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29/06/2000 | FRANCE | N°JURITEXT000006935470

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 juin 2000, JURITEXT000006935470


FAITS ET PROCEDURE : Au début de l'année 1988, la société SAGEM a été informée d'un certain nombre de sinistres incendie de téléviseurs qu'elle fabrique. Estimant que ces incidents étaient imputables à la carcasse d'un filtre antiparasitage acquis auprès de la société LECERF, la société SAGEM l'a assignée en référé et a obtenu par ordonnance du 29 avril 1998 du Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE la désignation de Monsieur X..., en qualité d'expert. La société LECERF s'étant fournie en carcasses auprès de la société de droit anglais MILES PLATTS, cette de

rnière a été mise en cause successivement par la société SAGEM, puis par la ...

FAITS ET PROCEDURE : Au début de l'année 1988, la société SAGEM a été informée d'un certain nombre de sinistres incendie de téléviseurs qu'elle fabrique. Estimant que ces incidents étaient imputables à la carcasse d'un filtre antiparasitage acquis auprès de la société LECERF, la société SAGEM l'a assignée en référé et a obtenu par ordonnance du 29 avril 1998 du Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE la désignation de Monsieur X..., en qualité d'expert. La société LECERF s'étant fournie en carcasses auprès de la société de droit anglais MILES PLATTS, cette dernière a été mise en cause successivement par la société SAGEM, puis par la société LECERF et les opérations d'expertise lui ont été rendues communes par ordonnance de référé du 22 septembre 1998. L'expert ayant constaté que les pannes semblaient effectivement avoir pour cause des défectuosités sur des picots montés sur les carcasses des filtres que la société MILES PLATTS achetait à la société de droit anglais Cutform Holding Limited et dont elle sous-traitait la métallisation par électrolyse à la société de droit anglais TOWNROE LIMITED. La société MILES PLATTS a attrait ces deux sociétés devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE afin de les voir associées à l'expertise diligentée par Monsieur X.... La société TOWNROE s'est opposée à la mesure d'extension sollicitée à son égard en soulevant une exception d'incompétence. La société CUTFORM a fait protestations et réserves. C'est dans ces conditions, que ce magistrat a, par décision du 25 mars 1999, déclaré l'ordonnance précédente du 29 avril 1998 commune à la société TOWNROE et à la société CUTFORM et dit qu'elles devraient intervenir dans les opérations d'expertise, en réservant les dépens. La société TOWNROE a relevé appel de cette ordonnance à l'encontre exclusivement de la société MILES PLATTS. Elle fait état de ses conditions générales de vente stipulant l'existence de clauses limitatives ou exclusives de

responsabilité ainsi que des dispositions soumettant son éventuelle responsabilité au droit anglais et tous différends nés à l'occasion du contrat à l'arbitrage d'une personne désignée par le Président de l'Institut de l'Industrie de la Métallisation en réservant aux tribunaux étatiques anglais toute difficulté liée à la mise en oeuvre de cet arbitrage. Elle soutient que les juridictions françaises sont incompétentes pour ordonner des mesures provisoires ou conservatoires entre elle-même et la société MILES PLATTS en faisant valoir que l'application de l'article 2 ou de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 conduit à retenir la compétence des juridictions anglaises. Elle ajoute que la société MILES PLATTS ne peut invoquer l'article 24 de la même convention pour rechercher la compétence des juridictions françaises en présence d'une clause attributive de compétence excluant les juridictions de cet Etat et en l'absence de lien de rattachement avec la FRANCE. Elle souligne que les juridictions françaises seraient elles compétentes, le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE qui avait épuisé sa saisine, ne le serait cependant pas à son égard pour la mettre en cause dans une expertise ou pour étendre la mission de l'expert à cette nouvelle partie, compte tenu de l'inapplicabilité de l'article 333 du nouveau code de procédure civile en matière internationale et en présence d'une clause compromissoire. Elle allègue, en toute hypothèse, l'inutilité de la mesure sollicitée et l'absence de réunion des conditions de l'article 145 du nouveau code de procédure civile en indiquant que son intervention forcée ne repose sur aucun fondement légitime Elle demande donc à la Cour de déclarer les juridictions françaises incompétentes et de dire n'y avoir lieu à sa mise en cause. Elle réclame, en outre, une indemnité de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société MILES PLATTS conclut à la confirmation de la décision déférée

sauf à y ajouter 10.000 francs de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 30.000 francs HT au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle oppose que le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE était compétent ratione materiae conformément à l'article 24 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 pour ordonner une expertise en observant que ce texte s'applique même en présence d'une clause d'arbitrage et qu'il existe bien, en la cause, un lien de rattachement avec la FRANCE. Elle estime que le Tribunal de Commerce de NANTERRE était également compétent territorialement en arguant des nécessités d'une bonne administration de la justice et de l'indivisibilité de la mesure d'instruction, outre de l'irrecevabilité de l'exception soulevée de ce chef par l'appelante, en vertu de l'article 75 du nouveau code de procédure civile. Elle se prévaut de l'article 145 du nouveau code de procédure civile pour considérer bien fondée l'ordonnance entreprise en affirmant que sa demande apparaît totalement légitime indépendamment de l'analyse juridique des responsabilités. L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 avril 2000. MOTIFS DE L'ARRET : Considérant que le litige soumis à la Cour a pour objet de déterminer si le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE était compétent pour rendre commune et opposable à la société TOWNROE l'ordonnance de référé du 29 avril 1998 et dans l'affirmative s'il était fondé à y procéder ; Que par conséquent, la présentation de sa situation et des modalités d'exercice de ses activités, comme des conditions restrictives ou exclusives de mise en oeuvre de sa responsabilité par la société TOWNROE concernant le fond, sont étrangères au présent débat. Considérant que la société TOWNROE qui invoque la clause compromissoire figurant à l'article 23 de ses conditions générales de vente laquelle aurait pour effet, si elle devait recevoir application lorsque le fond du litige sera évoqué de

le soustraire à la compétence des juridictions étatiques, ne peut utilement soutenir parallèlement que les juridictions anglaises qui seraient seules compétentes à son égard pour connaître du fond, tant en vertu de l'article 2 que de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, le seraient également, sur les mêmes fondements, pour ordonner toutes mesures provisoires ou conservatoires entre les sociétés MILES PLATTS et TOWNROE ; Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un Etat contractant peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet Etat, même si, en vertu de cette Convention, une juridiction d'un autre Etat est compétente pour connaître du fond ; Considérant que l'article 24 de la Convention de Bruxelles a vocation à s'appliquer même en présence d'une clause compromissoire ; Considérant que les mesures provisoires ou conservatoires au sens du texte précité, sont celles qui, dans les matières relevant du champ d'application de la Convention sont destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est, par ailleurs, demandée au juge du fond ; Que tel est le cas d'une décision de référé qui, comme en l'espèce, étend notamment à la société TOWNROE, une mesure probatoire et conservatoire d'expertise in futurum sans que l'urgence ne soit exigée conformément à l'article 145 du nouveau code de procédure civile qui constitue le fondement de l'ordonnance originaire du 29 avril 1998. Considérant que le lien de rattachement de la mesure d'expertise avec les juridictions françaises est bien réel puisque la mission de l'expert consiste à rechercher la cause des sinistres subis par les téléviseurs fabriqués par la société française SAGEM et situés en FRANCE, tandis que les picots dont la métallisation est attribuée à la société TOWNROE ne font l'objet

d'investigation de la part de ce technicien qu'en tant qu'ils ont été intégrés aux cartes d'alimentation sur lesquelles sont placés les filtres antiparasitage équipant ces téléviseurs ; Considérant par ailleurs que la clause compromissoire qui soumet aux juridictions anglaises uniquement les difficultés concernant exclusivement les dispositions de cette clause n'a pas expressément réservé à l'arbitrage les mesures provisoires ou conservatoires ; Qu'il n'est pas allégué, ni a fortiori établi, que les conditions générales d'achat de la société MILES qui stipuleraient une clause attributive de compétence aux juridictions anglaises dont la teneur ne peut être vérifiée par la Cour en l'absence de leur communication effective, aient expressément prévu que ces derniers statuent également en matière de mesures provisoires ou conservatoires. Qu'en toute hypothèse, la question de l'applicabilité des conditions générales de l'une ou de l'autre des parties ne pourra être trachée que lors de l'introduction de l'instance au fond et que même que si les juridictions anglaises étaient, en définitive, reconnues compétentes en vertu de l'article 17 de la Convention de Bruxelles pour connaître du fond du litige les juridictions françaises demeureraient, présentement et en l'état, compétentes pour ordonner avant tout procès, la mesure conservatoire en cause conformément à l'article 24 de cette convention. Considérant que la décision déférée a eu pour objectif et finalité de rendre commune, notamment à la société TOWNROE, une ordonnance de référé antérieure ayant prescrit une expertise sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile expressément visé par la société SAGEM laquelle a justement saisi le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE dans le ressort duquel la société LECERF, par elle assignée, a son siège social situé à BOULOGNE BILLANCOURT ; Que la décision attaquée ayant donc pour objet d'associer la société TOWNROE à la mesure

d'instruction ordonnée, avant tout procès, pour conserver la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige susceptible d'opposer ensuite la société SAGEM aux différents fournisseurs ou sous-traitants de composants prétendument défectueux des téléviseurs concernés, il s'ensuit que les dispositions des articles 331 et 333 du nouveau code de procédure civile relatifs aux mises en cause lorsque le procès est déjà né et le lien d'instance au fond est juridiquement formé, n'ont pas vocation à s'appliquer en référé. Considérant que la société TOWNROE n'est pas recevable à contester la compétence territoriale du juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE dès lors qu'elle n'a pas précisé la juridiction devant laquelle elle aurait souhaité que l'affaire soit portée conformément à l'article 75 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que dans la mesure où les picots des carcasses des filtres antiparasitages des téléviseurs défectueux et notamment leur revêtement métallique étaient susceptibles d'être à l'origine des sinistres, il existait un motif légitime pour la société MILES PLATTS, mise en cause dans une affaire opposant initialement la société SAGEM à la société LECERF, de vouloir faire établir, avant tout procès, la preuve que l'intervention de la société TOWNROE qui a métallisé des picots à sa demande, pouvait avoir contribué à engendrer des désordres indépendamment de l'appréciation juridique des responsabilités qui relèvera, le cas échéant, des seuls juges du fond compétents pour en connaître ; Que la prétention de la société MILES PLATTS est donc justifiée au regard de l'article 145 du nouveau code de procédure civile et la décision du Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE d'étendre les opérations d'expertise à la société TOWNROE s'avère fondée. Considérant que la société intimée ne démontrant pas le caractère abusif de l'appel que la société TOWNROE était en droit d'exercer pour la défense de ses intérêts sa demande

en dommages et intérêts sera rejetée ; Considérant que l'équité commande, en revanche, de lui allouer une indemnité de 13.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, laquelle n'étant pas soumise à la TVA, eu égard à sa nature, n'a pas lieu d'être accordée HT ; Considérant que la société TOWNROE qui succombe entièrement en son recours, supportera les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DECLARE la société de droit anglais TOWNROE irrecevable en son exception d'incompétence territoriale ; DIT que le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE était compétent pour statuer sur la demande de la société de droit anglais MILES PLATTS LIMITED ; CONFIRME pour le surplus l'ordonnance attaquée en tous ces chefs déférés ; REJETTE la demande en dommages et intérêts de la société MILES PLATTS LIMITED ; CONDAMNE la société TOWNROE à verser à la société MILES PLATTS LIMITED une indemnité de 13.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître RICARD, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. Thérèse Y...

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006935470
Date de la décision : 29/06/2000

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Aux termes de l'article 24 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 : "les mesures provisoires prévues par la loi d'un Etat contractant peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet Etat, même si, en vertu de la présente convention, une juridiction d'un autre Etat contractant est compétente pour connaître du fond". Dès lors que l'article 24 précité a vocation à s'appliquer même en présence d'une clause compromissoire et qu'au sens de ce même texte, les mesures provisoires ou conservatoires s'entendent de celles qui tendent à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder des droits dont la reconnaissance est, par ailleurs, demandée au juge du fond, c'est à bon droit qu'une partie demande qu'une ordonnance de référé prescrivant une expertise in futurum sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile soit déclarée commune à une autre, en l'espèce une société anglaise. En effet, la dite société, dont les conditions générales de vente intègrent une clause compromissoire réservant la compétence des seules juridictions anglaises, n'est pas fondée à contester la compétence du juge des référés alors que la question de l'applicabilité des conditions générales de vente relèvent de l'instance au fond. En outre, s'agissant de sauvegarder la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, mettant en cause le fabriquant d'un produit manufacturé et ses différents sous-traitants, les dispositions des articles 331 et 333 du nouveau Code de procédure civile, relatives aux mises en cause lorsque le procès est déjà né et que le lien d'instance est juridiquement formé, n'ont pas vocation à s'appliquer en référé, et que, pas davantage, la compétence territoriale du juge des référés ne peut être valablement contestée sur le fondement de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile qu'à condition que le demandeur à l'exception fasse connaître devant quelle juridiction il demande que l'affaire soit

portée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-06-29;juritext000006935470 ?
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