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05/10/2000 | FRANCE | N°1997-9851

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 octobre 2000, 1997-9851


FAITS ET PROCEDURE La SA LENA K qui fabrique et commercialise des vêtements, a déposé le 11 mars 1996 trois modèles de veste référencés "Pauline", "Sidoine" et "Bérangère" à l'Institut National de la Propriété Industrielle sous le n° 96.17.72. La publicité de ces modèles a été requise le 16 avril 1996 et le dépôt a été rendu public le 17 mai 1996 sous les numéros 04.31.834 à 04.31.839 en classe 2. Arguant de la vente par deux de ses anciens clients, Messieurs André X... Y... et Bruno Z..., de vêtements présentant des caractéristiques similaires aux modèles déposés

, la société LENA K a fait procéder le 30 mai 1996 à deux saisies contrefaçon...

FAITS ET PROCEDURE La SA LENA K qui fabrique et commercialise des vêtements, a déposé le 11 mars 1996 trois modèles de veste référencés "Pauline", "Sidoine" et "Bérangère" à l'Institut National de la Propriété Industrielle sous le n° 96.17.72. La publicité de ces modèles a été requise le 16 avril 1996 et le dépôt a été rendu public le 17 mai 1996 sous les numéros 04.31.834 à 04.31.839 en classe 2. Arguant de la vente par deux de ses anciens clients, Messieurs André X... Y... et Bruno Z..., de vêtements présentant des caractéristiques similaires aux modèles déposés, la société LENA K a fait procéder le 30 mai 1996 à deux saisies contrefaçon ayant révélé, en outre, que la SARL ALEX AND STEF vendrait les mêmes produits sur le marché de PROVINS et que l'ensemble des marchandises concernées serait fabriqué par la SA TRICOTAGE VALTEX et la SARL ISABELLE CONFECTION. C'est dans ces conditions que la société LENA K se prévalant d'actes de contrefaçon commis à son détriment a assigné devant le Tribunal de Commerce de PONTOISE Messieurs X... Y... et Z..., ainsi que les sociétés ALEX AND STEF, TRICOTAGE VALTEX et ISABELLE CONFECTION aux fins d'obtenir leur cessation et la réparation du préjudice prétendument subi. Par jugement rendu le 18 novembre 1997, cette juridiction a débouté la société LENA K de toutes ses prétentions, rejeté les demandes en dommages et intérêts de MM. Z... et X... Y... et de la société TRICOTAGE VALTEX ainsi que les demandes en nullité des saisies contrefaçon des deux premiers, renvoyé MM. X... Y... et Z... à mieux se pourvoir au titre de la mainlevée des articles séquestrés dont ils sont propriétaires, dit que les modèles dont la protection est revendiquée par la société LENA K appartiennent au domaine public, débouté la société TRICOTAGE VALTEX de sa demande de publication de la décision, alloué une indemnité de 15.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à Monsieur Z..., Monsieur X...

Y..., la société ALEX AND STEF et la société TRICOTAGE VALTEX, dit n'y avoir lieu a exécution provisoire et condamné la société LENA K aux dépens. Appelante de cette décision, la société LENA K fait grief au Tribunal d'avoir admis l'argumentation des intimés sur la titularité des droits de propriété intellectuelle qu'elle affirme posséder sur les modèles en cause en se prévalant de l'article L.511.2 du Code de la Propriété Intellectuelle et en soulignant qu'ils ne sont pas dépourvus d'originalité et de nouveauté comme les premiers juges l'ont selon elle estimé à tort. Elle soutient que les produits contrefaisants reproduisent servilement les modèles déposés et que leur mise en vente par Messieurs Z... et X... Y..., ainsi que par la société ALEX AND STEF est constitutive d'agissements de concurrence déloyale et de parasitisme. Elle argue d'un important préjudice subi consécutivement. Elle sollicite en conséquence, la condamnation solidaire de Monsieur Z..., Monsieur X... Y..., des sociétés ALEX AND STEF et ISABELLE CONFECTION ainsi que Maître SCARFOGLIERO, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société TRICOTAGE VALTEX au paiement de dommages et intérêts de 300.000 francs, pour atteinte aux droits de propriété qu'elle détient sur les modèles "Pauline", "Bérangère" et "Sidoine", de 200.000 francs et de 250.000 francs à titre de provision en indemnisation respectivement des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale dont elle se prétend victime. Elle réclame, en outre, une expertise aux fins d'examiner la comptabilité des intimés et d'indiquer le montant des chiffres d'affaires réalisés sur les produits contrefaisants, la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux de son choix aux frais des intimés à titre de dommages et intérêts complémentaires si nécessaire ainsi qu'une indemnité de 100.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Messieurs X... Y... et Z... ainsi que les sociétés ALEX AND STEF, ISABELLE

CONFECTION et TRICOTAGE VALTEX concluent de concert à la confirmation du jugement déféré hormis du chef du rejet de leurs demandes reconventionnelles et forment appel incident pour solliciter chacun 100.000 francs de dommages et intérêts pour procédure abusive, la publication de la décision de la Cour dans cinq journaux de leur choix aux frais de la société LENA K ainsi que chacun une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Ils allèguent l'absence de validité du dépôt des modèles litigieux dont le société LENA K n'est pas propriétaire, ni selon eux cessionnaire des droits de la société TRICOT MARTINE. Ils invoquent également le défaut de nouveauté et d'originalité des modèles revendiqués par la société LENA K dont cette dernière ne rapporte pas la preuve. Ils estiment que les préjudices dont la société LENA K fait état ne sont pas justifiés. La société TRICOTAGE VALTEX ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire par décision du1er mars 2000 du Tribunal de Commerce de ROANNE, Maître SCARFOGLIERO, mandataire liquidateur à cette procédure collective est intervenu volontairement à l'instance pour la reprendre et demander le bénéfice des écritures régularisées dans l'intérêt de cette société. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2000. MOTIFS X... L'ARRET Considérant que la validité des saisies contrefaçons pratiquées par la société LENA K n'est plus discutée en cause d'appel ; Considérant qu'en vertu de l'article L.511.2 du Code de la Propriété Intellectuelle, la propriété d'un modèle appartient à celui qui l'a créé ou à ses ayants-droit, mais que le premier déposant est présumé jusqu'à preuve contraire en être le créateur ; Considérant en outre que l'exploitation d'une ouvre sous le nom d'une personne morale est, en l'absence de toute revendication de la part des auteurs, de nature à faire présumer à l'égard des tiers, que la société était titulaire sur ses ouvres, qu'elle que soit leur

qualification, du droit de propriété incorporelle de l'auteur ; Or considérant que la société LENA K qui est à la fois le déposant des modèles et la société qui les commercialise sous son nom bénéficie ainsi à double titre d'une présomption de titularité sur les droits de propriété intellectuelle relatifs aux modèles litigieux sans que les intimés ne prétendent en être les créateurs, ni ne rapportent, en tout état de cause, la preuve contraire en se contentant de contester par la voie de leurs seuls dires supputatifs les termes de l'attestation délivrée le 10 octobre 1996 par Monsieur GOUTILLE, président directeur général de la société TRICOT MARTINE qui a déclaré que sa société avait réalisé les modèles déposés sur les indications et instructions précises de Monsieur A..., dirigeant de la société LENA K concepteur et pour lesquels il lui a cédé les droits, comme de faire état d'une autre instance devant le Tribunal de Commerce de ROANNE ayant trait d'après leurs propres affirmations à un autre modèle de veste ; Considérant toutefois, que la protection d'un modèle est subordonnée à la condition de nouveauté conformément à l'article L.511.3, 1er alinéa du Code de la Propriété Intellectuelle laquelle n'est pas en l'espèce remplie ; Considérant en effet, que les trois modèles concernés constituent des vestes tricotées mécaniquement selon un point dont il n'est pas discuté qu'il puisse être qualifié "de Rome", ni qu'il ait été un point de base et s'avère, en tout cas, totalement commun ; Que tant dans leur ensemble que même dans chacun de leurs éléments ces vestes ne présentent aucune marque spécifique dès lors qu'elles sont de couleurs très classiques, en matière synthétique, de forme droite, avec décolletés ordinaires en V ou rond, pourvues de poches apposées aux emplacements habituels pour ce type de vêtements ainsi que de boutons dorés ronds munis de dessins courants dont la position et le nombre ne sont pas non plus spéciaux ; Qu'elles ne comportent pas

davantage un détail particulier, de nature à les rendre caractéristiques d'un style nouveau, mais se révèlent, en revanche, totalement banales et dépourvues de la moindre originalité qui témoignerait d'un effort personnel de création de la part de leur auteur ; Considérant que ces modèles ne pouvant dès lors bénéficier de la propriété industrielle revendiquée par la société LENA K, le Tribunal l'a donc, à juste titre, déboutée de son action en contrefaçon ; Considérant que la société LENA K n'est pas non plus fondée en ses demandes en dommages et intérêts pour concurrence déloyale ou parasitaire à défaut d'invoquer des faits distincts de ceux allégués au soutien de son action en contre façon déjà rejetée ; Considérant que les saisies contrefaçons ont été opérées sur autorisation judiciaire ; Que Messieurs X... Y..., Z... et la société ALEX AND STEF ne produisent aucun élément de nature à démontrer le préjudice qui en serait certainement et directement résulté à leur détriment ; Que leurs prétentions indemnitaires de ce chef seront donc rejetées ; Considérant que les sociétés TRICOTAGE VALTEX et ISABELLE CONFECTION ne démontrent pas avoir fait l'objet d'une atteinte à leur image et ne justifient pas, par ailleurs, le préjudice commercial qu'aurait généré la présente procédure ; Que dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à leur demande de publication de l'arrêt ; Considérant que l'équité commande, en revanche, d'accorder à chacun des intimés une indemnité supplémentaire de 13.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile . Considérant que la société LENA K qui succombe en son appel supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Ï CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Ï DEBOUTE la SA LENA K de toutes ses prétentions ; Ï REJETTE les demandes en dommages et intérêts et de publication des intimés ; Ï CONDAMNE la SA LENA K à

verser à chacun des intimés une indemnité complémentaire de 13.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Ï LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION X... PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER faisant fonction de Président M. Thérèse B...

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-9851
Date de la décision : 05/10/2000

Analyses

DESSINS ET MODELES - Protection (loi du 11 mars 1957) - Conditions - Caractère de nouveauté

En vertu de l'article L 511-2 du Code de la propriété intellectuelle, la propriété d'un modèle appartient à celui qui l'a créé ou à ses ayants droit, sauf au premier déposant a être présumé le créateur jusqu'à preuve contraire. En outre, en l'absence de revendication des auteurs, l'exploitation d'une oeuvre sous le nom d'une personne morale emporte présomption à l'égard des tiers, qu'elle est titulaire du droit de propriété incorporelle de cette oeuvre. Il s'ensuit qu'une so- ciété qui a procédé au dépôt de modèles et qui les commercialise, bénéficie d'une double présomption de titularité des droits de propriété intellectuelle rela- tifs aux modèles litigieux. En revanche, l'article L 511-3 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle subordonne la protection d'un modèle à la condition de nouveauté. S'agissant de trois modèles de vestes, tricotées mécaniquement selon un point tout à fait courant, qui, tant dans leur forme d'ensemble que dans chacun de leurs éléments - matière, couleurs, encolures, poches, bou- tons - ne présentent aucune marque spécifique ou particulière de nature à ca- ractériser une nouveauté, mais au contraire se révèlent totalement banales, le bénéfice de la propriété industrielle ne peut être utilement revendiqué, et l'action en contrefaçon doit être rejetée. A défaut pour la société d'invoquer des faits distincts de ceux allégués au soutien de son action en contrefaçon, sa demande en dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire est dépourvue de fondement


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-10-05;1997.9851 ?
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