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10/11/2000 | FRANCE | N°1999-202

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 novembre 2000, 1999-202


FAITS ET PROCEDURE, Monsieur et Madame X... ayant gagné à l'occasion d'un concours de golf, un bon pour un séjour de trois nuits à l'hôtel Guadalmina de San Pedro, ont décidé de compléter leur séjour sur place et ont convié leurs amis, Monsieur et Madame Y... à les accompagner dans ce voyage. Ils se sont donc adressés à l'agence de voyage LES CHEMINS DU GOLF pour réserver au mois de novembre 1997 un séjour en Andalousie pour la période du 22 au 29 mars 1998, moyennant le prix forfaitaire de 9.460 francs pour Monsieur et Madame X... et 11.500 francs pour Monsieur et Madame Y....

Ce tarif comprenait: - le vol Air France aller/retour direct P...

FAITS ET PROCEDURE, Monsieur et Madame X... ayant gagné à l'occasion d'un concours de golf, un bon pour un séjour de trois nuits à l'hôtel Guadalmina de San Pedro, ont décidé de compléter leur séjour sur place et ont convié leurs amis, Monsieur et Madame Y... à les accompagner dans ce voyage. Ils se sont donc adressés à l'agence de voyage LES CHEMINS DU GOLF pour réserver au mois de novembre 1997 un séjour en Andalousie pour la période du 22 au 29 mars 1998, moyennant le prix forfaitaire de 9.460 francs pour Monsieur et Madame X... et 11.500 francs pour Monsieur et Madame Y.... Ce tarif comprenait: - le vol Air France aller/retour direct Paris/Malaga, départ le 22 mars 1998 à 16 heures 45, arrivée à 19 heures 15, avec retour le 29 mars à 20 heures 05, - l'hébergement pour 7 nuits à l'hôtel Guadalmina, catégorie quatre étoiles, - la location d'une voiture de catégorie A auprès de la société Hertz, - un forfait de cinq parcours de golf sur divers terrains. Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... qui se sont présentés au comptoir d'AIR FRANCE le 22 mars 1998 à 15 H 15, n'ont pu embarquer en raison d'une survente. AIR FRANCE leur a proposé oralement un vol au départ de Paris à 19h20 avec une correspondance à Madrid, l'arrivée étant prévue à Malaga à 23H45, ce que n'ont pas accepté Monsieur et Mme X... ni Monsieur et Madame Y.... Le 8 juin 1998, Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... ont fait assigner La société LES CHEMINS DU GOLF devant le tribunal d'instance de Saint Germain en Laye, afin d'obtenir le remboursement intégral de leur voyage et des prestations incluses dans le forfait, le paiement de la somme de 2.000 francs par personne à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice d'agrément et de celle de 5.000 francs par couple sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Le 15 juin 1998, la société LES CHEMINS DU GOLF a assigné en intervention forcée et en

garantie la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE, afin de voir dire que le refus d'embarquement des ses clients est fautif et lui est exclusivement imputable, la voir déclarer entièrement responsable du préjudice subi par Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... et condamner à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et à lui payer la somme de 8.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société LES CHEMINS DU GOLF la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE ont conclu au rejet des demandes de Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y..., aux motifs qu'ils avaient refusé sans motif valable les solutions de remplacement qui leur avaient été proposées, qu'ils avaient perçu de la part d'AIR FRANCE une indemnisation de 500 francs par personne sans en faire état et n'avaient jamais renvoyé les documents qui auraient permis de prendre en compte leur demande d'annulation. Elles ont sollicité la condamnation de Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... à leur payer respectivement 8.000 francs et 6.030 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. A titre subsidiaire, la Compagnie AIR FRANCE a soutenu que sa responsabilité ne pouvait excéder le coût du remboursement des titres de transport, soit 5.612 francs. Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 1998, le tribunal d'instance de Saint Germain en Laye, aux motifs que les demandeurs avaient refusé le vol de remplacement prévu pour le jour même, ainsi que celui proposé pour le lendemain aux conditions fixées par eux-mêmes et que par conséquent, ils avaient choisi eux-mêmes de ne pas réaliser leur voyage, a rendu la décision suivante: - déboute Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... de leurs demandes, - les condamne solidairement à payer à la Société LES CHEMINS DU GOLF et à la Compagnie AIR FRANCE une somme de 3.000

francs chacune sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne les demandeurs aux entiers dépens, y compris ceux résultant de l'appel en garantie. Le 26 novembre 1998, Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... ont interjeté appel. Monsieur et Madame Y... exposent que leur action se fonde sur les dispositions de l'article 1147 du code civil et de la loi du 13 juillet 1992 "fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjour" ; que ni la proposition verbale d'AIR FRANCE, ni celle formulée par l'Agence de voyage le 23 mars 1998 ne sont satisfactoires au regard de cette loi. Ils soulignent qu'ils n'ont pas envoyé de télécopie à l'agence de voyages le 22 mars 1998 dans la soirée et que de même, la télécopie du 23 mars 1998 de l'agence, présentée par elle comme adressée conjointement aux époux X... et aux époux Y... ne leur a pas été envoyée. Concernant AIR FRANCE, ils déclarent ne former aucune demande à son encontre, pas plus qu'ils ne l'avaient fait devant le tribunal, de sorte que leur condamnation à lui payer une indemnité de 3.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doit être annulée et que la demande d'AIR FRANCE à ce titre en appel doit être rejetée. Concernant les titres de transport et bons de réservation remis par l'agence, ils précisent qu'ils les détiennent toujours, dans l'exercice de leur droit de rétention, mais sont prêts à déférer à l'injonction de la cour de les remettre, injonction qui assortirait la condamnation de l'agence à leur rembourser le montant du forfait. Ils demandent à la cour de : - infirmer le jugement déféré, - annuler les condamnations prononcées contre les concluants au profit de la société LES CHEMINS DU GOLF et la Compagnie Nationale "AIR FRANCE", - condamner la société /LES CHEMINS DU GOLF à payer aux concluants : 1) la somme de 11.530 francs à titre de remboursement,

avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal, 2) celle de 5.000 francs en réparation du préjudice d'agrément , 3) celle de 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - donner acte aux concluants de ce qu'ils offrent en tant que de besoin de remettre à la société LES CHEMINS DU GOLF, simultanément avec la perception des sommes que celle-ci sera condamnée à leur payer, les originaux des titres que l'agence leur avait remis en mars 1998, c'est à savoir les billets d'avion et les "vouchers" de location de véhicule, d'hébergement et de restauration, et de golf, - la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Monsieur et Madame X... font grief au premier juge d'avoir confondu la responsabilité de la compagnie aérienne avec celle de l'agence de voyage, laquelle devait assurer l'organisation complète du séjour moyennant un prix forfaitaire. Ils soutiennent qu'en matière de réservation de place de transport, l'agent de voyage assume une obligation de résultat ; qu'en l'espèce la société LES CHEMINS DU GOLF a commis une faute en choisissant d'acheter pour ses clients des billets de catégorie non prioritaire, leur faisant ainsi délibérément prendre un risque; que la clause limitative de responsabilité invoquée par l'agence de voyage se heurte aux dispositions de la loi du 13 juillet 1992, laquelle est d'ordre public; qu'en tout état de cause, elle ne leur a pas fourni de prestation équivalente puisque le vol proposé le lendemain leur faisait perdre une journée de vacances, sans contrepartie ; qu'en ce qui concerne la proposition d'AIR FRANCE, elle n'était pas acceptable, puisque la compagnie assurait seulement le vol Paris Madrid et non le vol intérieur Madrid Malaga, affrété

par une autre compagnie, la SPANAIR ; qu'ils ne pouvaient prendre le risque de se retrouver bloqués à Madrid pour la nuit, sans chambre d'hôtel réservée. Ils font observer qu'ils ont payé le prix d'une prestation qui ne leur a pas été fournie ; qu'ils ont du renoncer à leur projet de vacances et débourser des frais de taxi pour se rendre à l'aéroport. Ils demandent à la Cour de : Vu les dispositions de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992, - infirmer le jugement prononcé par le tribunal d'instance de SAINT GERMAIN EN LAYE le 5 novembre 1998 en toutes ses dispositions, Par conséquent , - dire et juger les époux X... recevables et bien-fondés en l'ensemble de leurs demandes, - dire et juger la société LES CHEMINS DU GOLF responsable, en sa qualité d'organisatrice d'un forfait touristique, de l'entier préjudice subi par les appelants du fait de l'annulation de leur voyage, - dire et juger la clause limitative de responsabilité contenue dans les conditions particulières de vente de la société LES CHEMINS DU GOLF, nulle et de nul effet, comme étant contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 13 juillet 1992 précitée, Subsidiairement, dans l'hypothèse où cette clause devait être considérée comme valable , constater que la Société LES CHEMINS DU GOLF n'a pas rempli son obligation de fournir une prestation équivalente, compte tenu de ce que leur proposition avait, pour effet, de réduire sans contrepartie la durée de leur séjour, En conséquence, dans les deux cas ci-dessus, condamner la Société LES CHEMINS DU GOLF à payer aux époux X... les sommes suivantes : 4.000 francs en réparation du préjudice moral et du préjudice d'agrément qu'ils ont subi du fait de l'annulation de

leur voyage, A titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire la cour de céans estimait que la proposition de la Société LES CHEMINS DU GOLF constituait une prestation équivalente, il y aurait lieu dans ce cas au minimum de la condamner au remboursement du prix du voyage correspondant à la somme de 9.460 francs pour Monsieur et Madame X..., augmentée des intérêts au taux légal, En tout état de cause, - condamner la Compagnie Nationale AIR FRANCE et la Société LES CHEMINS DU GOLF au paiement d'une somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la ou les parties succombantes aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera effectué par la SCP JUPIN-ALGRIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. La société LES CHEMINS DU GOLF conclut à son absence de responsabilité dans le refus d'embarquement des appelants, soulignant qu'elle avait bien procédé aux réservations aériennes et hôtelières, mais que son engagement portait uniquement sur un départ le dimanche 22 mars 1998 et non sur un horaire de vol et que ce sont les appelants eux-mêmes qui se sont placés en dehors du contrat en refusant la proposition formulée sur place par AIR FRANCE. Elle fait valoir qu'elle a fourni à ses clients dès le lundi 23 mars au matin, une solution de remplacement conforme à leurs exigences, formulée par télécopie le 22 mars 1998 à 18 heures 43; qu'il y a donc eu entre les parties un échange de consentements quant à la modification du séjour; que les appelants doivent donc supporter les conséquences de leur propre résiliation du contrat ; qu'au surplus, Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... ont refusé de lui restituer tant les billets d'avion que les bons de réservation d'hôtel, de sorte que contrairement à leurs allégations, il n'y a pas eu enrichissement sans cause de sa part; que les billets d'avion ont été acquis au tarif unitaire de 1403 francs (la lettre Q

correspondant à la classe économique), valeur confirmée par AIR FRANCE qui s'est déclarée disposée à lui rembourser la somme de 5.612 francs (soit 1.403 francs x 4). Elle soutient que l'argument des époux Y..., selon lequel ils n'ont pas adressé de télécopie à l'agence le 22 mars 1998 après le refus d'embarquement, est tardif et contraire aux écritures prises en leur nom, tant en première instance qu'en appel: que de même, il est fallacieux de prétendre comme ils le font que la proposition d'un vol pour l'après midi du 23 mars 1998 n'aurait pas été confirmée par écrit. Concernant la garantie de la Compagnie AIR FRANCE, elle fait valoir que le défaut d'embarquement des appelants résulte d'une survente, qui constitue une faute engageant la responsabilité contractuelle de la compagnie aérienne ; que celle-ci ne peut limiter sa responsabilité au seul remboursement des titres de transport. La société LES CHEMINS DU GOLF demande donc à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts X... et Y... de toutes leurs fins et demandes, et les a condamnés à verser à la concluante une somme de 3.000 francs au titre de l'article 700 du novueau code de procédure civile, A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où contre toute attente, la cour ferait droit en tout ou partie aux demandes formulées par les appelants à l'encontre de la concluante, condamner la Compagnie AIR FRANCE à relever et garantir la société LES CHEMINS DU GOLF de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre tant en principal, intérêts, frais et article 700 du nouveau code de procédure civile, du fait de la faute du transporteur engageant sa responsabilité, - condamner la ou les parties succombantes à verser à la concluante une somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement pr la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, titulaire d'un office d'avoué,

conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. La COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE expose que l'embarquement des appelants n'a pu avoir lieu pour cause de surréservation afférente au vol prévu, laquelle pratique n'est nullement prohibée par aucun texte interne ou international ; qu'en l'état actuel de gratuité des réservations, cette pratique constitue l'un des seuls moyens efficaces pour les transporteurs aériens d'optimiser le taux de remplissage des avions et de minimiser le coût des transports ; qu'en l'espèce, l'agence de voyage et elle-même ont opéré toutes diligences dans les moindres délais pour assurer les prestations prévues ; que les demandes de Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... devront donc être rejetées. A titre subsidiaire, sur l'appel en garantie de l'agence de voyage, elle soutient que celle-ci ne peut prétendre tout au plus qu'au remboursement des titres de transport, soit 5.612 francs ; que par courrier du 8 avril 1998, elle a expressément accepté ce remboursement sous réserve que les titres de transport originaux lui soient retournés ; que l'agence de voyage ne justifie pas avoir réglé les autres prestations comprises dans le forfait acquitté par les appelants, aux autres prestataires, de sorte que sauf à bénéficier d'un enrichissement sans cause, l'agence ne peut réclamer le remboursement des ces prestations ; qu'enfin, elle a alloué le 22 mars 1998 aux consorts X... et Y... une indemnité cumulée de 1.000 francs par couple, à valoir sur les futures prestations de la compagnie, que Monsieur X... a déjà utilisée. Elle demande à la Cour de : - débouter les consorts X... et Y... ainsi que la société LES CHEMINS DU GOLF, de toutes leurs demandes, fins et conclusions, - confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions, Y ajoutant, - condamner les consorts X... et Y... à verser à la Compagnie Nationale AIR FRANCE une indemnité

non inférieure à 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, - les condamner également en tous les dépens de la présente instance en ce distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, avoués, pour ceux dont cette étude aura pu faire l'avance et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été signée le 5 octobre 2000 et l'affaire plaidée à l'audience du 10 octobre 2000. SUR CE, LA COUR, Considérant qu'aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il s'en déduit qu'elles ne peuvent être révisées qu'avec le consentement des parties ; Considérant qu'il est constant que la loi du 13 juillet 1992 "fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjour" -dont les dispositions sont d'ordre public- s'applique au contrat liant les parties en l'espèce ; que son article 23 institue une responsabilité de plein droit de l'agent de voyages au titre des obligations résultant du contrat ; qu'aux termes de son article 20 "Lorsque avant le départ, le respect de l'un des éléments essentiels du contrat est rendu impossible par suite d'un événement extérieur qui s'impose au vendeur, celui-ci doit le plus rapidement possible en informer l'acheteur et informer ce dernier de la faculté dont il dispose, soit de résilier le contrat, soit d'accepter la modification proposée par le vendeur... cet avertissement et cette information doivent être confirmés par écrit à l'acheteur" ; que partant, la clause limitative de responsabilité incluse dans les conditions générales du contrat de vente de la société LES CHEMINS DU GOLF, contraire à ces dispositions d'ordre public, ne peut s'appliquer et doit être réputée non écrite ;; Considérant que le courrier de confirmation des réservations adressé le 7 novembre 1997 aux époux

X... par l'agence de voyage précisait les prestations que celle-ci s'engageait contractuellement à fournir ; que parmi ces prestations figurait le départ par avion de Paris Charles de Gaulle le 22 mars 1998 par vol Air France, décollage 16 H 45 et arrivée à Malaga à 19 H 15; que les titres de transport adressés aux appelants par l'agence de voyage quelques jours avant le départ correspondaient à ce vol et indiquaient cette heure prévue pour le décollage ; que l'embarquement sur ce vol était donc compris dans les prestations auxquelles s'était engagée la société LES CHEMINS DU GOLF, contrairement à ce qu'elle allègue devant la cour ; Considérant qu'il est constant que les appelants n'ont pu embarquer sur le vol prévu contractuellement en raison de la survente de billets pratiquée par la compagnie aérienne; qu'il n'étaient pas tenus d'accepter la révision unilatérale du contrat que leur a proposée celle-ci, à laquelle ils n'étaient pas liés contractuellement, dans la mesure où il n'est pas contesté que AIR FRANCE ne pouvait assurer que la première partie du vol jusque Madrid et que la réservation sur la deuxième partie du vol Madrid/Malaga n'était pas garantie ; qu'au surplus, l'heure d'arrivée tardive à l'aéroport de Malaga (23 H 45) et à l'hôtel, distant d'environ 70 kms, ne leur garantissait pas le maintien des réservations pour la voiture de location et surtout, pour l'hôtel ; Considérant que la télécopie adressée à la société LES CHEMINS DU GOLF, le 22 mars 1998 à 18 H 43 émane uniquement de Monsieur X... ; que celui-ci a alors écrit en ces termes à l'agence de voyages "Nous vous demandons de nous faire partir demain lundi 23 mars par un vol direct garanti sur Malaga (de préférence par Air France) ou de nous rembourser intégralement - voyage et séjour"; que Monsieur X... n'a pas précisé qu'il présentait cette demande également au nom des époux Y... ; que par ailleurs, il ressort des termes de l'assignation introductive d'instance que les époux Y... n'ont

pas expressément revendiqué cette demande d'une nouvelle proposition pour le lendemain 23 mars; qu'il n'est donc pas démontré qu'il y ait eu déclaration de volonté des époux Y... quant à une modification des prestations contractuelles ; Considérant que par ailleurs, l'agence de voyages verse aux débats les télécopies adressées au numéro de fax (0146054533) de Monsieur X..., le 23 mars 1998 à 11H22 et 14H24, la première faisant part d'une proposition de départ le même jour par vol direct Paris/Malaga à 17H05 ; qu'elle ne justifie donc pas avoir fait cette proposition par écrit aux époux Y... et ne peut donc utilement s'en prévaloir à leur encontre ; Considérant qu'en tout état de cause, Monsieur et Madame Y... n'étaient pas tenus d'accepter cette révision proposée unilatéralement par la société LES CHEMINS DU GOLF, laquelle leur faisait perdre un jour de vacances sur 7, sans engagement de la part du cocontractant de prendre en charge le préjudice en résultant pour ses clients, puisqu'elle évoque seulement dans sa télécopie du 23 mars 1998 à 11 H 20 que cette proposition "ne préjuge pas d'un éventuel dédommagement qui fera l'objet d'une intervention spécifique auprès de la Compagnie AIR FRANCE"; Considérant que par conséquent, Monsieur et Madame Y... étaient fondés à prendre acte de la résiliation du contrat pour non respect d'un de ses éléments essentiels, en vertu de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1992 précité, ce qu'ils ont fait régulièrement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 23 mars 1998 et reçue par l'agence le lendemain, par laquelle ils sollicitaient également le remboursement de la somme de 11.530 francs payée par eux ; Considérant que certes, Monsieur X... a adressé à l'agence de voyages la télécopie sus mentionnée le 22 mars 1998 à 18H43, demandant un vol direct pour le lendemain, ce qui constitue une offre de révision des modalités du contrat ; que cependant, dès le

lendemain, à 10H07, il a expédié à l'agence une télécopie faisant état d'un appel téléphonique à 8H35 le même jour et surtout, prenant acte de la défaillance du transporteur pour demander le remboursement intégral des sommes versées ; que cette télécopie constitue une annulation de la précédente qui comportait une offre de modification ; que dans ces conditions, la télécopie adressée à son tour par l'agence le 23 mars à 11H 20 ne correspondait plus à une offre qui avait été auparavant retirée ; qu'il n'y a donc pas eu rencontre des volontés pour la révision du contrat ; que par conséquent, faute de consentement, Monsieur et Madame X... n'étaient pas tenus, même par les termes de la proposition retirée par eux antérieurement, d'accepter la modification du contrat portée à leur connaissance le 23 mars à 11H20 ; que de même que Monsieur et Madame Y..., ils étaient fondés à résilier le contrat pour non respect d'un des éléments essentiels du contrat, en vertu de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1992 précité, ce qu'ils ont fait par leur télécopie du 23 mars 1998 à 10H07, également expédiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le même jour ; Considérant que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de leur conseil en date du 31 mars 1998, Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y..., prenant acte de la non exécution du contrat par la société LES CHEMINS DU GOLF, lui ont réclamé outre le remboursement des sommes versées, des dommages-intérêts à hauteur de 2.500 francs par personne ; Considérant que l'agence de voyage ne peut invoquer en l'espèce aucune des causes exonératoires de responsabilité énoncées à l'article 23 alinéa 2 de la loi du 13 juillet 1992 ; que la résiliation du contrat lui étant imputable pour non-respect par l'un des prestataires avec lequel elle avait contracté, de ses obligations contractuelles, elle doit donc être condamnée à rembourser aux appelants le prix total et forfaitaire des prestations versé par eux,

soit 11.530 francs pour Monsieur et Madame Y... et 9.560 francs pour Monsieur et Madame X..., outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ; que les appelants ont nécessairement subi un préjudice moral et d'agrément, direct et certain , en raison de la privation de leurs vacances "golfiques", qu'ils avaient pris soin d'organiser plusieurs mois à l'avance ; que les 500 francs alloués par la compagnie AR FRANCE, qui plus est "à valoir sur les futures prestations qu'ils pourraient solliciter auprès de la compagnie", ne sont pas de nature à réparer intégralement ce préjudice, que la cour évalue à 2.000 francs par personne; que la société LES CHEMINS DU GOLF sera donc condamnée à payer à chacun des appelants la somme de 1.500 francs, après prise en compte de l'avoir de 500 francs remis par la compagnie AIR FRANCE ; Considérant qu'en conséquence de la résiliation du contrat, Monsieur et Madame X... et Monsieur et Madame Y... devront restituer à la société LES CHEMINS DU GOLF les titres de transport et les bons de réservation remis par l'agence en mars 1998 ; Considérant qu'en refusant d'embarquer les quatre voyageurs appelants munis d'un billet de transport faisant preuve de la conclusion du contrat de transport et ce, en raison d'un nombre de réservations excédant le nombre de places offert sur le vol, la Compagnie AIR FRANCE a commis une faute dans l'exécution du contrat, dont elle avait pris délibérément le risque en acceptant des réservations dans des conditions où elle n'était pas assurée de pouvoir tenir ses engagements ; qu'elle doit donc sa garantie à l'agence de voyage, condamnée à rembourser ses clients du fait de la résiliation de leur contrat, sans pouvoir opposer les dispositions de la loi du 13 juillet 1992 qui limiteraient son obligation de transporteur au remboursement des titres de transport non utilisés "et le cas échéant à un dédommagement spécifique des clients concernés sous forme d'une prime suivant la distance parcourue et le

retard à l'arrivée", puisque l'article 3 d) de cette loi exclut son application aux transporteurs aériens qui n'effectuent, parmi l'ensemble des prestations, que la délivrance de titres de transport ; qu'au surplus, ayant eu conscience du risque de non exécution du contrat, elle ne peut utilement invoquer une limitation de sa responsabilité pour ce qui concerne la réparation du préjudice subi par les passagers qui n'ont pu embarquer ; Considérant qu'en revanche, la société LES CHEMINS DU GOLF ne répond pas directement à l'argument de la Compagnie AIR FRANCE selon lequel, faute de justifier du paiement des autres prestations aux différents prestataires, elle bénéficierait d'un enrichissement sans cause si elle obtenait la garantie de la compagnie aérienne pour le remboursement des sommes correspondantes ; que surtout, elle ne démontre pas avoir acquitté ces sommes tant à la société de location de voitures, qu'à l'hôtel et à la société de gestion des golfs ; que faute pour elle de justifier de la réalité de ses débours à ces différents titres, elle n'est fondée à demander à la Compagnie AIR FRANCE que le remboursement des billets d'avion, soit la somme totale de 5.612 francs et sa garantie pour la condamnation au paiement de la somme de 1.500 francs de dommages-intérêts pour chaque appelant ; Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur et Madame X... d'une part et à Monsieur et Madame Y... d'autre part, la somme de 5.000 francs à chacun des couples sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE devra garantir la société LES CHEMINS DU GOLF, laquelle est condamnée au paiement de ces sommes ; PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ; ET STATUANT A NOUVEAU : DIT que Monsieur et Madame X... ainsi que Monsieur et Madame Y... étaient fondés à

résilier le contrat pour non-respect d'un des éléments essentiels du contrat, en vertu de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1992 ; CONDAMNE la société LES CHEMINS DU GOLF à rembourser la somme de 11.530 francs (ONZE MILLE CINQ CENT TRENTE FRANCS) à Monsieur et Madame Y... et celle de 9.560 francs (NEUF MILLE CINQ CENT SOIXANTE FRANCS) Monsieur et Madame X..., outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et à leur payer à chacun la somme de 1.500 francs (soit 6.000 francs au total) à titre de dommages-intérêts ; DIT que Monsieur et Mme X... et Monsieur et Madame Y... devront restituer à la société LES CHEMINS DU GOLF les titres de transport et les bons de réservation remis par l'agence de voyage en mars 1998 ; CONDAMNE la Compagnie AIR FRANCE à rembourser la somme de 5.612 francs (CINQ MILLE SIX CENT DOUZE FRANCS) correspondant au prix des billets d'avion, à la société LES CHEMINS DU GOLF et à garantir celle-ci du chef de la condamnation au paiement de la somme de 1.500 francs de dommages-intérêts pour chaque appelant ; DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes, sous réserve de l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; CONDAMNE la société LES CHEMINS DU GOLF à payer à Monsieur et Madame X... d'une part et à Monsieur et Madame Y... d'autre part la somme de 5.000 francs (CINQ MILLE FRANCS) à chacun des couples sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et dit que la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE devra garantir la société LES CHEMINS DU GOLF du chef de cette condamnation ; CONDAMNE la société LES CHEMINS DU GOLF et la Compagnie nationale AIR FRANCE in solidum à tous les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés directement contre elles par les SCP JUPIN ALGRIN et JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le greffier,

Le Président, C. DE GUINAUMONT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-202
Date de la décision : 10/11/2000

Analyses

TOURISME - Agence de voyages - Responsabilité.

L'article 23 de la loi d'ordre public n° 92-645 du 13 juillet 1992, fixant les conditions d' exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjour, prévoit que tout organisateur de voyage, au sens de la loi, est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat. Partant, toute clause limitative de responsabilité incluse dans les conditions générales de vente de l'agent de voyages qui porte sur une obligation résultant du contrat est contraire aux dispositions d'ordre public de la loi et doit être réputée non écrite

TOURISME - Agence de voyages - Responsabilité - Annulation du voyage - Indemnité.

Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1992, "lorsqu'avant le départ, le respect de l'un des éléments essentiels du contrat est rendu impossible par suite d'un événement extérieur qui s'impose au vendeur, celui-ci doit le plus rapidement possible en informer l'acheteur et informer ce dernier de la faculté dont il dispose, soit de résilier le contrat, soit d'accepter la modification proposée par le vendeur (..) cet avertissement et cette information doivent être confirmés par écrit à l'acheteur ". Une agence de voyages qui a confirmé par écrit des réservations en précisant les prestations contractuelles, notamment les références précises d'un vol, lesquelles ont été confirmées par l'envoi des billets, quelques jours avant le départ, s'est engagée contractuellement à ce que ses clients puissent prendre le départ à l'heure prévue, sans qu'importe la circonstance que le transporteur aérien, en raison de la pratique du "surbooking", n'ait pas assuré l'embarquement des passagers prévus sur le vol prévu. Il s'ensuit que c'est à bon droit que les clients mis dans l'impossibilité d'embarquer, et non tenus d'accepter une modification du contrat, ont choisi de le résilier en demandant le remboursement des sommes versées ainsi que des dommages et intérêts, sans que l'agent de voyages ne puisse utilement invoquer aucune des causes exonératoires énoncées à l'article 23, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1992

TOURISME - Agence de voyages - Responsabilité - Appel en garantie du transporteur.

Une compagnie aérienne qui, en raison de sur-réservations, n'assure pas la prestation de transport à laquelle elle s'est contractuellement engagée à l'égard d'un agent de voyages, commet une faute dans l'exécution du contrat puisqu'elle a délibérément pris le risque de ne pouvoir embarquer tous les passagers auxquels elle a délivré des billets, et, par conséquent, sa responsabilité est engagée à l'égard de l'agent de voyages qui a été obligé de rembourser à ses clients les contrats résiliés par ceux-ci. Dès lors que l'article 3 d) de la loi du 13 juillet 1992 exclut le transport aérien de son champ d'application, la compagnie aérienne en cause ne peut prétendre tirer de cette même loi une quelconque limitation de responsabilité, ni en invoquer aucune autre s'agissant d'une inexécution du contrat fondée sur l'acceptation du risque. En revanche, la garantie due à l'agent de voyages demeure subordonnée à la justification par celui-ci du paiement des autres prestations contractuelles (hôtel..)


Références :

Loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, articles 3, 20, 23

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-11-10;1999.202 ?
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