La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2000 | FRANCE | N°1998-648

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 juin 2000, 1998-648


FAITS ET PROCEDURE La société CLARINS assure la distribution de ses produits au moyen d'un réseau de distribution sélective. Seuls sont habilités à distribuer les produits de beauté et de parfumerie CLARINS les revendeurs agréés par cette société après qu'elle ait constaté qu'ils remplissent les critères de sélection fixés par elle. La société SENTOR a ouvert en 1994 un magasin de bijouterie-joaillerie et parfumerie au centre commercial des Ailes, à Vichy, et s'est adressée à plusieurs reprises à la société CLARINS pour obtenir une ouverture de compte et livraison de se

s produits, demandes auxquelles il n'a pas été satisfait. Suivant acte ...

FAITS ET PROCEDURE La société CLARINS assure la distribution de ses produits au moyen d'un réseau de distribution sélective. Seuls sont habilités à distribuer les produits de beauté et de parfumerie CLARINS les revendeurs agréés par cette société après qu'elle ait constaté qu'ils remplissent les critères de sélection fixés par elle. La société SENTOR a ouvert en 1994 un magasin de bijouterie-joaillerie et parfumerie au centre commercial des Ailes, à Vichy, et s'est adressée à plusieurs reprises à la société CLARINS pour obtenir une ouverture de compte et livraison de ses produits, demandes auxquelles il n'a pas été satisfait. Suivant acte du 07 octobre 1996, la société SENTOR a alors saisi le tribunal de Commerce de NANTERRE aux fins de voir la société CLARINS condamnée à lui livrer la commande passée en novembre 1994 et toutes autres qu'elle sera susceptible de lui adresser, sous astreinte de 5.000 francs par jour de retard, à lui payer une indemnité de 500.000 francs en réparation du préjudice commercial occasionné par le refus de vente qui lui a été opposé, ainsi qu'une somme de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société CLARINS s'est opposée à ces demandes en faisant essentiellement valoir que la société SENTOR n'apportait pas la preuve d'une faute, que son magasin ne satisfait pas aux critères de sélection qualitative requis pour la distribution des produits CLARINS, et que la prétendue commande de fin novembre 1994 est inexistante. Elle a sollicité une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement en date du 05 novembre 1997, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a débouté la société SENTOR de la totalité de ses demandes, motif pris que le rapport de l'évaluation du magasin effectuée par la société CLARINS est négatif, que la demande de produits formulée par

la société SENTOR ne peut être considérée comme une commande et qu'aucune des grandes marques du secteur n'est présente dans le magasin, et a condamnée la société SENTOR à payer une indemnité de 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Appelante de cette décision, la société SENTOR demande à la Cour de : - dire et juger qu'au vu d'une notation objective des exigences qualitatives du point de vente vichyssois de la société SENTOR, cette dernière doit être admise dans le réseau de distribution sélective de la société CLARINS. ; - condamner la société CLARINS à livrer à la société SENTOR sous astreinte de 10.000 francs par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir des marchandises d'une commande dite " d'ouverture de compte " ; - condamner la société CLARINS au paiement d'une somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial occasionné à la société SENTOR en raison du refus d'admission abusif dans le réseau de distribution sélective de ses produits ; - condamner la société CLARINS au paiement d'une somme de 25.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. " La société CLARINS réitère les arguments qu'elle a développés devant les premiers juges et conclut à la confirmation du jugement déféré dans les termes suivants : " vu les dispositions de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, - dire et juger que la société SENTOR, sur qui pèse la charge de la preuve, s'est abstenue d'établir l'existence d'une faute quelconque comme de démontrer le préjudice dont elle poursuit la réparation ainsi que le lien de causalité entre la faute et le dommage allégué ; - dire et juger que les conclusions du rapport de visualisation du magasin exploité par la société sentor situé à Vichy (03), Centre Commercial des Ailes, sont opposables à la société SENTOR ; - dire et juger que ledit magasin ne satisfait pas

aux critères de sélection qualitative requis pour la distribution des produits de la marque CLARINS ; - dire et juger qu'à aucun moment la société SENTOR ne s'est vue opposer un critère quelconque tiré d'un motif d'exclusion a priori d'un type de distribution donné ; - dire et juger que les affirmations par lesquelles l'appelante voudrait faire croire qu'il aurait été " question d'éliminer la grande distribution du secteur des produits de luxe " sont dénuées de tout fondement ; - dire et juger qu'à aucun moment la société CLARINS n'a enfreint les dispositions de l'article 81 du Traité CE, de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ou de l'article 1382 du Code Civil, mais qu'elle s'est au contraire scrupuleusement conformée aux principes de droit positif en matière d'admission dans un réseau de distribution sélective ; - dire et juger que la demande de l'appelante revêtait un caractère anormal et qu'elle était formulée de mauvaise foi, dès lors que la société SENTOR contestait à l'époque la licéité du réseau dans lequel elle demandait à entrer, ayant d'emblée fait savoir qu'elle ne se conformerait pas aux exigences dudit réseau ; - déclarer la société SENTOR tant irrecevable que mal fondée en ses demandes tendant à la condamnation de la société CLARINS à livrer sous astreinte des marchandises d'une commande dite " d'ouverture de compte " ; - déclarer la société SENTOR tant irrecevable que mal fondée en sa demande tendant à la condamnation de la société CLARINS au paiement d'une somme de 500.000 francs en réparation du préjudice commercial par elle allégué ; - ce faisant, confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ; - déclarer la société SENTOR tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, l'en débouter ; - condamner la société SENTOR au paiement d'une somme additionnelle de 30.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. " MOTIFS DE LA DECISION Considérant qu'il est

constant, tant en droit communautaire qu'en droit français, que les réseaux de distribution sélective ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 85 du traité de Rome, devenu article 81, ni de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors que les critères de sélection correspondent aux nécessités d'une distribution adéquate des produits en cause, présentent un caractère objectif, n'ont pas pour objet ou pour effet d'exclure par nature certaines formes de distribution, et ne sont pas appliqués de manière discriminatoire ; que la licéité du réseau de distribution sélective mis en place par la société CLARINS pour la distribution de ses produits, et en particulier des critères de sélection définis par elle, lesquels ne sont pas contestés dans leur principe par l'appelante, n'est pas en cause dans la présente instance, et a d'ailleurs été confirmée par plusieurs décisions de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; considérant ainsi que le litige soumis à la Cour porte sur l'application qui a été faite en la cause par la société CLARINS des critères de sélection définis par elle ; qu'il appartient au juge de veiller à ce que les critères de sélection ne soient pas appliqués de manière discriminatoire ou disproportionnée ; qu'il convient en conséquence d'examiner dans quelles conditions la société CLARINS a rejeté les demandes d'adhésion de la société SENTOR à son réseau de distribution sélective ; " Sur la procédure de sélection appliquée à la société SENTOR : Considérant que les conditions générales de vente de la société CLARINS versées aux débats par celle-ci définissent de façon détaillée à l'article VI.1 les modalités de gestion des demandes d'ouverture de compte dans les termes ci-après : " Toute demande d'ouverture de compte doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au siège de CLARINS. Afin que cette demande soit prise en considération par CLARINS, le point de vente pour lequel

l'agrément est sollicité doit être en activité ou, s'il s'agit d'une création de point de vente, les travaux doivent être achevés même si ce point de vente n'est pas encore ouvert au public. Dans un délai moyen de trois mois et maximum de cinq mois à compter de la réception de la demande, CLARINS procèdera à l'évaluation du point de vente afin de déterminer si la demande satisfait aux critères qualitatifs ; en suite de cette évaluation : C - Soit la demande est loin de satisfaire aux critères qualitatifs. Dans ce cas, CLARINS en informera le demandeur par écrit en lui indiquant les éléments qui ne satisfont pas aux critères qualitatifs. En conséquence, CLARINS n'inscrira pas cette demande sur la liste de gestion des demandes. B - Soit la demande est proche de satisfaire aux critères qualitatifs et pourrait y satisfaire pleinement si certaines mesures étaient prises concernant le point de vente. Dans ce cas, CLARINS en informera le demandeur par écrit. Si le demandeur s'engage expressément et par écrit à prendre ces mesures, CLARINS procèdera à l'enregistrement de sa demande sur la liste de gestion des demandes et en informera le demandeur par écrit. Le demandeur devra alors avoir pris lesdites mesures dans un délai de trois mois à compter de la date d'émission de la lettre lui communiquant le résultat de l'évaluation. Néanmoins, le demandeur pourra demander une extension dudit délai pour une durée supplémentaire de trois mois. A l'expiration du délai de trois mois (ou six, le cas échéant) CLARINS procèdera à une nouvelle évaluation dudit point de vente . C - Soit la demande satisfait aux critères qualitatifs. CLARINS procèdera alors à l'enregistrement de la demande sur la liste de gestion des demandes avec mention des dates d'évaluation du point de vente et d'enregistrement. CLARINS en informera le demandeur par écrit et ouvrira le compte dans un délai de neuf mois à compter de la date de l'évaluation. " considérant en premier lieu que, par lettre du 28

juin 1994, la société SENTOR annonçait l'ouverture de son magasin à Vichy le 1er septembre suivant, demandait à la société CLARINS de prendre en considération une ouverture de compte et sollicitait une rencontre ; qu'il lui fut répondu le 18 juillet que ne pouvaient être prises en considération que les demandes émanant de magasins déjà installés et qu'elle veuille bien reprendre contact quand le magasin serait ouvert ; considérant qu'ainsi, dès ce premier contact, la société CLARINS ne faisait pas application de ses propres conditions générales de vente, lesquelles prévoient que, en cas de création de point de vente, la demande d'ouverture de compte est prise en considération dès avant l'ouverture du magasin, dès lors que les travaux sont achevés ; que cette attitude était de nature à allonger indûment la durée de la procédure de sélection appliquée à la société SENTOR ; considérant en second lieu que, suite à deux relances, la société CLARINS faisait cependant procéder le 10 novembre 1994 à l'évaluation qualitative du magasin ("visualisation") ; que, de nouveau en contradiction avec ses conditions générales de vente, elle n'informait pas par écrit la société SENTOR du résultat de cette évaluation ; qu'elle indique dans ses écritures que " ce résultat sera ultérieurement porté à la connaissance du titulaire du point de vente, puis sera à nouveau discuté lors d'un rendez-vous sur place organisé le 12 avril 1995 entre le Directeur des Ventes France de la société CLARINS et le responsable de la société SENTOR " ; que, malgré une demande écrite de son conseil et une sommation interpellative délivrée à la société CLARINS, la société SENTOR n'a jamais reçu communication écrite du résultat de l'évaluation de son magasin et des éléments de celui-ci qui ne répondaient pas aux critères qualitatifs fixés par la société CLARINS ; qu'elle n'en recevra communication écrite qu'après avoir introduit la procédure, et dans le contexte de cette procédure ; considérant dès lors que,

quand bien même la société SENTOR ne conteste pas avoir été informée oralement début 1995, la société CLARINS, en s'abstenant de lui communiquer de façon précise et par écrit les éléments qui ne satisfont pas à ses critères de sélection, ne l'a pas mise en mesure de juger si elle pouvait utilement contester la mise en ouvre de la procédure de sélection à son égard, et notamment une éventuelle application discriminatoire des critères de sélection et si elle pouvait apporter à son magasin, le cas échéant, les améliorations nécessaires pour satisfaire aux dits critères ; considérant cependant que la société CLARINS prétend que la demande de la société SENTOR présentait un caractère anormal et de mauvaise foi et que celle-ci a délibérément choisi de se situer en marge des règles en vigueur en matière de distribution sélective des produits de beauté et de parfumerie, justifiant ainsi l'absence de prise en considération de ses demandes ; qu'elle tire argument à cet égard des courriers qui lui ont été adressés par la société SENTOR ou son conseil remettant en cause, selon elle, la licéité de son contrat de distribution sélective et des dispositions régissant l'admission dans son réseau de distribution ; mais considérant que, dans plusieurs lettres restées sans réponse, la société SENTOR relançait en effet la société CLARINS ; qu'en particulier dans une lettre du 25 novembre 1994, elle commandait les produits CLARINS pour un montant de 200.000 francs et pour une mise en place conforme aux exigences de CLARINS, précisant que, si cette proposition ne paraissait pas suffisante, CLARINS veuille bien lui renvoyer un bon de commande type correspondant à ses exigences ; que, par lettre du 26 janvier 1995, son conseil demandait communication des conditions générales de vente et des critères qualitatifs exigés par la société CLARINS ; que la société CLARINS lui adressait les conditions générales de vente le 13 février, attirant son attention sur les délais requis comme si aucune demande

n'avait encore été formulée, et annonçant la visite de son Directeur des Ventes pour le mois de mars ; que le conseil de la société SENTOR répondait le 15 février en contestant les délais invoqués comme lui paraissant incompatibles avec la réglementation générale du commerce, rappelant que la demande d'ouverture de compte datait de près de 7 mois, et invitant la société CLARINS à mandater son Directeur des Ventes dans les plus brefs délais ; considérant en conséquence que, quand bien même la société SENTOR n'a pas tenu compte de la procédure de sélection en vigueur en procédant à de nombreuses relances afin d'obtenir livraison, la société CLARINS est particulièrement mal venue à lui en faire grief alors que, comme précédemment constaté, elle a refusé de prendre en considération sa demande initiale au mépris de ses propres conditions générales de vente, s'est régulièrement abstenue de répondre à ses demandes et de lui préciser par écrit d'abord les critères d'accès à son réseau de distribution, puis son refus d'admission et les raisons de ce refus; que dans ce contexte, la lettre de protestation du conseil de la société SENTOR du 15 février ne saurait être interprétée comme une contestation de la validité du réseau et du processus de sélection , protestation au surplus légitime alors que la société CLARINS s'abstenait régulièrement de répondre aux lettres de sa cliente ; qu'en réalité la société CLARINS ne justifie d'aucun élément de nature à accréditer sa thèse selon laquelle la société SENTOR aurait contesté la licéité de son réseau de distribution sélective et aurait fait savoir qu'elle ne se conformerait pas aux exigences dudit réseau ; qu'elle n'apporte ainsi nullement la preuve que les demandes de celle-ci étaient anormales et de mauvaise foi ; considérant ainsi qu'il résulte des éléments précités que la procédure de sélection appliquée à la société SENTOR n'a pas été conforme à la procédure de sélection que la société CLARINS s'est elle-même imposée et qu'elle est tenue

d'appliquer, sans discrimination, à tous les candidats désireux de faire partie de son réseau de distribution sélective ; que de ce fait, la procédure appliquée en la cause ne répond pas, contrairement à ce qu'affirme la société CLARINS, aux exigences de l'article 81 du traité CE et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et est de nature à engager sa responsabilité civile à l'égard de la société SENTOR sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ; " Sur les critères de sélection appliqués à la société SENTOR :

Considérant que la société CLARINS justifie son refus d'agréer la société SENTOR comme distributeur de ses produits dans son magasin de Vichy par le rapport de la visualisation du point de vente réalisée le 14 novembre 1994, aux fins de déterminer si celui-ci satisfait aux critères de sélection qualitatifs ; que ce rapport montre que l'addition des notes attribuées pour chaque critère fait ressortir une moyenne de 48 points sur 120, alors qu'une moyenne minimum de 60 points est exigée ; qu'elle verse également aux débats le rapport d'une seconde visualisation à laquelle elle a fait procéder le 12 octobre 1996, soit quelques jours après l'introduction de la présente procédure, lequel comporte une notation légèrement inférieure, de 44 points, et précise en commentaire que la deuxième visite ne fait que conforter la première, voire même aboutit à une appréciation plus négative encore du lotissement commercial, due à un vieillissement prématuré des différentes structures ; que la faiblesse essentielle du point de vente, dans l'appréciation du représentant de la société CLARINS, réside dans la qualité de son environnement et de sa fréquentation : voisinage incompatible avec le prestige de la marque CLARINS, zone commerciale de produits " bon marché ", au surplus excentrée, locaux de type préfabriqué ; que le point de vente lui-même est qualifié de banal et sans attrait, d'aspect général froid, impersonnel, l'ensemble étant susceptible, par conséquent, de

desservir l'image de marque de CLARINS et de la parfumerie sélective ; considérant toutefois que la société SENTOR fait observer que, son magasin étant situé dans un centre commercial, c'est une note moyenne de 49 (et non de 60) qu'il devait obtenir pour être agrée, donc une note très proche de celle qu'il a obtenue ; qu'il ressort en effet du rapport type de visualisation de la société CLARINS que les points de vente en centre commercial font effectivement l'objet d'une notation séparée, mais lorsqu'ils sont enclavés dans une galerie marchande, ce qui n'est pas le cas du magasin de la société SENTOR au vu des éléments apportés aux débats ; que d'autre part cette notation spécifique comporte un questionnaire différent du cas général, adapté à la situation des galeries marchandes, avec un maximum de 98 points (au lieu de 120 dans le cas général), à l'issue duquel le magasin SENTOR n'aurait pu obtenir la même note moyenne de 48 ; que dès lors la société SENTOR ne saurait légitimement soutenir que, dans ce contexte, elle était très près de la note minimum requise et aurait dû être agrée ; considérant en outre que la société SENTOR verse aux débats un constat d'huissier dressé à sa requête le 19 juillet 1995, mais qui concerne les cabines de soins attenantes, qui ne sont pas en cause, et non le point de vente lui-même ni son environnement ; qu'il est intéressant cependant de constater qu'il ressort essentiellement de ce constat que les cabines et leur équipement sont à l'état neuf, et que revêtements muraux et de sol " présentent une qualité et un aspect luxueux ", ce qui rejoint, concernant les revêtements de sol, seul élément commun avec le magasin, l'appréciation du représentant de la société CLARINS qui avait bien noté ceux du magasin dans le premier rapport de visualisation (" +4 : attrayant pour la consommatrice ") ; considérant que la société SENTOR verse également aux débats un autre constat d'huissier relatif à l'importance de la fréquentation du point de vente, au sujet duquel la société CLARINS

fait observer à juste titre que ce n'est pas seulement le taux de fréquentation qui importe mais, s'agissant de produits de beauté et de parfumerie de luxe, d'avantage la qualité de la fréquentation, comme précisé d'ailleurs dans la définition des critères de sélection (" appréciation de l'importance de la fréquentation du point de vente par des consommateurs potentiels CLARINS ") ; considérant enfin que les photographies versées aux débats par la société SENTOR ne sont pas de nature à contredire l'appréciation très négative du représentant de la société CLARINS concernant l'environnement du point de vente, puisqu'elles ne montrent que l'intérieur et la vitrine du magasin et, concernant ces derniers éléments, ne démentent pas l'appréciation d'ensemble d'un point de vente banal et de qualité médiocre ; considérant qu'il ressort ainsi de l'ensemble des éléments versés aux débats que les rapports des deux visualisations auxquelles a fait procéder la société CLARINS apparaissent comme traduisant une réalité objective, contrairement à ce que soutient la société SENTOR ; que dès lors la société CLARINS, si elle a commis une faute dans la gestion de la procédure de sélection telle qu'appliquée à la société SENTOR, était néanmoins fondée à considérer que son magasin de Vichy ne satisfait pas aux critères de sélection qualitative requis et à refuser de l'admettre dans son réseau de distribution sélective ; considérant enfin que cette dernière constatation n'est pas remise en cause par l'impossibilité dans laquelle la société SENTOR s'est trouvée, du fait de l'absence de notification écrite, de faire éventuellement procéder à des modifications de son point de vente de façon à satisfaire aux critères de sélection CLARINS ; que, comme précédemment constaté, la faiblesse essentielle de ce point de vente réside dans la qualité de son environnement, à laquelle elle ne peut elle-même remédier, sauf à en changer la localisation, mais soumettre alors une nouvelle demande d'agrément ; que force est donc de

constater que la conclusion du représentant de la société CLARINS dans les commentaires de son deuxième rapport " il est tout à fait impossible et illusoire que de chercher les points nécessaires à l'ouverture d'un compte CLARINS dans ce magasin " apparaît fondée sur une appréciation objective de la réalité ; considérant, en conséquence, que le jugement déféré sera confirmé, mais par substitution partielle de motifs, et sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société SENTOR et l'a condamnée à verser une indemnité en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; considérant à cet égard que le non respect par la société CLARINS de sa propre procédure de sélection et son comportement fautif à l'égard de la société SENTOR dans ce contexte ont causé à celle-ci un préjudice, en ce qu'elle a été obligée de recourir à justice pour obtenir l'information précise écrite qui lui était due concernant les insuffisances de son point de vente au regard des critères de sélection et être mise à même de les discuter utilement, restant ainsi pendant longtemps dans l'illusion que son point de vente pourrait être agrée ; que la société CLARINS sera en conséquence condamnée à lui payer une indemnité de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts ; considérant également que, eu égard aux circonstances précitées, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ni en première instance, ni en cause d'appel ; considérant enfin que la société SENTOR, qui succombe pour l'essentiel dans ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens exposés à ce jour ; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, REOEOIT la SA SENTOR en son appel et, y faisant droit partiellement, CONFIRME le jugement déféré, par substitution partielle de motifs, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SA SENTOR et l'a

condamnée à payer à la SA CLARINS une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Et statuant à nouveau de ces chefs, CONDAMNE la SA CLARINS à payer à la SA SENTOR une indemnité de 100.000 francs en réparation du préjudice que lui a causé le non respect de la procédure de sélection et le comportement fautif de la SA CLARINS à cet égard, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ni en première instance ni en cause d'appel ; CONDAMNE la SA SENTOR aux entiers dépens et AUTORISE la SCP d'avoués MERLE etamp; CARENA DORON à recouvrer directement la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M.Thérèse GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-648
Date de la décision : 22/06/2000

Analyses

VENTE - Vente commerciale - Distribution sélective - Agrément

Tant en droit communautaire qu'en droit français, les réseaux de distribution sélective ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 85 du Traité de Rome, devenu article 81, ni de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, lorsque les critères de sélection correspondent aux nécessités d'une distribution adéquate des produits, présentent un caractère objectif, n'ont pas pour objet ou pour effet d'exclure par nature certaines formes de distribution, et ne sont pas appliqués de manière discriminatoire. S'agissant de la procédure de sélection appliquée à un candidat à la distribution des produits d'une marque donnée, lorsque consécutivement à une demande d'ouverture de compte, la demande est déclinée au motif que ne peuvent être prises en considération que les demandes émanant de point de vente déjà ouvert, contrairement aux conditions générales de ventes qui n'exigent que l'achèvement des travaux, qu'en outre, et de nouveau en contradiction avec les conditions générales de ventes, le résultat de l'évaluation du point de vente n'a fait l'objet d'aucune communication écrite, en dépit de demandes réitérées, que l'attitude et l'abstention du fabriquant, précitées, ont eu pour effet, tout à la fois, d'allonger indûment la procédure d'agrément et d'écarter toute possibilité pour le demandeur d'apprécier utilement de la rectitude de la mise en ouvre de la procédure de sélection à son égard ou encore des améliorations susceptibles d'être apportées, le cas échéant, à son point de vente, le non respect par le fabriquant de sa propre procédure de sélection, est contraire aux exigences de l'article 81 CE et de l'article 7 de l'article 7 l'ordonnance du 1er décembre 1986 et constitue une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil, l'obligeant à réparer le préjudice qui en est résulté pour le candidat à l'ouverture de compte, même s'il résulte des pièces des débats que le refus d'agrément reposait sur une appréciation objective


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-06-22;1998.648 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award