FAITS, PROCÉDURE, DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES Statuant sur l'appel régulièrement formé par Mme Nadine X..., d'un jugement du conseil de prud'hommes de Chartres, section Commerce, en date du 06 juillet 1998, dans un litige l'opposant à la S.A. SHEBE, et qui, sur la demande de celle-ci en "indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse" a : À
Condamné S.A. SHEBE à payer à Mme Nadine X... les sommes de : 6.300 F au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail À Débouté Mme Nadine X... du surplus de ses demandes Pour l'exposé des faits la cour renvoi au jugement. Considérant que Mme Nadine X... par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience, conclut : À à l'infirmation de la décision attaquée À à la condamnation de S.A. SHEBE à lui payer les sommes de : 208.337,28 F au titre de l'indemnité pour licenciement abusif 12.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Qu'il expose que la lettre de licenciement pour motif économique dont elle a été destinataire ne comportait pas les motifs du licenciement, en l'espèce les difficultés économiques de l'entreprise et leurs conséquences sur l'emploi de Mme Nadine X... ; que le licenciement est mal fondé, la S.A. SHEBE n'ayant pas subi de difficultés économiques rendant nécessaire son licenciement; qu'elle a en outre failli à son obligation de reclassement, puisqu'elle a engagé par la suite du personnel dans l'hôtel exploité par la société, sans avoir proposé ces emplois à lui-même comme à son épouse licenciée en même temps ; que ce licenciement injustifié lui a causé un préjudice important, le couple s'étant retrouvé sans ressources du jour au lendemain ; Considérant que la S.A. SHEBE, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience conclut : À à l'infirmation de la décision entreprise À au débouté de Mme Nadine X... de tous ses
chefs de demande ; À à la condamnation de Mme Nadine X... à lui payer la somme de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Qu'elle fait valoir que d'importantes difficultés économiques sont apparues dans la société dès 1995, le chiffre d'affaires ayant chuté de 50% ; que Mme Nadine X... a été pleinement informée de cet état de chose lors de l'entretien préalable, durant lequel lui ont été présentés les pièces comptables de la société; que si les motifs de la lettre de licenciement sont insuffisamment précis, cela ne doit pas la priver de la faculté de prouver le caractère réel et sérieux des motifs avancés; que la S.A. SHEBE a bien respecté son obligation de reclassement en recherchant d'autres emplois pour les époux X..., dans la limite de ses possibilités puisque la société ne compte pas de filiales ou d'autres établissements; Que pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour, conformément aux articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'à leurs prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus ;
SUR QUOI LA COUR Considérant que les époux X..., qui avaient été engagés comme responsables d'hôtel par contrat de travail en date du 1er avril 1990, ont été licenciés le 23 octobre 1997 pour un motif économique; que la lettre de licenciement est ainsi libellée : "...nous avons le regret de vous confirmer notre décision de mettre fin à votre contrat de travail pour motif économique. Nous vous avons, au cours de cet entretien, présenté les comptes et bilan de notre entreprise, justifiant cette mesure." que cette lettre n'énonce pas la nature de la cause économique; qu'elle se borne à se référer à l'entretien préalable durant lequel ont été présentés les comptes et bilan de l'entreprise pour en justifier ; Considérant qu'il résulte
de l'article L 122-14-2 du Code du Travail, que la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques ou de changement technologique invoqués par l'employeur, ainsi que ses conséquences sur l'emploi du salarié ; que le défaut de ces énonciations privent le licenciement de cause réelle et sérieuse; que tel est bien le cas en l'espèce; que la référence dans la lettre du 23 octobre 1997 au contenu de l'entretien préalable et à la présentation faite durant cet entretien des documents comptables, ne satisfait pas aux exigences des dispositions sus-visées ; Considérant qu'il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 122-14-5 du Code du Travail, s'agissant d'une entreprise employant moins de onze salariés ; que les époux X... se sont trouvés, à la suite du licenciement, dans une situation financière et professionnelle précaire qui perdure et qui les a contraint à se séparer de leur habitation familiale, alors qu'ils ont deux enfants à charge ; que les allégations de l'intimée selon lesquelles les époux auraient exploité un commerce de boulangerie après son licenciement ne sont étayées par aucune pièce qu dossier; que la Cour trouve dans les pièces versées à la procédure les éléments de nature à fixer à 104.168 F la réparation du préjudice subi ; Considérant que l'équité commande de mettre à la charge de S.A. SHEBE une somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de Mme Nadine X... au titre de l'instance d'appel ; Que la S.A. SHEBE doit être débouté de sa demande de ce même chef ; PAR CES MOTIFS : La COUR, STATUANT publiquement par arrêt contradictoire,
RÉFORME le jugement et statuant à nouveau : CONDAMNE la S.A. SHEBE à payer à Mme Nadine X... la somme de 104.168 F (CENT QUATRE MILLE CENT SOIXANTE HUIT FRANCS) au titre de l'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail, CONFIRME le jugement en ses autres
dispositions, Y ajoutant, CONDAMNE S.A. SHEBE à payer à Mme Nadine X... la somme de 5.000 francs (CINQ MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais en appel, DÉBOUTE la S.A. SHEBE de sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne S.A. SHEBE aux dépens. Et ont signé le présent arrêt Monsieur BALLOUHEY, Président, et Madame Y..., Greffier. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT