal de commerce de Nanterre est donc irrecevable ; que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a déclaré la tierce opposition recevable ; Sur l'existence du recours contre l'ordonnance Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 25 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985 que les ordonnances du juge-commissaire peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal de commerce ; Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 173-1 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985, devenu l'article L.623-5 du Code de commerce, que le MINISTERE PUBLIC peut faire appel du jugement statuant sur le recours formé contre une ordonnance rendue en application des articles 154, 155 et 156 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985 ; Considérant qu'en l'espèce l'ordonnance a été rendue en application de l'article 155 de la loi

85-98 du 25 janvier 1985 ; qu'il se déduit du fait que le MINISTERE PUBLIC peut faire appel du jugement rendu sur recours contre cette ordonnance, que ce recours existe ; que la seule question qui se pose est de savoir si ce recours est interdit à certaines personnes ; Considérant que pour prétendre que ce recours est interdit aux candidats repreneurs évincés, les parties, à l'exception du MINISTERE PUBLIC et de la société WEIL INVESTISSEMENT soutiennent : 1/ qu'il faut être partie à l'instance pour exercer ce recours, 2/ que la règle selon laquelle le candidat repreneur évincé par le jugement arrêtant un plan de cession ne peut exercer de recours à l'encontre de ce jugent, doit être appliquée au candidat repreneur évincé par l'ordonnance du Juge-Commissaire qui ordonne la cession d'une unité de production, compte tenu de la similitude des situations procédurales et économiques : Considérant qu'il convient d'écarter ces deux arguments ; Sur la recevabilité du recours de l'article D 25 exercé par les tiers Considérant qu'il convient de distinguer l'appel du jugement arrêtant le plan, du recours de l'article D 25 contre les ordonnances du Juge-Commissaire ; Considérant qu'un jugement peut, en droit commun, faire l'objet d'un appel devant la Cour d'appel, d'une opposition et d'une tierce opposition devant le Tribunal de commerce ; Considérant que le recours de l'article D 25, devant le Tribunal de commerce regroupe ces trois recours, dans la mesure ou il est ouvert aux parties à l'ordonnance, mais également aux tiers ; Considérant que l'article 546 du Nouveau Code de Procédure Civile rappelle que l'appel n'est ouvert qu'aux parties ; que cette disposition n'a aucune vocation à s'appliquer au recours de l'article D 25 puisque ce recours est ouvert aux tiers, qui n'ont pas la possibilité de saisir le Juge-Commissaire d'une opposition ou d'une tierce opposition, mais ne peuvent qu'exercer le recours de l'article D 25 ; Considérant que le fait que le candidat repreneur évincé par l'ordonnance ne soit pas

une partie, est donc sans pertinence pour lui refuser le droit d'exercer le recours de l'article D 25 ; Considérant que la construction jurisprudentielle, pour expliquer que le candidat repreneur évincé n'est pas une partie à l'instance à laquelle est examiné un plan de cession, car il n'a pas de prétentions à faire valoir au sens des articles 4 et 31 du NCPC, ne présente aucune utilité en l'espèce, dès lors que la qualité de partie n'a pas à être examinée ; Considérant que le recours de l'article D 25 est ouvert à tous, c'est à dire aux parties à l'ordonnance, aux personnes auxquelles l'ordonnance à été notifiées et à toute autre personne intéressée, étant observé que le dépôt de l'ordonnance au greffe est destiné à avertir cette dernière catégorie d'opposants; Considérant que l'intérêt du candidat repreneur évincé est celui d'un tiers dont l'offre a été rejetée par l'ordonnance et qui a en conséquence un intérêt à exercer un recours contre cette ordonnance ; qu'en l'espèce, et plus précisément, l'intérêt de la société WEIL INVESTISSEMENT est celui de la société mère d'un candidat repreneur évincé ; Considérant que le recours de l'article D 25, exercé par la société WEIL INVESTISSEMENT ne peut donc être déclaré irrecevable au motif que cette dernière n'est pas partie à l'instance ; Sur le pouvoir du juge d'étendre au recours de l'article D 25 la limitation légale de l'article 174, alinéa 3 Considérant qu'il reste à examiner, si, comme il est prétendu, la règle selon laquelle le candidat repreneur évincé par le jugement arrêtant un plan de cession ne peut exercer de recours contre ce jugement, doit être appliquée au candidat repreneur évincé par l'ordonnance du Juge-Commissaire qui ordonne la cession d'une unité de production ; Considérant que cette règle est édictée par l'article 174, alinéa 3 devenu l'article L.623-6 du Code de commerce ; Considérant que pour justifier l'extension de cette règle au repreneur évincé par l'ordonnance du

Juge-Commissaire, il est soutenu, que la situation économique est la même, que les exigences de rapidité et de sécurité juridique sont les mêmes, et que les garanties pour faire respecter la transparence et la concurrence entre les offres sont les mêmes ; Mais considérant que ces arguments, peu critiquables en fait, ne sont pas pertinents en droit dans la mesure où il n'entre pas dans l'imperium du juge de se soustraire à un recours prévu par des dispositions légales ou réglementaires, sauf à commettre un déni de justice ; Considérant qu'un recours existant ne peut être interdit à certaines personnes que par une disposition légale ou réglementaire expresse ; Considérant que la limitation des recours contre les jugements arrêtant un plan de cession est une règle restrictive qui ne doit pas être étendue en dehors de son domaine d'application ; Considérant que les impératifs de rapidité et de sécurité juridique ne sauraient justifier une limitation jurisprudentielle d'une voie de recours ; Considérant qu'au demeurant les règles applicables manifestent le souci d'éviter tout retard si l'on relève : - que l'article D 25 précise que "l'examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires étant avisés" - que ce recours est enfermé dans le délai très bref de huit jours qui au surplus trouve son point de départ, pour tous ceux à qui l'ordonnance n'est pas notifiée, à compter du dépôt au greffe de l'ordonnance, - que la limitation des recours, c'est à dire de l'appel, de l'opposition et de la tierce opposition, s'applique au jugement rendu sur le recours contre l'ordonnance, selon la règle générale de l'article 173, devenu l'article L.623-4 du Code de commerce, qui interdit ces recours contre les jugements par lesquels le tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions ; Sur la recevabilité du recours Considérant qu'il résulte de cet

examen que les textes ouvrent le recours de l'article D 25 à toutes les personnes intéressées, qu'il n'entre pas dans le pouvoirs du juge de limiter un recours existant à certaines catégories de personnes, et que le candidat repreneur évincé justifie d'un intérêt légitime, né et actuel à exercer un recours contre l'ordonnance qui a écarté son offre ; Qu'il s'en déduit que la société WEIL INVESTISSEMENT, en sa qualité de société mère de la société EUREX CONSTRUCTION, est recevable en son recours formé en application de l'article 25 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985, à l'encontre de l'ordonnance qui a écarté l'offre de la société EUREX CONSTRUCTION ; Considérant que le recours a été exercé dans le délai de huit jours ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de dire que le recours de la société WEIL INVESTISSEMENT est recevable ; Sur le fond Considérant que l'appel du MINISTERE PUBLIC a saisi la Cour du fond du droit ; qu'il convient en conséquence de déterminer qu'elle est l'offre la meilleure ; que la société QUILLE n'est pas intervenue devant le Tribunal de commerce, ni devant la Cour ; que son offre doit être considérée comme caduque ; qu'il ne subsiste que l'offre de la société EUREX CONSTRUCTION, et celle de la société CRAWFORD THG FRANCE, entre lesquelles il convient de choisir ; Considérant qu'il n'est pas démontré que les premiers juges aient cédé au chantage de la Compagnie LA SUISSE ; que le Juge-Commissaire a, à bon droit, suscité l'avis des compagnies membres du Pool, et a, à juste titre tenu compte de leur préférence fermement exprimée pour la société CRAWFORD THG FRANCE ; que toutes choses égales par ailleurs, cette préférence constituait un critère de choix déterminant ; que le projet d'implantation de la société CRAWFORD THG FRANCE est en bonne voie ; que cette société offre autant de garantie de pérennité que la société EUREX CONSTRUCTION ; que compte tenu des intérêts en présence, le prix de cession, qu'il soit de un franc ou de 250.000

francs ne peut constituer un motif de choix ; que si la société EUREX CONSTRUCTION propose de reprendre 24 contrats de travail au lieu de 16, cette reprise n'est, pour 8 contrats qu'éventuelle, en prévision de l'activité générée par la convention à intervenir entre le repreneur et le liquidateur pour le traitement des dossiers concernant la période postérieure au 1er janvier 1992 et provisoirement conservés par la cellule liquidative ; qu'ainsi l'offre de la société CRAWFORD THG FRANCE est plus sure pour le maintien des emplois ; que contrairement à l'opinion émise par la société WEIL INVESTISSEMENT, le choix des premiers juges a été effectué objectivement, sur la qualité respective des dossiers ; qu'il convient de confirmer ce choix ;

PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur le Procureur de la République de Nanterre, en application de l'article L.623-5 du Code de commerce (173-1 ancien), Infirme le jugement rendu le 20 avril 2000 par le Tribunal de commerce de Nanterre, Déclare irrecevable la "tierce opposition nullité" formée par la société WEIL INVESTISSEMENT, Déclare recevable le recours formé par la société WEIL INVESTISSEMENT à l'encontre de l'ordonnance rendue le 28 décembre 1999 par le Juge-Commissaire, en application de l'article 25 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985, Rejette ce recours, Confirme l'ordonnance rendue le 28 décembre 1999 par le Juge-Commissaire, Dit que les dépens d'appel seront à la charge du Trésor Public, Et ont signé le présent arrêt, Monsieur BESSE, Président et Madame Y..., Greffier. M. Y...

J. BESSE Greffier

Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-3018
Date de la décision : 23/11/2000

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Voies de recours - Tierce opposition - Qualité pour l'exercer

L'ordonnance rendue par le juge commissaire qui autorise la cession d'une unité de production en application de l'article L 622-17 du code de commerce (ancien article 155 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985) est susceptible d'un recours devant le tribunal de commerce, sur le fondement de l'article 25 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985. Ce recours, tel qu'il est prévu par l'article D 25, est ouvert aux " parties ", aux tiers auxquels l'ordonnance a été notifiée et aux tiers auxquels l'ordonnance n'a pas été notifiée, dès lors que ces tiers peuvent justifier d'un intérêt.Ce recours, le plus souvent appelé " opposition " par la pratique, remplit les fonctions de l'appel, de l'opposition et de la tierce opposition contre les jugements, dès lors que les parties ne peuvent faire appel, et que les tiers ne peuvent faire opposition ni tierce opposition.Ce recours ne peut être refusé au repreneur évincé au motif qu'il n'est pas " partie ", car le repreneur évincé l'exerce en qualité de tiers intéressé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-11-23;2000.3018 ?
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