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22/06/2000 | FRANCE | N°1997-4742

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 juin 2000, 1997-4742


Le 23 juin 1987, à PARIS, est né Rachad X..., fils de Latifa X..., née le 18 janvier 1961 à TUNIS (Tunisie), de nationalité tunisienne, et de Abal El Nasser Y... EL Z..., né le 17 avril 1957 à EL KALYOUBIA (EGYPTE), de nationalité égyptienne, qui l'ont tous deux reconnu. Selon procès-verbal du 5 avril 1995, le juge du tribunal d'instance de VANVES (92) a refusé de délivrer à Madame Latifa X... le certificat de nationalité française qu'elle sollicitait pour son fils sur le fondement de l'article 19-1 du Code civil, au motif qu'en application de l'article 2 de la loi 26 de l'anné

e 1975 portant code de la nationalité égyptienne, tout enfant n...

Le 23 juin 1987, à PARIS, est né Rachad X..., fils de Latifa X..., née le 18 janvier 1961 à TUNIS (Tunisie), de nationalité tunisienne, et de Abal El Nasser Y... EL Z..., né le 17 avril 1957 à EL KALYOUBIA (EGYPTE), de nationalité égyptienne, qui l'ont tous deux reconnu. Selon procès-verbal du 5 avril 1995, le juge du tribunal d'instance de VANVES (92) a refusé de délivrer à Madame Latifa X... le certificat de nationalité française qu'elle sollicitait pour son fils sur le fondement de l'article 19-1 du Code civil, au motif qu'en application de l'article 2 de la loi 26 de l'année 1975 portant code de la nationalité égyptienne, tout enfant né d'un père égyptien, quelle que soit la nature de sa filiation, a la nationalité égyptienne, et qu'ainsi l'enfant Rachad, né d'un père égyptien, était lui-même égyptien et ne pouvait se voir attribuer la nationalité française sur le fondement de l'article 19-1, 2° du Code civil. Agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur Rachad X..., Madame X... a, selon acte initial du 16 juin 1995, saisi le tribunal de grande instance de NANTERRE aux fins de voir reconnaître la nationalité française à son enfant, sur le fondement de l'article 19-1 du Code civil. Par jugement du 28 mai 1997, après avoir retenu que Rachad X... ne pouvait prétendre ni à la nationalité égyptienne de son père, ni à la nationalité tunisienne de sa mère, le tribunal a dit qu'il était français, en application de l'article 19-1 2° du Code civil, et a ordonné qu'il soit procédé aux mentions prévues à l'article 28 du Code civil, laissant à la charge de chacune des parties les dépens par elles exposés. Appelant de cette décision, le MINISTÈRE PUBLIC demande à la Cour, en statuant à nouveau, de dire que l'enfant Rachad X... s'est vu attribuer à sa naissance la nationalité égyptienne de son père, et à défaut qu'il peut prétendre à la nationalité tunisienne de sa mère, et d'infirmer en conséquence le jugement déféré. Madame X..., ès-qualités, a constitué avoué mais n'a pas conclu.

SUR CE Considérant que l'article 19-1-2° du Code civil prévoit qu'est français l'enfant né en France de parents étrangers à qui n'est attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents ; Que pour s'opposer à la décision entreprise, qui a retenu qu'aucun des parents de l'enfant Rachad X... n'avait pu lui transmettre sa nationalité en vertu de sa loi nationale, et a dit en conséquence que cet enfant était français, le MINISTÈRE PUBLIC objecte tout d'abord que contrairement à la solution retenue par le tribunal, l'enfant né hors mariage peut, selon la loi égyptienne, être reconnu par son père, et bénéficier de la sorte de la nationalité égyptienne, ainsi qu' il résulte de la réponse officielle des autorités égyptiennes, récemment transmise à Madame le Garde des Sceaux par le Ministre des affaires étrangères ; Que le MINISTÈRE PUBLIC énonce à cet égard que rien ne s'oppose, sur le plan des principes, à ce que la reconnaissance d'un enfant naturel devant l'officier d'état-civil français, comme en l'espèce, établisse en droit égyptien un lien de filiation paternelle, et soutient qu'il n'importe que cette reconnaissance n'ait pas été entérinée par le consulat égyptien à PARIS, une telle formalité ne constituant pas une condition substantielle de l'établissement du lien de filiation ; Qu'à l'appui de cette thèse, il observe que l'attestation délivrée le 3 mars 1993 par le consulat égyptien ne fait pas obstacle à la transmission de la nationalité égyptienne, mais à l'enregistrement de l'enfant, c'est-à-dire à son inscription sur le registre consulaire qui permettrait la délivrance de documents d'identité et de voyage, d'où il déduit que le fait pour le père de s'abstenir d'effectuer une démarche officielle auprès de son consulat fait obstacle à l'inscription de l'enfant sur les registres, et non pas à la création du lien de filiation et à la transmission subséquente de sa nationalité ; Qu'il ajoute qu'il n'est pas sans intérêt de noter que

l'enfant né de mère marocaine et de père inconnu se trouve dans une situation comparable, puisque les autorités marocaines, tout en lui reconnaissant la nationalité marocaine, refusent d'inscrire l'enfant sur les registres et de lui délivrer des documents d'identité et de voyage au motif qu'il n'a pas été autorisé à porter le nom de la lignée maternelle, ceci démontrant que la question de l'attribution d'une nationalité par la loi étrangère doit être distinguée de celle de l'inscription sur les registres consulaires ; Qu'il fait valoir encore que sur le plan de l'opportunité, il est discutable d'accorder à une simple démarche administrative qui résulte de la seule volonté du père le pouvoir de créer ou non un lien de filiation au regard de son droit, avec pour conséquence majeure de reconnaître ou non à l'enfant la nationalité française, alors que le père se prévaudra par ailleurs de ce lien de filiation pour consolider sa propre situation sur le plan du droit de séjour ; Qu'il conclut en définitive que le droit égyptien admet l'existence d'un lien de filiation hors mariage lorsque l'enfant est reconnu par le père dans un document officiel, et que rien ne permet de refuser cet effet à la reconnaissance de l'enfant devant l'officier d'état-civil français, d'où il déduit que l'enfant Rachad X... s'est vu attribuer à la naissance la nationalité égyptienne de son père ; Considérant toutefois que s'agissant d'appliquer l'article 19-1-2° du Code civil pré-cité, il convient de s'attacher à la possibilité effective de l'enfant de bénéficier de la nationalité de l'un de ses parents ; Qu'il résulte de diverses attestations produites en première instance et délivrées par le Consulat Général de la République Arabe d'Egypte à PARIS, dont rien n'indique qu'elles ne seraient plus d'actualité, que d'une part l'enfant issu d'un mariage non enregistré au Consulat d'Egypte ne peut obtenir la nationalité égyptienne, un tel enfant n'étant pas reconnu en tant qu'égyptien selon la loi égyptienne, et que d'autre

part la naissance en dehors du territoire national d'un enfant naturel ne confère pas la nationalité égyptienne à cet enfant, d'où il suit à tout le moins que l'Etat égyptien exerce un contrôle rigoureux en matière d'état des personnes et de nationalité, et qu'il est exclu que sa loi, sur le plan de la nationalité, donne effet à un lien de filiation naturel résultant d'une simple reconnaissance effectuée devant un officier d'Etat-civil français et qui n'aurait pas été "entérinée" par le Consulat d'Egypte ; Que de toute façon, le MINISTÈRE PUBLIC ne produit aucun commencement de preuve à l'effet d'établir qu'une telle reconnaissance, effectuée devant un officier d'état-civil français, serait propre à établir un lien de filiation naturel, en droit égyptien, son analyse ayant valeur de simple hypothèse, non vérifiée, et la référence à la loi marocaine étant dénuée de signification et de portée à cet égard ; Que dès lors, l'enfant Rachad, né hors mariage d'un père égyptien et d'une mère tunisienne, et seulement reconnu par ses parents devant l'officier d'état-civil français, ne peut être considéré comme étant effectivement à même de prétendre à la nationalité égyptienne de son père ; Considérant que le MINISTÈRE PUBLIC fait valoir ensuite, à titre subsidiaire, que la loi tunisienne prévoit la transmission de la nationalité tunisienne à l'enfant né d'une mère tunisienne et d'un père inconnu ; Qu'il fait grief au tribunal d'avoir dit que l'enfant Rachad ne pouvait pas bénéficier de cette disposition, au motif que son père n'était pas inconnu, et d'avoir ainsi retenu que le terme de "père inconnu " désignait exclusivement en droit tunisien le père non dénommé ; Qu'il interprète la règle dont il s'agit en ce sens qu'elle serait transposable à l'hypothèse dans laquelle un lien de filiation paternelle n'est pas établi ou ne peut juridiquement être établi, et énonce que l'interprétation restrictive retenue par le tribunal a pour effet curieux d'attribuer la nationalité tunisienne à l'enfant

né de mère tunisienne et de père non dénommé, et de la refuser à l'enfant naturel de deux parents tunisiens, en ce qui concerne le père, au motif que la filiation n'est pas légalement établie et en ce qui concerne la mère au motif que le père est "connu" ; Que selon lui, la Cour ne pourrait décider que l'enfant ne se voit pas attribuer la nationalité tunisienne, parce qu'il n'est pas né de père inconnu, qu'à la condition de dire expressément et de façon motivée que la filiation paternelle de Rachad X... est établie en droit tunisien , et qu'à défaut, l'enfant doit être regardé comme étant tunisien, pour être né de mère tunisienne et de père inconnu ; Mais considérant que le MINISTÈRE PUBLIC ne produit aucun élément probatoire qui soit de nature à accréditer sa conception extensive de la notion de "père inconnu", lequel concept s'entend à l'évidence et à défaut d'éléments de preuve contraires du père dont l'identité n'est pas connue, hypothèse qui ne correspond pas à la situation de l'enfant Rachad ; Que dès lors, c'est à juste raison que le tribunal a encore retenu que l'enfant ne bénéficiait pas de la nationalité tunisienne de sa mère, et qu'il a tiré les conséquences de sa situation en disant que cet enfant est français, en application de l'article 19-1-2° du Code civil ; Que dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré, en disant toutefois que les dépens, tant de première instance que d'appel, seront à la charge de l'Etat français ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, RECOIT le MINISTÈRE PUBLIC en son appel, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, en disant toutefois que les dépens de première instance seront à la charge exclusive de l'Etat français, Y AJOUTANT, DIT que les dépens d'appel resteront à la charge de l'Etat français. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT : Le Greffier ayant assisté

Le Président, au prononcé, Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-4742
Date de la décision : 22/06/2000

Analyses

NATIONALITE - Nationalité française - Nationalité française d'origine - Français par la naissance - Cas d'attribution de la nationalité française - Enfant n'ayant la nationalité d'aucun de ses parents -

Aux termes de l'article 19-1.2° du Code civil, "est français l'enfant né en France de parents étrangers à qui n'est attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents". S'agissant d'un enfant né en France d'un père égyptien et d'une mère tunisienne, il convient de s'attacher à la possibilité effective de l'enfant de bénéficier de la nationalité de l'un de ses parents. En l'occurrence, dès lors que les attestations produites par le consulat d'Egypte indiquent qu'en l'absence d'enregistrement d'un mariage par ses propres autorités consulaires, la loi égyptienne ne peut conférer sa nationalité à l'enfant qui en est issu et qu'à l'égard d'un enfant naturel né en dehors de son territoire national, elle ne donne, pas davantage, effet à un lien de filiation résultant d'une simple reconnaissance effectuée devant un officier d'état-civil français, l'enfant évoqué ne peut prétendre à la nationalité égyptienne de son père. En outre, si la loi tunisienne peut conférer sa nationalité à l'enfant né d'une mère tunisienne et d'un père inconnu, cette dernière notion s'entend, à l'évidence, d'un père dont l'identité n'est pas connue, sans qu'une conception extensive, et purement spéculative, de la notion de père inconnu puisse être utilement invoquée. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que cet enfant ne pouvait bénéficier de la nationalité d'aucun de ses deux parents et en ont tiré la conséquence en disant qu'il était français par application de l'article 19-1.2° du Code civil


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-06-22;1997.4742 ?
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