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07/09/2000 | FRANCE | N°1998-347

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 septembre 2000, 1998-347


FAITS ET PROCEDURE Monsieur Laurent de X... a souhaité acquérir un véhicule d'occasion de marque FERRARI, pour le prix négocié de 850.000 francs, auprès de la société CHARLES POZZI AUTOMOBILES (CHARLES Y...). Après avoir examiné la voiture sur place, Monsieur de X... a, le 18 novembre 1996, retourné par fax et par voie postale le bon de commande que la société CHARLES Y... lui avait adressé, sur lequel il a ajouté la mention manuscrite "sous réserve d'acceptation d'un crédit personnel de 350.000 francs". Il y a joint un chèque d'acompte de 100.000 francs. Par lettre du 22 nov

embre 1996, Monsieur de X... a informé la société CHARLES Y... qu...

FAITS ET PROCEDURE Monsieur Laurent de X... a souhaité acquérir un véhicule d'occasion de marque FERRARI, pour le prix négocié de 850.000 francs, auprès de la société CHARLES POZZI AUTOMOBILES (CHARLES Y...). Après avoir examiné la voiture sur place, Monsieur de X... a, le 18 novembre 1996, retourné par fax et par voie postale le bon de commande que la société CHARLES Y... lui avait adressé, sur lequel il a ajouté la mention manuscrite "sous réserve d'acceptation d'un crédit personnel de 350.000 francs". Il y a joint un chèque d'acompte de 100.000 francs. Par lettre du 22 novembre 1996, Monsieur de X... a informé la société CHARLES Y... qu'il annulait sa commande, conformément à l'article 8 du bon de commande concernant la vente à crédit, et a demandé la restitution du chèque d'acompte. Par lettre du 26 novembre, il a confirmé l'annulation de la commande, en précisant qu'il n'avait pas obtenu le crédit prévu. La société CHARLES Y... a manifesté son désaccord sur l'annulation de la commande par lettres des 25 et 29 novembre, et a indiqué à Monsieur de X... que, à défaut par lui de prendre livraison du véhicule au plus tard le 6 décembre 1996, elle conserverait l'acompte de 100.000 francs à titre de clause pénale contractuelle. Saisi par Monsieur de X... aux fins de se voir restituer le chèque d'acompte versé, le juge des référés du Tribunal de Commerce de Nanterre a, par ordonnance en date du 20 février 1997, renvoyé les parties à se pourvoir au fond. Monsieur de X... a alors assigné la société CHARLES Y... devant le même tribunal lequel, par jugement en date du 18 novembre 1997, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, a condamné la société CHARLES Y..., avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 100.000 francs, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 1996, débouté Monsieur de X... de sa demande de dommages et intérêts, et condamné la société CHARLES Y... à lui payer en outre une indemnité

de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les premiers juges ont, pour l'essentiel, considéré que Monsieur de X... avait passé une commande sous la condition suspensive d'un prêt, dont la défaillance ne relevait pas d'un comportement fautif de l'intéressé. Appelante de cette décision, la société CHARLES Y... réitère les moyens qu'elle a développés devant les premiers juges. Elle soutient à titre principal que l'accord conclu avec Monsieur de X... portait sur une vente avec paiement du prix comptant, et non sur une vente à crédit soumise à la loi du 10 janvier 1978 relative au crédit à la consommation, comme le prétend Monsieur de X..., ni sur une vente sous condition suspensive, ainsi que l'ont admis les premiers juges. A titre subsidiaire, et pour le cas où la Cour considérerait que la vente était soumise à la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, elle prétend que Monsieur de X... n'a pas accompli les diligences nécessaires afin d'obtenir ledit prêt, de sorte que ledit Monsieur de X... serait responsable de la défaillance de la condition suspensive et que celle-ci doit être réputée accomplie. Elle demande en conséquence l'infirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions, la restitution de la somme de 112.646,63 francs versée à Monsieur de X... en vertu de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 1998, ainsi qu'une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur de X... réplique que, en vertu de la loi du 10 janvier 1978, applicable en la cause, il bénéficiait d'un délai de rétractation de 7 jours, délai qu'il a respecté. Il soutient à nouveau qu'en tout état de cause, il n'a consenti qu'à une vente sous la condition suspensive de l'acceptation d'un crédit, lequel ne lui a pas été accordé, sans qu'une quelconque faute puisse lui être reprochée à cet égard. A titre subsidiaire, il estime que la

somme de 100.000 francs réclamée par la société CHARLES Y... à titre de clause pénale est manifestement excessive au regard de l'absence de préjudice qu'elle a subi du fait de l'immobilisation du véhicule pendant 4 jours. Il sollicite en conséquence la confirmation de la décision déférée, sauf à ce que la condamnation en principal soit assortie des intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 23 novembre 1996, ainsi qu'une indemnité de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION CA SUR LA NATURE DE LA VENTE LITIGIEUSE : Considérant qu'il convient de rechercher si la vente litigieuse était une vente à crédit, ainsi que le soutient Monsieur de X..., ou une vente sous condition suspensive de l'obtention par Monsieur de X... d'un crédit personnel de 350.000 francs, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, ou encore une vente au comptant, ainsi que le prétend l'appelante ; considérant à cet égard qu'il ressort des explications des parties ainsi que des documents versés aux débats que le bon de commande, rempli par la société CHARLES Y..., a été adressé par fax à Monsieur de X... ; qu'à la rubrique prix et conditions de paiement, la case règlement au comptant était cochée et le paragraphe règlement à crédit rayé ; que cependant Monsieur de X... a renvoyé le bon de commande signé, avec la mention manuscrite "lu et approuvé, bon pour commande", accompagné d'un chèque de 100.000 francs, mais après y avoir ajouté, au paragraphe "règlement à crédit", la mention manuscrite "sous réserve d'acceptation d'un crédit personnel de 350.000 francs" ; considérant que la société CHARLES Y... soutient qu'il ressort du bon de commande précité que la vente ne pouvait être que soit au comptant, soit à crédit ; que dans ce dernier cas, elle était soumise à un formalisme particulier, issu de la loi du 10 janvier 1978, dont il n'est pas démontré qu'il ait été respecté ; considérant tout d'abord que, la loi du 10 janvier 1978 sur le crédit

à la consommation, dont Monsieur de X... revendique le bénéfice, n'est pas applicable en la cause, s'agissant d'un crédit dont le montant (350.000 francs) est supérieur à la limite de 140.000 francs fixée par le décret du 25 mars 1988 ; qu'au surplus, l'extension volontaire de la législation susvisée à des opérations de crédit qui ne lui sont pas soumises suppose la commune intention des parties de placer leur convention dans l'empire de ladite législation, laquelle commune intention n'est pas démontrée en l'espèce ; que la vente litigieuse ne saurait donc être qualifiée de vente à crédit au sens des articles L 311 et suivants du Code de la Consommation ; considérant que la société CHARLES Y... soutient ensuite que, si les premiers juges n'ont pas fait droit à l'hypothèse d'une vente à crédit, c'est à tort qu'ils ont néanmoins qualifié le contrat de vente sous condition suspensive ; qu'elle prétend que l'existence de la condition suspensive ne résulte pas de la commune intention des parties, mais a été ajoutée unilatéralement par Monsieur de X... au moment de la signature du bon de commande ; qu'en outre, Monsieur de X... est lui-même revenu ultérieurement sur cette condition, ainsi qu'en atteste Monsieur COUPPEY, salarié de la société CHARLES Y... qui a procédé à la vente ; que cette condition était d'autant plus fantaisiste, selon l'appelante, que Monsieur de X... n'aurait formulé sa demande de crédit que le 22 novembre, au surplus auprès d'une banque qui n'était pas sa banque habituelle ; mais considérant que, s'il apparaît que le bon de commande tel qu'adressé à Monsieur de X... portait sur une vente ferme, sans condition suspensive, ce dernier ne l'a accepté et signé que sous la condition suspensive de l'acceptation d'un crédit personnel ; que la société CHARLES Y... n'allègue pas que, à réception du bon de commande ainsi modifié, elle aurait protesté auprès de Monsieur de X... et aurait alors refusé la commande ; qu'en tout état de cause, elle n'en apporte aucune

justification ; qu'elle a au contraire encaissé le chèque d'acompte qui lui avait été transmis, confirmant ainsi son acceptation du bon de commande tel que signé par l'acquéreur; que la circonstance que Monsieur de X... aurait ensuite renoncé à la condition suspensive et préféré vendre des valeurs mobilières pour financer son acquisition, rapportée par Monsieur COUPPEY, outre qu'elle n'est pas suffisamment établie et qu'elle émane d'un salarié de l'appelante, ne saurait remettre en cause les termes de l'accord écrit des parties ; considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu que la vente en cause était une vente sous condition suspensive ; CA SUR LA RESPONSABILITE DE MONSIEUR DE X... DANS LA NON REALISATION DE LA CONDITION SUSPENSIVE : Considérant que l'appelante soutient que, aux termes de l'article 1178 du code civil, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur obligé sous cette condition qui en a empêché l'accomplissement ; qu'elle invoque à cet égard un défaut de diligence de Monsieur de X... pour obtenir le crédit sollicité. considérant que la société CHARLES Y... prétend plus précisément qu'en attendant 5 jours pour après la conclusion du contrat pour solliciter un prêt, au surplus auprès d'une agence parisienne du Crédit du Nord, avec laquelle il n'établit pas qu'il était en relation, alors qu'il aurait plus sûrement obtenu un prêt du CIC, banque dans laquelle il avait un compte courant largement créditeur, Monsieur de X... n'a pas accompli les diligences nécessaires ; que, n'étant pas dépourvu de moyens financiers, il aurait sûrement pu, s'il s'en était donné les moyens, obtenir le crédit sollicité ; qu'elle ajoute que, ayant appris qu'il était fiché à la Banque de France pour un incident de paiement antérieur, il s'était abstenu de régulariser l'incident ; mais considérant que Monsieur de X... fait valoir en réplique, à juste titre, que le délai de 4 jours qui s'est écoulé entre son acceptation

de la commande et la notification par le CREDIT DU NORD, le 22 novembre 1996, de son refus de financement constitue la preuve de sa diligence ; que, pour opposer son refus, la banque a pris en considération sa situation au regard d'un fichier de la BANQUE DE FRANCE, et qu'il ne saurait ainsi lui être reproché de ne pas s'être adressé à une autre banque ; qu'il ne saurait non plus lui être reproché de s'être abstenu de régulariser l'incident qui était à l'origine de son fichage à la BANQUE DE FRANCE, élément extérieur à la convention des parties ; considérant ainsi que, dès lors qu'il est établi que Monsieur de X..., qui n'avait pas pris d'autres engagements, a demandé le crédit stipulé dans le bon de commande et que ce crédit n'a pas été accepté, la société CHARLES Y... ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge, si ce n'est par voie d'allégations, d'un défaut de diligence de la part de l'intimé dans ses démarches, de nature à permettre de considérer qu'il a empêché l'accomplissement de la condition suspensive ; considérant dans ces conditions que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ; considérant par ailleurs que Monsieur de X... demande que la condamnation en principal soit assortie des intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 23 novembre 1996, mais qu'il n'apporte aucune justification de cette demande qui sera donc rejetée ; considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à Monsieur de X... la charge des frais qu'il a été contraint d'exposer devant la Cour ; que la société CHARLES Y... sera ainsi condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; considérant enfin que la société CHARLES Y..., qui succombe en son appel, sera condamnée en tous les dépens exposés à ce jour ; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Ï REOEOIT la société CHARLES Y... AUTOMOBILES,

venant aux droits de la société AUTOMOBILES CHARLES Y... en son appel ; Ï DIT cet appel mal fondé et l'en déboute ; Ï CONFIRME en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Ï DEBOUTE Monsieur de X... de sa demande en paiement des intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 23 novembre 1996 ; Ï CONDAMNE la société CHARLES Y... AUTOMOBILES à payer à Monsieur Laurent de X... une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée par les premiers juges au même titre ; Ï CONDAMNE la société CHARLES Y... AUTOMOBILES aux entiers dépens et autorise la SCP d'avoués LISSARRAGUE DUPUIS etamp; ASSOCIES à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR ASSIE PRONONCE PAR MADAME LAPORTE ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER faisant fonction de Président M. Thérèse GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-347
Date de la décision : 07/09/2000

Analyses

VENTE - OFFRE - Acceptation.

L'acceptation d'un bon de commande relatif à une vente mentionnée au comptant par le vendeur, avec l'ajout de la mention manuscrite "sous réserve d'acceptation d'un crédit personnel de X Francs ", s'analyse comme une acceptation sous condition suspensive d'obtention d'un crédit personnel. Il suit de là que le vendeur qui a encaissé le chèque d'acompte, sans alléguer ni justifier qu'il a protesté ou refusé la commande, a, au contraire, accepté la vente sous condition suspensive et ne peut prétendre que le montant de l'acompte lui est acquis au titre de la résolution d'une vente au comptant

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Modalités - Conditions - Condition suspensive - Défaillance - Fait du débiteur - Preuve.

Aux termes de l'article 1178 du Code civil "la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement". L'acquéreur sous condition suspensive d'obtenir un crédit qui établit qu'un délai de quatre jours s'est écoulé entre son acceptation de la commande et la notification par la banque du refus de financement, rapporte suffisamment la preuve de sa diligence, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas s'être adressé à sa banque habituelle, et, pas davantage, de s'être abstenu de régulariser un incident de paiement à l'origine d'un fichage à la Banque de France, motif du refus de financement, dès lors que ce dernier élément est extérieur à la convention des parties


Références :

Code civil, article 1178

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-09-07;1998.347 ?
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