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07/09/2000 | FRANCE | N°1997-6866

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 septembre 2000, 1997-6866


FAITS ET PROCEDURE La société BONNE ESPERANCE, spécialisée dans la conception et la réalisation de matériels de sondage et de forage, a passé un marché avec le PAKISTAN pour la fourniture de divers équipements de forage. Dans le cadre de ce marché, la société BONNE ESPERANCE a confié à la Compagnie D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORTS (ci-après désignée société C.A.T.) le soin d'acheminer par voie routière, depuis BISCHWILLER (67) lieu où se trouvent ses ateliers, jusqu'au port du HAVRE, 3 camions sondeurs et 3 camions citerne en vue de leur embarquement à destination de KARACH

I. La société C.A.T. a sous-traité cette opération de convoyage avec ...

FAITS ET PROCEDURE La société BONNE ESPERANCE, spécialisée dans la conception et la réalisation de matériels de sondage et de forage, a passé un marché avec le PAKISTAN pour la fourniture de divers équipements de forage. Dans le cadre de ce marché, la société BONNE ESPERANCE a confié à la Compagnie D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORTS (ci-après désignée société C.A.T.) le soin d'acheminer par voie routière, depuis BISCHWILLER (67) lieu où se trouvent ses ateliers, jusqu'au port du HAVRE, 3 camions sondeurs et 3 camions citerne en vue de leur embarquement à destination de KARACHI. La société C.A.T. a sous-traité cette opération de convoyage avec chauffeur à la société DELTA TRANSPORTS SERVICES (ci-après désignée société D.T.S.). La société D.T.S. a pris en charge les véhicules au début du mois de mai 1995 sans aucune réserve et les a acheminés au port du HAVRE où ils sont arrivés le 11 mai 1995. Aucune réserve n'a également été formulée sur le bon de livraison. Le 12 mai 1995, la société C.A.T. a constaté, lors de l'embarquement, des déformations sur le châssis d'un véhicule RENAULT doté d'un équipement spécifique de sondage et a adressé aussitôt des réserves écrites à la société D.T.S., étant précisé que la société BONNE ESPERANCE a aussi, le même jour, émis des réserves identiques, auprès de la société C.A.T. Après un premier examen du véhicule par un commissaire d'avarie, la société BONNE ESPERANCE a requis, sur le fondement de l'article 106 du Code du Commerce, la désignation d'un expert judiciaire. Par ordonnance en date du 08 juin 1995, le Président du Tribunal de Commerce du HAVRE, a désigné Monsieur X... en qualité d'expert, lequel s'est adjoint un sapiteur. L'expert a déposé son rapport le 11 août 1995 et, par acte du 11 avril 1996, la société BONNE ESPERANCE a assigné la société C.A.T. et les assureurs constituant la coassurance couvrant l'opération d'exportation du matériel, pour obtenir réparation de son préjudice qu'elle estimait à 881.267,60 francs. Sur cette

assignation, la société C.A.T. et la coassurance ont appelé en garantie la société D.T.S. et l'U.A.P., assureur de cette dernière. Par jugement en date du 06 juin 1997 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Commerce de NANTERRE, après avoir joint les causes, a statué dans les termes ci-après : ° dit la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT - CAT et la SARL PUGNETTI ASSURANCES TRANSPORTS recevables en leur appel en garantie ; ° met hors de cause la SARL PUGNETTI ASSURANCES TRANSPORTS ; ° condamne la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT - CAT à payer à la SA BONNE ESPERANCE la somme de 450.000 francs à titre de dommages intérêts ; ° condamne la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT - CAT à payer à la SA BONNE ESPERANCE la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; ° dit que la SA DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S. devra garantir la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT - CAT de toutes les condamnations prononcées contre elle ; ° condamne la SA DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S. à payer aux sociétés SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT - CAT et SARL PUGNETTI ASSURANCES TRANSPORTS ainsi qu'aux compagnies d'assurances UNION EUROPEENNE AXA MAT, GAN INCENDIE ACCIDENTS, LA REUNION EUROPEENNE, COMMERCIAL UNION et ALLIANZ, la somme globale de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; ° dit que l'U.A.P. devra garantie la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT - CAT de toutes les condamnations prononcée contre la SA DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S. ; ° dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ; ° rejette comme inutiles et non fondées toutes autres demandes, moyens et conclusions des parties ; ° condamne la SA DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S., garantie par l'U.A.P. aux entiers dépens. Appel de cette décision a été relevé d'une part par la compagnie U.A.P., aux droits de laquelle société se trouve aujourd'hui la

société AXA COURTAGE IARD, et d'autre part par la société BONNE ESPERANCE. Ces procédures issues de ces actes d'appel séparés ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état, en date du 22 octobre 1998. Pour la bonne compréhension du litige, il convient d'exposer d'abord la position de la société BONNE ESPERANCE, bien que seconde appelante. Celle-ci fait essentiellement grief aux premiers juges d'avoir sous-estimé son préjudice. Elle rappelle tout d'abord que la société CAT, avec laquelle elle a seulement contracté, est tenue, en sa qualité de commissionnaire de transport, d'une obligation de résultat et qu'elle ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle qu'en démontrant l'existence d'un cas de force majeure, d'un vice propre de la marchandise ou d'une faute de son cocontractant. Elle estime tout d'abord qu'il ne peut y avoir en la cause, aucune discussion quant aux responsabilités encourues, dès lors que, selon elle, la société CAT a reconnu son entière responsabilité dans un courrier en date du 20 novembre 1995. Subsidiairement, elle soutient que les griefs qui lui sont faits, tenant à une prétendue conception défectueuse de la fixation de la sondeuse sur le châssis du véhicule porteur et à la mauvaise installation de la sondeuse sur le châssis cabine du camion, sont dépourvus de tout fondement et ont été, à juste titre, écartés par l'expert judiciaire dont les constatations ne sauraient être utilement remises en cause, de même que ne sauraient être critiquées les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expertise. Elle déduit de là que le jugement dont appel, qui a écarté toute faute de sa part, ne peut être que confirmé en son principe. Elle fait grief en revanche aux premiers juges d'avoir limité la réparation à laquelle elle est en droit de prétendre et elle réclame à ce titre à la société C.A.T. la somme de 610.873,60 francs H.T. au titre des frais matériels et celle de 270.394 francs H.T. au titre des frais

complémentaires et financiers outre les intérêts de droit à compter de la date du sinistre eux mêmes capitalisés, ajoutant qu'aucune limitation de responsabilité ne peut lui être valablement opposée. Elle sollicite en outre une indemnité de 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La compagnie AXA COURTAGE, venant aux droits de l'U.A.P., soutient tout d'abord que les demandes dirigées à l'encontre de son assuré, la société D.T.S., sont irrecevables dès lors que cette société est intervenue dans le cadre du contrat type de convoyage dit "voitures" à défaut du contrat écrit, et que, en vertu de ce contrat type, la responsabilité du convoyeur ne peut être recherchée, dès lors que celui-ci a satisfait à son obligation de délivrance en mettant, sans aucune réserve, à la disposition du destinataire le véhicule, s'agissant de vices apparents et parfaitement immédiatement décelables. Subsidiairement et si une quelconque responsabilité imputable à son assuré devait être retenue, elle s'estime fondée à invoquer la limitation de responsabilité instaurée par le contrat type "voitures" qui prévoit une indemnisation des préjudices accessoires et matériels à concurrence de la somme de 3.000 francs. Plus subsidiairement et pour le cas où le contrat type général relatif aux envois de 3 tonnes et plus serait dit applicable, elle se prévaut d'une limitation de garantie qui ne saurait excéder en l'espèce, toute cause de préjudice confondues, la somme de 346.680 francs. Elle fait ensuite grief à l'expert de ne pas l'avoir régulièrement convoquée aux opérations d'expertise de même que son assurée la société D.T.S., et de n'avoir pas pris en compte les explications techniques qui lui ont été fournies lesquelles démontrent selon elle que, à supposer même que l'avarie se soit produite au cours du convoyage et non pas au cours du rapatriement du véhicule dans les ateliers de la société BONNE ESPERANCE, ladite avarie trouve sa cause dans un vice propre de

construction du véhicule, lequel ne pouvait supporter, du fait de ce vice, les contraintes d'un convoyage par route. Elle en déduit que les réclamations de la société BONNE ESPERANCE sont dépourvues de tout fondement ou qu'il convient, pour le moins, de désigner un nouvel expert qui devra s'appuyer sur des éléments objectifs et non pas sur de simples hypothèses nullement étayées comme l'a fait l'expert X.... Elle critique également l'évaluation des préjudices arrêtés par l'expert sur des bases qu'elle considère comme excessives et insuffisamment étayées. En ce qui concerne son éventuelle garantie, elle fait valoir que seule la police "responsabilité civile automobile" n° 36000693012 V souscrite auprès d'elle par la société D.T.S. a vocation à s'appliquer en la cause et elle fait observer que cette police ne garantit pas les dommages immatériels. Elle soutient aussi que la société D.T.S. est irrecevable à se prévaloir, pour la première fois en cause d'appel, tant en application de l'article 564 du nouveau code de procédure civile que de l'article l.114.1 du Code des Assureurs, de la police "responsabilité civile entreprise" n° 369000632662 Y laquelle en tout état de cause ne couvre pas les dommages matériels et immatériels dont il est demandé réparation. Enfin, elle réclame à la société BONNE ESPERANCE et/ou, à la société C.A.T. et ses assureurs une indemnité de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société D.T.S. fait valoir tout d'abord, comme son assureur, que les opérations d'expertise n'ont pas été conduites contradictoirement et elle en déduit que le rapport de l'expert X... doit être déclaré nul ou, pour le moins, qu'il doit lui être déclaré inopposable. Subsidiairement, elle soutient que l'expert n'a pas pris en compte les arguments techniques qui lui ont été soumis et qu'il a retenu, pour expliquer l'avarie, un choc lié à une vitesse excessive au cours du convoyage, hypothèse qui n'est pourtant nullement étayée. Elle se

prévaut également, comme AXA COURTAGE, du contrat type "voiture" et en déduit qu'en application de ce contrat, toute réclamation formée à son encontre est irrecevable dès lors que le véhicule a été reçu sans réserve et qu'il s'agissait d'un dommage apparent. Subsidiairement, elle invoque aussi la limitation du contrat type "voiture" et ne s'estime tenue en vertu de ce contrat type qu'à hauteur de 3.000 francs maximum où, si le contrat type général était dit applicable, à hauteur de 346.680 francs, tous chefs de préjudice confondus. Par ailleurs, elle estime devoir être garantie de toutes les condamnations qu'elle pourrait avoir à supporter par la Compagnie AXA, en application des deux contrats d'assurances sus-évoqués qu'elle a souscrit auprès de cette compagnie. Enfin, elle réclame à la société BONNE ESPERANCE ou "à qui mieux devra" une indemnité de 30.000 francs en couverture des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. La société C.A.T. et la coassurance couvrant les marchandises convoyées font tout d'abord valoir que l'action dirigée à leur encontre par la société BONNE ESPERANCE est dépourvue de tout fondement et elles demandent, dans le cadre d'un appel incident, que toutes les prétentions formées contre elles soient rejetées. A cet égard, elles font valoir que l'expert a fait preuve d'une absence totale de rigueur et qu'il n'est nullement démontré que l'avarie serait liée au convoyage du véhicule. Elles estiment au contraire que le dommage provient d'un vice propre de construction du véhicule qui exonère le commissionnaire de transport et en tant que de besoin les assureurs. Subsidiairement, elles soutiennent que, compte-tenu des vices de fabrication susévoqués, la plus large part de responsabilité, même si une faute était retenue à l'encontre de la société C.A.T., doit être laissée à la société BONNE ESPERANCE et elles s'estiment fondées à se prévaloir de la limitation instaurée par le contrat type général qui s'établit en l'espèce à 346.680

francs, toutes causes de préjudice confondues. Elles contestent également la prétendue reconnaissance de responsabilité de la société C.A.T. et rappellent que les intérêts au taux légal ne peuvent courir qu'à compter de la date de l'assignation introductive d'instance et que la demande de capitalisation des intérêts ne peut être prise en compte qu'à la date des conclusions qui formulent une telle demande. Elles sollicitent également la confirmation du jugement dans le cas où la responsabilité du convoyeur serait retenue, en ce qu'il a fait entièrement droit à leur action récursoire contre les sociétés C.A.T. et AXA COURTAGE, cette dernière ne pouvant sérieusement contester la garantie qu'elle doit, en application des deux contrats d'assurance souscrits auprès d'elle par la société D.T.S. Enfin, elles sollicitent la condamnation de la société BONNE ESPERANCE et/ou des sociétés D.T.S. et AXA COURTAGE au paiement d'une indemnité de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIFS DE LA DECISION CA SUR LA PRETENDUE IRREGULARITE DES OPERATIONS D'EXPERTISE Considérant que la société D.T.S. et la compagnie AXA COURTAGE prétendent que les opérations d'expertise n'auraient pas été conduites contradictoirement par l'expert X... et que, notamment, celui-ci n'aurait pas régulièrement convoqué la société D.T.S. à une deuxième réunion d'expertise ; mais considérant que l'expert a été requis pour effectuer en urgence, dans le cadre des dispositions de l'article 106 du code de commerce, les constatations qui s'imposaient, après un premier examen sommaire du véhicule réalisé par le CESAM ; qu'il apparaît qu'une première réunion d'expertise a été organisée le 22 juin 1995 à laquelle toutes les parties intéressées ont pu participer après avoir été régulièrement convoquées, comme le montrent les pièces des débats ; que l'expert a, par la suite, fait rapatrier le véhicule dans les ateliers de la société BONNE ESPERANCE à BISCHWILLER pour pouvoir procéder à des

constatations plus approfondies après démontage partiel des installations équipant ledit véhicule ; que, contrairement à ce qu'elle prétend, la société D.T.S. a été convoqué par un fax daté du 06 juillet 1995 pour participer à ces nouvelles opérations d'expertise qui devaient se dérouler le lendemain dans les ateliers de la société BONNE ESPERANCE (cf. pièce n° 10 dans laquelle, en réponse à une demande de son assureur, la société D.T.S. reconnaît qu'elle a été convoquée par un fax qui lui a été adressé le 06 juillet 1995 à 10 heures 46) ; qu'il a donc été suffisamment satisfait aux exigences de l'article 106 précité dès lors que la société D.T.S. a disposé d'un délai suffisant de 24 heures pour se faire représenter à la deuxième réunion d'expertise et prévenir en tant que de besoin son assureur qui n'était pas encore partie à la procédure ; que le rapport d'expertise établi par l'expert X... sera dans ces conditions, dit opposable tant à la société D.T.S. qu'à la société AXA COURTAGE. CA SUR LE REGIME JURIDIQUE APPLICABLE AU TRANSPORT EN CAUSE Considérant tout d'abord qu'il convient de déterminer le régime juridique applicable au transport en cause ; considérant que la société D.T.S. et la compagnie AXA COURTAGE soutiennent que, à défaut de contrat écrit, le convoyage au cours duquel s'est produit l'avarie relève du contrat type dit "voitures" et que, faute de réserve prise à la réception du véhicule, s'agissant de dommages apparents, la demande formée par la SA BONNE ESPERANCE serait irrecevable en application de l'article 7 de ce contrat type ; mais considérant que le contrat type "voitures", institué par le décret du 05 mars 1990, s'applique au transport de "véhicules roulants chargés sur véhicule transporteur" quel que soit le tonnage de l'envoi ; que ce contrat type ne saurait donc trouver à s'appliquer en la cause dès lors qu'il s'agissait d'une opération de convoyage avec chauffeur et non pas d'une "voiture" c'est à dire un

matériel roulant chargé sur un véhicule transporteur ; que les dispositions spécifiques afférentes à ce contrat type et les limitations de responsabilité qu'il instaure doivent, par conséquent, être écartées en l'espèce ; considérant que, en réalité, l'expédition en cause relève du contrat type "général" institué par le décret du 07 avril 1987 qui régit, à défaut de convention écrite et de contrat type spécifique applicable, tous les envois en régime intérieur de 3 tonnes et plus à quelque distance que ce soit et quelle que soit la technique du transport utilisé ; CA SUR LES RESPONSABILITES Considérant qu'il convient de rappeler que la société C.A.T., commissionnaire de transport, est garante de la bonne exécution de l'opération de transport qui lui a été confiée et qu'elle doit répondre de la société D.T.S. qu'elle s'est substituée pour effectuer le convoyage en cause ; considérant que la société BONNE ESPERANCE, qui a mandaté la société C.A.T., soutient pour la première fois, devant la Cour que ladite société aurait admis sa pleine responsabilité et invoque, à l'appui de son allégation les termes d'une lettre que la société C.A.T a adressée à la société D.T.S. le 20 novembre 1995 (pièce n° 10) ; mais considérant que, sauf à en dénaturer le contenu, cette lettre qui s'inscrit dans le cadre de la gestion du litige n'a pour objet que de rappeler à la société D.T.S., les conclusions du rapport d'expertise de Monsieur X... et à inviter la société D.T.S.. à régler amiablement le litige, ce qui ne saurait emporter reconnaissance claire et non équivoque d'une quelconque responsabilité de la société C.A.T. à l'égard de la société BONNE ESPERANCE ; que ce premier moyen sera en conséquence écarté ; considérant que la société BONNE ESPERANCE se fonde ensuite sur les conclusions du rapport de l'expert X... pour imputer à la société C.A.T. la responsabilité de l'entier dommage ; que la société CAT, ainsi que les sociétés D.T.S. et la compagnie AXA COURTAGE,

critiquent les conclusions auxquelles est parvenu l'expert qui relèvent selon elles de simples hypothèses insuffisamment étayées, et attribuent la cause du dommage à un vice de construction du véhicule qui ne saurait leur être imputé ; considérant tout d'abord qu'il convient de relever que le véhicule a été pris en charge par la société D.T.S. sans aucune réserve ; que, à l'arrivée dudit véhicule au HAVRE, d'importants dommages ont pu être constatés au niveau du châssis du véhicule avant embarquement de celui-ci ; que, même si aucune réserve n'a été portée sur le bon de livraison, cela ne peut avoir aucune incidence en la cause dès lors que ce bon de livraison n'a pas été signé par le destinataire, mais par un agent portuaire dont on ignore pour le compte de qui il est intervenu, et que des constatations contradictoires ont été aussitôt opérées sur le site dès que le destinataire a eu à sa disposition le véhicule en vue de son embarquement, étant observé que le convoyeur de la société D.T.S. a reconnu devant l'expert avoir attiré l'attention de la personne à qui il a livré le véhicule sur le mauvais état apparent de celui-ci, mais qu'aucune réserve n'a été alors notée ; qu'il doit en être tiré pour conséquence que le dommage est présumé s'être produit au cours du convoyage sauf au commissionnaire de transport et à son substitué de démontrer que ce dommage relèverait d'une cause étrangère qui ne leur soit pas imputable, étant précisé que des constatations complémentaires sur l'état d'un pneumatique du véhicule effectué après le rapatriement de celui-ci dans les ateliers de la société BONNE ESPERANCE ne sauraient être d'une quelconque incidence en la cause dans la mesure où le dommage avait été déjà dûment constaté de manière approfondie, comme en font foi les pièces des débats, dès l'arrivée de l'engin au port du HAVRE et que les opérations de démontage en atelier n'avaient pour objet que de vérifier et évaluer les réparations rendues nécessaires par l'avarie, aucune preuve

n'étant de surcroît rapportée que le dommage aurait été aggravé à l'occasion du voyage de retour ; que le seul argument à prendre en considération est celui de savoir si un vice de construction rendait, comme il est allégué, le véhicule inapte à supporter un convoyage effectué dans des conditions normales par route, un tel vice, à le supposer établi, étant susceptible d'exonérer totalement ou partiellement le commissionnaire de transport ou son substitué ; considérant qu'à cet égard, il sera tout d'abord relevé que la société BONNE ESPERANCE a fait appel à des sociétés spécialisées dans le convoyage de ce type de véhicule et qu'aucune de ces sociétés, que ce soit C.A.T. ou D.T.S., n'a cru devoir exiger une préparation particulière du véhicule avant le convoyage ; qu'il sera également relevé, que dans le cadre de la même expédition, des véhicules dotés d'équipements quasi identiques ont pu être convoyés, avant et même après l'incident, dans des conditions normales, le fait que la société BONNE ESPERANCE ait pris par la suite quelques précautions supplémentaires en posant des renforts provisoires pointés pour mieux solidariser le matériel en cours de convoyage ne pouvant valoir reconnaissance d'un quelconque vice mais révèlant de simples mesures de précaution eu égard à l'événement en cause ; que, surtout et contrairement à ce qui est prétendu, l'expert et le sapiteur ont bien pris en considération les observations faites par les experts des compagnies d'assurances relatives à un prétendu vice de construction pour les écarter, compte-tenu de la spécificité du véhicule en cause ; que notamment ils ont examiné le problème de la surcharge sur les deux essieux arrières côté droit, liée à la présence de matériel complémentaire et à l'absence de remplissage pour des raisons de sécurité des cuves à fuel et à huile ainsi que l'absence de solidarité entre le châssis et l'équipement de sondage, en tirant pour conséquence que cela n'avait eu aucune incidence réelle sur

l'avarie constatée et que, en réalité, le dommage relève d'un choc lié à une vitesse inadaptée au cours du convoyage, l'expert judiciaire et le sapiteur ayant, en outre, étayé leurs conclusions non pas à partir de simples hypothèses comme il est prétendu, mais en interrogeant de façon approfondie et contradictoire, le préposé de la société D.T.S., lequel a admis qu'il avait roulé à plusieurs reprises sur des routes en mauvais état ce qui a entraîné des chocs et avoir constaté qu'à l'arrivée le véhicule était "tordu" et le châssis déformé ; que les experts ont déduit de là, en reconstituant le temps du trajet, et en excluant formellement tout vice de construction, que "l'origine des avaries est sans aucun doute, liée à un accident sans tiers qu'aurait subi le camion sondeuse au cours de son déplacement entre BISCHWILLER et le HAVRE ... et que plus précisément le dommage est dû à un choc qui s'est produit sur la roue droite du deuxième essieu, le conducteur convoyeur ayant certainement heurté un obstacle, à vitesse importante, avec cette roue" ; que ces conclusions, qui reposent sur des constatations approfondies et non sérieusement contredites, suffisent à démontrer que le dommage a été réalisé au cours de l'opération de convoyage, même si les conditions précises dans lesquelles celui-ci s'est produit n'ont pu être précisément déterminées ; qu'il en résulte, dès lors qu'il n'est pas établi qu'un vice de construction a contribué à la réalisation du dommage, que la société C.A.T., prise en sa qualité de commissionnaire de transport et garante de la bonne exécution de la mission qui lui a été confiée, doit réparation à la société BONNE ESPERANCE, ladite société C.A.T. étant cependant fondée à son tour à se retourner contre la société D.T.S. à qui elle a sous-traité l'opération de convoyage et à se voir garantie par cette dernière de toutes condamnations ; CA SUR LE MONTANT DE LA REPARATION Considérant que l'expert X... a chiffré le préjudice subi par la société BONNE

ESPERANCE à 610.873,60 francs H.T. pour les frais matériels et à 270.394 francs H.T. pour les autres frais essentiellement financiers, soit au total à 881.267,60 francs ; que cette évaluation ne fait l'objet d'aucune critique utile tant de la part de la société C.A.T. que des sociétés D.T.S. et AXA COURTAGE ; mais considérant que, comme il a été dit précédemment, l'opération de transport en litige relève du contrat type applicable aux envois de 3 tonnes et plus ; que, en l'absence de faute lourde invoquée, tant le commissionnaire de transport que la société D.T.S. sont fondés à se prévaloir en la cause de la limitation instaurée par un contrat type qui prévoit une indemnisation d'un montant par envoi de 12.000 francs par tonne et ceci quelle que soit la nature des dommages, soit, compte-tenu du poids du véhicule, une indemnisation totale de 346.680 francs toutes causes de préjudice confondues ; que la société C.A.T., en ce relevée et garantie par la société D.T.S. sera en conséquence condamnée à payer à la société BONNE ESPERANCE ladite somme de 346.680 francs avec intérêts de droit, non pas à la date du sinistre comme il est demandé, mais à compter de l'assignation introductive d'instance valant mise en demeure, la société BONNE ESPERANCE étant par ailleurs autorisée à capitaliser les intérêts à compter de ses conclusions du 03 mars 2000 formulant pour le première fois une telle demande et ne pouvant utilement opposer au commissionnaire de transport le contrat d'assurance tous risques souscrit pour son compte auprès de la coassurance alors qu'elle ne formule expressément aucune demande d'indemnisation contre cette coassurance et qu'elle entend diriger uniquement en cause d'appel ses prétentions contre la société C.A.T., comme elle le rappelle expressément dans ses écritures, de sorte que cette dernière est fondée à lui opposer, en sa qualité de garante de son substitué, la limitation de responsabilité dont ledit substitué peut se prévaloir ; CA SUR LA GARANTIE DE LA SOCIETE AXA COURTAGE

Considérant que la compagnie AXA COURTAGE ne disconvient pas que la police d'assurance automobile n° 369000693012 V souscrite auprès d'elle par la société D.T.S. couvre les dommages matériels subis par le véhicule dès lors que la responsabilité de la société D.T.S. est établie ; qu'elle allègue seulement que cette police n'a pas vocation à couvrir les dommages immatériels ; mais considérant que, dans la mesure où, par l'effet de la limitation de responsabilité susévoquée, la réparation allouée à la société BONNE ESPERANCE est inférieure au montant des dommages matériels tels que évalués par l'expert et que la Cour a fait sienne cette évaluation, la société AXA COURTAGE sera dite tenue de garantir la société D.T.S. à hauteur de la condamnation prononcée à son encontre, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'applicabilité en l'espèce, invoquée pour la première fois devant la Cour, de l'autre police n° 369000632662 Y, ce débat devenant sans objet ; CA SUR LES AUTRES DEMANDES Considérant tout d'abord que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la SARL PUGNETTI ASSURANCES TRANSPORTS dont nul ne disconvient qu'elle n'est qu'un simple agent d'assurance et non pas un membre de la coassurance ; qu'il sera également confirmé, en ce qui concerne les indemnités allouées aux différentes parties en cause, en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'équité ne commandant cependant pas que soient allouées d'autres indemnités en cause d'appel ; qu'il sera enfin confirmé en ce qui concerne la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Ï DIT recevables les appels principaux interjetés par la sociétés BONNE ESPERANCE et AXA COURTAGE et les appels incidents formés par les autres parties ; Ï CONFIRME la jugement déféré en ce qu'il a dit la COMPAGNIE AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT C.A.T., prise en sa qualité de commissionnaire de transport, tenue de l'entier dommage subi par la société BONNE

ESPERANCE et en ce qu'il a condamné la société DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S. responsable dudit dommage, à relever et garantir la COMPAGNIE AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT C.A.T. de toutes condamnations, cette dernière étant elle-même garantie par la compagnie U.A.P devenue AXA COURTAGE ; Ï LE CONFIRME également en ce qui concerne les différentes indemnités allouées en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et DIT n'y avoir lieu à allocation d'indemnités complémentaires au profit de l'une ou l'autre des parties devant la Cour ; Ï L'INFIRME sur le quantum des dommages et faisant application de la limitation de responsabilité prévue par le contrat type applicable aux envois de 3 tonnes et plus, FIXE le montant de la réparation du dommage auquel peut prétendre la société BONNE ESPERANCE à 376.680 francs ; Ï CONDAMNE en conséquence la société COMPAGNIE AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT C.A.T. à payer à la société BONNE ESPERANCE ladite somme de 346.680 francs avec intérêts de droit à compter de l'exploit introductif d'instance valant mise ne demeure et AUTORISE la société BONNE ESPERANCE à capitaliser lesdits intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil à compter du 03 mars 2000, date de la première demande ; Ï CONDAMNE la société DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S. à relever et garantir la COMPAGNIE AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT C.A.T. de toutes les condamnations prononcées contre elle ; Ï CONDAMNE la société AXA COURTAGE venant aux droits de l'U.A.P. à garantir à son tour la société DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S. des condamnations prononcées à son encontre ; Ï DEBOUTE les parties du surplus de leurs réclamations ; Ï CONDAMNE la société DELTA TRANSPORTS SERVICES D.T.S., en ce encore garantie par la société AXA COURTAGE, aux entiers dépens de première instance et d'appel et AUTORISE les avoués en cause concernés à poursuivre directement le recouvrement de la part leur revenant, comme il est dit à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR MONSIEUR ASSIE, PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER, faisant fonction de Président M. Thérèse Y...

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-6866
Date de la décision : 07/09/2000

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Expertise (article 106 du Code de commerce) - Caractère contradictoire - Convocation des parties.

Dans le cadre d'une expertise diligentée en application des dispositions de l'article 106 du code du commerce, la convocation des parties à une réunion d'expertise par fax adressé vingt quatre heures à l'avance satisfait suffisamment aux exigences de ce texte dès lors qu'un tel délai est suffisant en ce qu'il permet aux parties de se faire représenter et, s'agissant du transporteur, de prévenir en tant que de besoin son assureur

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Commissionnaire de transport - Responsabilité - Perte ou avarie.

Le commissionnaire de transport est garant de la bonne exécution de l'opération de transport qui lui a été confiée et il doit répondre du transporteur qu'il s'est substitué. S'agissant du convoyage d'un véhicule avec chauffeur qui a été pris en charge sans aucune réserve par le transporteur, la circonstance que le bon de livraison ne mentionne aucune réserve importe peu dès lors qu'il est établi que ce bon n'a pas été signé par le destinataire véritable, lequel à fait procéder à des constatations contradictoires dès que le véhicule lui a été remis. Lorsqu'au surplus, il résulte des opérations d'expertise que le dommage a nécessairement eu lieu durant le voyage, même si les conditions dans lesquels celui-ci s'est produit n'ont pu être précisément déterminées, le commissionnaire de transport, faute de démontrer que le dommage est imputable à une cause étrangère, tel un vice de la chose de nature à l'exonérer en totalité ou en partie, est tenu à réparation, sauf à se retourner en garantie contre son sous-traitant


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-09-07;1997.6866 ?
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