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29/06/2000 | FRANCE | N°1998-1864

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 juin 2000, 1998-1864


FAITS ET PROCEDURE La société anonyme LABORATOIRE MEDIX fabrique et distribue, entre autres produits pharmaceutiques, un médicament contre les brûlures, dénommé "Biafine" protégé jusqu'en Octobre 1996 par brevets. Cette société a été dirigée par Monsieur Paul X..., décédé en septembre 1994, et ensuite par Madame Catherine X..., sa veuve et leur fils Edmond, lesquels, avec quelques actionnaires amis détenaient la majorité du capital. D'autre part, Madame Catherine X... et son fils sont devenus, à la suite du décès de Monsieur Paul X..., copropriétaires des droits sur les m

arques et brevets "Biafine" avec Monsieur Y... X..., frère de Paul et...

FAITS ET PROCEDURE La société anonyme LABORATOIRE MEDIX fabrique et distribue, entre autres produits pharmaceutiques, un médicament contre les brûlures, dénommé "Biafine" protégé jusqu'en Octobre 1996 par brevets. Cette société a été dirigée par Monsieur Paul X..., décédé en septembre 1994, et ensuite par Madame Catherine X..., sa veuve et leur fils Edmond, lesquels, avec quelques actionnaires amis détenaient la majorité du capital. D'autre part, Madame Catherine X... et son fils sont devenus, à la suite du décès de Monsieur Paul X..., copropriétaires des droits sur les marques et brevets "Biafine" avec Monsieur Y... X..., frère de Paul et également actionnaire. La société HALISOL, qui se présente comme ayant vocation à prendre des participations dans les laboratoires pharmaceutiques pour les fédérer et leur permettre ensuite de faire face à la concurrence internationale, a fait part à Monsieur Y... X..., et ultérieurement à Madame Catherine X... de son désir d'acquérir leurs actions ainsi que celles des autres actionnaires et les brevets et marques leur appartenant. Pour se protéger de ce qu'elle considérait comme une action hostile, Madame Catherine X... a mis en place, le 09 mars 1995, un pacte avec d'autres actionnaires, dont Messieurs Z... et A... porteurs respectivement de 12 et 11 % des actions, et, en juin 1995, elle a refusé la proposition de la société HALISOL. Cette dernière s'est alors adressée, par courrier du 06 juin 1995, à tous les actionnaires pour leur faire part de son offre d'acquisition ferme au prix de 6.500 francs l'action, sous la double condition de la cession de 100 % des actions et du rachat de tous les brevets et marques appartenant à la famille X.... Dans ce contexte, lors d'une assemblée générale qui s'est tenue le 22 juin 1995, les actionnaires de la société LABORATOIRE MEDIX ont voté à la majorité la révocation des administrateurs en place et la nomination de nouveaux

administrateurs. Au cours de la même assemblée, il fut décidé de convoquer une nouvelle assemblée générale le 28 juillet 1995 pour délibérer sur l'ordre du jour qui n'avait pas été abordé. L'assemblée générale du 28 juillet 1995 a été précédée, le même jour, d'une réunion du conseil d'administration dans sa nouvelle formation, lequel a agréé la cession d'une action par Monsieur Y... X... à la société HALISOL et désigné cette dernière en qualité d'administrateur. Lors de l'assemblée générale qui suivit, les nouveaux administrateurs ont été à leur tour révoqués et remplacés par Madame Catherine X... et d'autres actionnaires soutenant son action. Par la suite la société HALISOL a acquis le 09 août 1995, 60 actions vendues par Monsieur B..., puis, ultérieurement de nouvelles actions de la société LABORATOIRE MEDIX, à hauteur de 47 % du capital de cette société, acquisition que la société LABORATOIRE MEDIX a refusé de transcrire dans ses registres, ce qui a entraîné plusieurs actions devant le juge des référés. Par ailleurs, et par assignation du 18 septembre 1995, la société LABORATOIRE MEDIX, Madame Catherine X..., Monsieur Edouard X..., Monsieur Daniel C... et Monsieur Jacques D... ont assigné devant le Tribunal de Commerce de VERSAILLES, Monsieur Bernard Z..., Monsieur Y... X..., Monsieur Alain E... et la société HALISOL pour voir notamment : prononcer la nullité des délibérations du conseil d'administration de la société LABORATOIRE MEDIX SA adoptées le 28 juillet 1995 et, plus particulièrement, l'agrément de la société HALISOL comme nouvel actionnaire de la société LABORATOIRE MEDIX ; déclarer inopposable à la société LABORATOIRE MEDIX SA la cession d'une action de cette société intervenue entre la société HALISOL et Monsieur Y... X... le 28 juillet 1995 ; ordonner la radiation pure et simple de ladite cession du registre des mouvements de titres de la société LABORATOIRE MEDIX SA ; condamner

solidairement Messieurs Y... X..., Bernard Z... et Alain E... à verser à la société LABORATOIRE MEDIX la somme de 10.000.000 francs en réparation du préjudice subi ; condamner la société HALISOL à verser également 10.000.000 francs de dommages et intérêts à la société LABORATOIRE MEDIX. Messieurs Y... X..., Alain E... et Bernard Z... ont conclu au rejet des prétentions adverses et réclamé 500.000 francs à titre de dommages et intérêts. La société HALISOL a également conclu au rejet des prétentions adverses et sollicité 500.000 francs de dommages et intérêts. " Par jugement en date du 20 septembre 1996 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des éléments de la cause, la juridiction sus-désignée a statué dans les termes ci-après : " Reçoit la société LABORATOIRE MEDIX, Madame Catherine X..., Monsieur Edmond X..., Monsieur Daniel C... et Monsieur Jacques D... en leur demande d'annulation des délibérations du conseil d'administration de la société LABORATOIRE MEDIX du 28 juillet 1995, les y dit mal fondés et les en déboute ; Dit n'y avoir lieu en conséquence : À de déclarer inopposable à la société LABORATOIRE MEDIX la cession d'une action intervenue entre Monsieur Y... X... et la société HALISOL ; À d'annuler l'agrément de la société HALISOL comme nouvel actionnaire de la société LABORATOIRE MEDIX ; À d'ordonner la radiation de la société HALISOL du registre des actionnaires du LABORATOIRE MEDIX ; À de constater la validité du pacte d'actionnaires signé le 09 mars 1995 jusqu'au 07 mars 1996 ; Condamne solidairement Monsieur Bernard Z..., Monsieur Y... X... et Monsieur Alain E... à payer à la société LABORATOIRE MEDIX la somme de UN MILLION CINQ CENT MILLE FRANCS (1.500.000 francs) à titre de dommages-intérêts ; Condamne la société HALISOL à payer à la société LABORATOIRE MEDIX la somme de TROIS MILLIONS DE FRANCS (3.000.000 francs) à titre de dommages-intérêts ; Reçoit

Monsieur Y... X..., Monsieur Alain E..., Monsieur Bernard Z... d'une part et la société HALISOL d'autre part en leurs demandes reconventionnelles respectives, les y déclare mal fondés, les en déboute ; Déboute la société LABORATOIRE MEDIX, Madame Catherine X..., Monsieur Edmond X..., Monsieur Daniel C... et Monsieur Jacques D... du surplus de leurs demandes ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; Condamne solidairement Monsieur Bernard Z..., Monsieur Y... X..., Monsieur Alain E... et la société HALISOL, à payer à la société LABORATOIRE MEDIX la somme de TRENTE CINQ MILLE FRANCS (35.000 francs) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne solidairement Monsieur Y... X..., Monsieur Bernard Z..., Monsieur Alain E... et la société HALISOL aux dépens" ; " Appel de cette décision a été interjeté, d'une part par la société HALISOL, et, d'autre part, par la société LABORATOIRE MEDIX, Madame Catherine X..., Monsieur Edouard X..., Monsieur C... et Monsieur D..., et les procédures issues de ces actes d'appel séparés ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 09 septembre 1999. " A l'appui de son recours, la société HALISOL prétend tout d'abord qu'il est de jurisprudence constante que seul l'administrateur a qualité à agir pour solliciter l'annulation de délibérations du conseil d'administration lorsque les griefs portent sur de prétendues fraudes, manouvres ou sur un défaut d'information préalable de cet administrateur et elle en déduit que la demande d'annulation de la délibération du conseil d'administration qui s'est tenu le 28 juillet 1995, formée par la société LABORATOIRE MEDIX et certains de ces actionnaires, doit être déclarée irrecevable.

F..., elle fait valoir que cette demande, à la supposer recevable, est dépourvue de tout fondement et elle conclut à la

confirmation du jugement déféré en ce qu'il a confirmé la validité des délibérations du conseil d'administration qui s'est tenue le 28 juillet 1995 et plus particulièrement en ce qu'il a été décidé, au cours de ce conseil, de son agrément en qualité d'actionnaire de la société LABORATOIRE MEDIX. A cet égard, elle soutient notamment que, contrairement à ce qui est prétendu, Monsieur Y... A..., actionnaire non mis en cause, a été régulièrement convoqué par télégramme à participer au conseil d'administration en litige, que l'information préalable de l'ensemble des membres du conseil d'administration a été respecté et que la cession d'action dont elle a bénéficié au cours de ce conseil a été effectuée dans le strict respect des statuts de la société LABORATOIRE MEDIX. En revanche, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer des dommages et intérêts à la société LABORATOIRE MEDIX et en ce qu'elle a rejeté sa propre demande de réparation. A cet égard, elle fait grief aux premiers juges d'avoir retenu qu'elle avait diffusé une offre trompeuse d'acquisition des actions de tous les actionnaires alors qu'elle savait que les conditions qu'elle avait elle même imposées ne seraient pas remplies. Elle soutient au contraire qu'elle a agi de manière totalement loyale en présentant son offre, étant observé que les destinataires de l'offre étaient libres de l'accepter ou de la refuser, et qu'elle n'a commis aucune faute en offrant une garantie financière à Messieurs A... et Z..., signataires du pacte d'actionnaire mis en place le 09 mars 1995. Elle estime par ailleurs que la société LABORATOIRE MEDIX, Madame Catherine X..., Monsieur Edmond X..., Monsieur C..., et Monsieur D... lui ont, par leurs actions abusives, causé un préjudice important et elle leur réclame en réparation la somme de 500.000 francs ainsi qu'une indemnité de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure

civile. " La société LABORATOIRE MEDIX, Madame Catherine X..., Monsieur Edouard X..., Monsieur D... et Monsieur C..., également appelants, soutiennent tout d'abord que l'action en nullité des délibérations du conseil d'administration de la société LABORATOIRE MEDIX est parfaitement recevable et que, contrairement à ce qui est prétendu, elle peut être valablement intentée par les actionnaires. Ils estiment également cette action fondée dès lors que Monsieur A..., administrateur, n'a pas été régulièrement convoqué et qu'il est suffisamment avéré par les pièces des débats, que le conseil d'administration a été réuni le 28 juillet 1995 dans des conditions révélatrices d'une fraude et en l'absence de toute information suffisante des administrateurs. Ils demandent, dès lors que soit prononcée la nullité des délibérations du conseil d'administration de la société LABORATOIRE MEDIX qui s'est tenu le 28 juillet 1995 et que soient déclarées inopposables à la société LABORATOIRE MEDIX les cessions d'actions intervenues dans ce contexte et en violation des statuts au profit de la société HALISOL. Ils estiment également que Messieurs Y... X..., Alain E... et Bernard Z... ont gravement nui par leurs agissements, en leur qualité d'actionnaires puis d'administrateurs, aux intérêts de la société LABORATOIRE MEDIX et demandent que ces derniers soient condamnés solidairement à payer à cette société, à titre de dommages et intérêts, la somme de 10.000.000 francs. Ils imputent également à la société HALISOL un comportement déloyal ayant entraîné pour la société LABORATOIRE MEDIX un préjudice qui ne saurait être chiffré à une somme inférieure à 10.000.000 francs, les réparations allouées par les premiers juges de ces chefs étant selon eux insuffisants. Enfin, ils réclament à la société HALISOL et Messieurs Y... X..., Alain E... et Bernard Z..., en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une indemnité de

50.000 francs en couverture des frais par eux exposés en première instance et une indemnité de même montant pour ceux exposés en cause d'appel. Messieurs Y... X..., Bernard Z... et Alain E... soutiennent tout d'abord, comme la société HALISOL, que la demande d'annulation des délibérations du conseil d'administration du 28 juillet 1995 est irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société LABORATOIRE MEDIX, de Madame Catherine X..., de Monsieur Edmond X..., de Monsieur C... et de Monsieur D... F..., et pour les mêmes motifs encore que la société HALISOL, ils estiment cette demande mal fondée et concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté ce chef de demande. En revanche, ils sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer des dommages et intérêts à la société LABORATOIRE MEDIX. Ils font tout d'abord valoir que cette société est irrecevable à agir à ce titre à leur encontre et, subsidiairement, ils soutiennent que cette demande est dépourvue de tout fondement. Enfin, estimant que l'action introduite contre eux est révélatrice d'un abus de droit et ils réclament à leurs adversaires 500.000 francs à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. " MOTIFS DE LA DECISION u SUR LA PRETENDUE IRRECEVABILITE DE L'ACTION EN NULLITE DES DELIBERATIONS DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DU 28 JUILLET 1995 Considérant qu'il est de principe qu'est ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt légitime, l'action tendant à faire déclarer la nullité d'un acte ou d'une délibération affectée d'un vice de portée générale, tandis que la nullité ayant pour objet la protection d'intérêts particuliers ne peut être invoqué que par la personne ou le groupe de personnes dont la loi assure la protection ; Considérant que la société HALISOL et Messieurs Y... X..., Bernard Z... et Alain E... soutiennent que l'action en

nullité introduite par Madame Catherine X..., prise tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante légale de la société LABORATOIRE MEDIX, ainsi que par les autres associés agissant à ses côtés, doit être déclarée irrecevable dès lors que cette action se fonde essentiellement sur un défaut de convocation et d'information de Monsieur Y... A..., alors membre du conseil d'administration, et que seul Monsieur A..., qui n'a pas cru devoir intervenir en la cause, aurait pu se prévaloir de ces irrégularités ; mais considérant que les appelants invoquent non seulement les irrégularités de forme susvisées, mais également le contexte frauduleux d'ensemble dans lequel s'est réuni le conseil d'administration lequel a permis notamment selon eux à la société HALISOL, avec la complicité des administrateurs présent, d'acquérir une action de la société LABORATOIRE MEDIX en vue de prendre ultérieurement le contrôle de celle-ci ; qu'il en résulte que les droits des actionnaires étant susceptibles d'avoir été lésés de même que ceux de la société MEDIX et en vertu du principe général du droit selon lequel la fraude corrompt tout, l'action en nullité doit être déclarée recevable ; u SUR LE BIEN FONDE DE L'ACTION EN NULLITE DE LA DECLARATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DU 28 JUILLET 1995 Considérant que, pour pouvoir déterminer si le conseil d'administration du 28 juillet 1995 s'est déroulé dans un contexte frauduleux, il convient d'analyser les circonstances qui ont précédé et entouré la tenue de ce conseil ; considérant qu'il résulte des pièces des débats que, à la suite du décès de Monsieur Paul X..., un différend est né entre ses héritiers, opposant d'une part Madame Catherine X... soutenue par des actionnaires amis dont son fils Edouard, et d'autre part Monsieur Y... X... soutenu également par un autre groupe d'actionnaires, ce différend étant lié à la cession envisagée par Monsieur Y... X... de

ses actions et de ses droits de propriété industrielle, projet dont a été informé le notaire de Madame Catherine X..., dès le mois de février 1995 ; que, pour consolider leur position et prétendument passer un accord de partenariat avec un groupe américain, Madame Catherine X..., son fils Edmond et Monsieur C..., ont conclu, le 09 mars 1995 un pacte d'actionnaire avec les époux D..., Monsieur Y... A... et Monsieur Bernard Z..., ce pacte leur permettant de contrôler 62,29 % du capital de la société LABORATOIRE MEDIX ; que dans le courant du mois d'avril 1995, Madame Catherine X... a appris que la société HALISOL était l'acquéreur éventuel des droits de Monsieur Y... X... et reconnaît avoir rencontré le 18 avril 1995 un responsable de cette société qui souhaitait acquérir la totalité des titres MEDIX ; que Madame Catherine X... a décidé, le 06 juin 1995, de ne pas donner suite à cette proposition pour se concentrer, selon ses dires, sur le partenariat susévoqué ; que, le même jour, la société HALISOL a adressé à tous les actionnaires de la société MEDIX une offre d'acquisition de leurs titres au prix de 6.500 francs l'action sous deux conditions, à savoir que lui soient cédées 100 % des actions composant le capital de la société MEDIX et que lui soient également cédés les marques et brevets relatifs à la Biafine, propriété personnelle indivise de Monsieur Y... et Madame Catherine X... ; que, pour s'assurer du succès de cette tentative de prise de contrôle, sachant que l'article 13 des statuts de la société MEDIX contient une clause d'agrément en cas de cession d'actions à un tiers, la société HALISOL a passé le 21 juin 1993 une convention avec Monsieur Y... X..., Monsieur A..., Monsieur Z... et Monsieur Alain E... aux termes de laquelle la société HALISOL invitait les intéressés à dénoncer le pacte d'actionnaire moyennant une indemnisation à hauteur de 3 millions de francs en cas de

condamnation judiciaire pour violation du pacte et à la condition que Monsieur Y... X... soit désigné Président du conseil d'administration de la société MEDIX ; que conformément à la stratégie ainsi mise en place et, après une réunion organisée par la société HALISOL, Monsieur A... et Monsieur Z... ont voté, lors de l'assemblée générale qui s'est tenue le 22 juin 1995 à l'instar de Monsieur Y... X... et Monsieur Alain E..., la révocation des administrateurs en place issus du groupe dirigé par Madame Catherine X..., leur nomination en qualité de nouveaux administrateur et la convocation d'une nouvelle assemblée pour le 28 juillet 1995 pour évoquer les points de l'ordre du jour de cette assemblée qui n'avait pu être abordés ; que, dans les jours suivants, Monsieur Y... A... s'est désolidarisé du groupe dirigé par Monsieur Y... X... et a envisagé de céder ses actions à Monsieur Jacques D..., allié de Madame Catherine X... ; que c'est dans ce contexte que s'est tenu le 28 juillet 1995, une réunion du conseil d'administration au cours de laquelle la société HALISOL a été agréée en qualité de nouvel actionnaire de la société MEDIX à raison d'une seule action cédée par Monsieur Y... X... et autorisée à participer à l'assemblée générale qui s'est tenue aussitôt après, assemblée au cours de laquelle, grâce à la procuration donnée par Monsieur A... à Monsieur Edouard X..., le groupe dirigé par Madame Catherine X..., fort de la nouvelle majorité ainsi acquise, a renvoyé les dirigeants désignés lors de la précédente assemblée du 22 juin 1995 ; considérant que les circonstances ci-dessus rappelées révèlent suffisamment en elles mêmes que le conseil d'administration du 28 juillet 1995 s'est déroulé dans un contexte frauduleux ; qu'en effet, ce conseil, qui avait pour objectif de permettre d'agréer la société HALISOL en qualité d'actionnaire, a été tenu dans des conditions de

précipitation manifestement anormales dont l'objectif était d'écarter à l'évidence la participation de Monsieur G... qui avait entre temps, malgré les incitations déloyales dont il avait fait l'objet de la part de la société HALISOL, rejoint le groupe d'actionnaires dirigé par Madame Catherine X... ; qu'à cet égard, force est de constater que Monsieur A..., qui se trouvait hors de PARIS, a été convoqué, selon une attestation de FRANCE TELECOM, par télégramme téléphoné le 27 juillet 1997 à 15 h 17 dont il n'est pas acquis qu'il ait eu personnellement connaissance, de sorte qu'il n'a pas été mis utilement en mesure de participer à la réunion du conseil d'administration qui devait se tenir le lendemain à 9 heures, pas plus qu'il n'a été informé précisément de l'objet de cette réunion pourtant capital pour l'avenir de la société MEDIX, le télégramme faisant seulement allusion à "l'agrément d'un nouvel actionnaire" ; qu'il suit de là qu'il est suffisamment établi que le conseil d'administration du 28 juin 1995 s'est tenu dans un contexte anormal ayant pour seule finalité, en l'absence voulue et recherchée de Monsieur A..., de permettre à la société HALISOL dans des conditions constitutives d'un abus de droit "d'entrée en force", avec l'aide d'une majorité factice, dans le capital de la société MEDIX et d'en prendre ultérieurement progressivement le contrôle, étant observé que cette société a dégagé en 1999 un bénéfice substantiel de plus de 30.000.000 francs et que le titre s'est fortement valorisé ; que dans ces conditions et dès lors que les irrégularités constatées s'inscrivent dans une stratégie frauduleuse d'ensemble, dépassant largement la protection des intérêts particuliers de Monsieur A... et affectant le fonctionnement même de la société, la nullité des délibérations du conseil d'administration du 28 juillet 1995 sera prononcée et la cession d'action consentie ce jour là à la société HALISOL par Monsieur Y... X... déclarée inopposable à

la société MEDIX, le jugement déféré étant infirmé de ce premier chef ; u SUR LA RESPONSABILITE DE MESSIEURS Y... X..., ALAIN E... ET BERNARD Z... Considérant qu'il apparaît des pièces des débats et des constatations qui précèdent que Messieurs Y... X..., Alain E... et Bernard Z... ont commis des fautes qui ont gravement nui à l'intérêt social de la société MEDIX, notamment en participant et en favorisant l'entrée "en force" de la société HALISOL dans le capital de cette dernière et ce dans le seul but de réaliser une forte plus value en cédant leurs actions à un partenaire qui n'aurait pas été agréé si une majorité régulièrement acquise avait pu se dégager ; que tout d'abord, force est de constater que les intéressés ont activement participé à l'action de déstabilisation entreprise déloyalement par la société HALISOL pour inciter certaines parties liées par le pacte d'actionnaires à le dénoncer contre promesse d'indemnisation en cas de litige ; que, forts de cette entreprise de déstabilisation, ils ont en outre voté dans des conditions déloyales la révocation des dirigeants en place pour se substituer à eux ; qu'ils ont également participé, en leur qualité de nouveaux administrateurs, à l'organisation du conseil d'administration du 28 juin 1995 qui a permis, dans des conditions frauduleuses, l'entrée d'un groupe concurrent dans le capital de la société MEDIX ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que la société MEDIX, victime de leurs agissements et dont l'intérêt social se trouve ainsi gravement atteint, leur demande réparation ; que la somme de 10.000.000 francs réclamés par cette dernière apparaît toutefois manifestement excessive ; que c'est à bon droit que les premiers juges, en fonction des éléments dont ils disposaient, ont fixé cette réparation à 1.500.000 francs ; uSUR LA RESPONSABILITE DE LA SOCIETE HALISOL Considérant que la société HALISOL a, comme il a été dit, mené une entreprise de déstabilisation empreinte d'une

totale déloyauté pour s'imposer dans le capital de la société MEDIX et en prendre progressivement le contrôle ; qu'à cet égard, force est de constater qu'après avoir appris que Madame Catherine X... n'entendait pas donner suite à son offre, la société HALISOL a incité, avec une promesse d'indemnisation en cas de procès, les actionnaires liés par un pacte à la majorité alors en place, à violer leurs engagements ; que, grâce à cette stratégie, elle a obtenu la révocation desdits dirigeants et activement participé à la réunion précipitée et constitutive d'un abus de droit d'un conseil d'administration lui permettant de se faire agréer comme nouvel actionnaire ; qu'ayant ainsi gravement nui à l'intérêt social de la société MEDIX, celle-ci est fondée à lui demander réparation ; que toutefois, la somme de 10.000.000 francs qui lui est réclamée par la société MEDIX apparaît excessive ; que c'est encore à bon droit que les premiers juges, en fonction des éléments dont ils disposaient, ont fixé cette réparation à 3.000.000 francs ; u SUR LES AUTRES DEMANDES Considérant que la société HALISOL et Messieurs Y... X..., Alain E... et Bernard Z..., qui succombent pour l'essentiel, seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts ; considérant par ailleurs, qu'il serait inéquitable de laisser à la société LABORATOIRE MEDIX les frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour ; que la société HALISOL et Messieurs Y... X..., Alain E..., Bernard Z... seront condamnés solidairement à lui payer une indemnité complémentaire de 30.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle qui lui a été déjà accordée au même titre que les premiers juges ; considérant enfin que la société HALISOL, Monsieur Y... X..., Monsieur Alain X... et Monsieur Bernard Z..., qui succombent, supporteront les entiers dépens ; " PAR CES MOTIFS La

Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, REOEOIT la société HALISOL d'une part et la société LABORATOIRE MEDIX, Monsieur C..., Monsieur D..., Madame Catherine X..., Monsieur Edmond X... d'autre par, en leur appel principal, et Messieurs Y... X..., Alain E... et Bernard Z... en leur appel incident ; INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a refusé d'annuler les délibérations du conseil d'administration de la société LABORATOIRE MEDIX du 28 juillet 1995; Statuant à nouveau, PRONONCE avec toutes conséquences de droit, la nullité des délibérations du conseil d'administration de la société MEDIX du 28 juillet 1995 qui s'est tenu dans un contexte frauduleux ; CONFIRME pour le surplus en toutes ses dispositions le jugement déféré mais par substitution partielle de motifs ; Y ajoutant, CONDAMNE solidairement la société HALISOL, Monsieur Y... X..., Monsieur Alain E... et Monsieur Bernard Z... à payer à la société LABORATOIRE MEDIX une indemnité complémentaire de 30.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par les premiers juges ; CONDAMNE solidairement les mêmes aux entiers dépens et AUTORISE la SCP d'Avoués JULLIEN-LECHARNY-ROL, à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. Thérèse H...

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-1864
Date de la décision : 29/06/2000

Analyses

SOCIETE ANONYME - Actionnaires - Action en justice.

L 'action tendant à faire déclarer la nullité d'un acte ou d'une délibération affectée d'un vice d'une portée générale est ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt légitime, tandis que la nullité ayant pour objet la protection d'intérêts particuliers ne peut être invoquée que par la personne ou le groupe de personnes dont la loi assure la protection. L'action en nullité des délibérations d'un conseil d'administration introduite par un actionnaire, tant à titre personnel qu'en qualité de représentant légal d'une société, qui se fonde sur un défaut de convocation et d'information d'un membre du conseil d'administration ainsi que sur le contexte général frauduleux ayant permis, au cours de la séance litigieuse, l'entrée d'un nouvel actionnaire ayant pour objectif de prendre le contrôle de la société, dès lors qu'elle n'est pas limitée aux seules irrégularités dont aurait pu se prévaloir le seul membre du conseil d'administration concerné, lequel n'est pas intervenu en la cause, mais implique aussi l'éventuelle lésion des droits des actionnaires, doit être déclarée recevable en vertu du principe général du droit selon lequel la fraude corrompt tout

SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Délibération - Nullité.

La convocation d'un membre du conseil d'administration, l'après-midi pour le lendemain matin par télégramme téléphoné, dont il n'est pas acquis que le destinataire ait eu personnellement connaissance, dans le but évident de l'évincer afin de permettre un renversement de majorité visant à agréer un nouvel actionnaire, dès lors que l'intéressé n'a pas été utilement mis en mesure de participer à la séance, pas plus qu'il n'a été informé précisément de l'objet d'une réunion pourtant capitale pour l'avenir de la société, atteste suffisamment que le conseil d'administration en cause s'est tenu dans un contexte anormal tendant, dans des conditions constitutives d'abus de droit, à une "entrée en force ", à l'aide d'une majorité factice, dans le capital de la société en vue de sa prise de contrôle ultérieure. Il s'ensuit que les irrégularités constatées, dépassant les intérêts particuliers d'un membre du conseil d'administration et affectant le fonctionnement même de la société, la nullité des délibérations du conseil d'administration litigieux doit être prononcée et la cession d'action intervenue en cours de séance déclarée inopposable à la société

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Société.

Une société qui, dans le cadre d'un projet de prise de contrôle d'une société tierce, incite des actionnaires à violer le pacte auquel ils ont souscrit, contre promesse d'indemnisation en cas de procès, et qui, grâce à cette stratégie, a obtenu la révocation des dirigeants hostiles ainsi que son agrément en qualité de nouvel actionnaire dans des conditions constitutives d'un abus de droit gravement nuisible à l'intérêt social de la société concernée, a commis une faute engageant sa responsabilité et doit réparation du préjudice ainsi causé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-06-29;1998.1864 ?
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