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29/06/2000 | FRANCE | N°JURITEXT000006936500

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 juin 2000, JURITEXT000006936500


Sur l'assignation délivrée à la société de droit français DISCOPHAR par la société de droit belge DARLEY, le tribunal de commerce de LIEGE (Belgique) a, en substance, et notamment par jugement contradictoire du 30 avril 1999 - interdit à la SARL DISCOPHAR d'utiliser sous quelque forme que ce soit, la marque BENELUX INTERNATIONAL, PREPHARMA PREPHARetPRENATURA - condamné la SARL DISCOPHAR à une astreinte de 100.000 francs belges par acte publicitaire posé en violation de cette interdiction, chaque plaquette ou feuillet pouvant constituer une violation, et d'un million de francs belge

s par offre en vente de produits portant lesdites marques, ...

Sur l'assignation délivrée à la société de droit français DISCOPHAR par la société de droit belge DARLEY, le tribunal de commerce de LIEGE (Belgique) a, en substance, et notamment par jugement contradictoire du 30 avril 1999 - interdit à la SARL DISCOPHAR d'utiliser sous quelque forme que ce soit, la marque BENELUX INTERNATIONAL, PREPHARMA PREPHARetPRENATURA - condamné la SARL DISCOPHAR à une astreinte de 100.000 francs belges par acte publicitaire posé en violation de cette interdiction, chaque plaquette ou feuillet pouvant constituer une violation, et d'un million de francs belges par offre en vente de produits portant lesdites marques, - condamné la SARL DISCOPHAR à verser à la société DARLEY une somme provisionnelle de 2.500.000 francs belges, 2 - désigné un expert aux fins de déterminer les préjudices subis, - autorisé l'exécution provisoire. Par ordonnance du 2 juillet 1999, le magistrat délégataire du Président du tribunal de grande instance de NANTERRE a déclaré exécutoire en France ledit jugement, en application des dispositions de la Convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968. Appelante de cette ordonnance, la SARL DISCOPHAR en sollicite l'infirmation, concluant au rejet des demandes de la S.P.R.L. DARLEY, et subsidiairement au sursis à statuer dans l'attente de l'issue du recours formé devant la Cour d'appel belge. Elle sollicite une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. La S.P.R.L. DARLEY, intimée, conclut au rejet de l'appel interjeté, demandant à la Cour de lui donner acte de ce que l'exposé des faits et de la procédure, tel que contenu dans les conclusions d'appel de la société DISCOPHAR, appelle les plus expresses réserves de sa part, et sollicitant une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. SUR CE SUR LA DEMANDE DE SURSIS A STATUER Considérant que la société DISCOPHAR expose qu'elle a interjeté appel

de la décision rendue le 30 avril 1999 par le Tribunal de commerce de LIÈGE, et demande à la Cour de -3 surseoir à statuer sur la demande "d'exequatur", en application de l'article 30 de la Convention de BRUXELLES, dans l'attente de la décision à intervenir de la part de la juridiction d'appel belge ; Que toutefois, le sursis à statuer prévu aux articles 30 et 38 de la Convention de BRUXELLES, dans l'hypothèse où la décision étrangère dont la reconnaissance est invoquée fait l'objet d'un recours ordinaire dans son pays d'origine, constitue pour le juge une simple faculté ; Qu'en l'occurrence, la société DISCOPHAR ne se prévaut d'aucun élément qui viendrait à justifier la mesure de sursis sollicitée, laquelle apparait au demeurant inopportune, eu égard à la matière du litige, et serait de nature à compromettre injustement les droits et intérêts de la société DARLEY ; Que dès lors, il convient de rejeter la demande de sursis à statuer ; SUR LE FOND Considérant qu'à l'appui de son appel, la société DISCOPHAR soutient que la décision belge du 30 avril 1999 a été rendue en contradiction avec les dispositions de la Convention de BRUXELLES; Que selon elle, cette décision serait contraire à l'ordre public français, de sorte que l'article 27 de ladite Convention s'oppose à sa reconnaissance, en ce qu'elle consacre l'existence d'une fraude à ses droits et qu'elle contrevient aux dispositions de l'article 6-7 de la Convention de PARIS sur la protection de la propriété industrielle, et en ce que le Tribunal de commerce de LIÈGE n'a pas motivé sa décision "dans l'esprit de la conception française de l'ordre public international résultant notamment de l'article 455 du Code de procédure civile" ; Considérant toutefois qu'en réalité ne se pose aucune question de compatibilité de la décision du tribunal de commerce belge avec l'ordre public international français ; Que l'allégation de fraude ainsi que la méconnaissance prétendue de la Convention de PARIS relèvent du fond

du litige dont a eu à connaître la juridiction belge et tendent en réalité à la remise en question de la décision étrangère elle-méme, de sorte que leur appréciation excède les pouvoirs de contrôle reconnus au juge de l'exequatur, qui ne peut se livrer à une révision au fond de la décision étrangère ; Qu'en outre, l'examen de la décision belge révèle que les juges ont analysé et décrit dans leur décision (à la rubrique 'présentation des parties - rétroactes et objet du litige) les faits ainsi que les moyens et prétentions des parties, et qu'ils y ont répondu (à la rubrique : "discussion') par une argumentation précise et circonstanciée, d'où ils ont déduit leur décision, laquelle n'encourt donc pas le grief tiré de l'absence de motivation prétendue ; Que les moyens dont il s'agit seront par conséquent rejetés; Considérant que la société DISCOPHAR fait valoir encore que le jugement du tribunal de commerce belge l'a condamnée à une astreinte de 100.000 francs belges par acte publicitaire posé en violation de l'interdiction prononcée et de 1.000.000 francs belges par offre en vente de produits portant sur les marques dont il s'agit, d'où elle déduit que le montant des condamnations n'a pas été fixé par les premiers juges, au sens de l'article 43 de la Convention de BRUXELLES, prévoyant que "les décisions étrangères condamnant à une astreinte ne sont exécutoires dans l Etat requis que si le montant en a été définitivement fixé par les tribunaux de l Etat d'origine " ; 5 Qu'elle demande en conséquence à la Cour de dire que ladite décision ne pouvait donner lieu à exequatur ; Considérant que la société DARLEY objecte que le tribunal de commerce de LIÈGE n'a pas condamné la SARL DISCOPHAR à des astreintes avant toute liquidation de ces dernières, et que bien au contraire, il subordonne l'application d'astreintes à la violation des interdictions d'usage de marques qu'il a édictées, et s'est donc borné à faire interdiction, à peine d'astreintes, à la société DISCOPHAR, de faire

usage des marques litigieuses ; Considérant toutefois que pour accessoires qu'elles soient en l'occurrence, les condamnations à astreintes prononcées par le tribunal de commerce ne satisfont pas à la condition posée par l'article 43 pré-cité, prévoyant que leur montant doit avoir été fixé définitivement par les tribunaux d'origine ; Qu'aussi convient-il de dire, en émendant sur ce point l'ordonnance déférée, que le jugement rendu entre les parties le 30 avril 1999 par le tribunal de commerce de LIEGE n'est pas exécutoire en France, du chef des astreintes prononcées ; Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; Que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties, eu égard aux mérites respectifs de leurs prétentions; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, RECOIT la SARL DISCOPHAR en son appel, 6 CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions, en disant toutefois que le jugement rendu entre les parties le 30 avril 1999 par le tribunal de commerce de LIEGE n'est pas exécutoire en France, du chef des astreintes prononcées, Y AJOUTANT, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, REJETTE les prétentions plus amples ou contraires, PARTAGE les dépens d'appel par moitié entre les parties, et dit qu'ils pourront, dans cette limite, être directement recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT Le Greffier Le Président, Catherine X... Colette Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006936500
Date de la décision : 29/06/2000

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Exequatur.

Une condamnation prononcée par un tribunal de commerce belge à l'encontre d'une société française ne saurait être déclarée applicable en France si elle contrevient à la conception française de l'ordre public international. Dès lors que des moyens fondés sur la fraude aux droits du demandeur et sur la méconnaissance de la Convention de Paris sur la protection de la propriété industrielle relèvent du fond du litige et tendent à remettre en question la décision étrangère elle-même, en l'occurrence une décision belge, leur appréciation excède les pouvoirs de contrôle reconnus au juge de l'exequatur, lequel ne peut se livrer à une révision au fond de la décision étrangère. En revanche, l'exigence posée à l'article 455 du Code de procédure civile selon laquelle les jugements doivent être motivés entre dans la conception française de l'ordre public international. Les décisions soumises révélant que les juges y ont analysé et décrit les faits, ainsi que les moyens et prétentions des parties, et qu'ils y ont répondu par une argumentation précise et circonstanciée, il s'ensuit qu'en l'espèce, aucune question de compatibilité de la décision du tribunal de commerce belge avec l'ordre public international français ne se pose

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Aux termes de l'article 43 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, "les décisions étrangères condamnant à une astreinte ne sont exécutoires dans l'Etat requis que si le montant en a été définitivement fixé par les tribunaux de l'Etat d'origine". La condamnation d'une société française par une juridiction belge qui tend à interdire à cette société l'utilisation de marques litigieuses, sous peine d'astreintes, ne satisfait pas à la condition posée par l'article précité, même si les astreintes n'ont en l'espèce qu'un caractère accessoire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-06-29;juritext000006936500 ?
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